L’errance diagnostique de générations de femmes autistes

Article mis à jour le 26 juin 2020.

« La majorité des diagnostics de TSA [trouble du spectre de l’autisme] chez les femmes autistes ne sont pas posés ou le sont trop tard. En outre, elles souffrent fréquemment du syndrome de stress post-traumatique (SSPT). En effet, elles sont plus souvent victimes de comportements abusifs dans leurs relations (famille, travail, couple, etc.) que les femmes non autistes. » (Schaerlaeken, 2020)

« jusqu’à 90% des femmes présentant des TSA [troubles du spectre de l’autisme] ont subi des violences sexuelles » (Salmona, 2017).

Errance

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La méconnaissance de l’autisme féminin a eu pour conséquence que beaucoup de femmes autistes n’ont pas été diagnostiquées ou ont été faussement diagnostiquées comme souffrant de diverses pathologies psychiatriques. Lorsqu’elles étaient diagnostiquées, ces femmes sentaient bien que ce diagnostic ne collait pas à ce qu’elles vivaient depuis leur enfance. C’est souvent en côtoyant d’autres personnes ayant reçu le même diagnostic qu’elles comprenaient que pour elles-mêmes celui-ci ne suffisait pas, qu’il y avait autre chose. Mais quoi ? Aucun.e professionnel.le (psychiatre, psychologue, psychothérapeute, etc.) n’était capable de le dire.

Des générations de femmes autistes non diagnostiquées ou faussement diagnostiquées n’ont donc pu bénéficier d’une prise en charge adaptée, mais ont été au contraire confrontées à une absence de traitement ou à des traitements inadéquats, souvent très préjudiciables.

Cette absence ou retard de diagnostic est lié au fait que la science ne s’est intéressée que très récemment à l’autisme féminin. Auparavant, la recherche médicale ne s’occupait quasiment que de l’autisme masculin et ceci depuis 1911, date à laquelle le mot autisme a été inventé (voir plus loin un bref historique de la recherche sur l’autisme). Dans mon article « Les femmes et les filles sortent de l’ombre », j’évoque déjà cette problématique du désintérêt de la recherche médicale pour les femmes :

« Jusqu’il y a peu, la médecine considérait en effet que l’autisme ne touchait quasiment que les garçons et les hommes. Cette croyance n’était due qu’à une recherche médicale concentrée exclusivement sur les hommes, à l’observation de leurs symptômes, de cobayes masculins pour les tests médicamenteux, etc. On ignorait donc comment les différentes formes d’autisme se manifestaient chez les femmes et les filles. Ce n’est que très récemment que la recherche médicale s’est intéressée à elles.

Par conséquent, les femmes et les filles autistes ont été et sont encore largement sous-diagnostiquées en raison d’un désintérêt de la recherche médicale à leur égard. (…)

Le désintérêt de la recherche pour les femmes ne concernait de loin pas que l’autisme. Pour ne prendre qu’un exemple : la médecine pensait également que les maladies cardio-vasculaires touchaient principalement les hommes, croyance basée sur le simple fait que les femmes n’avaient fait l’objet d’aucune étude à ce sujet (…).

Aujourd’hui, les femmes n’acceptent plus d’être les laissées pour compte de la recherche médicale. Elles exigent qu’on leur consacre également des études, afin d’être correctement diagnostiquées et de pouvoir ainsi recevoir les soins adéquats, tout comme les hommes. » (Kuhni, 2017).

L’autisme invisible des femmes autistes (camouflage social)

Les femmes autistes non diagnostiquées ou faussement diagnostiquées sont pour l’immense majorité des femmes autistes sans déficience intellectuelle (autistes Asperger ou de haut niveau), c’est-à-dire des femmes dont l’autisme est souvent invisible pour les professionnel.le.s qui ne connaissent pas l’autisme féminin.

L’intelligence de ces femmes leur permet de camoufler en grande partie leurs troubles autistiques. Toutefois, ce camouflage a pour elles un coût énorme en terme de souffrance et d’épuisement.

Camouflage

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Le camouflage social des femmes autistes est une conséquence de la culture patriarcale qui contraint les femmes et les filles à être souriantes, sages, obéissantes, attentives, douces, serviables, sans agressivité, etc. alors que l’on permet aux garçons et aux hommes d’être beaucoup plus libres dans l’expression de leur personnalité.

« Prétendre que les femmes et les filles auraient une tendance essentialiste, spécifiquement féminine, à vouloir camoufler leurs symptômes, et que ce serait la cause du désintérêt de la recherche médicale à leur égard, est particulièrement choquant, un réel déni de l’expérience de socialisation des femmes et des filles dans nos sociétés patriarcales et du désintérêt sociétal total à leur égard (les garçons et les hommes sont les seuls dignes d’intérêt).

Autrement dit, le camouflage social des femmes et des filles autistes n’a rien à voir avec une question essentialiste, de soi-disant personnalité féminine. Il s’agit ni plus ni moins que d’une volonté sociétale, d’un ordre implicite et même explicite qu’elles se taisent, comme toutes les femmes et les filles de notre société patriarcale. Car lorsqu’elles osent parler pour exprimer leurs différences, les souffrances et violences qu’elles subissent, la plupart du temps personne ne les écoute, ne les croit et les représailles pleuvent.

Ce n’est donc pas parce qu’elles ont la volonté de « correspondre aux attentes du groupe » qu’elles étaient invisibilisées. C’est uniquement parce qu’elles n’avaient d’autre choix que de faire semblant, abandonnées à elles-mêmes, sans aide, sans que personne ne s’intéresse à elles, malgré leurs tentatives d’exprimer leur détresse, leur sentiment d’être perdue, de ne rien comprendre au monde qui les entoure. Et à chaque tentative, elles comprenaient un peu mieux, comme toutes les femmes, qu’elles n’avaient qu’à se taire et faire comme si tout allait bien. » (Kuhni, 2017)

Toutefois, si le corps médical était formé à l’autisme féminin, ce camouflage social des femmes autistes Asperger ou de haut niveau n’empêcherait absolument pas le diagnostic d’autisme, mais serait au contraire un signe caractéristique de l’autisme féminin.

L’abandon des femmes et des filles autistes

En raison du désintérêt de la recherche médicale, des générations de femmes autistes Asperger ou de haut niveau n’ont donc jamais reçu de diagnostic d’autisme ou l’ont reçu beaucoup trop tardivement.

Ces femmes et ces filles autistes sont de véritables héroïnes. Abandonnées à elles-mêmes, sans aucuns soins, elles n’ont eu d’autre choix que de masquer leurs énormes difficultés pour survivre et ne pas sombrer. Mais pour elles, ce camouflage social et cette errance diagnostique engendrent des souffrances très importantes, avec un impact dramatique au niveau de leur santé psychique et physique et de l’ensemble de leur vie (plan social, affectif, professionnel, etc.).

Des générations de femmes et de filles autistes

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Ainsi, des myriades de femmes et de filles autistes sont abandonnées dans la souffrance extrême de l’errance diagnostique, sans aucuns soins adéquats, alors que les garçons et les hommes autistes bénéficient d’une prise en charge très complète (médecins, psychiatres, psychologues, psychothérapeutes, logopédistes, ergothérapeutes, assistant.e.s sociales.aux, auxiliaires de vie, etc.) pour traiter les différentes problématiques liées à leur autisme (socialisation, interactions sociales, communication, cognition, difficultés sensorielles, motricité, traitement médical).

Pendant ce temps-là, les femmes et les filles autistes sont non diagnostiquées ou ballottées de professionnel.le.s en professionnel.le.s (médecins, psychiatres, psychothérapeutes, autres thérapeutes, etc.), avec chaque fois des diagnostics tous plus contradictoires les uns que les autres, sans jamais savoir ce qui leur arrive vraiment.

Lorsque j’ai parlé de l’autisme féminin et des recherches récentes à ce sujet aux femmes que j’accompagne qui présentaient des signes et des symptômes d’autisme, elles ont la plupart d’entre elles ressenti un énorme soulagement, comme une nouvelle naissance : elles avaient enfin un sens à poser sur ce qu’elles vivaient depuis leur toute petite enfance. Elles comprenaient enfin ce qui leur arrivait, car depuis qu’elles étaient de toutes petites filles, elles vivaient un quotidien chaotique et ne comprenaient rien de ce qui leur arrivait puisque personne n’était capable de leur poser un diagnostic d’autisme.

Au cours de leur errance diagnostique, beaucoup de ces femmes autistes avaient travaillé avec des thérapeutes dont elles se sentaient incomprises et dans des groupes de thérapie où elles subissaient des feedbacks violents parce que leur vécu, leur intensité hors-norme et leur étrangeté avaient pour conséquence de faire peur aux autres membres du groupe ou d’être accusées de surjouer ou de jouer la comédie.

Cette situation était la conséquence directe de thérapeutes non formés à l’autisme et encore moins à l’autisme féminin. Ce manque de formation produit très souvent un rejet de la personne autiste par le thérapeute voire de la maltraitance dans les groupes de thérapie. Voici quelques exemples de ce qui provoque souvent un fort rejet de la personne autiste dans le cadre thérapeutique: maladresse dans les comportements sociaux, stéréotypies, intérêts restreints, masking ou camouflage social, besoin d’isolement, évitement du contact oculaire, hyper ou hypo réactivité aux stimuli sensoriels, anxiété extrême, terreur relationnelle, effondrements autistiques par meltdown (fureur, explosion difficile à calmer) ou par shutdown (implosion, profond repli autistique), le second type d’effondrement succédant souvent au premier, etc.

La violence de l’errance diagnostique pour les autistes (troubles psychotraumatiques)

Pour les personnes autistes, tant qu’il n’y a pas de diagnostic, qu’elles ne comprennent pas ce qui leur arrive, qu’elles sont maltraitées socialement et que leur vie n’est pas organisée en fonction de leur autisme, chaque contact avec le monde extérieur (interactions sociales, hyper-sensibilité sensorielle, etc.) peut être d’une violence phénoménale, causant à chaque fois un traumatisme profond. Par conséquent, le simple fait de ne pas diagnostiquer les personnes autistes engendre pour elles des troubles psychotraumatiques très importants.

Ainsi, la méconnaissance de l’autisme féminin cause-t-elle une souffrance considérable pour les femmes autiste, et ceci dès leur toute petite enfance. Et cette souffrance ne fait que s’accroître à l’adolescence et pendant toute leur vie d’adulte.

Par conséquent, une vie d’errance diagnostique laisse de profonds traumatismes chez les femmes autistes. Et l’incompréhension de ce qui leur arrive provoque en elles un état de stress très élevé et continu ainsi qu’un désespoir abyssal. Autrement dit, l’errance diagnostique des femmes et des filles autistes est en elle-même une violence extrêmement grave, avec toutes les conséquences psychotraumatiques que cela implique.

Pour avoir une idée de ce que cela représente, si une femme obtient un diagnostic d’autisme à 50 ans, cela signifie qu’elle aura vécu 50 ans de graves traumatismes à cause de l’errance diagnostique. En effet, un diagnostic de TSA peut être posé dès l’âge de 2 ou 3 ans avec des signes avant-coureurs souvent décelables à partir de 12 mois voire plus tôt, sachant que l’autisme est une caractéristique présente dès la naissance et que les symptômes deviennent souvent clairs entre 12 mois et 24 mois.

Donc sans prise en charge précoce, la personne autiste va dès son plus jeune âge subir un état de stress phénoménal et sombrer dans le désespoir le plus total. C’est la raison pour laquelle, une prise en charge précoce des enfants autistes est fondamentale et même vitale. C’est l’unique moyen de donner un maximum de chance à l’enfant et au futur adulte de ne pas vivre un enfer, mais d’avoir au contraire une qualité de vie satisfaisante.

Pour les femmes autistes qui reçoivent enfin un diagnostic ou qui comprennent enfin qu’elles sont probablement autistes*, si elles ont la chance d’avoir un.e thérapeute formé.e en autisme féminin ET en psychotraumatologie, elles peuvent enfin travailler leurs multiples traumas (vécus violents dans les interactions sociales et avec les altérations sensorielles, maltraitances sociales, violences sexuelles, etc.), organiser leur vie en fonction de leur autisme et trouver un façon d’échanger avec le monde en se respectant pleinement.

(*) Le diagnostic d’autisme est très difficile à obtenir pour les femmes et les filles autistes (un véritable chemin de croix). Donc la simple reconnaissance par elle-même de leur autisme suffit souvent à faire un travail thérapeutique très efficace. Ne jamais oublier que les meilleures expertes en autisme, ce sont les personnes autistes elles-mêmes. Par conséquent, si elles n’obtiennent pas de diagnostic, les personnes autistes sont tout à fait capables de le poser pour elles-mêmes, à condition qu’elles aient les informations nécessaires pour le faire. C’est la raison pour laquelle, dans les groupes de parole pour femmes autistes que j’anime, j’accueille à la fois des femmes autistes diagnostiquées et des femmes autistes non diagnostiquées.

Tine Nys, symbole des vies fracassées par l’errance diagnostique des femmes autistes

Janis Schaerlaeken est une docteure en médecine avec expérience en milieu psychiatrique. Elle est aussi une femme diagnostiquée autiste. Elle a écrit un article remarquable intitulé Carte blanche sur l’euthanasie de Tine Nys: «L’autisme pose un défi à notre société» publié le 22 janvier 2020 dans le quotidien belge Le Soir.

Pour éviter que ce remarquable article de Janis Schaerlaeken ne disparaisse, vous en trouverez la retranscription complète en fin de cet article.

Dans cet article, Janis Schaerlaeken évoque le cas de Tine Nys euthanasiée à sa demande en 2010. Cette jeune femme de 38 ans venait d’apprendre quelques semaines plus tôt qu’elle était autiste : « Je suis indignée et profondément bouleversée qu’une jeune femme de 38 ans, qui savait depuis quelques semaines seulement qu’elle était autiste, après une vie d’errance diagnostique, une vie fracassée, n’ait pas eu l’occasion d’intégrer cet événement décisif et déterminant dans sa vie. » (Schaerlaeken, 2020)

Tine Nys

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Au lieu d’aider cette jeune femme à vivre en comprenant son autisme qu’elle venait de découvrir et en recevant une prise en charge adéquate, on l’a aidé à mourir dans l’incompréhension totale de ce qui lui arrivait, abandonnée par un corps médical incompétent en autisme féminin.

La méconnaissance de l’autisme féminin a fait vivre à Tine Nys de telles souffrances tout au long de sa vie qu’à 38 ans, elle n’a eu d’autre alternative que de demander à mourir : « La majorité des diagnostics de TSA chez les femmes autistes ne sont pas posés ou le sont trop tard. En outre, elles souffrent fréquemment du syndrome de stress post-traumatique (SSPT). En effet, elles sont plus souvent victimes de comportements abusifs dans leurs relations (famille, travail, couple, etc.) que les femmes non autistes. (…) Le diagnostic de SSPT est souvent omis parce que la manifestation du trouble est différente dans l’autisme, et trouve sa source dans des causes peu habituelles, telles que les conflits, le harcèlement et la perte de contrôle. (…) La souffrance relationnelle et professionnelle s’accumule, se combine avec un profond sentiment d’impuissance et des traumatismes, et alors un cocktail mortel émerge. Dans de telles circonstances, il est facile d’imaginer que la mort apparaisse comme une issue. » (Schaerlaeken, 2020)

Janis Schaerlaeken parle de « la « génération perdue « de femmes autistes, celle qui n’a pas été diagnostiquée dans l’enfance » (Schaerlaeken, 2020). En effet, pour l’autisme qui est une caractéristique présente dès la naissance, les interventions précoces sont fondamentales, afin de donner un maximum de chance à l’enfant et au futur adulte d’avoir une qualité de vie satisfaisante grâce à une prise en charge adéquate.

Tine Nys a donc vécu une vie chaotique à cause d’une errance diagnostique de 38 ans puisqu’elle n’a bénéficié d’aucune prise en charge précoce et qu’il a fallu 38 ans pour qu’elle reçoive un diagnostic d’autisme : « Je suis médecin et j’ai travaillé en milieu psychiatrique pendant plusieurs années. Avec le recul, je réalise que j’ai moi-même souvent omis de poser un diagnostic d’autisme chez des patientes, alors qu’elles répondaient aux critères. Ces femmes erraient depuis des années dans les établissements psychiatriques et généralement un trouble de la personnalité limite (ou trouble « borderline ») leur avait été attribué à tort, avec toutes les conséquences que cela implique, car le traitement basé sur ce diagnostic est généralement très préjudiciable pour une femme autiste. » (Schaerlaeken, 2020)

L’autisme, une richesse pour nos sociétés

Si la société ne considérait plus leurs particularités comme un handicap mais comme une ressource, les personnes autistes pourraient être une richesse considérable pour nos sociétés, parce qu’elles perçoivent le monde et abordent les problématiques de façon différente que les personnes neurotypiques.

Pour information, à l’origine, le terme neurotypique a été créé par les personnes autistes pour désigner les personnes non autistes. Par la suite, ce terme a été adopté par les personnes militant pour la neurodiversité. Il s’est alors élargi pour signifier personnes sans différence neurologique (non autistes, sans TDAH, etc.)..

Janis Schaerlaeken aborde également ce thème dans son article quand elle explique que l’autisme est vu comme un handicap parce que nos sociétés excluent toutes formes de pensée et d’être qui s’éloigneraient de la norme neurotypique :

« L’autisme pose un défi à notre société (…) « L’autisme c’est être éveillé dans un monde qui sombre encore dans le coma ». Comment la société va-t-elle réagir à ce don ? (…) nous percevons les choses comme elles sont, et que ce n’est pas toujours plaisant à voir. Et on ne veut pas toujours entendre ce que nous discernons.  (…) De plus en plus de voix au sein du mouvement de la neurodiversité s’élèvent, soutenant que l’autisme constitue une précieuse variante génétique de l’espèce humaine (…). Ce que les personnes autistes ont à offrir de spécifique et précieux est souvent en contradiction avec ce que l’on attend d’elles, des attentes normées qu’elles ne peuvent pas forcément satisfaire. Une société qui ne s’adapte pas à la neurodiversité dans tous les domaines pertinents, tels que le travail, le logement, la vie associative et les clubs sportifs, l’éducation, l’école et la formation, l’appareil judiciaire, policier, administratif contribue à ce que l’autisme (…) devienne un handicap. » (Schaerlaeken, 2020

Ce thème est également abordé dans une excellente brochure publiée en 2015 par le Groupe Asperger de l’association Autisme Suisse Romande : « Vivre avec le syndrome d’Asperger, c’est une autre manière d’être et de penser. Le handicap qui peut en découler est la conséquence de notre difficulté à accepter cette différence. » (Groupe Asperger, 2015).

Le fonctionnement méthodique des autistes Asperger est un atout essentiel dont nos sociétés n’ont pas conscience ou qu’elles rejettent : « être Asperger c’est penser et agir selon une méthode avec un besoin de clarté et de logique que les non-autistes ne perçoivent pas, et souvent ne respectent pas ». (Groupe Asperger, 2015).

Les autistes Asperger ont également d’autres précieux atouts : une grande honnêteté, de la fidélité dans les rapports humains, de la fiabilité et de la loyauté ; l’absence de préjugés ; le sens de la justice et de l’intégrité ; une pensée originale ; une extraordinaire volonté de s’adapter et de s’intégrer ; la capacité de percevoir et de mémoriser les détails qui peut permettre d’exceller dans certains domaines ; la capacité d’apprécier les attentes claires et d’y répondre ; la capacité d’identifier des erreurs dans des procédures (utile dans certains métiers) ; dans certains métiers, les intérêts spécifiques peuvent être mis à contribution (Groupe Asperger, 2015).

Autrement dit, le jour où elle sera acceptée, la manière d’être et de penser des personnes autistes deviendra une grande richesse pour nos sociétés. Imaginez ce que des millions d’autistes diagnostiqué.e.s et des millions de femmes et de filles autistes invisibilisées (non diagnostiquées) pourraient apporter à la société au lieu d’être considéré.e.s comme dysfonctionnant.e.s en raison d’un rejet de la neurodiversité.

Bref historique de la recherche sur l’autisme

La recherche sur l’autisme a débuté très tardivement. En effet, le mot autisme lui-même n’a été inventé qu’en 1911 pour désigner une forme régressive de la schizophrénie (état de repli sur soi) qui est un trouble faisant partie de la psychose (troubles avec perte de contact avec la réalité).

Pendant les décennies qui ont suivi, les connaissances sur l’autisme ne progresseront pas réellement, celui-ci continuant d’être vu comme une caractéristique de la schizophrénie (donc de la psychose). Il faudra attendre près de 70 ans, avec la parution du DSM-III, pour que l’autisme sorte de la schizophrénie pour devenir un trouble à part entière. Suite à cette étape importante, c’est entre 1980 et 1990 que la recherche sur l’autisme va faire des progrès majeurs grâce la contribution de la pédopsychiatre anglaise Lorna Wing qui, avant l’arrivée de la neuro-imagerie cérébrale, fait l’hypothèse que chez les enfants autistes un certain nombre de zones cérébrales sont vulnérables, tout particulièrement celles qui traitent de l’information sociale et soutiennent les facultés de communication. Lorna Wing militera pour la reconnaissance des déficits chez ces enfants en termes de communication et d’interactions sociales. A partir de là, les critères diagnostiques seront en constante évolution de 1994 (parution du DSM-IV) à 2013 (parution du DSM-5).

Pour information, le DSM (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l’American Psychiatric Association) est le répertoires de référence de la psychiatrie. La partie dédiée aux troubles mentaux de la CIM (Classification internationale des maladies de l’OMS) est également un répertoire de référence pour la psychiatrie. Les deux répertoires ont des équivalences mais également quelques différences. Pour les équivalences, par exemple, les rubriques ou codes de la CIM ont la plupart du temps une équivalence avec les rubriques ou codes du DSM. La version actuelle de la CIM est la CIM-10 (Organisation Mondiale de la Santé, 2000). La CIM-11 publiée le 18 juin 2018 et présentée en mai 2019 à l’Assemblée mondiale de la Santé entrera en vigueur le 1er janvier 2022.

Voici un bref historique de la recherche sur l’autisme :

– C’est le psychiatre suisse Eugène Bleuler, contemporain de Freud, qui a inventé en 1911 le mot autisme (du grec ancien αὐτός, qui signifie soi-même) pour caractériser l’état de repli sur soi des adultes schizophrènes (autisme bleulérien chez l’adulte).

– En 1943, Léo Kanner publie son célèbre article dans lequel il décrit 11 enfants autistes. Contrairement à Bleuler qui l’applique sur des adultes, il utilise donc le mot autisme pour désigner un trouble infantile : l’autisme infantile précoce qui deviendra plus tard l’autisme de Kanner.

– En 1943, Hans Asperger utilise également le mot autisme pour désigner un trouble infantile : la psychopathie autistique de l’enfance.

– Lorsque paraît le 1er DSM (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l’Association Américaine de Psychiatrie), soit le DSM-I (1952), celui-ci ne fait pourtant aucune mention à l’autisme.

– Dans le DSM-II (1968), la notion d’autisme apparaît pour la première fois avec la mention d’un comportement « autistique » dans la schizophrénie type enfance. Donc l’autisme est toujours intégré dans la schizophrénie, soit proche de la conception de Bleuler.

– Il faut attendre le DSM-III (1980) pour que l’autisme soit enfin reconnu comme un trouble à part entière sous la dénomination d’autisme infantile.

– Dans le DSM-IV (1994) et DSM-IV-TR (2000, version révisée), l’autisme est défini sous Troubles envahissants du développement (TED) regroupant plusieurs catégories, dont le Syndrome d’Asperger qui apparaît pour la 1ère fois dans le DSM. C’est grâce à l’influence de Lorna Wing et à son article de 1981 sur Hans Asperger que le syndrome d’Asperger a été intégré dans le DSM-IV en 1994.

– Dans le DSM-5 (2013), l’autisme est entièrement restructuré sous Trouble du spectre de l’autisme (TSA) qui ne comprend plus que 2 sous-groupes avec un continuum de sévérité. Le Syndrome d’Asperger et les autres catégories disparaissent donc, mais la nouvelle définition a l’avantage d’être beaucoup plus claire et d’éviter les confusions ou controverses dans les diagnostics de l’autisme.

Par conséquent, depuis 1980, la connaissance de l’autisme a considérablement progressé. Toutefois, malgré plus d’un siècle de recherches sur l’autisme, ce sont essentiellement les hommes et les garçons qui ont fait l’objet d’investigations, les femmes et les filles n’intéressant que très peu la recherche médicale et la clinique.

C’est la raison pour laquelle, la recherche considère que l’autisme touche de 4 à 9 fois plus les garçons que les filles. Cette prévalence présage surtout un large sous-diagnostic des filles et notamment des filles autistes ayant une intelligence supérieure à la moyenne, puisque chez elle l’autisme est invisibilisé en raison du camouflage social.

« (…) c’est (…) dans la catégorie des autistes de « haut niveau » (avec intelligence supérieure) que la recherche médicale trouvait le moins de femmes et de filles (1 femme pour 9 hommes), alors qu’elle en détectait nettement plus (1 femme pour 4 hommes) chez les autistes de « bas niveau » (avec déficience intellectuelle). On peut donc se demander si cet « oubli » par la recherche médicale n’a pas une cause sexiste et misogyne, avec l’idée qu’il faut absolument que l’intelligence supérieure à la moyenne soit une caractéristique exclusivement masculine. » (Kuhni, 2017)

En d’autres termes, des progrès très importants ont été réalisés dans la connaissance de l’autisme depuis les années 1980, mais ceux-ci n’ont jamais bénéficié à l’autisme féminin. Fort heureusement, depuis quelques années, des femmes autistes toujours plus nombreuses (chercheuses, militantes, etc.) travaillent à faire évoluer la situation afin que les femmes et les filles autistes ne soient plus invisibilisées. Voici un exemple :

– fondée en 2016 par Marie Rabatel et Magali Pignard, toutes deux femmes autistes, l’AFFA (Association Francophone de Femmes Autistes) accomplit un travail remarquable pour faire connaître l’autisme féminin, pour défendre les droits des femmes ayant reçu un diagnostic de trouble du spectre de l’autisme (TSA) et pour lutter contre les violences envers les femmes et les enfants.

Différences entre le DSM-IV (1994) et le DSM-5 (2013)

Depuis le DSM-IV, l’autisme est défini comme un trouble envahissant du développement qui affecte les fonctions cérébrales (trouble neurodévelopemental). Il n’est donc plus considéré comme une affection psychologique ni comme une maladie psychiatrique.

Le DSM-IV répertorie l’autisme sous la dénomination de Troubles envahissants du développement (TED) regroupant 4 rubriques :

– F84.0 Trouble autistique (correspond à l’Autisme Infantile ou Autisme de Kanner).

– F84.2 Syndrome de Rett.

– F84.3 Trouble désintégratif de l’enfance.

– F84.5 Syndrome d’Asperger.

– F84.9 Trouble envahissant du développement non spécifié (American Psychiatric Association, 1996, pp. 78-93).

Le DSM-5 répertorie l’autisme sous la dénomination de Trouble du spectre de l’autisme comprenant une seule rubrique : 299.00 Trouble du spectre de l’autisme (TSA). Cette rubrique comprend 2 sous-groupes de critères diagnostiques et un continuum de sévérité. Les 2 sous-groupes sont :

– déficit de la communication et des interactions sociales ;

– caractère restreint et répétitif des comportements, des intérêts ou des activités (ce groupe que l’on pourrait aussi définir par stéréotypies et intérêts restreints intègre les altérations sensorielles).

Le continuum de sévérité est une nouveauté du DSM-5. Il permet de mesurer l’aide dont la personne autiste a besoin : nécessite une aide très importante (niveau 3), nécessite une aide importante (niveau 2), nécessite une aide (niveau 1). Le niveau de sévérité doit être évalué séparément pour chacun des sous-groupes de critères diagnostiques (American Psychiatric Association, 2015, pp. 55-66).

Autrement dit, le spectre de l’autisme s’échelonne des formes les plus sévères où la personne est lourdement handicapée aux formes les moins sévères qui peuvent être quasiment invisibles.

Dans le DSM-5, il n’y a plus qu’un seul diagnostic d’autisme sous la forme d’un spectre regroupant les critères diagnostiques réellement spécifiques à l’autisme. En effet, le spectre de l’autisme se recentre sur toutes les caractéristiques réellement spécifiques de l’autisme, avec ajout ou suppression de certains critères absents ou présents dans le DSM-IV. Par exemple, les altérations sensorielles ont été ajoutées aux critères de l’autisme. En revanche, les troubles du langage ne font plus partie des critères diagnostiques de l’autisme, mais sont déjà répertoriés dans les Troubles de la communication. Ainsi, avec le DSM-5, les troubles du langage sont maintenant considérés comme une comorbidité de la même façon que la déficience intellectuelle répertoriée dans les Handicaps intellectuels. Par exemple, dans les formes d’autisme dites de bas niveau, on trouve une déficience intellectuelle (comorbidité), alors que dans celles dites de haut niveau il n’y a pas de déficience intellectuelle.

Dans le DSM-5, le diagnostic du syndrome d’Asperger n’existe plus puisque l’autisme est maintenant regroupé sous un seul nouveau diagnostic : trouble du spectre de l’autisme (TSA). La disparition du syndrome d’Asperger du DSM peut être une déception pour les personnes qui, après une longue errance diagnostique, ont eu la chance de recevoir enfin un diagnostic de syndrome d’Asperger apparu pour la première fois dans le DSM-IV.

Toutefois, la nouvelle définition de l’autisme du DSM-5 sous forme de spectre (et non de différents diagnostics) est beaucoup plus claire et permet l’homogénéisation des pratiques cliniques, la création de sous-groupes de critères diagnostiques correspondant à une réalité neurobiologique et à des traitements différents. Auparavant, avec la définition de l’autisme du DSM-IV, les professionnel.le.s avaient de nombreux désaccords au niveau des diagnostics La définition clarifiée du DSM-5 permet de limiter ces controverses et désaccords diagnostiques que plusieurs études avaient mis en lumière avec l’utilisation des définitions précédentes. Elle est également beaucoup plus représentative de la diversité de l’autisme. Maintenant, l’on parle de personne autiste, avec un diagnostic comprenant un degré de sévérité et différents critères diagnostics (déficit de la réciprocité sociale, intérêts extrêmement restreints, hyper ou hyporéactivité aux stimulations sensorielles, etc.).

La définition de l’autisme va certainement encore considérablement évoluer dans un futur proche. En effet, sa présence dans le DSM est aujourd’hui contestée par la communauté internationale des autistes qui pense que l’autisme ne devrait plus être considéré comme un trouble psychique, mais plutôt comme une question neurologique. Le mouvement de la neurodiversité soutient même l’idée que l’autisme constitue une différence génétique d’une grande richesse. C’est probablement cette conception qui émergera progressivement ces prochaines années grâce à l’investissement des personnes autistes elles-mêmes dans la recherche.

« L’autisme en soi n’est pas une condition médicale désespérée, de cela je suis convaincue. Dans la communauté internationale de personnes autistes, assez bien développée, règne un certain consensus autour de l’idée que l’autisme en soi ne constituerait pas un « trouble ». L’inclusion de l’autisme dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) y fait l’objet d’un vif débat. Il existe en effet de nombreux arguments pour classifier l’autisme plutôt comme une condition ou affection neurologique. De plus en plus de voix au sein du mouvement de la neurodiversité s’élèvent, soutenant que l’autisme constitue une précieuse variante génétique de l’espèce humaine et que les nombreux problèmes observés chez les autistes sont liés à d’autres troubles concomitants, souvent résultants d’un diagnostic tardif et de prises en charges inappropriées ou même néfastes, et à une inadéquation entre la personne et son contexte. » (Schaerlaeken, 2020)

Le syndrome d’Asperger

« Le syndrome dʹAsperger est une forme dʹautisme
sans déficience intellectuelle, ni retard de langage
. »
(RTS, 2020)

(source image : RTS, 2020)

Comme je le disait plus haut, le syndrome d’Asperger ne figure pas dans le DSM-5, alors qu’il était présent pour la première fois dans le DSM-IV.

« Le syndrome d’Asperger appartient aux troubles du spectre autistique (TSA). A la différence d’autres troubles, on ne décèle aucune limitation significative du développement, de l’intelligence et du langage. »
(Groupe Asperger, 2015).

En effet, de même que toutes les autres formes d’autisme, le syndrome d’Asperger appartient désormais aux troubles du spectre de l’autisme. Ainsi, avec le DSM-5, les personnes ayant reçu précédemment un diagnostic de syndrome d’Asperger recevraient aujourd’hui un diagnostic de trouble du spectre de l’autisme (TSA) avec attribution de l’échelle de sévérité (sévère, moyen ou modéré) qui détermine l’aide dont la personne a besoin en fonction de son niveau de fonctionnement.

Danièle Langloys, présidente d’Autisme France, a donné une interview dans laquelle elle explique particulièrement bien la spécificité du syndrome d’Asperger. Cette interview publiée le 25 juin 2020 par le site Santé Magazine est intitulée « Le syndrome d’Asperger : qu’est-ce que c’est ? » (Santé Magazine, 2020).

« « Le syndrome d’Asperger est une forme d’autisme où il n’y a pas de troubles du développement intellectuel », précise la présidente d’Autisme France. » (Santé Magazine, 2020)

L’autisme de haut niveau

« L’intérêt d’un diagnostic officiel ne doit en aucun cas être négligé. Il doit mentionner clairement syndrome d’Asperger ou autisme de haut niveau. »
(Groupe Asperger, 2015)

L’autisme de haut niveau ou autisme à haut niveau de fonctionnement est une expression qui désigne les formes d’autisme où la personne peut vivre de façon relativement autonome grâce à son intelligence et sa capacité d’avoir des interactions sociales. Comme les autistes Asperger n’ont ni déficience intellectuelle ni altérations de langage, ce sont en principe des autistes à haut niveau de fonctionnement. Toutefois, même sans déficit intellectuel, les difficultés vécues par les autistes Asperger peuvent être si envahissantes qu’elles les empêchent à certains moments de fonctionner de façon autonome.

Pour information, l’autisme de bas/faible niveau ou autisme à bas/faible niveau de fonctionnement désigne les formes d’autisme où la personne a besoin d’une aide conséquente pour vivre au quotidien en raison de symptômes autistiques sévères et d’une déficience intellectuelle.

La controverse à propos de l’expression autisme de haut niveau

L’expression autisme de haut niveau autisme ou autisme à haut niveau de fonctionnement fait l’objet d’une controverse en raison de la tendance à l’associer à l’absence de déficience intellectuelle. En raison de cet amalgame, les personnes autistes ayant un bon quotient intellectuel risquent d’être privées de l’aide dont elles auraient peut-être besoin puisque l’on considère dans ce cas qu’elles ont obligatoirement un haut niveau de fonctionnement.

Un excellent article du site Comprendre l’autisme résume une étude américaine sur ce thème : « Autisme de haut niveau : le quotient intellectuel ne reflète pas le profil d’une personne » (Comprendre l’autisme, 2020) :

« Cet article est le résumé de l’étude The misnomer of ‘high functioning autism’: Intelligence is an imprecise predictor of functional abilities at diagnosis (Le terme trompeur « d’autisme de haut niveau » : l’intelligence est un prédicteur imprécis des capacités fonctionnelles au moment du diagnostic), dont vous trouverez les références complètes en bas de pages. Elle montre que l’emploi du terme « autisme de haut niveau » est un mauvais descripteur clinique lorsqu’il est uniquement basé sur le QI et ne doit pas être utilisé dans les pratiques cliniques ou de recherche actuelles pour déduire les capacités fonctionnelles des personnes autistes. » (Comprendre l’autisme, 2020)

Prévalence de l’autisme et du syndrome d’Asperger

En ce qui concerne le taux de prévalence de l’autisme et du syndrome d’Asperger, on cite souvent les chiffres suivants :

1 personne sur 100 serait atteinte d’autisme (donc 1%) dont 10 % seraient atteintes du syndrome d’Asperger,

– ce qui donnerait 1 personne sur 1’000 pour le syndrome d’Asperger (donc 1/ ‰).

Néanmoins, ces données sont contestables en raison de la variabilité dans l’expression des troubles du spectre de l’autisme :

« Ainsi, les données chiffrées ne sont pas uniformes; en Europe, la prévalence des TSA serait de 1% et aux États-Unis, on parle même de 1/66.

On estime que le syndrome d’Asperger représente environ 10% des TSA.

Par conséquent, 1 personne sur 1000 aurait un syndrome d’Asperger.

Toutefois, certaines études tiennent compte d’un spectre plus large et indiquent une prévalence plus élevée. Depuis quelques années, les Asperger sont de mieux en mieux reconnus et diagnostiqués, mais il reste de nombreuses personnes pour qui le diagnostic n’a pas été posé, notamment parmi les adultes.

Comme pour les autres troubles autistiques, les garçons sont plus facilement identifiés que les filles. Chez celles-ci, les difficultés sociales sont plus discrètes et souvent le diagnostic de syndrome d’Asperger n’est pas envisagé. » (Groupe Asperger, 2015)

Retranscription complète de l’article de Janis Schaerlaeken, médecin et femme autiste

Voici la retranscription complète de l’article de Janis Schaerlaeken, médecin avec expérience en milieu psychiatrique et femme diagnostiquée autiste, publié le 22 janvier 2020 par le quotidien belge Le Soir.

« Carte blanche sur l’euthanasie de Tine Nys: «L’autisme pose un défi à notre société»

Trois médecins qui avaient donné leur consentement à la demande d’euthanasie de Tine Nys, en 2010, se retrouvent sur le banc des accusés aux assises à Gand. Peu de temps auparavant, la patiente avait été diagnostiquée autiste.

Tine Nys n’aspirait qu’à la sérénité. Malheureusement, elle n’a pas eu le temps de la trouver. Je n’ai jamais connu Tine personnellement. Mais je peux m’identifier à son histoire et à sa souffrance. Comme beaucoup de femmes autour de la quarantaine, j’appartiens, avec Tine, à la « génération perdue « de femmes autistes, celle qui n’a pas été diagnostiquée dans l’enfance. Les cliniciens et les scientifiques se sont pleinement rendu compte, au cours des dix dernières années, que les filles – et non uniquement les garçons – peuvent être autistes. Ces femmes, dont le diagnostic n’a pas été posé à temps, n’ont pas reçu un accompagnement approprié.

Les difficultés d’un diagnostic

Je suis médecin et j’ai travaillé en milieu psychiatrique pendant plusieurs années. Avec le recul, je réalise que j’ai moi-même souvent omis de poser un diagnostic d’autisme chez des patientes, alors qu’elles répondaient aux critères. Ces femmes erraient depuis des années dans les établissements psychiatriques et généralement un trouble de la personnalité limite (ou trouble « borderline ») leur avait été attribué à tort, avec toutes les conséquences que cela implique, car le traitement basé sur ce diagnostic est généralement très préjudiciable pour une femme autiste.

Le procès pour homicide contre les trois médecins qui ont pratiqué l’euthanasie sur Tine Nys m’inquiète. Comment l’autisme sera-t-il mis en lien avec la capacité de consentement et de discernement ? Des femmes adultes autistes seront-elles autorisées à témoigner de leur prétendue « affection grave et incurable » ? Que nous diront-elles des voies alternatives à la psychiatrie qu’elles ont défrichées, d’où pourraient transparaître que vivre avec l’autisme n’est pas nécessairement une existence sans perspectives ni joie ?

Le poids des attentes de la société

« Autism is not only an impairment, it is also a dis-ability which can become a handicap » (« l’autisme n’est pas seulement une atteinte, c’est aussi une limitation ou une incapacité qui peut devenir un handicap »). La langue française permet moins que la langue de Shakespeare de se référer au modèle social pour penser « le handicap ». Car on est incapacité, dés-activé (dis-abled), par une altération neurologique mais aussi par un contexte, une société. Dans le cas de Tine Nys, cette « désactivation » a littéralement eu lieu. Je cite Els van Veen, médecin généraliste néerlandaise autiste : « Est-ce que je souffre de mon autisme, ou est-ce que je souffre parce que je ne peux pas satisfaire les attentes que l’on place en moi ? Ainsi, le contexte social détermine en partie la mesure dans laquelle une personne vit l’autisme comme un handicap ou comme une incapacité. »

Une « situation sans issue » ?

Ce procès ne concerne pas en premier lieu la question de l’euthanasie, ni la lutte entre des croyances ou des philosophies de vie. L’enjeu, c’est la prétendue « situation médicale sans issue » et « l’affection incurable » de Tine Nys. L’enjeu, c’est aussi sa présumée « pleine émancipation, ses capacités de discernement et de consentement en pleine conscience » : dans quelle mesure une personne autiste est-elle capable d’un tel discernement lorsqu’elle est en état de surcharge émotionnelle grave, submergée de manière chronique – ce qui très probablement était le cas, en raison de son diagnostic récent, d’une relation amoureuse qui venait d’échouer, d’une enfance difficile, de traumatismes non résolus et, plus généralement, d’une vie qui n’était pas encore adaptée à sa sensibilité spécifique ?

Un événement décisif et bouleversant

Vous êtes peut-être amplement informés sur l’expérience des femmes autistes adultes sans déficit intellectuel, qui peuvent parler pour elles-mêmes. Juste pour être sûre, je partage avec vous quelques-unes de mes réflexions et de mon vécu.

Au fil des ans, lisant ci et là des fragments épars sur Tine Nys dans les médias, cette affaire ne m’a pas lâchée. Je suis indignée et profondément bouleversée qu’une jeune femme de 38 ans, qui savait depuis quelques semaines seulement qu’elle était autiste, après une vie d’errance diagnostique, une vie fracassée, n’ait pas eu l’occasion d’intégrer cet événement décisif et déterminant dans sa vie. En effet, l’obtention du diagnostic d’autisme est vécu par beaucoup d’entre nous, femmes autistes, comme un tournant dans la vie, une fenêtre ouverte sur un nouvel avenir : dans mon cas, cela m’a sauvé la vie. Enfin, la compréhension de soi-même à partir du cadre posé par l’autisme permet de trouver et d’acquérir des outils qui aident à s’autoréguler et à adapter ses conditions de vie, afin que le niveau de stimulation (sensorielle, émotionnelle, sociale) soit adapté à la sensibilité spécifique associée à l’autisme : ni trop élevé, ni trop faible. Le diagnostic offre souvent une perspective nouvelle et pleine d’espoir. Mais il faut du temps. Il faut aussi trouver un espace de retrait et du soutien autour de soi afin de survivre aux émotions violentes qui vont de pair avec le processus de deuil : la colère, l’indignation… Les émotions fortes peuvent, temporairement, perturber les capacités cognitives. Cela a un impact sur la capacité délibérative.

Des facteurs déterminants

La compréhension, la bienveillance et le respect de la part des soignants, des travailleurs sociaux, des médecins qui conseillent les caisses d’assurance maladie, des membres de la famille, des amis et du conjoint : voilà des facteurs déterminants pour la traversée de cette crise de vie, qui est souvent aussi une crise identitaire. Quelques semaines ou mois sont une période trop courte pour faire le deuil de son ancienne vie, de son ancien moi, et pour se réinventer. Le contexte, le partenaire, les membres de la famille devraient également pouvoir trouver le temps de se relier à la personne autiste d’une manière différente, se basant sur une tout autre compréhension de ce qu’elle est. Habituellement, un tel processus prend de deux à cinq ans – je me base sur les nombreuses histoires de femmes diagnostiquées tardivement que j’ai rencontrées dans les groupes d’entraide en ligne, et sur ma propre expérience.

Sans diagnostic, une accumulation de souffrances

La majorité des diagnostics de TSA chez les femmes autistes ne sont pas posés ou le sont trop tard. En outre, elles souffrent fréquemment du syndrome de stress post-traumatique (SSPT). En effet, elles sont plus souvent victimes de comportements abusifs dans leurs relations (famille, travail, couple, etc.) que les femmes non autistes. L’admission sous contrainte en psychiatrie est particulièrement néfaste. Le diagnostic de SSPT est souvent omis parce que la manifestation du trouble est différente dans l’autisme, et trouve sa source dans des causes peu habituelles, telles que les conflits, le harcèlement et la perte de contrôle. Lorsque la femme approche de la mi-trentaine, le risque de décompensation psychologique augmente : elle ne peut plus continuer à fonctionner normalement et sainement, parce que ses capacités psychologiques sont dépassées. Les relations amicales, familiales, maritales et professionnelles sont soumises à une vive pression. La difficulté à trouver et à conserver un emploi entraîne une insécurité croissante, sape davantage l’image de soi et entraîne des soucis financiers et des conditions de vie difficiles. Pour pouvoir bénéficier d’une vie adaptée (c’est-à-dire permettant un contrôle sur les stimuli extérieurs, un filtre en quelque sorte) et pour pouvoir payer des aides appropriées, il faut de l’argent. La souffrance relationnelle et professionnelle s’accumule, se combine avec un profond sentiment d’impuissance et des traumatismes, et alors un cocktail mortel émerge.

La société en échec

Dans de telles circonstances, il est facile d’imaginer que la mort apparaisse comme une issue. Les personnes autistes ont un grand besoin de prévisibilité – pour exercer le contrôle sur les stimuli qui les assaillent. De plus, en cas de surcharge mentale, ou de surstimulation sensorielle ou émotionnelle ou de perte de contrôle face à ces surcharges, ces personnes ont tendance à répondre à la situation par des émotions extrêmes (et pas toujours visibles à un œil non-averti !). Ces émotions peuvent être vécues de façon binaire, tout noir ou tout blanc, et ce en raison d’une tendance à la rigidité de leurs schémas de pensée, rigidité exacerbée en cas de surcharge. Selon la commission belge de l’euthanasie, en 2017 et 2015, cinq personnes autistes ont reçu une euthanasie. Ce qui m’inquiète, c’est que ces fins de vie ont lieu dans un contexte belge où les soins de santé mentale extra-hospitaliers sont peu développés, insuffisamment accessibles et inabordables pour de nombreuses personnes. L’offre de psychothérapie adaptée aux spécificités des adultes autistes est limitée. Ceux qui souffrent, de surcroît, de traumatismes, peinent doublement à trouver un traitement approprié, malgré le besoin réel de traitement en cas de diagnostic tardif. Notre pays échoue de façon lamentable quant aux soins pour les personnes adultes autistes et leur intégration dans la société.

L’autisme pose un défi à notre société. Je veux relever la sage parole d’un homme adulte Asperger, tirée d’un livre : « L’autisme c’est être éveillé dans un monde qui sombre encore dans le coma ». Comment la société va-t-elle réagir à ce don ? Maintenant que je connais mon diagnostic depuis quelques années, je pense qu’une forme de souffrance à la vie (Weltschmerz) fait effectivement partie de l’autisme, parce que nous percevons les choses comme elles sont, et que ce n’est pas toujours plaisant à voir. Et on ne veut pas toujours entendre ce que nous discernons.

Non sans espoir

L’autisme en soi n’est pas une condition médicale désespérée, de cela je suis convaincue. Dans la communauté internationale de personnes autistes, assez bien développée, règne un certain consensus autour de l’idée que l’autisme en soi ne constituerait pas un « trouble ». L’inclusion de l’autisme dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) y fait l’objet d’un vif débat. Il existe en effet de nombreux arguments pour classifier l’autisme plutôt comme une condition ou affection neurologique. De plus en plus de voix au sein du mouvement de la neurodiversité s’élèvent, soutenant que l’autisme constitue une précieuse variante génétique de l’espèce humaine et que les nombreux problèmes observés chez les autistes sont liés à d’autres troubles concomitants, souvent résultants d’un diagnostic tardif et de prises en charges inappropriées ou même néfastes, et à une inadéquation entre la personne et son contexte.

Ce que les personnes autistes ont à offrir de spécifique et précieux est souvent en contradiction avec ce que l’on attend d’elles, des attentes normées qu’elles ne peuvent pas forcément satisfaire. Une société qui ne s’adapte pas à la neurodiversité dans tous les domaines pertinents, tels que le travail, le logement, la vie associative et les clubs sportifs, l’éducation, l’école et la formation, l’appareil judiciaire, policier, administratif contribue à ce que l’autisme – comme condition altérée ou limitée (disability) – devienne un handicap.

Ne perdons pas de vue que la souffrance ne survient jamais dans un vacuum sociétal. Je ne suis pas opposée par principe à l’euthanasie, surtout dans ces formes de souffrance extrême pour lesquelles il n’existe pas de solutions, ni médicales, ni sociales, ni psychologiques. Mais l’euthanasie ne devrait pas avoir à résoudre des souffrances qui sont liées ou qui sont une résultante de maux de société : une déshumanisation des soins par une philosophie d’extrême austérité, une cohésion sociale qui se défait, une intolérance à l’altérité.

Un chemin alternatif ?

Pourquoi ne pas proposer aux personnes qui envisagent l’euthanasie un chemin alternatif dans une perspective de vie, comme le suggère Raf De Rycke, Président des Frères de la Charité, dans les pages Standaard le 15 janvier ? La souffrance, l’aspiration à la mort ou le désir de voir la souffrance s’arrêter enfin, la solitude, l’isolement social : tout cela veut être entendu. Des soins qui aident à retrouver un sens ou un élan vital dans ce qui est perçu comme vide de sens, ceci dans le cadre d’un accompagnement de vie existentiel ou spirituel, en un lieu où l’on peut échanger et être entendu en toute confiance, sans crainte d’être colloqué : pour moi, cela a été une part essentielle de mon rétablissement.

Des experts suffisamment éclairés ?

Dans quelle mesure les experts médicaux auxquels la cour fera appel pendant le procès en assises sont-ils au fait des plus récentes connaissances scientifiques et cliniques sur l’autisme ? Connaissent-ils le contexte existentiel et sociétal global ? Ont-ils une expérience vérifiable en accompagnement et en soins aux femmes adultes autistes ? En effet, l’autisme chez les femmes se manifeste différemment de chez les hommes, et le traitement doit également être adapté au genre. Je sais par expérience, en tant que médecin et en tant que patiente, que les connaissances de la plupart des médecins et des psychologues sont limitées, partielles et stéréotypées. Les cliniciens qui ont déjà traité des adultes autistes et qui sont étroitement impliqués dans la recherche neuroscientifique contemporaine sur l’autisme sont clairsemés. Je n’en connais aucun en Belgique. Je me demande, par ailleurs, de quelle tribune pourront bien bénéficier les autres experts en autisme que sont… les adultes autistes eux-mêmes. Où et comment peuvent-ils se faire entendre ?

La question centrale de la compréhension

Dans quelle mesure les médecins accusés possédaient-ils des connaissances cliniques approfondies sur l’autisme dans une perspective porteuse d’espoir ? Savaient-ils comment communiquer avec une personne autiste et comment évaluer ses capacités de délibération et son état mental ? Ce n’est pas évident d’échanger avec une personne autiste. Les malentendus surgissent rapidement et ne sont pas forcément mis en évidence immédiatement. Souvent, les tournures de phrases sont comprises différemment par la personne autiste. Il peut y avoir plusieurs raisons à cela : elle n’en comprend pas le contexte (social), elle a des troubles de langage (sémantique-pragmatique) ou une théorie de l’esprit défaillante (comprendre que les autres ont des croyances, des désirs, des intentions et des perspectives différents des vôtres). En général, les implicites dans les paroles sont mal captés et le langage non-verbal est mal perçu ou mal interprété. De plus, la personne autiste a du mal à exprimer ses besoins : ce peut être en raison d’une alexithymie (incapacité à reconnaître et à exprimer ses propres sentiments), d’un retard dans le traitement de l’information, de la peur et de l’anxiété, d’un mutisme sélectif, d’expressions faciales limitées et de gestes inhibés.

Un handicap très spécifique

Les médecins eux-mêmes éprouvent généralement des difficultés à s’identifier au vécu et au monde intérieur de la personne autiste, et à évaluer ses besoins en matière de soins. Des recherches ont montré que les processus empathiques sont perturbés entre les personnes non autistes et les personnes autistes, mais que l’empathie fonctionne bel et bien au sein des deux groupes. Il n’est pas inconcevable que les médecins accusés n’aient pas été suffisamment formés pour se rendre compte que leur évaluation et leur décision ne tenaient pas compte du handicap spécifique dont souffrait Tine Nys – une limitation sociale et communicative qui la rendait particulièrement vulnérable aux errements médicaux. Je peux en témoigner : j’ai échappé de justesse à la mort quand j’ai été victime d’un hémothorax (cavité pulmonaire emplie de sang). Le médecin n’avait pas détecté les signaux – différents chez moi – indiquant que la situation représentait un danger de mort. Il a prescrit un sédatif…

J’espère que cette tribune pourra contribuer à un accueil plus chaleureux des adultes autistes dans notre société, et ceci dans un esprit de respect et d’égalité. » (Schaerlaeken, 2020)

Bibliographie

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Les femmes et les filles autistes sortent de l’ombre

Au cours de ma pratique, j’ai à maintes reprises eu l’occasion d’accompagner dans un travail thérapeutique des femmes et des filles qui présentaient les caractéristiques de l’autisme Asperger (quotient intellectuel élevé, vécu d’étrangeté, forte anxiété voire terreur face à autrui, fonctionnement stéréotypé, répétitif, ritualisé, etc.). Celles-ci me semblaient très nombreuses, mais comme il n’existait quasiment aucune étude sur les femmes et les filles autistes, elles étaient largement sous-diagnostiquées et par ce fait discriminées par rapport aux hommes et aux garçons.

Il est vrai que cette pathologie est la plupart du temps masquée chez les femmes et les filles Asperger, car leur intelligence leur permet de trouver des mécanismes compensatoires pour masquer leurs difficultés. Cette invisibilisation de l’autisme leur coûte toutefois des efforts surhumains et des conséquence désastreuses pour leur santé.

En raison de leur incompréhension des relations humaines, les femmes et les filles autistes sont aussi particulièrement vulnérables face aux manipulateurs et aux prédateurs sexuels qui se jouent d’elles avec une grande facilité. Les violences sexuelles ont pour effet d’ajouter un état de stress post-traumatique ou ESPT à l’autisme (handicap primaire), avec pour conséquence d’aggraver considérablement leur état. Sachant qu’une personne autiste vit ses émotions de façon décuplée par rapport à une personne non autiste, l’ESPT est en général d’une gravité décuplée, à tel point que les troubles psychotraumatiques deviennent un nouvel handicap (handicap secondaire, troubles secondaires) dépassant en importance l’autisme (handicap primaire, troubles primaires). Autrement dit, un ESPT qui s’ajoute à l’autisme, produit des conséquences absolument catastrophiques pour les femmes et les filles autistes qui sont généralement laissées seules à elles-mêmes, sans aucune aide, aucun soutien, en raison de leur sous-diagnostic.

Or, le diagnostic d’autisme est très important et par lui-même thérapeutique, car les femmes et filles autistes comprennent enfin ce qui leur arrive. Une fois un diagnostic en main, elles peuvent désormais construire leur vie en fonction de qui elles sont et non en tentant désespérément de faire comme autrui, avec une anxiété terrifiante à l’idée qu’elles seront démasquées, que leur étrangeté va apparaître au grand jour et que tout s’écroule. Tant qu’elles n’ont pas de diagnostic, leurs relations chaotiques avec autrui leur causent tant d’effort qu’elles les laissent à chaque fois plus épuisées, plus désespérées, traumatisées, avec l’impression qu’elles n’y arriveront jamais.

La prise en charge thérapeutique des femmes et filles autistes nécessite des techniques expérientielles, basées sur le présent (l’ici et maintenant), telles les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) et la Gestalt-thérapie, par exemple. Il faut surtout éviter les techniques trop mentales qui ne feraient que renforcer l’hypermentalisation des autistes Asperger, mécanisme qui les empêche précisément d’accéder à qui elles-ils sont réellement.

Centrée comme les thérapies cognitivo-comportementales sur le présent et l’expérienciel, la spécificité de la Gestalt-thérapie réside dans le fait que cette psychothérapie est en plus centrée sur la relation, le but de cette approche étant notamment la restauration de la capacité de lien. Un travail tout en finesse se déroule dans cette relation thérapeutique de type gestaltiste : si elle le souhaite, la personne va pouvoir donner son ressenti sur ce qui se passe pour elle face à sa-son thérapeute (peur, terreur, honte, colère, culpabilité, etc.) et la-le thérapeute entreprendra un travail autour de ce qui émerge dans la relation. La personne va aussi pouvoir confronter sa-son thérapeute, lui dire lorsqu’une intervention (mot, geste, regard, etc.) la met en colère, la gêne, lui fait peur ou honte, ou la culpabilise, par exemple. Cette spécificité relationnelle de la Gestalt-thérapie en fait une psychothérapie particulièrement intéressante pour les autistes qui ont précisément un handicap au niveau de la capacité à être en relation.

Le développement de l’awareness est au coeur de ce travail gestaltiste autour de la relation, puisque c’est précisément cette conscience du corps, des émotions, des ressentis et des sensations qui va permettre à la personne autiste d’être enfin en contact avec elle-même, de se connaître réellement, entre autre au sein de la relation, d’acquérir de la confiance en elle et de la sécurité en devenant capable de poser des limites en cas de situations d’intrusion, d’abus. En effet, une fois développée (et non déconnectée), l’awareness lui donnera très clairement les signes de danger, avec une intuition et une finesse de perception même beaucoup plus grandes que celles des personnes non autistes.

Par ce moyen, les femmes et les filles autistes peuvent libérer peu à peu leur potentiel en construisant leur vie sur leurs véritables ressources, auparavant masquées voire même souvent pathologisées. Il est à noter qu’une fois reconnues et dégagées du carcan de la normalisation imposée par la société, les femmes et les filles Asperger sont souvent d’une très grande puissance.

Toutefois, il est important de préciser que pour accompagner des personnes autistes dans un travail thérapeutique, il faut impérativement des thérapeutes parfaitement formé-e-s et expérimenté-e-s en matière de troubles autistiques, notamment Asperger. Sans quoi, la thérapie va produire des effets iatrogènes (nouveaux symptômes créés par la thérapie elle-même) catastrophiques, car la personne autiste va très vite comprendre qu’elle n’est pas comprise. Il lui sera dès lors impossible de se dévoiler, de faire confiance à sa-son thérapeute, ce qui va renforcer son vécu d’étrangeté, son désespoir d’être en décalage, comme exclue du monde. Elle ressortira de la thérapie en se disant par exemple « même un-e thérapeute ne me comprend pas », « je ne m’en sortirai jamais ».

La fin du silenciement des femmes et des filles

Nos sociétés patriarcales où les hommes dominent ont toujours exigé des femmes et des filles qu’elles soient sages, belles, discrètes, lisses (si possibles dissociées, donc ne sentant pas la douleur) souriantes, polies, obéissantes, généreuses, altruistes, courageuses, etc., malgré les violences qu’elles subissent au quotidien. Alors que les hommes et les garçon ont l’entière liberté d’exprimer leur colère, leur agressivité, d’être turbulents, indisciplinés, irrespectueux, insolents, égoïstes, etc. et que ceci est même valorisé (« il a une forte personnalité, il réussira dans la vie », etc.) ou excusé (« il n’est pas méchant, juste un peu maladroit , un peu direct », etc.).

La contrainte au sourire pour les femmes et les filles a été illustrée avec humour dans deux vidéos remarquablement drôles et toniques  : Smile (Funny Or Die, 2014) et Smyle for Women (Nightpantz, 2016).

Depuis la nuit des temps, les femmes sont donc silenciées voire dissociées (ne sentant plus leur souffrance) par une société patriarcale qui les prie d’être entièrement dévouées au bien-être et à l’épanouissement des hommes, afin qu’ils puissent continuer d’asseoir en toute tranquillité leur domination.

Mais le travail sans relâche réalisé principalement par les féministes a permis que les femmes violentées (violences sexuelles, conjugales, économiques, médicales, reproductives, etc.) osent enfin s’exprimer, dans le monde entier. Simultanément, grâce à la militance pour les autistes, les femmes et les filles autiste peuvent enfin sortir de l’ombre dans laquelle la recherche médicale les avaient plongées. Et l’on peut supposer qu’elles sont légion.

Le désintérêt de la recherche médicale pour les femmes et les filles

« Why are so many women with autism often misdiagnosed? And how does this issue resonate with broader ideas of neurodiversity? »
(The Gardian’s Science Weekly, 2017))

La citation est tirée d’un article en lien avec le téléfilm The Party qui permet aux téléspectateur-trice-s de se mettre dans la peau d’une jeune fille de 16 ans atteinte d’un trouble du spectre autistique (TSA) et de parler du problème de sous-diagnostic des femmes et des filles, notamment en raison de critères de diagnostic toujours biaisés en faveur d’une présentation masculine typique des TSA.

Jusqu’il y a peu, la médecine considérait en effet que l’autisme ne touchait quasiment que les garçons et les hommes. Cette croyance n’était due qu’à une recherche médicale concentrée exclusivement sur les hommes, à l’observation de leurs symptômes, de cobayes masculins pour les tests médicamenteux, etc. On ignorait donc comment les différentes formes d’autisme se manifestaient chez les femmes et les filles. Ce n’est que très récemment que la recherche médicale s’est intéressée à elles.

Par conséquent, les femmes et les filles autistes ont été et sont encore largement sous-diagnostiquées en raison d’un désintérêt de la recherche médicale à leur égard. C’est pourquoi « La National Autistic Society appelle à des changements et des améliorations dans le diagnostic des filles et femmes autistes » (Radio-Canada, 2017).

Le désintérêt de la recherche pour les femmes ne concernait de loin pas que l’autisme. Pour ne prendre qu’un exemple : la médecine pensait également que les maladies cardio-vasculaires touchaient principalement les hommes, croyance basée sur le simple fait que les femmes n’avaient fait l’objet d’aucune étude à ce sujet (Kuhni, 2013).

Aujourd’hui, les femmes n’acceptent plus d’être les laissées pour compte de la recherche médicale. Elles exigent qu’on leur consacre également des études, afin d’être correctement diagnostiquées et de pouvoir ainsi recevoir les soins adéquats, tout comme les hommes.

L’autisme

L’autisme est un trouble du développement d’origine neurobiologique débutant généralement avant l’âge de 3 ans (sauf pour le Syndrome Asperger qui débute généralement plus tard) et touchant les interactions sociales, la communication (verbale et non verbale) et le comportement (stéréotypé, avec intérêts restreints, répétitions, rituels, etc.).

« Selon la classification internationale des maladies de l’OMS (CIM 10), l’autisme est un trouble envahissant du développement qui affecte les fonctions cérébrales. Il n’est plus considéré comme une affection psychologique ni comme une maladie psychiatrique.

Différentes terminologies sont utilisées : Autisme, Trouble autistique, spectre autistique, TED (Troubles envahissants du développement), TSA (Troubles du Spectre Autistique) et ASD (Autism Spectre Disorders).

L’autisme est un trouble sévère et précoce du développement de l’enfant apparaissant avant l’âge de 3 ans. Il est caractérisé par un isolement, une perturbation des interactions sociales, des troubles du langage, de la communication non verbale et des activités stéréotypées avec restriction des intérêts.

Trois éléments cumulatifs caractérisent ainsi l’autisme : un trouble de la communication, une perturbation des relations sociales et des troubles du comportement. » (Vaincre l’autisme, 2017

Le spectre de l’autisme s’échelonne des formes les plus sévères où la personne est lourdement handicapée aux formes les moins sévères (par ex. syndrome Asperger, à l’extrémité du spectre de l’autisme) qui peuvent être quasiment invisibilisées.

Dans les formes d’autisme dites « de bas niveau », on trouve une déficience intellectuelle, alors que dans celles « de haut niveau » il y a au contraire une intelligence supérieure à la moyenne.

Le point commun de ces différentes formes d’autisme consiste en une compréhension confuse de la vie (surtout de la vie sociale) et de l’environnement en raison d’une difficulté à décoder les situations. Cette confusion affecte la communication, la capacité à être en relation, le comportement (sentiment de maladresse, de décalage, etc.). Il en résulte un fonctionnement sur un mode répétitif, ritualisé, avec des comportements stéréotypés, véritables copie-coller de ce que l’autiste perçoit chez autrui. Malgré ces mécanismes compensatoires, la personne autiste vit une si forte anxiété, parfois même de la terreur, face aux relations humaines qu’elle peut être amenée progressivement à s’isoler et à fuir tout contact humain, d’autant plus si un état de stress post-traumatique (ESPT) causé par des violences s’est surajouté aux troubles autistiques de base.

La classification internationale des maladies de l’OMS répertorie l’autisme à la rubrique F84 Trouble envahissant du développement (CIM-10, 2000, p. 224) qui contient les sous-rubriques suivantes : autisme infantile, autisme atypique, Syndrome de Rett, autre trouble désintégratif de l’enfance, hyperactivité associée à un retard mental et à des mouvements stéréotypés, Syndrome Asperger, autres troubles envahissants du développement, trouble envahissant du développement sans précision.

Étrangement, c’est précisément dans la catégorie des autistes de « haut niveau » (avec intelligence supérieure) que la recherche médicale trouvait le moins de femmes et de filles (1 femme pour 9 hommes), alors qu’elle en détectait nettement plus (1 femme pour 4 hommes) chez les autistes de « bas niveau » (avec déficience intellectuelle). On peut donc se demander si cet « oubli » par la recherche médicale n’a pas une cause sexiste et misogyne, avec l’idée qu’il faut absolument que l’intelligence supérieure à la moyenne soit une caractéristique exclusivement masculine. Car c’est un peu facile de prétendre que la recherche médicale n’avait pas vu les femmes et les filles Asperger parce qu’elles se camouflent, alors que la recherche était exclusivement centrée sur les hommes.

« Depuis 70 ans, les études font état d’un ratio de 4 hommes pour 1 femme en ce qui concerne le diagnostic d’autisme dit « de bas niveau ». Chez les autistes « de haut niveau », dotés d’une intelligence supérieure à la moyenne, ce ratio est établi à 9 hommes pour 1 femme. » (Radio-Canada, 2017)

Les femmes et les filles Asperger

«  (…) il existe un groupe impressionnant de femmes de très haut quotient intellectuel qui ont toutes le même vécu d’étrangeté, qui s’identifient à l’autisme, et ce qu’elles disent est crédible. » (Radio-Canada, 2017)

Dotées d’une intelligence supérieure à la moyenne, les femmes et les filles Asperger ont une capacité de camouflage qui leur permet de masquer leurs troubles autistiques au prix d’efforts surhumains qui les laissent épuisées, souvent désespérées, après chaque contact avec autrui.

De même que toutes les femmes et les filles de nos sociétés patriarcales
silenciées et invisibilisées,
les femmes et les filles Asperger avancent masquées

« (…) plus les femmes sont intelligentes, plus elles présentent une forme d’autisme qui va être éventuellement moins visible (…) » (Radio-Canada, 2017)

Pourtant, si des recherches médicales avaient été faites, les professionnel-le-s diagnostiqueraient sans aucun problème les femmes et les filles Asperger qui, malgré leur camouflage, présentent très clairement des signes identifiables lorsqu’on prend le temps de s’intéresser à elles et qu’on les croit. Par exemple : intelligence supérieure à la moyenne, va en apparence parfaitement bien, vécu d’étrangeté et de décalage permanent, sensation d’une frontière invisible entre soi et les autres, sensation d’être différente, faux-self, attitudes stéréotypées, répétitions, rituels, mémoire exceptionnelle, préoccupation intense sur nombre restreint de centre d’intérêts (parfois un seul), capacité de concentration hors-norme (hyperfocalisation, comme happée) avec forte agressivité quand elle est dérangée, froideur affective, hyper-sensibilité émotionnelle et sensorielle, difficulté à regarder dans les yeux, phobie sociale, forte anxiété voire terreur face à autrui, épuisée après une conversation, difficulté à tenir une conversation réciproque (tendance au monologue), tendance à fuir les relations sociales et les relations intimes, etc.

« Le trouble du spectre de l’autisme chez les femmes est souvent non diagnostiqué, car les critères de diagnostic ont toujours été établis à partir d’observations faites chez les hommes. Or, les chercheurs commencent à réaliser que chez les femmes, l’autisme se présenterait différemment. (Radio-Canada, 2017)

Par conséquent, c’est bien la méconnaissance des symptôme féminins de l’autisme qui empêche les femmes et les filles de recevoir les soins dont elles ont désespérément besoin, et non leur capacité à masquer les symptômes d’autisme.

« (…) les éléments indiquant que les filles et les femmes sont plus nombreuses sur le spectre autistique qu’on le pensait initialement s’accumulent, tout comme ceux montrant qu’elles sont considérablement sous-diagnostiquées. » (AFFA, 2017a)

Les causes de ce camouflage, ce sont les injonctions sociétales de silenciement envers toutes les femmes et toutes les filles de nos sociétés patriarcales (et non uniquement envers celles ayant des troubles Asperger) auquel s’ajoute parfois un phénomène de dissociation (mécanisme de survie déclenché par l’organisme) en raison des violences qu’elles subissent (violences sexuelles, conjugales, économiques, médicales, reproductives, etc.).

Le fonctionnement en mode « as if » (« comme si »), hyper-adapté ou faux-self montre d’ailleurs clairement une dissociation, soit l’un des mécanismes de base des psychotraumatismes qui permet aux victimes de violences de survivre malgré les traumas en les empêchant d’accéder à leur ressenti qui sont trop dangereux pour elles à ce moment-là.

Dans un extrait très intéressant du documentaire Journal d’Aspergirl (France Culture, 2017), Julie Dachez raconte comment, en écoutant le témoignage d’une femme Asperger, sur internet, elle a découvert qu’elle était une femme Asperger. Cette prise de conscience lui a enfin permis de comprendre qui elle était, de relire sa vie avec une grille de lecture toute différente et de donner à sa vie un sens connecté à elle-même. Suite à cela, elle a entamé une démarche diagnostique. Une fois le diagnostic officiel posé, à 27 ans, elle a ressenti un énorme soulagement parce qu’à travers ce diagnostic, elle recevait l’autorisation d’être elle-même. Elle a compris qu’elle n’était pas folle, ni déficiente, mais juste différente (« de la même manière qu’un chat n’est pas la version déficiente d’un chien, il est un chat ! C’est juste qu’il n’est pas un chien », dit-elle très pertinemment). Elle a aussitôt modifié ses schémas de pensée, changé complètement de vie, repris des études – un doctorat en psychologie sociale, voici sa thèse soutenue en décembre 2016, intitulée « Envisager l’autisme autrement : une approche psychosociale » (Dachez, 2016) – et s’est sentie pour la première fois bien dans sa vie. Depuis ce changement de paradigme, elle a constaté qu’un cercle vertueux s’était mis en place, avec beaucoup d’opportunités (professionnelles, etc.) comme jamais auparavant et, pour la première fois, des personnes hyper-bienveillantes autour d’elle qui l’accueillent « avec ses particularités » (et non « malgré ses particularités »). Il est intéressant de voir qu’aujourd’hui, cette nouvelle lecture de la vie l’a amenée à s’intéresser aux luttes féministes puisqu’elle a co-réalisé et publié sur son blog des vidéos pédagogiques sur le sexisme et le féminisme (Blog emoiemoiemoi, 2017) avec l’alias Super Pépette.

Pour terminer, je dirai que les femmes et les filles Asperger sont des personnalités à potentiel élevé, particulièrement en raison de leur intelligence doublée d’un regard différent sur le monde, ainsi que de leur énergie hors du commun qu’elles ont développée pour tenir contre vents et marées dans le cataclysme émotionnel et sensoriel qu’elles vivent au quotidien depuis l’enfance, sans que personne ne s’en aperçoive.

The Aspiengirl™, Aspienwoman and Aspienpowers Book Series
(Marshall, 2014)

« Tania [Marshall] is working on her Doctorate/PhD in Autism Studies, specializing in females with Autism. She holds a Masters of Science in Applied Psychology and a Bachelor of Arts in Psychology. She regularly provides diagnostic assessments, support and intervention » (Marshall, 2013)

Les femmes et les filles Asperger sont donc une grande richesse pour notre société, et ceci d’autant plus lorsqu’elles n’auront plus besoin de se masquer (ou se silencier), de faire semblant pour être intégrées, acceptées et avoir une vie normale.

Un dernier point concernant la reconnaissance toute récente des femmes et des filles Asperger par la recherche médicale : il est regrettable que le Syndrome Asperger ait disparu dans le DSM-5 (2013), alors qu’il venait d’être reconnu en « 1992 dans la CIM et 1994 dans le DSM[-IV] » (Psymas.fr, 2017). Fort heureusement, il reste présent, mais sous une forme très succincte, dans la CIM-10, la classification internationale des maladies de l’OMS qui répertorie l’autisme Asperger à la rubrique F84.5 Syndrome Asperger (CIM-10, 2000, p. 229). Dans le DSM-IV, le Syndrome Asperger se trouve à la rubrique F84.5 – Syndrome Asperger (DSM-IV, 1996, p. 90), avec une description beaucoup plus complète que la CIM-10.

Et voici l’extrait d’un document pour le 4e plan autiste. Ce texte synthétise bien la situation préoccupante des autistes Asperger et de « haut niveau » en France. La situation est exactement la même en Suisse :

« L’autisme Asperger et de « haut niveau », toucherait des centaines de milliers de personnes en France. (…) Si la France ne possède pas de statistiques fiables en la matière, c’est d’abord parce que ces formes d’autisme (…) [sont] très mal diagnostiquées et encore trop souvent assimilées à « une maladie psychotique ». Les avancées internationales en psychiatrie et neurosciences confirment pourtant que l’autisme de haut niveau est un handicap neurologique et cognitif. L’origine est « multi factorielle avec une forte implication des facteurs génétiques » selon l’INSERM. (…) Il nécessite d’être pris en charge à travers des techniques spécifiques d’ordre cognitif et comportemental.

Or, en France, sa prise en charge n’est pas adaptée : hospitalisation, médication, exclusion des milieux scolaires et professionnels ordinaires font le malheur des autistes et de leur famille. Les diagnostics erronés proposés par certains professionnels de santé peuvent entraîner les personnes concernées, ainsi que leur famille, dans des parcours médicaux inadaptés, source de souffrances évitables. La France, comparée à de nombreux pays et en particulier le Canada, les États-Unis, le Danemark, la Suède, le Royaume Uni, l’Italie et l’Australie, présente un réel retard dans l’application des méthodes de diagnostic éprouvées par ailleurs. Elle est aussi très déficiente en termes d’accompagnement des personnes autistes Asperger et de haut niveau pour favoriser leur intégration sur le marché du travail et dans la société. » (AFFA, 2017e)

Le camouflage des femmes et des filles n’a rien d’essentialiste

« Par exemple, si les garçons ont tendance à être turbulents, les filles, quant à elles, vont souvent demeurer sages. Elles camoufleraient même leurs symptômes (…), et cela se poursuivrait à l’âge adulte. « Les femmes auraient une plus grande facilité que les hommes, ou un plus grand désir que les hommes, à correspondre aux attentes du groupe. » » (Radio-Canada, 2017)

Prétendre que les femmes et les filles auraient une tendance essentialiste, spécifiquement féminine, à vouloir camoufler leurs symptômes, et que ce serait la cause du désintérêt de la recherche médicale à leur égard, est particulièrement choquant, un réel déni de l’expérience de socialisation des femmes et des filles dans nos sociétés patriarcales et du désintérêt sociétal total à leur égard (les garçons et les hommes sont les seuls dignes d’intérêt).

« Les autistes développent une multitude de stratégies d’adaptation et les filles Asperger plus particulièrement sont très douées pour ce type de camouflage social. Celui de mettre à profit leur mémoire phénoménale en utilisant une panoplie de phrases déjà entendues et de les intégrer subtilement dans les conversations. Rapidement et surtout aux yeux des adultes, ma fille semble communiquer aisément. » (Blog Maman pour la vie, 2017)

Autrement dit, le camouflage social des femmes et des filles autistes n’a rien à voir avec une question essentialiste, de soi-disant personnalité féminine. Il s’agit ni plus ni moins que d’une volonté sociétale, d’un ordre implicite et même explicite qu’elles se taisent, comme toutes les femmes et les filles de notre société patriarcale. Car lorsqu’elles osent parler pour exprimer leurs différences, les souffrances et violences qu’elles subissent, la plupart du temps personne ne les écoute, ne les croit et les représailles pleuvent.

« Depuis quelques années, des voix s’élèvent pour dénoncer le fait que de nombreuses femmes reçoivent un diagnostic sur le tard ou tout simplement erroné.

Souvent, une femme qui croit souffrir d’un trouble du spectre de l’autisme n’est pas prise au sérieux (…) » (Radio-Canada, 2017)

Ce n’est donc pas parce qu’elles ont la volonté de « correspondre aux attentes du groupe » qu’elles étaient invisibilisées. C’est uniquement parce qu’elles n’avaient d’autre choix que de faire semblant, abandonnées à elles-mêmes, sans aide, sans que personne ne s’intéresse à elles, malgré leurs tentatives d’exprimer leur détresse, leur sentiment d’être perdue, de ne rien comprendre au monde qui les entoure. Et à chaque tentative, elles comprenaient un peu mieux, comme toutes les femmes, qu’elles n’avaient qu’à se taire et faire comme si tout allait bien.

Fort heureusement, ces dernières années, les luttes féministes ont mis l’accent sur les violences masculines et sociétales massives que les femmes et les filles subissent au quotidien dans l’indifférence générale. C’est pourquoi celles-ci sont aujourd’hui enfin un peu écoutées, la société s’intéresse enfin un peu à elles, contrainte contre son gré au changement par un mouvement planétaire des femmes (tel le hashtag #metoo, par exemple.)

Les violences sexuelles envers les autistes

Les autistes ne comprennent pas les enjeux sociaux (communication, relation, etc.) et sont par conséquent des victimes idéales pour les prédateurs (violences sexuelles, vols, escroqueries, etc.) dont on sait qu’il s’agit la plupart du temps de proches.

« Nearly 90% of teens with autism subjected to ‘mate crime’ says new study (…) Many had been so hurt by the experience it had left them too scared to go out for fear of further bullying. » (8)  Selon une nouvelle étude, près de 90% des adolescent-e-s autistes sont soumis-e-s à un «crime de camarade (…) Beaucoup avaient été si blessé-e-s par l’expérience que cela les avait laissé trop effrayé-e-s pour sortir de peur d’être encore harcelé-e-s.

Ces violences créent des traumatismes additionnels qui aggravent considérablement l’état des autistes. Ces nouveaux troubles (psychotraumatiques) deviennent souvent plus importants que les troubles autistiques initiaux.

Sur un terrain aussi vulnérable, les traumas peuvent causer un véritable cataclysme avec le risque de se chroniciser en se surajoutant aux troubles autistiques. Autrement dit l’ESPT (1) peut aisément se chroniciser en un état de stress post-traumatique à long terme (2). Dans la classification internationale des maladies de l’OMS, il s’agit des deux rubriques suivantes :

(1) F43.1 – Etat de stress post-traumatique (CIM-10, p.132)

(2) F62.0 – Modification durable de la personnalité après une expérience de catastrophe (CIM-10, p. 187)

Pour celles et ceux que ce thème intéresse, je recommande la lecture d’un texte intitulé « Violence sexuelles faites aux personnes présentant des troubles de spectre de l’autisme et psychotraumatismes » dont l’autrice est la Dre Muriel Salmona, présidente de l’association Mémoire Traumatique et victimologie (Salmona, 2017).

En voici quelques extraits : « (…) des troubles neuro-développementaux tels que les troubles du spectre de l’autisme : jusqu’à 90% des femmes présentant des TSA [troubles du spectre de l’autisme] ont subi des violences sexuelles, 78% de l’ensemble tout sexe confondu (Brown-Lavoie, 2014).

Les personnes présentant des troubles du spectre de l’autisme (TSA) subissent une triple peine par rapport aux violences sexuelles :

1. elles sont à très grand risque de subir des violences sexuelles tout au long de leur vie en raison de leur vulnérabilité (…)

2. les violences sexuelles vont avoir un impact psychotraumatique bien plus sévère sur elles que sur les personnes n’ayant pas de TSA (…)

3. et les violences sexuelles du fait de leurs conséquences psychotraumatiques et des atteintes neurologiques et des circuits émotionnels qu’elles provoquent, vont aggraver leurs troubles neuro-développementaux et les troubles du spectre de l’autisme (…)

Les filles et les femmes présentant des troubles du spectre de l’autisme vont donc cumuler le plus souvent plusieurs facteurs de risques de subir des violences sexuelles : le jeune âge, le sexe, la discrimination, les troubles neurodéveloppementaux émotionnels et de la communication qu’elles présentent, les risques institutionnels, et le fait d’avoir déjà subi des violences.

L’impact traumatique majeur à long terme qu’elles vont présenter va aggraver les symptômes du spectre de l’autisme (…)

Et les troubles du spectre de l’autisme associé à l’impact psychotraumatique du fait de la méconnaissance qu’en ont la plupart des professionnels et les proches vont être des facteurs d’abandon et d’isolement encore plus importants avec une absence de reconnaissance du traumatisme et de la souffrance, associée fréquemment à une absence de protection et de prise en charge adaptée. » (Salmona, 2017).

Violences sexuelles envers les femmes et les filles autistes

Les victimes de violences sexuelles sont en très grande majorité des femmes et des filles. Et les prédateurs sexuels sont en très grande majorité des hommes (de 96 à 98 % selon statistiques de la justice et études en victimologie) et, principalement, des hommes proches des victimes.

Concernant ces chiffres, se reporter par exemple au diaporama intitulé « Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte (2015) – Mémoire Traumatique et Victimologie/Laure Salmona » qui contient les résultats très complets d’une enquête sur les violences sexuelles réalisée par Mémoire Traumatique et Victimologie (enquête soutenue par l’UNICEF) (IVSEA, 2015)

Extrait d’un autre texte : « Dans notre société, les abus sexuels touchent plus particulièrement la femme et 97 % des agresseurs sont des hommes. En ce qui nous concerne, des études canadiennes montrent que 70 % à 90 % des femmes autistes sont victimes d’abus, allant de l’agression sexuelle au crime sexuel. De nombreux facteurs rendent davantage vulnérables les personnes autistes. Qu’elles soient de haut niveau de fonctionnement ou pas, le risque d’en être victime est important.

Il est temps d’arrêter ce silence dont les conséquences sont dramatiques tant dans la construction de l’enfant autiste que la vie de femme devenue adulte.

(…) Les conséquences pour une personne autiste sont similaires aux victimes non autistes (dégoût de soi, dépression, autodestruction, problème gynécologique, troubles alimentaires, conduite à risque, sentiment de culpabilité, suicide, etc.).

Néanmoins, celles-ci sont amplifiées par les spécificités lié à la sensorialité. Aussi, le fait de percevoir les détails sans en comprendre la globalité met la personne autiste à ressentir son viol de manière multipliée, ce qui accentue les séquelles et le travail possible de résilience. » (AFFA, 2017c)

Les femmes et les filles autistes sont particulièrement vulnérables face aux agresseurs, plus particulièrement aux prédateurs sexuels, parce qu’elles décodent mal les situations et ne perçoivent pas les manipulations, ni les seconds degrés, les sous-entendus, les propos inappropriés, etc.

Ce mauvais décodage les fait souvent réagir en décalage dans les situations, parfois carrément à l’envers, souvent avec une naïveté extrême (sans aucune protection) à l’identique d’enfants très jeunes et avec un obéissance machinale (sans s’interroger sur la pertinence des ordres ou des questions). Elles répondront par exemple instantanément, du tac au tac, avec une grande obéissance, aux questions qui leur sont posées telles « où habites-tu », « est-ce que tu vis seule », etc., sans même se demander si ces questions sont déplacées ou non.

Tant et si bien que les femmes et les filles autistes sont totalement perdues, démunies, face à des notions aussi complexes que celle du consentement. Même de remarquables vidéos pédagogiques comme « La tasse de thé » (Le Monde Europe, 2016) – produite par la police anglaise – ne leur suffit pas. Voici deux exemples très parlants rédigés par l’AFFA (Association Francophones de Femmes Autistes ) :

« #moia15ansAutist Une sucette dans la bouche et un camarade me demanda si je voulais la sienne. J’ai répondu : « Oui, j’aime bien les sucettes, quelle saveur à la tienne ? ». Il m’attendait derrière un mur et m’a obligé la fellation. J’ai vomi son sperme. » (AFFA, 2017g)

« #moia15ansAutist Un adulte me demande s’il peut toucher ce qui est joli et doux (en regardant en direction de mon torse). Contente que les dessins sur mon tee-shirt lui plaisent, je lui donne « mon consentement ». Ses mains sont passées SOUS mon tee-shirt ! » (AFFA, 2017h)

Dans les deux cas, la jeune fille autiste donne sans le savoir son consentement pour un acte sexuel ou sexualisé parce qu’elle a mal décodé les mots de l’agresseur avec double sens (la sucette) ou peu clairs (« ce qui est joli et doux »), ainsi que les signes corporels de l’agresseur (regard sur le tee-shirt) pour le second exemple.

Les violences sexuelles attaquent fortement le lien

L’immense majorité des violences sexuelles sont commises par des hommes proches des victimes. Or les violences commises dans le cadre de relations proches produisent ce que l’on nomme des traumas complexes, soit des traumas dans lesquels le lien en apparence le plus sécure a été attaqué et détruit par l’agresseur. C’est la raison pour laquelle les traumas complexes sont les plus longs et difficiles à soigner. Une victime ayant vécu un trauma complexe ne pourra plus faire confiance à aucun lien, encore moins à un lien proche qui est pour elle devenu le lien le plus dangereux, celui auquel elle ne doit à aucun prix faire confiance, ce qui explique la difficulté à faire une psychothérapie (lien de proximité) et le temps considérable nécessaire jusqu’à ce que la victime puisse déjà faire confiance à sa-son thérapeute.

Autrement dit, les violences sexuelles sont une cause majeure de destruction de la capacité de lien, car il y a effraction par autrui de l’intimité de la victime. Sachant que les femmes et les filles autistes ont déjà un handicap qui se situe précisément sur la capacité de lien (caractéristique principale de l’autisme), on comprend à quel point les violences sexuelles sont cataclysmiques pour elles. Et ce qui attaque le plus violemment la capacité de lien, ce sont les violences sexuelles commises par des proches (majorité des cas), parce qu’elles produisent la destruction d’un lien proche, d’un lien de confiance (en apparence sécure), au moyen de violences qui atteignent l’intimité de la personne (psychique, corporelle, affective, émotionnelle, etc.).

D’autre part, lorsque l’agresseur sexuel est un proche, ces violences se produisent la plupart du temps dans un cadre où la victime n’a aucune possibilité de fuite. Le fait d’être ainsi piégée avec son agresseur sexuel conduit immanquablement à des psychotraumatismes très importants, et, souvent, à un Syndrome de Stockholm (amour et soutien inconditionnels pour l’agresseur). Autrement dit, le seul moyen de survie d’une victime de violences sexuelles commises par un proche, ce sont des troubles psychotraumatiques massifs, d’une complexité extrême (traumas complexes), ainsi qu’un possible attachement/soutien sans condition pour son tortionnaire.

Avec une capacité de lien brisée, les victimes d’agresseurs sexuels proches ne pourront souvent plus faire confiance à aucune personne proche, risqueront de s’isoler toujours davantage, voir de refuser les soins puisqu’elles ne pourront plus faire confiance aux thérapeutes (lien de proximité) et autres professionnel-le-s de la santé. Comme les femmes et les filles autistes ont déjà un handicap majeur de la capacité de lien, l’ajout de traumas complexes (attaque des liens les plus proches) aura des conséquences encore plus dramatiques que pour les personnes non autistes, car il y aura alors une sur-destruction, un sur-anéantissement de la capacité de lien.

Mères d’enfants autistes et mères autistes

Les causes de l’autisme sont encore mal connue. La recherche médicale en conclut cependant peu à peu qu’il n’y a sans doute pas une cause unique, mais que 3 pistes se démarquent nettement en tant que causes majeures de l’autisme : la piste génétique, la piste neurobiologique et la piste environnementale tels la pollution, les agents infectieux et les métaux lourds (Labbé, 2017).

Alors comment se fait-il qu’aujourd’hui encore l’on continue de rendre les mères responsables de l’autisme de leurs enfants en utilisant des théories sans aucune preuve scientifique (par exemple, les théories psychanalytiques) ?

Les mères n’y sont strictement pour rien dans l’autisme de leurs enfants. Elles veillent au contraire à ce qu’ils-elles soient pris-e-s en charge le mieux possible. Pourtant, lorsque les mères signalent l’autisme de leurs enfants, au lieu de les aider dans cette tâche, certain-e-s professionnel-le-s du social et du médico-social utilisent les symptômes des enfants autistes pour accuser les mères de maltraitance et pour remettre même en question le diagnostic d’autisme. Ainsi les mères qui tentent de faire prendre en charge leurs enfants autistes perdent-elles parfois la garde de leurs enfants qui sont alors placés. 

« (…) du fait de la prégnance de la psychanalyse parmi les professionnels du social et médico-social, ceux-ci interprètent les troubles de l’enfant comme la conséquence de mauvais traitements de la part de la mère, qui est souvent perçue comme trop fusionnelle, ou soupçonnée d’avoir le syndrome de Münchhausen par procuration (trouble psychiatrique théorique qui conduirait les parents à maltraiter leur enfant afin de susciter l’attention du corps médical). Ils n’hésitent pas à remettre en question le diagnostic d’autisme si celui-ci est posé, voire à faire pression sur le centre de dépistage pour ne pas diagnostiquer tel ou tel enfant. » (AFFA, 2017d)

La situation est la même, lorsque les mères sont elles-même autistes. Il suffira d’un signalement de la part de professionnel-le-s (enseignant-e-s, pédopsychiatres, médecins, assistant-e-s social-e-s, etc.) et leurs enfants risqueront fort d’être placé-e-s parce que pour des professionnel-le-s non formé-e-s à l’autisme le comportement des mères autistes suscite la méfiance (ne pas regarder dans les yeux, attitudes stéréotypées, visage inexpressif, etc.) et leur fait conclure que les enfants seraient en danger.

« L’association Francophone de Femmes Autistes œuvre contre les différentes formes d’abus que peuvent subir une femme autiste. Le signalement abusif en est un. » (AFFA, 2017d)

« (…) parce qu’une mère autiste ne paraîtra pas « normale » à leurs yeux, ils commenceront à suspecter un mauvais traitement sur l’enfant dès lors que celui-ci manifestera le moindre trouble ; ces professionnels seront tentés d’alerter les services de la protection de l’enfance (Aide Sociale à l’Enfance, ASE), qui lanceront une (…) Information Préoccupante (IP) pour “enfant en danger” (…) » (AFFA, 2017d)

Très engagée pour la défense des autistes, la cinéaste Sophie Robert a réalisé deux films sur la psychanalyse : Le mur ou la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme / septembre 2011 ; La théorie sexuelle / septembre 2012) (Kuhni, 2014). Dans ces films on entend des psychanalystes célèbres, qui, à la lumière des avancées scientifiques et sociétales (éthique, égalité, etc.) d’aujourd’hui, tiennent des propos plus que surréalistes sur l’autisme, les mères et l’inceste, par exemple.

Bibliographie

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