Domination masculine et appropriation du ventre des femmes

Pourquoi les hommes veulent-ils tant dominer les femmes ? Nous connaissons l’outil principal de la domination masculine : ce sont les violences sexuelles. Mais le but de cette domination n’est jamais nommé.

Pourtant, ce but, l’anthropologue Françoise Héritier nous en a régulièrement parlé : c’est la prise de pouvoir sur les utérus. Par conséquent, la domination masculine n’est ni une sorte de « pulsion masculine de domination » ni une lubie des hommes à vouloir dominer les femmes. Cette domination a un but bien précis : les utérus. Il est logique dans un tel contexte que les violences sexuelles soient devenues l’instrument majeur de cette domination, puisqu’en même temps qu’elles servent aux hommes à soumettre les femmes, elles leur permettent d’avoir accès aux utérus. Autrement dit, les violences sexuelles ne sont pas la finalité de la domination masculine, mais un instrument de domination à double visée (soumettre et inséminer) d’une efficacité redoutable.

En effet, selon Françoise Héritier, la domination masculine trouve sa source dans la nécessité pour les hommes de s’approprier les utérus pour se reproduire, les femmes devenant ainsi une sorte de « marmite » dans laquelle les hommes peuvent se reproduire.

Françoise Héritier est une référence en matière de domination masculine puisqu’elle a « consacré l’essentiel de ses recherches aux fondements de la domination masculine » (Collège de France, 2017).

Pour celles et ceux qui ne la connaissent pas encore, Françoise Héritier est une figure majeure de l’anthropologie, pionnière du féminisme et professeure honoraire au Collège de France où elle a dirigé le Laboratoire d’anthropologie sociale. Elle fut aussi la première femme à accéder à la chaire d’anthropologie du Collège de France où elle avait succédé à Claude Lévi-Srauss. Françoise Héritier s’est éteinte à 84 ans dans la nuit du 14 au 15 novembre 2017.

Les femme sont des marmites que les hommes doivent s’approprier

Françoise Héritier:
« 
Depuis toujours, la femme est une marmite »
(Wald Lasowski, 2018)

Voici quelques extraits d’ouvrages et d’entretiens dans lesquels Françoise Héritier explique que l’appropriation du ventre des femmes est la cause de la domination masculine.

Françoise Héritier dans l’ouvrage « La Différence des sexes » (2010) : « Les femmes (…) sont un matériau, ou bien une sorte de marmite dans laquelle les hommes, par le coït, mettent les enfants. (…) Les femmes sont devenues (…) une ressource à gérer, une matière première extrêmement précieuse qu’il ne fallait surtout pas laisser filer. (…) Les femmes sont devenues une monnaie d’échange pour faire les enfants et, surtout, les fils que les hommes ne pouvaient pas faire par eux-mêmes. Pour cela, il fallait qu’elles appartiennent aux hommes (…). » (Héritier, 2010, p. 64-68)

« S’approprier la marmite »


Commentaire / « La différence des sexes » de Françoise Héritier (Dupont, 2016)

(source image)

Françoise Héritier dans un entretien publié dans l’ouvrage « Une pensée en mouvement » (2009) : « Dans cet ouvrage Masculin/Féminin, vous dites des hommes qu’ils « manifestent une volonté d’appropriation de la fécondité des femmes, un désir de contrôler le pouvoir exclusif de donner la vie ».

[Françoise Héritier :] C’est la pierre de touche de la domination masculine. Elle découle de la valence différentielle des sexes. Aucun moyen n’existe de changer la donne. (…) Si une femme n’a pas d’enfant, c’est que quelque chose en elle le refuse. Il faut donc les y contraindre. Des systèmes conceptuels de pensée qui donnent la part belle à l’homme dans la procréation sous-tendent les systèmes sociaux où ce sont des hommes qui échangent entre eux des femmes, entendues comme fécondité en puissance. La domination masculine s’exerce a priori sur des femmes en âge de procréer ou sur de petites filles dont on attend tout dans l’avenir. Il ne s’agit pas de la pure expression du désir sexuel, dont je ne nie certes pas l’importance, mais du simple fait observé dans maintes sociétés que les femmes infécondes, ménopausées ou veuves privées de support mâle, changent de statut. Pour ces femmes, c’est souvent la déréliction. » (Héritier, 2009, pp. 100-101).

Françoise Héritier dans l’émission Ce Soir ou Jamais (2009) : « (…) ce sont les hommes qui mettent les enfants dans les femmes, par le coït, par le rapport sexuel. Les femmes ne sont qu’un réceptacle. Mais à ce moment-là, elles deviennent quelque chose qu’il faut s’approprier, qu’il faut avoir et qui est réduit à l’état de maternité, l’état d’utérus pour faire des enfants (…) » (Le Monde, 2017b).

Françoise Héritier dans l’émission Les Mots de Minuit (2013) : « (…) les corps féminins sont des corps mis à la disposition des hommes pour qu’ils aient des enfants et c’est eux qui mettent les enfants dans les femmes, dans le corps des femmes (…) les femmes étaient des biens que les hommes devaient garder pour eux-mêmes pour pouvoir se reproduire, pouvoir faire du semblable à eux-mêmes. Elles sont devenues affectées à la maternité, appartenant aux hommes (…) » (Ina.fr, 2017).

Françoise Héritier
Paris, mars 2013

Source image :
« Françoise Héritier : « Il faut anéantir l’idée d’un désir masculin irrépressible » »
(Le Monde, 5 novembre 2017)

Les hommes pensaient planter des graines dans le ventre des femmes

Pendant des millénaires, les hommes ont pensé qu’ils créaient seuls les enfants et que les femmes n’étaient que des réceptacles dans lesquels ils déposaient leurs graines pour faire des enfants.

« A l’époque évidemment, les humains ignoraient que les femmes avaient des ovules, les hommes des spermatozoïdes et que les deux devaient se rencontrer en apportant chacun la moitié du capital génétique pour que naisse un enfant particulier avec son individualité propre. Nous n’avons découvert cela progressivement qu’à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe. Et c’est seulement au XXe siècle, avec la génétique, que nous avons compris qu’il fallait l’apport commun des deux sexes pour faire un enfant. Cette découverte est très récente. » (Héritier, 2010, p. 65).

Ce n’est qu’au siècle dernier que la science a découvert que les femmes avaient leurs propres gonades (les ovaires), comme les hommes (les testicules) et qu’il y avait tout un processus de fécondation dans lequel un spermatozoïde (gamète mâle) de l’homme pénètre dans l’ovule (gamète femelle) de la femme.

« La fécondation est réalisée par la pénétration du spermatozoïde dans l’ovule ou ovocyte de deuxième ordre, puis par la fusion des éléments nucléaires et cytoplasmiques du spermatozoïde et de l’ovule. L’ovule fécondé prend le nom de zygote. C’est la première cellule du futur bébé. » (Vaillant, 2011)

Ces découvertes scientifiques auraient dû changer la perception des femmes par la société : elles n’étaient plus de simples réceptacles ou des « marmites » (Héritier, 2010). En réalité, ces connaissances scientifiques n’ont strictement rien changé puisque les hommes n’avaient toujours pas d’autres moyens pour se reproduire que de s’approprier les utérus.

L’appropriation des utérus donne sens à la domination masculine

Savoir que l’appropriation des utérus est la cause de la domination masculine est fondamental : cela donne sens à la domination masculine. L’on comprend enfin la raison de l’oppression des femmes. Et l’on saisit enfin le but réel de la violence machiste systémique (Kuhni, 2018), aussi nommée « culture du viol », que les hommes ont mis en place pour pouvoir dominer les femmes.

Les hommes n’oppriment donc pas les femmes pour rien, juste comme ça, parce qu’ils veulent dominer. Ce n’est pas une simple lubie des hommes à vouloir dominer les femmes. Cette domination vise au contraire un but extrêmement précis : l’appropriation des utérus.

Sans quoi, la domination masculine n’a pas de sens, elle serait absurde, une domination gratuite. En effet, pourquoi les hommes voudraient-ils tant dominer les femmes ?

Pour le sexe ? Certainement pas. Pour les hommes, le sexe n’est pas une telle obsession qu’ils auraient eu la nécessité de créer tout un système d’asservissement des femmes pour l’obtenir. En revanche, le sexe est ce qui permet d’inséminer les utérus. Ce n’est donc pas un hasard que le sexe figure à ce point au premier plan dans nos sociétés patriarcales.

Source image : « Gloria Steinem On Getting An Illegal Abortion  »
(Huffpost, 27 octobre 2015)

La domination masculine vise les utérus

Il est important de préciser que ce sont les utérus qui sont visés par la domination masculine et non les femmes en tant que tel.

Par conséquent, les hommes trans ou FtM (femmes ayant fait la transition pour être homme) sont aussi susceptibles de subir la même oppression puisque, étant nés femmes, ils ont un utérus. Les hommes trans qui accouchent font d’ailleurs l’objet d’une forte médiatisation qui valorise l’utilisation de leurs utérus.

Quant à la lesbophobie qui est très présente dans notre société patriarcale, il n’est pas impossible qu’elle trouve sa source dans le fait que les utérus des lesbiennes ne sont pas à disposition des hommes. Par conséquent, la domination masculine se doit d’exercer des représailles sur ces femmes dont le ventre échappe aux hommes.

Abolir la domination masculine

Françoise Héritier, Ce Soir ou Jamais (2009) :
« [la domination masculine] est le problème politique majeur parce que les autres formes de domination, elles ont pris modèle sur celle-là. C’est celle-là, la plus ancienne, la primitive, et les autres se sont calquées dedans. »
(Le Monde, 2017b).

Avec la domination masculine, depuis la nuit des temps, une moitié de l’humanité (les hommes) opprime l’autre moitié (les femmes), la réduisant en esclavage par la violence et l’appropriation de ses ventres. Cette oppression des femmes mène immanquablement l’humanité vers un désastre ou « un énorme échec » comme le dit Françoise Héritier.

Françoise Héritier, entretien (2015) :
« Alors qu’est-ce qu’il reste à changer ? C’est la volonté politique d’abord. Il faut véritablement qu’on se rende compte que c’est du fondamental tout autant que le problème écologique. Le problème de la relation hommes-femmes, c’est ce sur quoi sont basées nos sociétés et si on ne les change pas ce sera l’énorme échec de l’humanité, l’énorme échec de l’humanité. » (Brut, 2017b)

Pour éviter ce désastre de l’humanité, la domination masculine doit être abolie, comme l’a été l’esclavage. Et pour que cette lutte soit efficace, qu’elle vise le bon objectif, nous devons d’abord comprendre la cause de la domination masculine.

Nous devons nous demander pourquoi les femmes sont opprimées par les hommes dans nos sociétés patriarcales, quelle est la raison de cette oppression et qu’est-ce qui pousse les hommes à établir leur domination sur les femmes depuis des millénaires ?

Pour mettre en place la domination masculine indispensable à l’appropriation des utérus, la société patriarcale a créé un système très élaboré de violences machistes systémiques (Kuhni, 2018), dont les violences sexuelles qui permettent aux hommes d’inséminer les femmes à leur guise.

Ces violences machistes systémiques sont aussi nommées « culture du viol », ce qui illustre parfaitement la finalité de ces violences : l’insémination des utérus pour la domination masculine.

La culture du viol

(FéministesVSCyberH, 2016)

Sans libération des utérus, l’égalité est impossible

La compréhension du fondement de la domination masculine permet de prendre conscience que les utérus sont la raison pour laquelle les femmes n’arrivent pas à atteindre l’égalité. Et d’un autre côté, les utérus sont aussi la clef pour atteindre l’égalité. Autrement dit, seule la libération des utérus peut abolir la domination masculine. Et tant que nous, les femmes, n’aurons pas conscience de cela, il est fort probable que nous n’atteindrons jamais l’égalité.

Un exemple concernant les résistances à l’égalité de nos sociétés patriarcales : selon une étude du Forum Economique Mondial (2016), l’égalité salariale pour les femmes serait impossible à réaliser avant des décennies et ne pourra être atteinte qu’en 2186 (soit dans 170 ans).

Ce frein continu à l’égalité perdure depuis des millénaires, car malgré les avancées de la science, il n’existe aucune autre solution à ce jour : les hommes ont toujours besoin du ventre des femmes pour se reproduire. Ainsi l’enjeu de la domination masculine reste inchangé et l’oppression des femmes se poursuit de plus belle (GPA, lois anti-IVG, etc.). Pour sortir de cette oppression, les femmes doivent donc absolument reprendre le pouvoir sur leurs utérus.

Source image : « «Féminisme», mot de l’année 2017 aux États-Unis »

Par conséquent, pour permettre aux femmes d’accéder enfin à l’égalité, il est fondamental que toutes les contraintes à utiliser leur utérus (coercition reproductive) et toutes les formes d’exploitation reproductive (GAP, etc.) soient interdites et sévèrement sanctionnées. C’est le seul moyen pour que cessent toutes les violences reproductives à leur encontre. Les femmes doivent pouvoir choisir librement quand elles souhaitent procréer, sans jamais subir ni pressions ni exploitation. Et si elles ne souhaitent pas procréer, ce choix doit être respecté.

Les femmes doivent avoir le droit de parler de leur utérus

Pour reprendre le pouvoir sur leurs utérus, les femmes doivent avoir le droit d’en parler. Or, depuis quelques années, certaines personnes des milieux trans interdisent aux femmes de parler de leur utérus, sous prétexte que ce serait discriminatoire pour les femmes trans ou MtF (hommes ayant fait la transition pour être femme) que les femmes parlent de leur utérus.

L’interdit de parler de leur utérus constitue un grave problème puisque les femmes ont interdiction de parler de l’organe qui est la cause même de leur oppression. Cette tentative d’effacer le mot « utérus » du langage des femmes dénote des pressions grandissantes de la domination masculine pour occulter toujours plus les causes de leur oppression. Sinon ces personnes des milieux trans devraient aussi interdire aux hommes de parler de leur pénis, sous prétexte que ce serait discriminatoire pour les hommes trans ou FtM (femmes ayant fait la transition pour être homme) que les hommes parlent de leur pénis.

Ce qui est significatif, c’est que l’interdiction pour les femmes de parler de leur utérus arrive simultanément avec l’arrivée de la GPA qui est une aggravation phénoménale de l’exploitation des utérus.

Les utérus sont le pouvoir des femmes

Notre société patriarcale a un besoin vital que les femmes procréent, puisque son système économique est entièrement basé sur la croissance, donc sur la natalité. Par conséquent, s’il y a une baisse de la natalité, tout ce système s’effondre.

Ce système économique fondé sur un taux de natalité élevé n’est sans doute pas un hasard. Il permet de faire pression sur les femmes pour qu’elles utilisent leurs utérus, soi-disant pour la nation, mais en réalité pour les hommes, puisque ce système est entièrement créé et dirigé par les hommes de nos sociétés patriarcales.

Face à cet enjeu économique dont elles sont la clé, les femmes ont un pouvoir immense, celui de leur utérus. C’est en usant de ce pouvoir, en libérant leurs utérus, qu’elles peuvent obtenir des droits et abolir la domination masculine. La société a trop besoin des utérus, elle sera obligée d’écouter les femmes. Ce sont elles qui ont les utérus. Donc si les femmes décidaient de faire la grève des utérus, ne serait-ce que quelques mois, elles obtiendraient sans doute l’égalité et des lois qui les protègent.

Source images : « Lady Power Patch » et « Lady Power Pin »

Mais la libération des utérus n’est pas une mince affaire, car elle crée bien évidemment une forte résistance de la part de la domination masculine. C’est pourquoi, depuis que les femmes tentent cette reprise de pouvoir sur leurs utérus (contraception, légalisation IVG, etc.), elles subissent un violent backlash (Kuhni, 2014) par rapport à leurs utérus sur lequel elles ont osé vouloir reprendre le pouvoir. Par exemple : GPA, lois anti-IVG, etc.

Concernant ce thème de la libération des femmes, il est important de préciser que la liberté sexuelle des femmes ne doit être liée ni à la reproduction ni à l’achat de sexe, mais être une sexualité libérée de ces violences. Donc la liberté sexuelle des femmes, c’est de ne pas être soumises aux modèles de la ferme et du bordel, tels que décrit par Andrea Dworkin (voir plus loin dans l’article).

Pour la libération des utérus, les femmes ont besoin de lois

Pour reprendre pleinement le pouvoir sur leurs utérus, les femmes ont besoin de lois qui condamnent les violences reproductives à leur égard. Or, pour l’instant, cette violence qui est la cause même de l’oppression des femmes n’est jamais nommée. Il n’existe aucune infraction à ce sujet dans le code pénal, aucune catégorie de crime pour la coercition reproductive à l’encontre des femmes (grossesses forcées).

Par exemple, lorsque l’on parle des viols de femmes ou de filles, l’on ne parle jamais de l’appropriation des utérus par les violeurs. Cette appropriation est occultée. On occulte que les violeurs ont pu engrosser les filles et les femmes qu’ils ont violées. Or, être engrossée de force est une violence inouïe. D’ailleurs, pour les filles et les femmes, la peur du viol, c’est aussi la peur d’être engrossée par le violeur. Le fait d’être utilisées de force comme des mères porteuses ou « sorte de marmite » comme le dit Françoise Héritier (Héritier, 2010) devrait être un facteur aggravant du viol. Alors pourquoi occulte-t-on cela ?

Il y a également un grand nombre de filles mineures qui sont enceintes après un viol. Voici ce qu’en dit la Dre Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie :

« Dans notre grande enquête de 2015, Impact des Violences Sexuelles de l’Enfance à l’Age adulte, près d’une victime sur 10 s’est retrouvée enceinte après un viol, et 20% d’entre elles étaient mineures. » (Salmona, 2018).

Au lieu d’être sanctionné, le violeur obtient des droits sur l’enfant, voire la garde de l’enfant. Dans le meilleur des cas, si la loi est appliquée (cas rarissime, car viol souvent pas reconnu), le violeur est sanctionné pour le viol. Mais la grossesse forcée, on n’en parle même pas, elle est considérée comme une fatalité, naturelle, coulant de source, faisant partie de l’ordre des choses, pour que l’on n’ait jamais conscience que cet acte violent devrait en réalité être reconnu comme un crime.

Les grossesses forcées, une catégorie de crime à inscrire dans la loi

Les grossesses forcées constituent une violence aussi grave que le viol lui-même. Pourtant, il n’existe aucune sanction pénale, rien dans le Code pénal, pour ce type de violence. Cet « oubli » permet aux hommes de se reproduire même par la force, sans jamais être sanctionnés.

Dans un tel contexte, l’exploitation reproductive des femmes ne cesse de s’aggraver. On peut le constater avec l’action intensive des lobbies anti-IVG et la forte médiatisation des lobbies pro-GPA qui utilisent ouvertement les femmes comme des « incubatrices » à disposition d’autrui. Pendant ce temps-là, la PMA peine à être légalisée pour les femmes seules et les couples de femmes, alors que la PMA n’exploite aucun autre être humain.

Dans le cadre de la lutte pour les droits des femmes, ce type de violence devrait aujourd’hui être reconnu par notre société en inscrivant dans la loi une catégorie de crime spécifique pour les grossesses forcées (coercition reproductive des femmes), afin qu’il y ait enfin des sanctions pénales (emprisonnement) et des sanctions civiles (droits parentaux exclus) à l’encontre de ces agresseurs.

En effet, lorsqu’un homme s’attribue de force un utérus pour se reproduire, il s’agit d’une violence d’une gravité extrême envers la femme. Par conséquent, il est fondamental que l’homme ayant inséminé de force (donc sans consentement) une femme n’obtienne pas de droits parentaux.

Sans quoi, la justice valide et autorise la violence reproductive à l’encontre des femmes, les hommes pouvant ainsi les utiliser de force telles des mères porteuses. D’autant qu’il arrive fréquemment de nos jours que des hommes demandent la garde des enfants contre le gré de la mère.

S’approprier les utérus avec la « culture du viol »

Pour s’approprier les utérus sans que les femmes ne s’en rendent compte, la domination masculine a développé l’idée que les hommes étaient obsédés par le sexe, avec des pulsions sexuelles irrépressibles qui exigeaient absolument qu’ils aient des femmes à consommer. Sauf que la domination masculine ne vise pas le sexe, mais les utérus. Le sexe n’est que le moyen d’insémination des utérus.

Françoise Héritier, émission Les Mots de Minuit (2013) :
« 
(…) la copulation est nécessaire pour qu’il y ait grossesse (…) »
(Ina.fr, 2017)

Le sexe a été mis au premier plan uniquement pour masquer le but réel de la domination masculine : l’appropriation des utérus. En effet, c’est « la copulation » selon le terme utilisé par Françoise Héritier, qui permet l’insémination des femmes. Sans copulation, il ne peut y avoir grossesse. C’est pourquoi, pour avoir accès aux ventres des femmes, il est essentiel pour les hommes de contraindre les femmes à copuler. C’est précisément le rôle des violences sexuelles qui contraignent les femmes à la copulation, contre leur gré, et ceci de façon continue, afin que leurs ventres soient en permanence à disposition des hommes pour qu’ils puissent s’y reproduire en déposant leur semence.

D’où la « culture du viol » de nos sociétés patriarcales qui permet aux hommes de s’approprier les ventres des femmes à tout moment, avec la plus grande facilité, de rendre les utérus à tout instant disponibles pour les hommes. Autrement dit, les violences sexuelles systémiques n’ont rien à voir avec des pulsions sexuelles. Elles sont un pur acte de domination masculine pour accéder aux utérus.

La « culture du viol » contient une batterie de justifications qui permettent aux hommes d’inséminer les femmes en faisant abstraction de leur non-consentement. Par exemple, la justification la plus courante des violeurs : « Quand une femme dit non, c’est oui ». Autrice du blog Antisexisme, la féministe Noémie Renard a publié un ouvrage remarquable dans lequel elle décrypte un à un tous les mécanismes de la « culture du viol » :

« Le concept de « culture du viol » n’est malheureusement pas toujours bien compris. On pense à un encouragement, à une célébration du viol, alors qu’il s’agit surtout d’inertie et de vieux réflexes. On ne saura donc trop recommander la lecture d’un essai tout récent, qui synthétise brillamment ces enjeux : En finir avec la culture du viol, aux éditions Les Petits Matins. Son auteure, Noémie Renard, fournit une quantité redoutable d’exemples concrets. » (Renard, 2018)

La pornographie a aggravé de façon phénoménale la « culture du viol » en plaçant comme jamais les femmes dans une position d’objet sexuel et en leur faisant croire que c’est normal, qu’elles doivent se soumettre à ce type de sexualité extrêmement violente, sans quoi, elles ne seraient pas de « vraies femmes », mais des femmes coincées, frigides, etc. D’autre part, la pornographie banalise au plus haut point le viol, comme s’il s’agissait d’une simple pratique sexuelle pour laquelle toutes les femmes seraient en permanence à disposition, à la maison, dans la rue, dans le milieu professionnel, etc. Donc avec la pornographie, la « culture du viol » a de beaux jours devant elle.

Sans compter la pédopornographie qui fait croire aux hommes que la pédocriminalité est une simple orientation sexuelle et que les enfants sont à leur disposition pour du sexe. Or, la pédocriminalité est un crime d’une gravité extrême et là aussi, dans ce contexte de domination masculine, les filles en sont les principales victimes.

La finalité des violences sexuelles, c’est la prise de pouvoir sur les utérus

Nous l’avons vu, la « culture du viol » ou violence machiste systémique (Kuhni, 2018) permet d’installer la domination masculine. Sans elle, les hommes ne pourraient dominer les femmes.

Ces violences sont une forme d’oppression des femmes bien spécifique qui permet aux hommes de s’approprier les utérus. Toutefois, lorsque l’on parle de « culture du viol », l’on met au premier plan le viol (l’instrument de la domination masculine pour atteindre son objectif), alors que l’insémination des femmes (l’objectif lui-même) est totalement occulté. 

En effet, la société patriarcale a créé une séparation artificielle entre le sexe et la reproduction qui permet l’exploitation reproductive des filles et des femmes par les hommes sans que personne ne s’en aperçoive. La séparation artificielle entre sexe et reproduction a été très bien conceptualisée par la féministe américaine Andrea Dworkin dans son texte sur la ferme et le bordel (Dworkin, 2012) dont des extraits figurent plus loin dans l’article.

A cause de cette séparation artificielle créée par la société patriarcale, le lien entre les violences sexuelles et l’insémination des utérus est totalement oublié, occulté, avec le sexe d’un côté, la reproduction de l’autre côté, comme si l’un et l’autre n’avaient rien en commun.

Si nous n’occultions pas cette véritable cause de la violence machiste systémique (Kuhni, 2018), il serait plus juste de parler de « culture de l’insémination », de « culture des incubatrices » ou de « culture de la ferme » en reprenant le concept du modèle de la ferme d’Andrea Dworkin (2012) décrit ci-après.

Voici quelques-unes de ces violences machistes systémiques qui visent directement la reproduction :

– pressions sociétales massives pour que les femmes utilisent leur utérus ;

– violences économiques pour rendre les femmes dépendantes des hommes et les contraindre par ce moyen à être en couple (but de ce type de violence : appropriation des utérus dans le couple) ;

– devoir ou viol conjugal (but de ce type de violence : contraindre les femmes en couple à la procréation) ;

– féminicide ou menace de féminicide (lorsque les femmes et leurs enfants tentent d’échapper à l’homme qui se considère leur « propriétaire ») ;

– les mariages forcés des filles ;

– violences sexuelles envers les filles et les femmes (but de ce type de violence : les habituer à être inséminables à tout moment) ;

– viol des filles et des femmes (grossesse forcées) ;

– refus du préservatif avec des filles et des femmes (grossesses forcées) ;

– coercition reproductive à l’égard des filles et des femmes (grossesses forcées) ;

– violences gynécologiques et obstétricales (prise de pouvoir sur les organes reproducteurs des filles et des femmes) ;

– arrivée en force de la GPA ;

– résistance phénoménale à la PMA ;

– montée en puissance des lobbies anti-IVG ;

– emprisonnements de femmes pour avortement et fausses couches ;

– mutilations sexuelles féminines (pour les réduire à la reproduction) ;

– viols de guerre avec mutilation des organes reproducteurs des femmes (pour détruire la capacité de reproduction d’un peuple) ;

– enlèvements de guerre de filles et de femmes (pour les réduire à l’esclavage reproducteur*) ;

– etc.

* En enlevant des filles et des femmes, ces hommes recherchent avant tout des utérus pour se reproduire, afin de renouveler et accroître leur cheptel de « combattants ». Autrement dit, pour eux, le sexe vise en premier lieu à inséminer les ventres des filles et des femmes qu’ils enlèvent. Donc parler d’esclavage sexuel, c’est encore une fois occulter la finalité réelle de ces violences : l’exploitation reproductive.

L’occultation sert à normaliser un système oppresseur en le masquant

Certains systèmes oppresseurs fonctionnent au grand jour (dictatures, par ex.), d’autres de façon masquée (violences machistes, par ex.), sans que l’on puisse en avoir pleinement conscience. Le fait de masquer ou occulter augmente l’efficacité de l’oppression, car elle va dès lors passer pour naturelle, coulant de source, faisant partie de l’ordre des choses.

Dans nos sociétés patriarcales, l’appropriation du ventre des femmes (violence reproductive) est la violence la plus occultée, celle qui est totalement invisibilisée, à tel point qu’il n’existe rien dans le Code pénal pour la sanctionner. Une occultation aussi parfaite prouve que nous sommes face à la cause de l’oppression des femmes par les hommes. C’est la preuve que le système oppresseur de la domination masculine est bien fondé sur cette violence.

Sur ce thème de l’occultation, la coercition reproductive des femmes a donné lieu à l’inversion classique des systèmes de violences machistes (outil d’occultation), avec la création de mythes tels que ce seraient les femmes qui feraient des bébés dans le dos des hommes alors que ces derniers n’en voudraient pas. Or, depuis des millénaires, la situation est exactement l’inverse puisque ce sont les hommes qui s’approprient le ventre des femmes dans le but de se reproduire, avec une large palette de coercitions reproductives et de pressions sur les femmes pour qu’elles utilisent leurs utérus.

D’ailleurs, il n’existe aucun mythe du style « les hommes font des bébés dans le dos des femmes ». Cette absence de mots pour nommer cette violence est la signature de l’occultation.

L’occultation assure l’impunité des agresseurs

L’occultation de cette finalité de la domination masculine (s’approprier les utérus) permet également d’assurer l’impunité des agresseurs. En effet, comme les femmes n’ont pas conscience de la violence reproductive à leur égard, elles ne vont pas réclamer de lois pour sanctionner l’engrossement de force. Elles et la société entière continueront de considérer cela comme une fatalité, quelque chose de normal, de naturel, la conséquence irrémédiable du sexe. On se dira «Bah, voilà, c’est comme ça, on n’y peut rien ! »

Et si l’on veut sanctionner les agresseurs, l’on nous dira encore : « Comment osez-vous remettre en question la naissance d’un enfant ? » Alors qu’il n’est nullement question de rejeter la naissance d’un enfant. Il est simplement question de sanctionner l’engrossement de force pour stopper l’exploitation reproductive des femmes, la main-mise des hommes sur les ventres des femmes.

Pourquoi sanctionner cela ? Parce que l’engrossement de force est une violence inouïe envers les femmes et qu’il faut que cette oppression cesse. Les femmes ne doivent plus être réduites à l’état de « classe reproductive exploitée » à cause de leurs utérus.

Andrea Dworkin : la ferme et le bordel

En 1983, la légendaire féministe américaine Andrea Dworkin a conceptualisé autour des modèles patriarcaux de la ferme (maternité) et du bordel (prostitution) dans un passage de son ouvrage « Right Wing Women », en français « Les femmes de droite » (Dworkin, 2012).

Andrea Dworkin

Source image : Bennington College
Collège où Andrea Dworkin était étudiante en 1965

Ce texte est glaçant et fait froid dans le dos lorsque l’on pense à la GPA (gestation pour autrui ou mères porteuses) qui se développe dans l’indifférence générale, avec un battage médiatique considérable qui présente de plus cette nouvelle forme d’exploitation comme un progrès pour les femmes. Dans son texte, Andrea Dworkin explique également la séparation artificielle entre sexe et reproduction qui permet aux hommes d’exploiter les utérus sans que les femmes n’en aient conscience, car si elles en avaient conscience, les femmes n’accepteraient jamais d’être reléguées à l’état de « vaches » (Dworkin, 2012, pp. 174-176) pour que les hommes puissent se reproduire.

Voici quelques extraits de ce texte puissant :

« Il existe deux modèles qui décrivent essentiellement la façon dont les femmes sont socialement contrôlées et sexuellement utilisées : le modèle du bordel et celui de la ferme.

Le modèle du bordel est lié à la prostitution, au sens strict ; des femmes rassemblées aux fins d’être utilisées pour le sexe par des hommes ; des femmes dont la fonction est explicitement non reproductive presque antireproductive ; des animaux sexuels en rut ou qui feignent de l’être, s’affichant pour le sexe, qui se pavanent et posent pour le sexe.

Le modèle de la ferme est lié à la maternité, aux femmes en tant que classe ensemencées par le mâle et moissonnées ; des femmes utilisées pour les fruits qu’elles portent, comme des arbres ; des femmes allant de la vache primée à la chienne pelée, de la jument pur-sang à la triste bête de somme.

Ces deux pôles de la condition des femmes ne sont distincts et opposés qu’en surface, au plan conceptuel. Ce sont les hommes qui en font deux pôles et qui insistent sur leur distinction, leur opposition. Cette prétention masculine est intériorisée et réitérée jusqu’à ce qu’il soit plus facile de répéter le concept par cœur que de voir la réalité. Mais le concept n’est exact (descriptif) que d’un point de vue masculin – c’est-à-dire si l’on accepte les définitions masculines des actes et des femmes en cause. Tout au long de la vie des femmes, soit selon une perspective de femme, ces deux conditions se chevauchent et s’entrecroisent, chacune renforçant l’efficience de l’autre. Toute femme peut être à la fois prostituée et mère, prostituée et épouse (une mère éventuelle), ou l’une et puis l’autre, dans n’importe quel ordre ; et toute femme peut être sujette à la fois aux règles propres aux modèles du bordel et de la ferme.

Les euphémismes de la religion et de l’amour romantique empêchent habituellement les femmes de comprendre que le modèle de la ferme les concerne directement et personnellement. Les femmes d’aujourd’hui ne se perçoivent ni comme des vaches, ni comme une terre que l’homme ensemence, pourtant, le mariage patriarcal incorpore l’une et l’autre de ces traditions saisissantes qui définissent les femmes ; les textes de loi ont pour socle ces mêmes images et concepts de ce à quoi servent les femmes ; et l’usage des femmes comme vaches et comme terre a été au cœur de leur histoire. La façon dont les femmes sont traitées, évaluées et utilisées diffère remarquablement de leur perception d’elles-mêmes. (…) l’image qui leur serait renvoyée – vache, terre, utérus, moissonnée, labourée, ensemencée, récoltée, envoyée paître et desséchée – détruirait toute illusion d’individualité permettant à la plupart des femmes de tenir le coup. Les lois qui les ont transformées en possessions découlaient d’une analogie entre les femmes et les vaches que les hommes ont jugée pertinente depuis des siècles. Quant au qualificatif de vache comme insulte sexuelle, ce n’était apparemment pour eux qu’une observation neutre, qui reflétait leur disposition du moment – c’est une vache. L’idée que l’homme ensemence et que la femme est ensemencée date de l’Antiquité, et Marcuse est un de ceux qui l’ont réitérée à l’ère moderne en assimilant la femme à la terre. Le modèle de la ferme n’est pas discuté en tant que tel, même parmi les féministes : il révèle trop clairement l’impersonnalité, la dégradation et la futilité désespérées qu’implique la position subordonnée des femmes.

Le modèle du bordel est plus familier, entre autres parce que la situation des prostituées est exhibée à l’ensemble des femmes comme avertissement, menace, destin et damnation fatidiques, le châtiment infernal des filles déchues : châtiment des femmes qui ont une activité sexuelle sans la protection du mariage et sans l’objectif de la reproduction ; châtiment pour celles qui sont délinquantes ou rebelles ou sexuellement précoces ; châtiment pour être femme sans les sacrements purificateurs.

Dans le modèle du bordel, il est admis que la femme ne sert qu’au sexe, sans référence à la reproduction. (..) Certaines femmes de la gauche acceptent le point de vue gauchiste masculin pour qui il s’agit là d’une avancée gigantesque pour les femmes, pour qui cette séparation du sexe et de la reproduction est en réalité une forme de liberté – la liberté vis-à-vis de la contrainte domestique et la soumission domestique, la liberté face à un couplage intrinsèquement totalitaire entre le sexe et la reproduction. Elles ne comprennent pas que, dans le modèle du bordel, le sexe est dissocié de la reproduction pour que le sexe puisse être vendu, pour que le sexe (et non les bébés) soit ce qui est produit, pour que soit créée une association intrinsèquement totalitaire entre le sexe et l’argent, qu’exprime avec lucidité la vente de la femme comme marchandise sexuelle.

(…) Le modèle de la ferme, en revanche, exige l’usage constant de la force (explicite ou implicite, un mélange savamment dosé d’habitude) (…) Conscients de ces limites du modèle de la ferme, les hommes l’ont tout simplement imposé à toutes les femmes non prostituées, pour se garantir les meilleures chances : ils punissent de sanctions sociales et économiques les femmes qui tentent d’y échapper, surtout celles qualifiées de vieilles filles et les lesbiennes. (…) les hommes ont exercé le pouvoir de leur classe de sexe de façon à tenir toutes les femmes non prostituées en état de reproduction sous la domination explicite d’un mari. Ce fut leur meilleure méthode pour contrôler la reproduction, pour s’approprier l’utérus et avoir des enfants, pour tenir les femmes sous le joug de la volonté reproductive des hommes. » (Dworkin, 2012, pp. 174-186).

Les femmes de droite – Andrea Dworkin (2012)

En Suisse, le viol, ce n’est que la pénétration vaginale par un pénis

En Suisse, le viol n’est reconnu que pour la pénétration vaginale par un pénis. Toutes les autres pénétrations (fellation, sodomie, pénétration par un objet, etc.) sont considérées comme de simples « contraintes sexuelles », avec des peines plus légères.

« La législation suisse définit le viol (art. 190 du Code pénal) seulement lorsqu’il y a pénétration vaginale par un pénis. Tout autre type de pénétration n’est défini que comme une « contrainte sexuelle » (art. 189 du Code pénal). Et la victime doit prouver qu’elle a été mise hors d’état de résister (violence, menace, pressions). » (OLF Suisse, 2016)

En créant cette loi, la préoccupation du législateur suisse n’a pas été de protéger l’intégrité des femmes Sa seule préoccupation a été de protéger l’intégrité des femmes en tant que propriété de l’homme, du fait qu’un viol vaginal entraînait un risque de descendance illégitime pour le mari. Et cette loi perdure aujourd’hui encore.

La loi suisse sur le viol est donc un véritable « Stop, chasse gardée, l’utérus de cette femme appartient à son mari ! ». Par elle-même, cette loi suisse symbolise bien l’exploitation reproductive des femmes et l’appropriation des utérus par les hommes.

En plus d’avoir l’une des lois sur le viol les plus archaïques et genrées au monde, la Suisse considère le viol comme un crime « bagatelle » (Fournier-Lorentz, 2018), à tel point que d’autres pays s’en inquiètent.

« L’article 190 du Code pénal suisse définit actuellement le viol comme étant la contrainte « d’une personne de sexe féminin » à subir « l’acte sexuel », c’est-à-dire « la pénétration vaginale par un pénis ».

Un crime « bagatelle » en Suisse (…) il y a de quoi être alarmé par le retard qu’accumule la Suisse, par rapport aux pays voisins, en matière de définition du viol, des contraintes sexuelles, et de peines infligées. En plus d’avoir une vision genrée et archaïque du viol, la loi suisse prévoit des peines que beaucoup qualifient de particulièrement légères contre les auteurs de viol, à tel point qu’une série d’articles dénonçaient en 2016 le caractère « bagatelle » de ce crime. (…) La peine plancher d’un viol est, toujours en Suisse, d’un an — trois ans en cas de circonstances aggravantes. La peine maximale est de 10 ans. Le viol d’un homme ainsi que le fait de subir une sodomie, une fellation ou encore une pénétration par objets sont classés comme « contraintes sexuelles », et plus légèrement punies.

À titre de comparaison, en France, l’article 222-23 du Code pénal dispose que : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui, par violence, contrainte, menace ou surprise, est un viol« . La loi belge possède la même définition juridique. Le viol est puni de 15 ans de réclusion criminelle par la loi française. Cette peine peut être portée à 20 ans en cas de circonstances aggravantes, 30 ans si le viol a causé la mort de la victime, ou la perpétuité s’il a été accompagné de tortures. » (Fournier-Lorentz, 2018).

En Suisse, ces peines particulièrement légères pour le viol (reconnu uniquement pour pénétration vaginale par un pénis) fait penser que l’homme qui viole une femme par pénétration vaginale avec son pénis ne doit pas être sanctionné trop sévèrement, sachant qu’il a potentiellement inséminé l’utérus de cette femme, ce qui est considéré comme un acte valeureux par le patriarcat.

Pour les filles, l’âge du consentement pour le sexe, c’est l’âge pour être engrossées

Les deux groupes ayant le plus grand nombre de grossesses non désirées sont les adolescentes et les femmes précarisées. Cela signifie qu’un grand nombre de filles mineures sont engrossées sans leur consentement (grossesses non désirées), souvent par des hommes adultes.

Le 13 février 2018, le tribunal correctionnel de Pontoise s’est déclaré incompétent (Quentel, 2018) pour juger le viol d’une fillette de 11 ans par un homme de 28 ans. Cette affaire était jugée en correctionnelle parce que la fillette avait été considérée comme consentante par le parquet ! Ce prétendu consentement a eu pour effet de déqualifier le viol (un crime) en « atteinte sexuelle » (un délit) et donc de permettre de condamner le pédocriminel bien plus légèrement.

« En avril 2017, une fillette de 11 ans avait porté plainte pour “viol” contre un homme de 28 ans. Le parquet de Pontoise avait considéré qu’elle était consentante, et choisi de qualifier pénalement les faits comme “atteinte sexuelle sur mineur de moins de 15 ans” – ce que les parties civiles contestaient vivement. Le dossier, qui a relancé le débat sur l’âge légal de consentement des mineur-e-s

(…) [les faits] en avril 2017, Sarah*, onze ans, rentre du collège. Elle est abordée par Romain*, un homme de 28 ans, qu’elle ne connaît pas, et accepte de le suivre jusqu’à un immeuble. Là, il tente de l’embrasser, puis exige une fellation à la petite fille qui la fait, “tétanisée” selon sa mère, citée par Mediapart, qui avait révélé l’affaire. Elle le suit ensuite à son appartement, où l’homme la pénètre sexuellement. La fillette, bouleversée, s’empresse de téléphoner à sa mère en sortant et lui raconte tout. Une plainte pour « viol » est déposée dans la foulée. » (Quentel, 2018).

C’est au moment de l’affaire de Pontoise que la population française a appris avec stupéfaction qu’il n’y avait aucun interdit clair dans la loi pour le sexe entre enfants et adultes (pédocriminalité) et que cela était laissé à l’appréciation des juges !

L’affaire de Pontoise a donc provoqué un tollé en France et un début de réflexion pour changer la loi afin d’y introduire un âge du consentement irréfragable pour les mineur-e-s (13 ans ou 15 ans). Au regard de la loi, l’âge du consentement est celui où les mineur-e-s ont le droit de choisir en tout légalité d’avoir du sexe avec des adultes. Cette limite d’âge existe déjà dans le code pénal de certains pays, défini à 11, 12, 13, 14 ou 15 ans selon le pays.

Malheureusement, en déterminant un âge du consentement des mineur-e-s, l’on traite de la même façon les filles et les garçons. Or, dès la puberté, les filles peuvent être enceintes. Donc si l’âge du consentement est fixé à 13 ans ou 15 ans, dès cet âge elles pourront être engrossées par des hommes adultes. Donc la situation n’est absolument pas la même pour les filles que pour les garçons.

Par conséquent, fixer un âge du consentement pour le sexe en faisant abstraction que les filles peuvent être engrossées est très problématique, cela signifie que les hommes adultes ont l’autorisation d’engrosser les filles dès cet âge. Et la grave violence que cela représente, personne n’en parle. La société entière fait semblant de l’« oublier ».

Pour fixer un âge du consentement au sexe pour les filles, si l’on cessait de faire semblant d’ « oublier » que les filles peuvent être ensemencées, il faudrait intégrer le paramètre de la grossesse et déterminer à partir de quel âge un homme adulte a le droit de disposer de l’utérus d’une mineure. Autrement dit, l’âge du consentement pour le sexe devrait intégrer l’âge du consentement pour la reproduction, c’est-à-dire un âge auquel les filles mineures peuvent être engrossées.

Dans nos sociétés,
lorsque des filles mineures sont engrossées par des hommes adultes,
nous reproduisons quasiment les « mariages forcés »
que nos pays dit développés prétendent pourtant dénoncer

Source image : « L’ONU dénonce les mariages d’enfants »
« Dans les pays en développement, une fille sur trois est mariée avant d’avoir fêté ses 18 ans. » (Le Figaro, 12 octobre 2012)

Lorsqu’un homme adulte engrosse une fille mineure qui n’a pas atteint l’âge de la majorité sexuelle ou l’âge du consentement, il s’agit clairement de pédocriminalité.

D’autre part, au niveau de la loi, ce sont les adultes qui sont responsables face à des personnes mineures. Par conséquent, c’est à l’homme adulte de prendre des mesures (contraception masculine + préservatif, etc.) pour ne pas engrosser une fille mineure en ayant du sexe avec elle. C’est la pleine responsabilité de l’homme adulte. Et s’il engrosse une fille mineure, il devrait être sanctionné sévèrement.

Une fille mineure n’a pas la maturité psychique pour savoir qu’elle risque d’être exploitée pour son utérus, ni même pour avoir pleinement conscience qu’elle risque d’être engrossée si elle a du sexe avec un homme. En revanche, l’adulte le sait parfaitement. Donc la responsabilité d’une grossesse appartient à l’homme adulte et non à la fille mineure.

Malheureusement, il n’existe aucune infraction pour les hommes qui engrossent des filles mineures. Pourtant, être engrossée en tant que mineure est une violence extrême, avec l’effondrement de sa jeunesse, de ses projets, de sa vie, etc. sans compter l’exploitation reproductive de son utérus.

D’autant que la majorité des filles mineures qui ont du sexe avec un homme adulte sont sous son emprise, manipulées par lui (grooming), mises sous pression par lui pour qu’elles cèdent. Autrement dit, les filles mineures ne souhaitent pas du sexe avec cet homme adulte, mais elles y sont contraintes. Donc si après avoir subi du sexe contre leur gré, elles sont en plus engrossées, il s’agit d’une double violence, d’une double exploitation de filles mineures par des hommes adultes.

Les coercitions reproductives (grossesses forcées)

Les coercitions reproductives les plus courantes pour contraindre une femme à une grossesse sont le viol et le refus du préservatif (ou condom). Les hommes refusent souvent le préservatif sous prétexte d’un manque de sensation, mais en réalité, le refus du préservatif est souvent fondé sur le fait qu’ils éprouvent une excitation beaucoup plus grande lorsqu’ils savent qu’ils peuvent inséminer une femme. Ce refus du préservatif est donc un acte de domination pure de la part d’un homme, un acte de prise de pouvoir sur l’utérus d’une femme pour contraindre cette femme à procréer pour lui.

Parmi les coercitions reproductives pour une grossesse forcée, on trouve également le stealthing (retrait du préservatif à l’insu de la femme), le sabotage de la contraception (perçage du préservatif, destruction des pilules contraceptives, etc.) et l’entrave à l’avortement.

«  Le stealthing et la coercition reproductive (…) des pratiques inquiétantes qui méritent d’être documentées (…) le retrait du condom lors des relations sexuelles, à l’insu du [ou de la] partenaire qui se fait pénétrer, communément appelé le stealthing, n’est ni une légende urbaine, ni un phénomène isolé (HuffPost, mai 2017 ; Journal de Montréal, mai 2017 ; Journal de Québec, mai 2017).

(…) Ce qui caractérise le stealthing, c’est l’absence de consentement à une relation sexuelle sans condom.

(..) Dans le cadre de nos travaux de recherche actuels, nous concevons le stealthing qui se produit entre partenaires hétérosexuels comme la pointe de l’iceberg d’un phénomène plus large: la coercition reproductive.

À l’intersection des domaines des violences faites aux femmes et de la santé reproductive, la coercition reproductive fait référence à des comportements qui interfèrent avec la contraception et la planification des naissances et réduisent l’autonomie reproductive féminine

(…) Outre le stealthing, comment se manifeste la coercition reproductive ? (…) La première forme réfère au sabotage contraceptif (…) p.ex., en retirant le condom lors de la relation sexuelle, en perçant un trou dans le condom ou en détruisant les pilules contraceptives (…).

La seconde forme renvoie aux pressions relatives à la grossesse (…) [l’homme] menace de rompre la relation si [la femme] (…) ne devient pas enceinte (p.ex., menacer d’infidélité, etc.), ou de la blesser physiquement si elle utilise (ou non) la contraception afin de contrôler la survenue d’une grossesse.

La troisième forme de coercition reproductive, la coercition durant la grossesse (…) afin de décider seul de l’issue de la grossesse (p.ex., en empêchant la partenaire d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse) (Chamberlain & Levenson, 2012; Clark et al., 2014; Miller et al., 2010a; Miller & Silverman, 2010; Moore, Frohwirth, & Miller, 2010; Silverman et al., 2010). » (L3S, 2017)

Voici un excellent diaporama avec 9 signes de coercition reproductive (grossesses forcées) que l’on peut observer, sachant qu’il y a en plus le viol, les pressions sociétales pour être enceinte et les entraves à l’avortement : The 9 Signs Of Reproductive Coercion

1) « Told you not to use any birth control (like the pill, shot, ring, etc.) ». Traduction : Il vous a dit de n’utiliser aucune contraception (comme la pilule, le contraceptif en injection, l’anneau vaginal, etc.).

2) « Said he would leave you if you didn’t get pregnant ». Traduction : Il a dit qu’il vous quitterait si vous ne deveniez pas enceinte.

3) « Told you he would have a baby with someone else if you didn’t get pregnant ». Traduction : Il a dit qu’il aurait un bébé avec quelqu’un d’autre si vous ne deveniez pas enceinte.

4) « Taken your birth control (like pills) away from you or kept you from going to the clinic to get birth control ». Traduction : Il vous a enlevé votre contraception (comme les pilules) et il vous a empêché d’aller à la clinique pour obtenir une contraception.

5) « Made you have sex without a condom so you would get pregnant ». Traduction : Il a fait en sorte que vous ayez du sexe sans condom afin que vous deveniez enceinte.

6) « Hurt you physically because you did not agree to get pregnant ». Traduction : Il vous a blessé physiquement parce que vous n’étiez pas d’accord de devenir enceinte.

7) « Taken off the condom while you were having sex, so you would get pregnant ». Traduction : Il a retiré le condom pendant que vous aviez du sexe, afin que vous deveniez enceinte.

8) « Put holes in the condom so you would get pregnant ». Traduction : Il a fait des trous dans le condom, afin que vous deveniez enceinte.

9) « Broken the condom on purpose while you were having sex so you would get pregnant ». Traduction : Il a cassé le condom volontairement pendant que vous aviez du sexe, afin que vous deveniez enceinte.

Ce diaporama est tiré de l’article « What Women Need To Know About Reproductive Coercion » publié par Huffpost (Almendrala, 2016), à recommander pour celles et ceux qui lisent l’anglais.

« What Women Need To Know About Reproductive Coercion »
(Ce que les femmes doivent savoir à propos de la coercition reproductive)

Source image :
article Huffpost du 15 octobre 2016 (Almendrala, 2016)

GPA (gestation pour autrui ou mères porteuses)

Avec la GPA (gestation pour autrui ou mères porteuses), on en arrive aujourd’hui à un véritable commerce des ventres des femmes et des bébés qu’elles procréent.

GPA (gestation pour autrui)

Source image :
«Une tribune estime la GPA « contraire aux droits de la personne humaine » »
(L’Express Société, 19 janvier 2018)

La GPA est l’ultime tentative de nos sociétés patriarcales pour s’approprier ouvertement les ventres des femmes jusqu’à en faire un commerce. La GPA aggrave donc considérablement l’exploitation reproductive des femmes. D’autant que la GPA entraîne une double exploitation des femmes : celle de la mère porteuse et celle de la donneuse d’ovocytes, soit 2 processus extrêmement lourds pour les femmes. Si la GPA se généralisait, il y aurait d’ailleurs très vite déclenchement d’un trafic d’ovocytes et d’un trafic de mères porteuses dont les femmes de milieux et pays défavorisés seraient les principales victimes, car les autres femmes refuseraient sans doute une telle exploitation. Voici un ouvrage remarquable sur ce thème :

« Basé sur une enquête ethnographique rigoureuse menée auprès de #mèresporteuses indiennes, de parents d’intention et de personnel médical, le livre montre les sombres connexions entre la pauvreté et la #GPA. » (Le CoRP, 2018)

(Saravanan, 2018)

Descriptif de l’éditeur : « Applies a reproductive justice approach to ‘transnational feminism’ in an attempt to build a global feminist solidarity
Provides ethnographical insights from the author’s empirical research in India
Introduces ‘humanitarian feminism’ as a concept identifying humane thresholds that are crossed in asserting individual reproductive rights 
» (Springer, 2018)

La GPA est l’ultime tentative de nos sociétés patriarcales pour s’approprier ouvertement les ventres des femmes jusqu’à en faire un commerce. La GPA aggrave donc considérablement l’exploitation reproductive des femmes. D’autant que la GPA entraîne une double exploitation des femmes : celle de la mère porteuse et celle de la donneuse d’ovocytes, soit 2 processus extrêmement lourds pour les femmes. Si la GPA se généralisait, il y aurait d’ailleurs très vite déclenchement d’un trafic d’ovocytes et d’un trafic de mères porteuses dont les femmes de milieux et pays défavorisés seraient les principales victimes, car les autres femmes refuseraient sans doute une telle exploitation.

Les partisans de la GPA tentent de faire croire qu’il est naturel que les femmes offrent généreusement, au péril de leur vie et de leur santé, leurs ovocytes (donneuses d’ovocytes), leur corps et leur vie pendant 9 mois (mères porteuses), pour que d’autres (souvent des hommes) puissent se reproduire. Or la grossesse et l’accouchement sont des expériences éprouvantes pour le corps des femmes, avec risque élevé de complications et de séquelles, voire risque de mort. Lorsque l’accouchement se fait par césarienne, les femmes subissent une opération chirurgicale importante (ouverture du ventre), ce qui représente des risques supplémentaires importants, avec un temps de récupération et de cicatrisation souvent très long et une grande cicatrice sur le ventre. Mais tout cela est bien évidemment minimisé, comme si la césarienne n’était qu’une simple petite formalité. De cette façon, les femmes acceptent ces lourdes et dangereuses épreuves sans jamais oser se plaindre.

« Le risque de mortalité après une césarienne peut être multiplié par un facteur variant de 2 à 10 par rapport à un accouchement par voie basse. Un pourcentage important, de l’ordre de 20 à 45%, des décès d’une femme enceinte qui accouche, peut être favorisé par une césarienne. Plus le taux de césariennes est élevé, plus les risques de complications maternelles graves sont importants : hémorragies tardives plus importantes, infection de la cicatrice, baisse de la fertilité, apparition d’un utérus cicatriciel rendant plus difficile l’arrivée d’un autre enfant, augmentation du taux d’infections nosocomiales de 5 à 10%, etc. » (Le Journal des Femmes, 2018)

PMA (insémination artificielle)

Pendant ce temps-là, les femmes seules et les couples lesbiens se heurtent à des obstacles inexplicables pour obtenir une PMA (insémination artificielle), alors qu’il n’y a aucune exploitation ni marchandisation du corps dans ce cas.

La PMA est comparable à une insémination naturelle (injection de sperme dans le vagin) telle qu’elle existe depuis la nuit des temps, faite par des hommes qui copulent l’espace d’un soir puis s’en vont. La PMA est si proche d’une insémination naturelle que certaines femmes qui souhaitent être enceintes font elles-mêmes des auto-inséminations (inséminations artificielles « maisons ») avec un échantillon de sperme et un matériel très simple :

« Les instruments nécessaires pour réaliser l’insémination artificielle à la maison peuvent s’acheter en pharmacie. Voici leur liste:

Seringue stérile de 2 à 5 ml sans aiguille. Celles qui ont une canule incorporée sont les plus recommandées car elles augmentent leur longueur.

Gants en latex.

Récipient stérile pour l’échantillon de sperme.

Sérum physiologique qui facilite l’aspiration du sperme. » (PMAfertilité, 2017)

Bien sûr, avec la PMA, le père ne sera pas là pour l’enfant. Mais il en va de même pour la GPA : les 2 mères (mère porteuse et donneuse des ovocytes) ne seront pas là, elles non plus, pour l’enfant. Par conséquent, il est plus que douteux d’invoquer des questions de filiation et de parentalité pour la PMA et d’ignorer ces questions pour la GPA.

Don d’ovocytes

Un don d’ovocytes (gamètes femelles) n’a strictement rien à voir avec un don de sperme ou de spermatozoïdes (gamètes mâles).

Les femmes ont un nombre limité d’ovocytes (environ 400’000) fabriqués avant la naissance au 7ème mois de vie embryonnaire. Il n’y a plus aucune production d’ovocytes par la suite. Une femme aura environ 400 ovulations dans toute sa vie. Les ovulations ont lieu de la puberté à la ménopause (période de fertilité). Au cours de chaque cycle menstruel, plusieurs centaines d’ovocytes (env. 600) démarrent leur croissance. Mais lors de la ponte ovulaire, il ne reste plus qu’un seul ovocyte qui entame alors un processus de maturation pour devenir un ovule. Donc un ovule est un ovocyte libéré au moment de l’ovulation et arrivé à maturité (prêt à être fécondé).

Les ovocytes ne peuvent être extraits qu’au moyen d’une ponction, soit une opération chirurgicale avec anesthésie partielle ou totale, précédée de nombreux examens médicaux et d’un traitement pour stimuler l’ovulation.

« Pendant le processus de sélection, on effectue un bilan médical, un examen gynécologique, une analyse sanguine et des échographies. On procède également à (…) une cytologie vaginale, une analyse bactériologique des sécrétions vaginales et du col de l’utérus, et des tests de dépistage du SIDA, de l’hépatite B et C, syphilis, thalassémie et hémophilie. On effectue également un caryotype afin de déceler les éventuelles anomalies génétiques. Si les examens sont normaux, la donneuse est acceptée. Environ 25 % des personnes examinées sont acceptées. (…)

La procédure du don d’ovules – La donneuse acceptée entame un traitement hormonal (injections tous les jours) sous contrôle gynécologique. Ce traitement est destiné à stimuler la maturation des ovules dans les ovaires. Le début du traitement correspond au début du cycle d’ovulation, c’est-à-dire au commencement des règles.

Les contrôles sont effectués grâce à des échographies et des analyses sanguines pour que le gynécologue vérifie que les ovaires répondent bien au traitement. Après vérification de la réponse ovarienne, on fixe la date d’extraction des ovules. Pour extraire les ovules, il faut réaliser une ponction des follicules qui ont mûri dans les ovaires. » (Instituto de reproducción CEFER, 2013),

Le don d’ovocytes est un geste médical et comme tout geste médical, il y a un risque de complications et de séquelles. Donc faire un don d’ovocytes signifie pour les femmes de prendre un risque pour leur santé voire leur vie.

Ponction folliculaire ou ovocytaire (ou ponction d’ovocytes)

Source image : « La ponction ovocytaire »

« Les effets secondaires de la ponctionLors de la ponction, les ovaires sont très gros en raison du grand nombre de follicules. La ponction en elle-même ne diminue pas significativement la taille des ovaires et provoque parfois un petit saignement à l’intérieur de l’abdomen.

Il est donc très habituel de ressentir, dans les jours qui suivent la ponction, un ballonnement abdominal un peu douloureux. (…) Ceci est plus rare dans le cas d’une ponction sur cycle naturel étant donné qu’un seul ovocyte est ponctionné et que la canule ne « pique » l’ovaire qu’une seule fois.

Les autres signes couramment observés sont les nausées, et des pertes de sang, secondaires à la pénétration de la paroi vaginale par l’aiguille lors de la ponction.

Avec des ovaires gros et sensibles, plus vous vous agiterez, plus vous aurez mal au ventre, et le repos allongé est la seule méthode efficace pour vous soulager.

En revanche, il faut s’inquiéter de signes évoquant une complication, en particulier une hyperstimulation ovarienne sévère ou une infection (voir complications). Ces signes sont principalement des douleurs abdominales importantes et cédant mal aux antalgiques, un gonflement important de l’abdomen et une prise de poids rapide supérieure à 3 kilos, de la fièvre ou de gros troubles du transit intestinal. Dans ce cas, il est indispensable de prévenir rapidement votre gynécologue. » (Fiv.fr, 2018).

La donneuse se confronte à ce lourd processus médical contraignant et risqué pour quelques ovocytes à peine, car une ponction ne permet de récolter que très peu d’ovocytes : « Le plus souvent, après stimulation ovarienne, on recueille entre 5 et 10 ovocytes » (Fiv.fr, 2018). Ce qui signifie que les ovocytes constituent un bien d’une très grande valeur qui peut déclencher rapidement un trafic à grande échelle.

Don de sperme

Un don de sperme est le don d’un fluide organique produit au moyen d’une éjaculation (avec orgasme, donc avec un plaisir intense). L’expulsion d’un fluide organique fait partie des fonctions éliminatoires de base de l’organisme, au même titre que la fonction urinaire (la prostate joue d’ailleurs un rôle actif tant au moment d’uriner et que d’éjaculer). D’autre part, une simple éjaculation permet de récolter un nombre considérable de spermatozoïdes puisque les hommes fabriquent en permanence des centaines de millions de spermatozoïdes : une éjaculation libère entre 2 et 5 ml de sperme avec une concentration en spermatozoïdes de 50 à 200 millions/ml.

Donc lorsqu’ils font un don de sperme, les hommes ne font qu’évacuer un fluide organique, avec un plaisir orgasmique en prime (masturbation dans une salle avec des films X). Cela n’a rien de comparable avec un don d’ovocytes. Si pour donner leurs spermatozoïdes les hommes devaient faire une ponction dans les testicules (pour extraire les spermatozoïdes) ou dans la prostate (pour extraire le sperme / soit le produit fini ou liquide éjaculable), la grande majorité des hommes seraient trop effrayés et il y aurait peu de donneurs.

Plusieurs centaines de GPA pour un seul homme

La GPA offre aux hommes une opportunité inespérée d’exploiter le ventre des femmes et cette exploitation est souvent validée par la justice. Dans ce registre, voici une histoire qui risque fort de faire des émules, puisque la justice vient de donner raison à cet homme.

Mitsutoki Shigeta est un homme de 28 ans (fils d’un milliardaire japonais) dont le but est d’avoir plusieurs centaines d’enfants au moyen de la GPA. Il a utilisé des mères porteuses en Thaïlande, pays où la GPA était légale. Mais en 2014, la police a découvert 9 bébés et 8 femmes enceintes dans son appartement de Bangkok. L’affaire a été nommée « l’usine à bébés ». Les bébés ont été remis aux services sociaux et l’homme a été poursuivi pour trafic d’êtres humains et exploitation d’enfants. Suite à cela, Mitsutoki Shigeta a pris la fuite vers le Japon avec un bébé et a entrepris des procédures pour « récupérer » ses enfants. En 2015, la Thaïlande a interdit la GPA commerciale aux étrangers. Pourtant, le 20 février 2018, la justice a décidé que cet homme est le père biologique légal des enfants et qu’il avait tous les droits parentaux sur eux. Il peut donc « récupérer » tous ces enfants. Aujourd’hui, il en aurait déjà 19 (Brut, 2018c).

L’usine à bébés de Mitsutoki Shigeta

Source image : Brut, 2018c

Capture d’écran de la vidéo

Pour beaucoup, cette histoire se termine par un merveilleux happy end (il « récupère » SES 19 bébés), en occultant bien sûr les 19 femmes exploitées pour produire SES bébés et les centaines d’autres femmes que cet homme exploitera s’il poursuit ailleurs qu’en Thaïlande son projet d’avoir plusieurs centaines de bébés par GPA.

Cette occultation est typique de l’exploitation reproductive des femmes.

« Usine à bébés » ou « fabrique de bébés »

La simple utilisation des termes « usine à bébés » ou « fabrique à bébés » pour la GPA est déjà une occultation que ce sont des femmes (des êtres humains) qui produisent ces bébés (des êtres humains). Ces termes passent inconsciemment le message que ces bébés sont des objets (chosification) « pondus » par des machines (utérus artificiels).

C’est exactement ce que recherchent les partisans de la GPA : déshumaniser la procréation de ces bébés afin de faire croire que la GPA ne pose aucun problème d’exploitation d’êtres humains. Or ce sont des femmes qui, au péril de leur vie et de leur santé, « pondent » ces bébés pour autrui, comme des animaux d’élevage, selon le modèle de la ferme de la célèbre féministe américaine Andrea Dworkin (2012).

Don d’organe

Les partisans de la GPA tentent de faire légaliser cette pratique en utilisant l’argument que la GPA serait l’équivalent d’un don d’organe, comme si donner un organe, ce n’était rien, juste une petite chose anodine que l’on fait comme ça, et hop, c’est oublié, on passe à autre chose.

Or, on ne donne pas ses organes comme cela ! Un don d’organe de son vivant est un sacrifice gigantesque au péril de sa vie et de sa santé (complications, séquelles, etc.). C’est pourquoi la majorité des prélèvements d’organes se fait sur des personnes mortes. Autrement dit, le don d’organe est fait par des personnes qui ne présentent plus aucun risque vital puisqu’elles sont décédées.

Un don d’organe de son vivant n’existe que pour sauver la vie d’un être très proche. A part cela, personne ne donne de son vivant un organe à autrui, hormis les personnes en grande précarité qui sont contraintes pour survivre de vendre leurs organes au péril de leur vie et de leur santé. Mais dans ce cas, on ne peut parler de « don » puisqu’il s’agit d’une exploitation très grave de populations précarisées dans le but de leur prendre leurs organes (au péril de leur vie) pour en faire un commerce en les revendant très cher.

Autrement dit, donner de son vivant ses organes à autrui est une violence inimaginable faite exclusivement dans le cadre d’une grave exploitation d’êtres humains. Alors comment ose-t-on exiger cela de la part des femmes et de plus pour le simple plaisir d’autrui, pour le simple fait de « pour pouvoir se reproduire, pouvoir faire du semblable à eux-mêmes [les hommes] » selon les termes de l’anthropologue Françoise Héritier (Ina.fr, 2017) ?

Le désir de vouloir se reproduire ne justifie en rien un tel sacrifice de la part des femmes, la grossesse de 9 mois et l’accouchement se faisant comme le don d’organe de leur vivant au péril de la vie et de la santé des femmes (complications, séquelles, morts en couche, etc.). Combien d’hommes accepteraient un tel sacrifice pour permettre à autrui de se reproduire ?

Enfin, lorsque les partisans de la GPA parlent de « don d’organe », s’ils font référence à l’enfant à naître qui est ensuite « donné » à autrui, il est important de préciser qu’un bébé n’est pas un organe.

Le droit à se reproduire

Pour légaliser la GPA, ses partisans invoquent un soi-disant « droit à se reproduire ». Or, il n’existe aucun droit à se reproduire. Ce droit n’existe pas. Les droits humains sont des droits protecteurs pour la personne. Ils ne sont en aucun cas des droits sur autrui.

Les droits parentaux sont les seuls « droits sur autrui » existants.
Et ces droits sont en réalité des devoirs envers les enfants.
Ils ne sont en aucun cas des droits à utiliser les enfants pour quoi que ce soit.

Prétendre avoir un « droit à se reproduire dans le corps d’autrui », c’est s’arroger un droit sur autrui, soit exactement le contraire des droits humains. Dans le même registre, les hommes prétendent souvent qu’il existerait un « droit à avoir du sexe », afin de justifier l’utilisation de femmes dans la prostitution ou l’assistanat sexuel.

En matière de droits humains, le « droit à avoir quelque chose » ne peut exister si cette « chose » est un être humain. Sinon, c’est de l’exploitation d’êtres humains, de l’esclavage. Par conséquent, sachant que la reproduction exige l’utilisation d’une femme et qu’une femme n’est ni un produit alimentaire ni un bien immobilier, le droit à se reproduire n’existe pas. Une femme est un être humain avec des droits et ceux d’autrui ne peuvent en aucun cas empiéter sur ces droits humains. Il en va de même pour le sexe.

C’est pourquoi, les droits sexuels et reproductifs promulgués par les textes internationaux ne donnent absolument pas de droits sur autrui. Ces droits visent au contraire le respect des droits d’autrui et protègent contre l’exploitation sexuelle et reproductive. Autrement dit, les droits sexuels et reproductifs sont des droits protecteurs pour les femmes, afin de les protéger des violences sexuelles et reproductives. Ces droits ont été créés en raison d’un contexte de domination masculine qui a permis depuis des millénaires aux hommes d’exploiter les femmes pour le sexe et la reproduction. Donc les droits sexuels et reproductifs ne sont en aucun cas des droits pour les hommes à accéder à des femmes pour le sexe ou la reproduction (droits sur autrui). Ils sont exactement le contraire.

Depuis la nuit des temps, ce sont les hommes qui se sont accordés par eux-mêmes des droits à avoir du sexe et des droits à se reproduire, afin de s’approprier le ventre des femmes. Ces « droits patriarcaux » ont toujours été présentés comme des « droits naturels », coulant de source, faisant partie de l’ordre des choses. Mais depuis quelques décennies, les femmes s’élèvent contre l’exploitation de leur corps. En réaction à la révolte des femmes, les hommes tentent de faire entrer ces droits patriarcaux dans la loi pour qu’ils puissent en toute légalité, de façon très officielle, contraindre les femmes au sexe et à la reproduction, en s’appuyant sur le droit international, régional (européen, etc.) et national. Ces « droits patriarcaux auto-proclamés » (droit à avoir du sexe et droit à se reproduire) doivent absolument être dénoncés, sinon la domination masculine ne fera qu’empirer et ne sera jamais abolie.

La définition adoptée par l’OMS en 2006 précise très clairement que les droits sexuels font partie des droits humains et que ces derniers impliquent le respect des droits d’autrui (les droits reproductifs font partie des droits sexuels) : « Les droits sexuels comme faisant « partie des droits de la personne qui sont d’ores et déjà reconnus dans les lois nationales, les documents internationaux relatifs aux droits de la personne et d’autres documents adoptés par consensus. (…) L’exercice responsable des droits humains veut que toute personne se doit de respecter les droits d’autrui. ». (Ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, 2015). Ce texte inclut aussi la santé reproductive (ou droits reproductifs) qui sont eux aussi des droits protecteurs pour les femmes.

Pour les droits humains liés à la reproduction, le collectif CORP (Collectif pour le Respect de la Personne) présente sur son site un excellent ouvrage intitulé « Surrogacy, A Human Rights Violation », en français : « La GPA, une violation des droits humains » (CORP, 2017). L’autrice de cet ouvrage est Renate Klein, chercheuse en biologie et en sciences sociales depuis plus de 30 ans, également professeure à l’Université de Melbourne (Australie). La Dre Renate Klein a déjà publié plusieurs ouvrages sur les technologies de la reproduction humaine et les théories féministes.

« Surrogacy, A Human Rights Violation »
(La GPA, une violation des droits humains)

Publié le 1er août 2017 chez Spinifex (Melbourne, Australie),
une maison d’édition indépendante féministe

Pour résumer, les droits sexuels et reproductifs font partie intégrante des droits humains qui servent à protéger les êtres humains de toute violence, de toute exploitation par autrui. Ces droits figurent parmi les objectifs importants des ODDs (Objectifs de Développement Durable) adoptés par les Nations Unies en septembre 2015. Constitués de 17 objectifs, les ODDs sont « un ensemble d’objectifs de développement durable pour éradiquer la pauvreté, protéger la planète et garantir la prospérité pour tous » (Nations Unies, 2015).

Les droits sexuels et reproductifs sont répertoriés dans 3 objectifs des ODDs : bonne santé et bien-être (objectif 3), éducation de qualité (objectif 4 ) et égalité entre les sexes (objectif 5) :

ODDs (Objectifs de Développement Durable)
adoptés par les Nations Unies en septembre 2015

Surpopulation et natalité

L’humanité n’est pas en risque d’extinction. Il y a au contraire un problème de surpopulation mondiale, avec une démographie galopante : « Nous serions plus de 7,6 milliards d’êtres humains sur Terre et deux milliards de plus en 2050. Quel est l’impact de la surpopulation sur l’environnement et les ressources mondiales ? (…) si la croissance des pays émergents poursuit son ascension et si les pays développés ne restreignent pas la pollution qu’ils engendrent, alors, la surpopulation mondiale aura une conséquence désastreuse sur l’environnement de notre planète. » (Futura Sciences, 2017)

Cette surpopulation mondiale résulte forcément d’un excédent de naissances par rapport aux décès, avec une densité de population différente en fonction des régions du monde et des phénomènes migratoires pour des raisons de guerres ou de problèmes économiques, par exemple :

« Si la population mondiale continue d’augmenter, c’est en raison de l’excédent des naissances sur les décès – les premières sont près de trois fois plus nombreuses que les seconds. » (Pison, 2017)

A plus long terme, si nous conservons nos modèles actuels, quoi que nous fassions, l’espèce est de toute façon menacée d‘extinction à terme, soit par implosion (pas assez de fertilité), soit par explosion (trop de fertilité).

« Si la famille de très petite taille devient un modèle dominant de façon durable, avec une fécondité moyenne inférieure à deux enfants par femme, la population mondiale, après avoir atteint le niveau maximum de dix milliards d’habitants, diminuerait inexorablement jusqu’à l’extinction à terme.

Mais un autre scénario est possible dans lequel la fécondité remonterait dans les pays où elle est très basse pour se stabiliser à l’échelle mondiale au-dessus de deux enfants. La conséquence en serait une croissance ininterrompue, et à nouveau la disparition de l’espèce à terme, mais cette fois par surnombre. Si l’on ne se résout pas aux scénarios catastrophes de fin de l’humanité, par implosion ou explosion, il faut imaginer un scénario de retour à terme à l’équilibre. » (Pison, 2017)

Avec le système économique actuel basé sur la croissance, il est clair qu’une baisse de la natalité créerait son effondrement : « Une natalité dynamique est cruciale en termes de solidarité nationale, car le renouvellement des jeunes générations permet de contribuer au financement des retraites des plus âgés. (…) Le fait que l’âge moyen à la maternité ne cesse de reculer, pour atteindre aujourd’hui 30,6 ans, joue un rôle déterminant. » (Le Monde, 2018).

Néanmoins, une baisse de la natalité est parfaitement logique dans la société actuelle qui n’est pas organisée pour recevoir autant de monde (pas d’emploi, ni de logement, chômage, précarité, etc.). Dans un tel contexte, procréer plus est absurde. C’est d’un changement de société dont nous avons besoin. Et ce sont les femmes qui peuvent initier ce processus en refusant de continuer à être exploitées pour leur utérus.

En Europe, l’on nous fait croire que si la natalité de nos pays continuait à baisser, notre système économique s’effondrerait, car il n’y aurait plus de croissance démographique. Alors, premièrement, la natalité en Europe ne baisse pas, elle ne cesse de croître. D’autre part, la natalité n’est pas un facteur suffisant pour évaluer la croissance démographique d’une région ou d’un pays, puisqu’il y a également l’arrivée de nouvelles personnes, avec leurs enfants, par exemple les migrants. C’est pourquoi l’Europe constate une croissance constante de sa population (1,5 million de personnes supplémentaires en 2016) grâce à l’arrivée des migrants.

« Une croissance continue de la population de l’UE-28 – La situation démographique actuelle de l’UE-28 est caractérisée par une croissance continue de sa population. (…) L’évolution de la population (positive, avec 1,5 million d’habitants supplémentaires) était donc due au solde migratoire. Le 1er janvier 2017, la population de l’UE-28 était estimée à 511,8 millions d’habitants, soit 1,5 million de personnes de plus que l’année précédente. » (Eurostat, 2017).

En France, depuis janviers 2018, le gouvernement revient sur cette question de natalité et de fertilité : « Une mission parlementaire réfléchit à la refonte des aides aux familles. Une tâche compliquée par la baisse de la natalité et de la fécondité. » (Godeluck, 2018).

A cette occasion, Guillaume Chiche, député LREM co-rapporteur de la mission parlementaire sur la politique familiale déclarait que faire baisser l’âge de la première maternité devait être une priorité. Pour ce député, la première maternité devrait idéalement se faire à 25 ans au lieu des 30,6 ans actuel, afin que les femmes procréent plus.

Guillaume Chiche : « La chute de la natalité est due à des facteurs multiples, et notamment à la situation économique. La politique familiale seule ne réglera donc pas tout, mais elle constitue un levier d’action important. Baisser l’âge de la première maternité doit par exemple être une priorité. En moyenne aujourd’hui, les mères ont 30,6 ans lors de la première naissance et cet âge est en constant recul depuis dix ans. L’une des conséquences est que ces femmes sont moins susceptibles d’avoir une famille nombreuse, la fécondité baissant après 35 ans.  (…) si l’on joue, par exemple, sur l’accès aux modes de garde. Ils sont aujourd’hui hors de portée des femmes de 25 ans. » (Lucas, 2018)

Démographie française au 1er janvier 2018

Source image : « Démographie : la natalité baisse (encore) en France »

Mais de quel droit ce député veut-il contraindre les femmes à procréer plus tôt et plus souvent, comme si elles étaient des animaux de ferme, selon le modèle de la ferme de la féministe Andrea Dworkin (Dworkin, 2012, pp. 174-186) ? Avoir des enfants plus tard est un choix de vie des femmes que la société doit prendre en compte en créant de nouveaux modèles de société au lieu de contraindre les femmes à procréer.

La baisse continue de la natalité en France depuis 3 ans semble incompréhensible pour le gouvernement. Pourtant les féministes n’ont cessé de dénoncer les violences que subissent les femmes autour du processus de procréation. La précarisation des femmes et les lois familles qui contraignent les femmes à rester près du père des enfants en raison de résidences alternées imposées sont sans doute des facteurs importants dans cette baisse de la natalité, de même que la non protection des femmes et des enfants victimes d’hommes violents. En effet, aujourd’hui, les femmes savent que la violence conjugale commence souvent lorsqu’elles sont enceintes (dans 40 % des cas de violence conjugale), car l’homme violent sait qu’il a des droits sur l’enfant à naître et que la femme ne peut plus fuir sa violence puisque la société ne protège pas les femmes violentées et leurs enfants. Il est parfaitement normal que dans un tel contexte les femmes ne veuillent plus procréer. Grâce aux luttes féministes, les femmes sont aujourd’hui mieux informées sur ces violences, ce qui leur permet de sortir peu à peu de l’emprise patriarcale et de reprendre le contrôle de leur corps, de leur utérus.

En revanche, si l’on donne aux femmes l’égalité, la PMA pour toutes et que l’on met fin aux violences machistes systémiques (Kuhni, 2018), etc. peut-être auront-elles à nouveau envie de procréer, lorsque c’est leur choix, bien évidemment.

Pour l’instant, les femmes n’ont pas conscience du pouvoir énorme que leur donne ce système économique entièrement basé sur leurs ventres. Sinon, elles auraient déjà utilisé ce pouvoir pour obtenir l’égalité des droits et la fin des violences à leur égard. Le jour où les femmes auront conscience du pouvoir gigantesque que leur donne leur utérus, elles aboliront rapidement la domination masculine, par exemple, en faisant des grèves d’utérus de quelques semaines ou quelques mois, jusqu’à ce qu’elles soient entendues. Les femmes accéderaient enfin à l’égalité et les violences machistes systémiques (Kuhni, 2018) n’auraient plus lieu d’être puisque les femmes auraient repris le pouvoir sur leurs utérus.

La pression sociétale pour que les femmes utilisent leur utérus (« culture des incubatrices »)

Dans nos sociétés patriarcales, depuis des millénaires, les femmes sont vues comme des incubatrices à la disposition des hommes et de la société, ce qui constitue clairement une exploitation reproductive. Cette « culture des incubatrices » s’est considérablement aggravée ces dernières années du fait qu’il est très facile aujourd’hui pour les hommes d’effacer les mères une fois qu’elles ont procréé (GPA, garde aux pères sans consentement de la mère, etc.). Autrement dit, de nos jours, on considère très souvent qu’une fois le bébé né, on n’a plus besoin des mères. Le texte visionnaire de la féministe américaine Andrea Dworkin sur le modèle de la ferme préfigure l’arrivée de cette nouvelle ère de l’intensification de l’exploitation reproductive des femmes (Dworkin, 2012).

Dans le cadre du couple, on trouve le sacro-saint « devoir conjugal » imposé depuis des millénaires aux femmes mariées et maintenant également à celles qui sont en couple. Ce « devoir conjugal » est en réalité un « viol conjugal » puisqu’il s’agit d’une contrainte au sexe, non de sexe consenti, que beaucoup de femmes nomment : « passer à la casserole » . La dessinatrice Marine Spaak a fait une BD remarquable sur ce thème. Intitulée « Passer à la casserole », cette BD est l’illustration d’une analyse sur le viol conjugal réalisée en décembre 2017 par la chercheuse Amandine Michez.

« Passer à la casserole » (Marine Spaak)

Source image :
« Passer à la casserole » : la BD qui brise le tabou du viol conjugal

« (…) dans le premier clip télé consacré au viol conjugal et réalisé par Collectif féministe contre le viol (CFCV) : on y découvrait une femme assise sur son lit, pendant que résonnait une voix d’homme en fond sonore : « Une femme elle doit répondre à toutes les envies de son mari. C’est ça le devoir conjugal. Et puis elle ne peut rien dire, avec les enfants qui dorment à côté. Où elle irait se plaindre ? « J’ai été violée par mon mari. » T’imagines ? […] Et le sexe, c’est humain. Alors c’est où il veut quand il veut. » Dans sa BD, Marine Spaak insiste fermement : « un rapport forcé est un rapport forcé. (…) C’est un viol conjugal. Et ça n’a RIEN de normal. » » (Elle, 2018).

Une fois de plus, ce « devoir conjugal » ou plutôt « viol conjugal » n’est autre qu’un « devoir de procréer », sachant que le mariage a notamment pour fonction de permettre aux hommes à s’approprier les utérus. Mais les femmes ne doivent surtout pas savoir que ce sont leurs utérus qui sont visés par cette contrainte au sexe, sinon elles auraient l’impression d’être exploitées. C’est pourquoi le « devoir conjugal » a été déguisé en « obligation de sexe » que les femmes mariées devaient de façon incontournable à leur mari. Comme l’insémination d’un utérus passe par la copulation, cette obligation de sexe remplit parfaitement sa fonction : il contraint les femmes mariées à avoir du sexe à tout moment afin que leurs utérus soient inséminables à volonté par les hommes. Et si les femmes ne procréent pas, cela se passe en général très mal pour elles, car il est inimaginable pour les hommes mariés de ne pas avoir accès à l’utérus de leur femme. Dans beaucoup de sociétés, les femmes mariées qui ne procréent pas sont même répudiées, ce qui montre à quel point les hommes ciblent les utérus lorsqu’ils se marient et non les femmes elles-mêmes, en tant que femmes.

De façon générale, dans nos sociétés dites développées, les femmes qui ne veulent pas d’enfants sont fortement stigmatisées, discriminées, considérées comme égoïstes, immatures, frustrées, ayant des problèmes psychologiques, etc. Aujourd’hui, toujours plus de femmes dénoncent cette violence à leur égard : « Exaspérées par une société qui les stigmatise, des femmes revendiquent leur choix de ne pas avoir d’enfants, jamais. Elles témoignent. » (Dupont, 2018).

Le plus dramatique dans tout cela, c’est que simultanément aux pressions exercées sur les femmes pour qu’elles procréent, la société a mis en place des discriminations du fait qu’elles procréent. Ce sont les classiques ordres contradictoires de la violence machiste systémique (Kuhni, 2018). Par exemple, dans le cadre professionnel, on va reprocher aux femmes le risque d’être enceinte pour les payer moins ou ne pas les engager. Ces discriminations servent à renforcer le pouvoir des hommes (domination masculine) en mettant les femmes dans la précarité et en les rendant ainsi totalement dépendantes des hommes.

Dans le même registre des pressions sociétales sur les utérus, les femmes qui demandent la stérilisation volontaire ont toutes les peines du monde à l’obtenir, alors qu’il s’agit d’une méthode de contraception permanente et fiable (ligature des trompes) que beaucoup de femmes de tous âges souhaitent. Mais bien évidemment, l’utérus d’une femme stérilisée n’est plus exploitable par la société patriarcale, on va donc empêcher coûte que coûte cette femme de se faire stériliser afin de ne pas perdre un utérus. Par contre, les hommes qui demandent à être stérilisés l’obtiennent très facilement (vasectomie) puisqu’ils ne sont pas des incubateurs et que ce sont eux les décideurs en matière de reproduction. Alors bien sûr, la vasectomie est réversible et la ligature des trompes définitive, mais les femmes ont le droit de décider si elles veulent procréer ou non. C’est leur choix, leur liberté, cela fait partie des droits sexuels et reproductifs édictés par l’OMS.

Et si les femmes choisissent d’enfanter, elles doivent pouvoir décider elles-mêmes à quel moment le faire et avec qui.

Le retour en force des lobbies anti-IVG

Dans le monde entier, on constate également un retour en force de puissants lobbies anti-IVG qui tentent par tous les moyens d’empêcher les femmes d’avorter ou de créer des lois interdisant l’avortement.

ARTE a diffusé le 6 mars 2018 un documentaire éloquent sur ce thème. Ce documentaire s’intitule « Avortement, les croisés contre-attaquent » (96 min.).

« A voir, ce documentaire glaçant de @ARTEfr sur Les stratégies des militant•e•s anti-IVG en Europe. (…) Il est préoccupant de constater qu’en 2018 le droit des femmes et des personnes qui détiennent un utérus à disposer librement de leurs corps est encore et toujours menacé. » (FéministesVsCyberH, 2018)

« Culpabilisation, moralisation et jugements : le parcours est semé d’embûches lorsque l’on souhaite avoir recours à une #IVG en Hongrie. » (ARTE, 2018a)

Voici le lien sur ce documentaire : ARTE, 2018b (vidéo disponible du 6 mars au 5 mai 2018).

 

Captures d’écran de la vidéo

Descriptif sur la page du documentaire : « Partout en Europe, de nouveaux militants, très organisés, mènent une redoutable croisade contre l’avortement et la liberté des femmes à disposer de leur corps. Une passionnante – et inquiétante – enquête dans ces réseaux d’influence.

Plus de quatre décennies après la loi Veil (1975), le droit à l’avortement subit une offensive concertée en Europe, menée par une nouvelle génération de militants, maîtres en communication et en pétitions. Dans les pays de l’Est, de la Pologne à la Hongrie, il a reculé sous l’égide de gouvernements ultraconservateurs, tandis qu’en Italie, sous l’influence de l’Église, 70 % de gynécologues « objecteurs de conscience » refusent désormais de pratiquer l’IVG – légale depuis quarante ans –, privant les femmes de la liberté à disposer de leur corps. En France, une petite légion d’activistes pro-life, avec à sa tête un jeune publicitaire, porte le combat sur le terrain culturel auprès des 15-35 ans, au travers des médias et des réseaux sociaux. Entre séduction et désinformation, leur campagne mêle conservatisme et style pop, reprenant pour mieux les détourner la terminologie des féministes. Fédérés et remarquablement organisés, ces soldats antiavortement exercent en outre un puissant lobbying à Bruxelles. Qui se cache derrière ces croisés modernes, qui mutualise leurs pernicieuses méthodes de persuasion et invoque les atteintes aux droits de l’homme et la liberté de choix (de vivre) dans leur guerre contre l’IVG ?

Inquiétante carte d’Europe

Au fil d’une rigoureuse investigation qui donne la parole à ces activistes comme aux femmes victimes de leur offensive, Alexandra Jousset et Andrea Rawlins-Gaston remontent ces réseaux pour dessiner une inquiétante carte d’Europe. Un état des lieux d’autant plus glaçant que ces croisés assument avec affabilité leur terrorisme psychologique, comme lors de cette séquence où des catholiques en Italie enterrent solennellement des fœtus collectés dans les hôpitaux. Le film met aussi au jour les circuits de financement de ces mouvements pro-life, très discrètement parrainés par de riches fondations américaines, liées à l’ultradroite et aux milieux évangélistes, comme par quelques oligarques russes, fondamentalistes orthodoxes. « Vous devrez rester vigilantes votre vie durant« , prophétisait Simone de Beauvoir, s’adressant aux femmes il y a 70 ans. Dont acte. » (ARTE, 2018b)

Les sanctions pour les femmes qui avortent (ou font des fausses couches)

Certains pays où les lobbies anti-IVG sont fermement installés n’hésitent pas à sanctionner très sévèrement les femmes qui avortent. Cette dictature sur les utérus va si loin que même les femmes qui font des fausses couches se retrouvent condamnées parfois à 30 ans d’emprisonnement.

Voici un reportage poignant intitulé « Salvador, 30 ans pour une fausse couche » avec interview de deux femmes condamnées à 30 ans d’emprisonnement pour avoir fait des fausses couches. Les 2 femmes interviewées dans le reportage sont :

Teodora del Carmen Vasquez de Saldana (34 ans – condamnée à 30 ans, incarcérée depuis 10 ans) qui sera libérée quelques jours plus tard ;

Alba Lorena Rodriguez Santos (29 ans – condamnée à 30 ans, incarcérée depuis 9 ans) enceinte suite à un viol collectif par 3 hommes.

Ces femmes sont impressionnantes de courage.

« Le Salvador fait partie des cinq pays du monde où l’avortement est totalement interdit, même en cas de viol, de danger pour la vie de la mère ou de malformation du fœtus.

Au Salvador, celles qui avortent finissent derrière les barreaux et certaines femmes victimes de fausses couches sont accusées d’homicide aggravé. Elles purgent des peines allant jusqu’à 30 ans de prison. » (Van Laer, 2018)

Salvador, 30 ans pour une fausse couche

Teodora del Carmen Vasquez de Saldana

Alba Lorena Rodriguez Santos

Source : Van Laer, 2018

Captures de la vidéo

Quelques jours après ce reportage, Teodora Vasquez a été libérée après avoir passé 10 ans et 7 mois en prison pour une fausse couche. Voici son histoire. » (Brut, 2018a ; Brut, 2018b)

Un autre article avec reportage (vidéo) à propos de la libération de Teodora Vasquez:

« Le Salvador possède l’une des législations anti-avortement les plus répressives au monde. Cette législation amène des situations extrêmes, comme celle de Teodora Vasquez : cette salvadorienne de 34 ans vient d’être libérée après avoir passé 11 ans derrière les barreaux pour une fausse couche » (Terriennes, 2018).

Avortements sélectifs (avortement des embryons féminins)

La situation est absurde. D’un côté, le patriarcat empêche les femmes d’avorter pour exploiter au maximum leurs utérus. Et de l’autre côté, dans certains pays, le patriarcat contraint les femmes à avorter les embryons féminins (avortements sélectifs), ce qui a pour conséquence un manque d’utérus pour procréer.

Alors pourquoi faire des avortements sélectifs pour d’éliminer les filles avant la naissance ? Parce que la société patriarcale crée tant de discriminations à l’égard des femmes et des filles que, dans certains pays, les parents ne veulent plus avoir de filles. Pour eux, un garçon est un investissement, alors qu’une fille est une perte.

Or ce sont les filles qui ont les utérus et sans ces utérus, l’humanité ne peut survivre. Donc en avortant les embryons féminins, la société se prive des ventres nécessaires pour sa survie. Il n’y a plus assez d’utérus pour procréer les précieux fils que les hommes veulent lorsqu’ils souhaitent se reproduire et « pouvoir faire du semblable à eux-mêmes » selon les termes de Françoise Héritier (Ina.fr, 2017).

L’Arménie, la Chine et l’Azerbaïdjan sont les pays où l’on pratique le plus d’avortements sélectifs :

« « Dans dix ou vingt ans, nous serons face à un déficit de femmes qui, combiné à un déclin dramatique du taux de fécondité, aboutira à une crise démographique sérieuse », s’inquiète Garik Haïrapetian, le représentant de l’Arménie au FNUAP. (…) « D’ici 2060, 100.000 mères potentielles ne seront pas nées en Arménie. (…) les Nations unies (…) attribuent ce déficit de femmes aux « structures patriarcales » qui prévalent dans les deux pays, (…) »Nous devons nous attaquer à l’origine du problème, la mentalité patriarcale et la pauvreté très répandue, et non à ses conséquences » (…) « si les hommes et les femmes avaient les mêmes opportunités, si les femmes pouvaient aussi bien réussir que les hommes et être aussi indépendantes qu’eux financièrement, aucun parent n’aurait à choisir entre avoir un garçon ou une fille ».  » (L’Obs, 2018)

« Après la Chine et l’Azerbaïdjan, l’Arménie est le troisième pays au monde à pratiquer le plus d’avortements ciblés sur les embryons féminins. (…) Les garçons sont (…) considérés comme un investissement et les filles comme une perte. (…) Une situation alarmante pour Garik Hayrapetyan, directeur du FNUAP-Arménie : « D’après nos informations, 100 000 filles ou futures mères ne naîtront pas d’ici 2080 si la situation actuelle ne change pas. » » (Brut, 2018d)

Les violences obstétricales et gynécologiques

Les violences obstétricales et gynécologiques font partie de l’appropriation du ventre des femmes par les hommes. Les femmes sont infantilisées, pas libres de leurs choix (contraception, stérilisation, etc.) et l’on contrôle leur appareil reproducteur comme on contrôle une voiture.

Dans un tel système, il faut que les femmes se taisent, qu’elles souffrent en silence, qu’elles accouchent et vivent leur grossesse sans se plaindre, comme si tout était merveilleux, facile et que faire un enfant n’était pas plus difficile que de boire ou manger. Comme dans tout système de violence, on trouve même une inversion : ce sont les hommes qui vont se plaindre que l’accouchement était tellement difficile, insupportable, etc. pour eux, alors que les femmes doivent sourire et donner l’impression d’avoir accouché comme si ce n’était qu’une petite formalité.

Marie-Hélène Lahaye est une féministe, juriste militante pour un accouchement respectueux des femmes et lanceuse d’alerte belge qui tient depuis 2013 le blog « Marie accouche là » sur les violences obstétricales. Elle est l’autrice du livre « Accouchement : les femmes méritent mieux » publié le 4 janvier 2018 aux éditions Michalon (Marie accouche là, 2018).

Source image : « Accouchement : les femmes méritent mieux »

« Depuis les années 1960, l’hôpital est devenu le lieu de l’accouchement. Disparues les terreurs d’antan et les souffrances d’un autre âge : la péridurale y est aujourd’hui reine pour supprimer les douleurs.

Pourtant, dès que l’on questionne les femmes sur leur expérience, nombreuses sont celles qui font part de vexations, d’intimidations, de coercitions, voire de brutalités et de violences. Ce qui devait être un heureux événement se transforme en cauchemar sous la pression des médecins qui suivent les protocoles hospitaliers.

« On m’a volé mon accouchement. » Le refus d’entendre les femmes et la domination que les soignants exercent sur elles est à l’origine de traumatismes physiques et psychiques considérables. Un grand nombre des dépressions post-partum ou des syndromes de stress post-traumatique trouvent probablement là leur cause. Restée longtemps cachée, cette violence commence à apparaître au grand jour, alors que la parole des femmes se libère enfin.

L’obstétrique est profondément misogyne. Elle considère les femmes comme faibles, malades, dangereuses, dont le corps serait inadapté pour mettre les enfants au monde. L’accouchement est ainsi resté l’un des derniers bastions de la domination masculine.

Rendre les femmes maîtresses de leur accouchement exige, ni plus ni moins, une révolution. En analysant les pratiques autour de l’accouchement à travers la littérature scientifique, les recommandations des instances de santé et les travaux d’historiens et d’anthropologues, Marie-Hélène Lahaye signe un document majeur, livre-clé dans la réorientation des politiques à mener autour des droits des femmes. » (Michalon, 2018)

Quant à la journaliste Mélanie Déchalotte, elle travaille depuis plusieurs années à dénoncer les violences gynécologiques et obstétricales. Elle est à l’origine du documentaire qui a permis en 2015 de briser le tabou des violences gynécologiques. Ce documentaire intitulé « Collection témoignage : maltraitances gynécologiques » a été diffusé le 28 septembre 2015 sur France Culture. Mélanie Déchalotte est également l’autrice de l’ouvrage « Le Livre Noir de la gynécologie » paru le 5 octobre 2017 (Déchalotte, 2018).

Source image : « Le livre noir de la gynécologie »

Voici une remarquable interview de Mélanie Déchalotte (11 min. 45) sur TV5Monde à propos de ce livre : « Le livre noir de la Gynécologie: Des violences faites aux femmes avec Mélanie Déchalotte » (TV5Monde, 2017).

Au cours de cette interview à recommander et à diffuser le plus possible, Mélanie Déchalotte parle des violences gynécologiques et obstétricales, ainsi que des conséquences post-traumatiques qui sont les mêmes que celles des violences sexuelles. L’interview permet de prendre conscience que les violences gynécologiques, obstétricales et sexuelles sont toutes du même ordre et qu’elles servent à déposséder les femmes de leurs organes reproducteurs, afin de les mettre à disposition des hommes pour qu’ils puissent les exploiter pour eux-mêmes.

Descriptif de la vidéo de TV5Monde : « Paternalisme, sexisme, examens brutaux, paroles déplacées ou culpabilisantes, humiliations, absence de consentement, épisiotomies superflues, déclenchements abusifs d’accouchement (…) La journaliste Mélanie Déchalotte propose avec « Le livre noir de la gynécologie » aux Éditions First, une relecture plus éthique et humaniste des pratiques qui accompagnent les femmes leur vie durant, de la puberté à la ménopause… » (TV5Monde, 2017)

Mutilations génitales féminines

Les mutilations de l’appareil génital féminin sont de 2 ordres : celles à visée sexuelle et celles à visée reproductive.

Les mutilations sexuelles féminines (MSF)

Les mutilations sexuelles féminines (OMS, 2018) servent à rendre les rapports sexuels douloureux pour les femmes et à entraver leur plaisir sexuel, dans le but que les femmes ne trompent pas leur mari. Les femmes mutilées ont également l’obligation d’être vierges avant le mariage, alors que les maris, souvent polygames, ont la plupart du temps déjà eu plusieurs partenaires pour le sexe. Par ce moyen, les femmes sont réduites à l’état de reproductrices appartenant à un seul homme. Le sexe se résume alors souvent en un acte purement reproducteur, reléguant ouvertement les femmes au modèle de la ferme décrit par la féministe américaine Andrea Dworkin (Dworkin, 2012).

Les mutilations sexuelles féminines (MSF) sont comparables à une castration pour un homme, sauf que les organes reproducteurs des femmes et des filles restent intacts, à condition que les complications et séquelles ne les détruisent pas. Seul le plaisir sexuel est entravé, voire substitué par la douleur.

Le Dr. Mukwege est connu internationalement en tant que grand spécialiste pour « réparer » les femmes excisées ou mutilées lors de viols de guerre. Il exerce au Congo, dans son hôpital de Panzi : « Depuis 1999, il a soigné plus de 50 000 femmes mutilées et excisées. Denis Mukwege, né en 1955 dans le Sud-Kivu en République démocratique du Congo, est un gynécologue et militant des droits humains qui dénonce le recours au viol comme arme de guerre et les mutilations génitales faites aux femmes. Surnommé « l’homme qui répare les femmes », il est aujourd’hui une figure de la lutte contre les violences faites aux femmes. » (Brut, 2018f). En effet, le clitoris est un organe de taille beaucoup plus grande qu’on ne le croit, puisqu’il mesure de 8 à 10 centimètres de long et de 3 à 6 centimètres de large (Kuhni, 2017). Par conséquent, lorsqu’il n’y a pas eu ablation totale du clitoris, il est possible de le reconstituer en utilisant la partie toujours présente du clitoris. C’est ce qui a permis au Dr. Mukwege de « réparer » de nombreuses femmes excisées.

Les mutilations sexuelles féminines (MSF) sont pratiquées sur les filles (souvent des bébés ou des filles très jeunes) et les femmes. Les mutilations les plus courantes sont :

– la clitoridectomie (ablation totale ou partielle du clitoris et/ou du capuchon du clitoris) ;

– l’excision (ablation totale ou partielle du clitoris, avec ablation totale ou partielle des petites lèvres, avec ou sans excision des grandes lèvres) ;

– l’infibulation (fermeture de la vulve en cousant les grandes lèvres et/ou les petites lèves, avec ou sans excision du clitoris), le résultat est un très fort rétrécissement de l’orifice vaginal, donc il ne reste plus qu’une petite ouverture au bas de la vulve.

Les conséquences des mutilations sexuelles féminines (MSF) sont nombreuses et graves pour la santé, avec parfois un risque mortel.

« 1. Les conséquences immédiates

La vulve est une région du corps très vascularisée et très innervée, particulièrement au niveau du clitoris.

La section du clitoris et des petites lèvres entraîne une douleur très intense, intolérable, accompagnée de peur, d’angoisse et parfois d’un grave état de choc.

Un saignement éventuellement hémorragique peut entraîner la mort.

L’émission d’urines sur la plaie occasionne des brûlures et parfois une rétention d’urines réflexe.

2. Les conséquences ultérieures

Pratiquées dans des conditions d’hygiène souvent précaires, l’excision et l’infibulation sont à l’origine d’infections multiples, vulvaires, urinaires et gynécologiques, ces dernières pouvant entraîner une stérilité.

La diffusion des infections peut s’étendre et générer des septicémies qui, sans traitement adéquat, peuvent évoluer vers la mort. On peut également évoquer le tétanos et le SIDA.

Excision et Infibulation occasionnent des complications obstétricales. Sans aide appropriée, la femme infibulée et l’enfant qu’elle porte sont menacés de mort au moment de l’accouchement. Des soins attentifs ne permettent pas toujours de prévenir les déchirures du périnée, très fréquentes chez les femmes excisées. Malgré les épisiotomies, les femmes excisées ont des déchirures périnéales trois fois plus fréquentes que les autres à leur premier accouchement et encore plus par la suite…

Plusieurs études africaines rapportent des souffrances fœtales plus nombreuses chez les enfants nés de femmes mutilées.

Le gland clitoridien est la partie la plus sensible des organes génitaux externes de la femme. On y retrouve les corpuscules tactiles spécifiques de Krause-Finger dits de la volupté. Ils n’existent nulle part ailleurs et la blessure ou l’ablation partielle ou totale du clitoris entraînent inévitablement une altération de la sensibilité sexuelle.

Il existe bien d’autres complications des mutilations sexuelles féminines. On citera encore : les fistules vésico-vaginales ou recto-vaginales : un accouchement qui dure trop longtemps chez une femme, a fortiori mutilée, peut entraîner la nécrose (mort) des tissus séparant la vessie ou le rectum du vagin. Un passage sera ainsi créé entre la vessie et le vagin ou entre le rectum et le vagin. La jeune femme ne pourra plus retenir ses urines ni ses selles qu’elle perdra en permanence. On peut réparer de telles fistules en milieu chirurgical. Mais, en Afrique, il n’est pas toujours possible à une villageoise d’accéder à un hôpital, de surcroît à un service spécialisé. Devenue incontinente, la jeune femme sera progressivement mise à l’écart par sa famille et par son village. Elle tentera parfois de se suicider.

De nombreux auteurs rapportent des complications psychiatriques, des angoisses, et notamment des dépressions. » (Fédération GAMS, 2016).

Les mutilations reproductives

Les mutilations reproductives servent à détruire la capacité reproductrice d’un peuple en détruisant l’appareil reproducteur des femmes et des filles, ce qui confirme que les utérus sont la richesse d’une nation ou d’une population, le bien le plus précieux pour les hommes.

Le président Rodrigo Duterte demande aux soldats
de tirer dans le vagin des femmes rebelles

Un exemple récent : en février 2018, le président philippin Rodrigo Duterte a appelé à tirer dans le vagin des femmes rebelles, détruisant ainsi la capacité de reproduction de cette population.

« Le président des Philippines, Rodrigo Duterte, a ordonné à ses soldats de «tirer dans le vagin des rebelles (…) «Dites aux soldats qu’il y a un nouvel ordre qui vient du maire. Nous ne vous tuerons pas. Nous tirerons dans vos vagins» a-t-[il]dit à un public exclusivement masculin en parlant des femmes rebelles. » (CNEWS Matin, 2018).

Les mutilations reproductives sont souvent perpétrées pendant les viols de guerre les hommes mutilent les organes génitaux des femmes et des filles (les violeurs leur plantent des couteaux dans le vagin, etc.), afin de détruire leur capacité de reproduction. Dans ces cultures, les femmes et les filles violées et mutilées génitalement sont souvent exclues de leur foyer, parce qu’elles ne peuvent plus reproduire et qu’elles ne sont plus vierges. Pour les hommes, la virginité est la garantie qu’ils sont bien les pères biologiques des enfants. Par conséquent, pour la famille, les filles non vierges sont une perte économique, car elles ne peuvent plus être mariées.

Dans son hôpital de Panzi, au Congo, le Dr. Mukwege opère également ces femmes et ces filles dont l’appareil génital a été détruit lors de viols (parfois des bébés).

« Pour Denis Mukwege, qui a opéré ces femmes dont l’appareil génital avait été détruit lors de viols barbares (…) Dans son hôpital de Panzi, il fait face à la terreur : viols collectifs, souvent avec objets contondants, avortements à mains nues, utérus et seins sectionnés… Outre le traumatisme, les dégâts physiques occasionnent des plaies purulentes, des incontinences, une stérilité qui condamnent ces femmes à vivre dans la misère et l’isolement. (…) le viol répond toujours à une « stratégie », celle de détruire les femmes. Vous « réparez » également des petites filles, voire des bébés, après des viols avec objets contondants. (…) Celle dont l’appareil génital a été détruit lors d’un viol est rejetée par sa famille, son mari. Elle est incontinente, ne peut plus enfanter et se retrouve au ban de la société. » (Mongibeaux, 2016)

Hôpital de Panzi

Source image : site de l’Hôpital de Panzi

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La violence machiste systémique et la non-reconnaissance des femmes victimes

« Reconnaissant que la violence à l’égard des femmes est une manifestation des rapports de force historiquement inégaux entre les femmes et les hommes ayant conduit à la domination et à la discrimination des femmes par les hommes, privant ainsi les femmes de leur pleine émancipation;

Reconnaissant que la nature structurelle de la violence à l’égard des femmes est fondée sur le genre, et que la violence à l’égard des femmes est un des mécanismes sociaux cruciaux par lesquels les femmes sont maintenues dans une position de subordination par rapport aux hommes»

(Conseil de l’Europe, 2011, pp- 5-6, préambule de la Convention d’Istanbul)

Depuis quelques années, un mouvement mondial de femmes se lève pour lutter contre les violences machistes systémiques envers les femmes et les filles. Ce mouvement planétaire a créé des prises de consciences sociétales successives qui ont permis la révélation de l’affaire Weinstein (Le Monde, 2017a), elle-même source de l’émergence des hashtags #metoo et #balancetonporc (Le Monde, 2017b) avec lesquels des milliers de femmes victimes ont pu enfin parler et être entendues à propos des violences sexuelles qu’elles subissent. Le phénomène est si important que le magazine Time a fait de ces « Silence Breakers » (« Briseuses-eurs de Silence ») les personnes de l’année 2017.

The Silence Breakers

Person of the Years (Time, 2017b)

L’événement One Billion Rising qui se déroule chaque 14 février (jour de la Saint-Valentin, pour rappeler la réalité des innombrables femmes qui vivent des violences en couple) est une autre manifestation de ce mouvement d’une grande ampleur dont les mots de rassemblement sont Rise!Resist!Unite! et le hashtag #RiseInSolidarity. L’action internationale One Billion Rising a été créée par la féministe et dramaturge américaine Eve Ensler pour lutter contre les violences faites aux femmes. Eve Ensler est aussi l’autrice de la pièce mondialement connue « Les monologues du vagin » (1996) qui a contribué largement à faire tomber les tabous autour du sexe féminin.

Ce mouvement mondial des femmes a bien sûr donné lieu à un blacklash tel que décrit par la féministe américaine Susan Faludi dans son best-seller mondial « Backlash: The Undeclared War Against American Women » (traduit par Backlash, la guerre froide contre les femmes) publié aux USA en 1991 (Kuhni, 2014b), soit une réaction patriarcale violente pour stopper toute avancée vers l’égalité femmes-hommes voire renforcer la société patriarcale de façon encore plus drastique qu’auparavant.

Ce fut le cas de la tribune anti-victimaire publiée dans Le Monde le 9 janvier 2018 et signée par 100 femmes influentes qui est un exemple typique de backlash.

Une tribune anti-victimaire signée par 100 femmes influentes

Le surlendemain des Golden Globes 2018 où Oprah Winfrey faisait un discours mémorable à propos des violences sexuelles et des droits des femmes (Abolissimo, 2018 ; Courrier International, 2018), nous découvrions médusé-e-s une tribune publiée par Le Monde dans laquelle 100 femmes influentes défendaient le droit des hommes de violenter sexuellement les femmes. Catherine Deneuve est la signataire la plus célèbre de cette tribune qui s’intitule : « Nous défendons une liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle » (Collectif, 2018).  L’article, réservé aux abonnés du journal, est disponible en accès libre sur le blog d’un supporter de la tribune : Une autre parole, 2018.

Un passage de cette tribune : « « [Une femme] peut veiller à ce que son salaire soit égal à celui d’un homme, mais ne pas se sentir traumatisée à jamais par un frotteur dans le métro, même si cela est considéré comme un délit. Elle peut même l’envisager comme l’expression d’une grande misère sexuelle, voire comme un non-événement. » » (Konbini, 2018)

La première page du journal papier annonçait la tribune au moyen du titre « Les femmes ne sont pas de pauvres petites choses » : « (…) la première page du journal était ainsi composée (…). À côté, sur une colonne, un titre entre guillemets (…) : « Les femmes ne sont pas de pauvres petites choses ». » (Nouchi, 2018). Ce titre laisse entrevoir la misogynie et le sexisme du texte qu’il annonce et qui se révèlent effectivement d’une virulence inouïe envers les femmes victimes de violences sexuelles, leur intimant l’ordre de se taire et allant jusqu’à faire l’apologie de ces violences au nom de la liberté sexuelle et d’une soi-disant misère sexuelle des hommes.

Cette tribune publiée dans Le Monde est une parfaite illustration de la phase 3 du « cycle de la violence machiste » (décrit en fin du présent article), phase qui consiste à inverser la culpabilité en plaçant les agresseurs en position de victimes.

Définition d’« importuner »
par l’autrice de bande dessinée Julie Maroh

(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Source : Maroh, 2018

Un backlash pour re-silencier les victimes

Le discours propagé par cette tribune antiféministe n’a rien de révolutionnaire, contrairement à ce qu’il prétend. Ce discours est distillé aux femmes depuis des millénaires, afin qu’elles acceptent sagement la domination masculine fondée sur les violences machistes envers elles, dont les violences conjugales, sexuelles, reproductives, et économiques. Il n’y a donc rien de révolutionnaire à propager ce discours réactionnaire dont le but est d’attaquer le discours révolutionnaire des femmes et des féministes qui luttent pour l’égalité et la fin des violences sexuelles qui sont la clé de voûte de la domination masculine.

Très certainement écrit en réaction aux hashtags #metoo et #balancetonporc de Twitter, le discours réactionnaire de cette tribune antiféministe est en réalité un backlash qui arrive immédiatement après que la parole des victimes de violences sexuelles se soit libérée parce qu’elle était enfin entendue après la révélation de l’affaire Weinstein (Le Monde, 2017a).

Cette tribune fait aussi l’amalgame entre ces hashtags et le féminisme, afin de s’en prendre aux féministes. Or, ces hashtags ont été lancés par des femmes victimes qui ont décidé de parler des violences sexuelles qu’elles ont subies. Prétendre que ce sont les féministes qui ont lancé ce hashtag est faux et revient à nier la parole de ces innombrables femmes qui ont osé parler.

« Christine Bard, spécialiste de l’histoire du féminisme, explique en quoi la tribune parue dans « Le Monde », signée par cent femmes, relève d’un contre-mouvement classique. (…) Elle explique en quoi la tribune signée par l’actrice relève de l’antiféminisme (..) Il était prévisible que la grande prise de parole à laquelle on assiste depuis plusieurs mois pour dénoncer les violences sexuelles donne lieu à ce type de réaction. Cette tribune est l’expression d’un antiféminisme et d’un contre-mouvement. Elle reprend les arguments classiques, déjà présents au XIXe siècle, de la rhétorique antiféministe : l’accusation de censure, d’atteinte à la liberté sexuelle, de haine des hommes et de la sexualité, de victimisation des femmes, sans oublier l’accusation de totalitarisme. (…) sans [les féministes], de quelle liberté sexuelle parlerait-on aujourd’hui ? C’est à elles que nous devons la contraception, la liberté d’avorter, l’éducation sexuelle, la critique de la norme hétérosexuelle, et cette révolution sexuelle d’inspiration féministe est d’ailleurs loin d’être achevée. » (Vincent, 2018)

De vrais discours révolutionnaires

L’appel de 1’000 jeunes filles contre les 100

Quelques jours plus tard, 1’000 jeunes filles signaient une magnifique tribune dans Le Monde pour répondre à celle des 100 femmes influentes qui leur ordonnait de se laisser importuner et de se taire :

« Nous sommes deux jeunes filles de 17 ans. Nous ne sommes ni expertes en féminisme ni particulièrement engagées dans la lutte pour les droits des femmes, certainement parce que nous pensions la question révolue depuis le temps qu’on en parle et aussi parce que les dernières révélations en matière de harcèlement nous ont laissé croire que, la parole étant libérée, aucun homme n’oserait plus faire à personne ce qu’on pourrait lui reprocher… Et puis nous avons lu la tribune pour la « liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle »… La lecture en fut douloureuse. Nous nous sommes premièrement demandé pour qui ce fameux droit à être importunée était réclamé. Nous doutons en effet que mesdames de Menthon, Lévy et Deneuve promeuvent ce droit pour elles-mêmes

Nous comprenons donc assez vite que cette tribune serait une sorte de legs pour nous, les futures usagères des transports en commun. Ainsi donc mesdemoiselles, semblent ainsi nous dire nos 100 mères, vous attend un modèle de société où il faudrait que vous ayez de la compassion pour ces messieurs, jeunes et vieux, qui auraient la délicate attention de se frotter à vous ! Une société dans laquelle nous devrions apprendre à taire, voire à apprécier les agressions que nous subissons (pardon, que nous réclamons) ! Anachronique ? Non, c’est moderne…

Mais on ne veut plus se taire. Nous voulons faire entendre notre voix. Nous voulons que vous, mesdames, preniez conscience de l’ampleur de ce phénomène d’agressions quotidiennes que vous qualifiez de nécessaires. Le traumatisme d’un attouchement ou d’un viol est réel et certaines d’entre nous (qui prenons certainement plus souvent les transports en commun que vous) sont là pour en témoigner. Certaines jeunes filles nous ont envoyé des témoignages de harcèlement moral qu’elles ont vécu dès le plus jeune âge, d’autres d’attouchements dans le métro dès 8 heures du matin, sous le sac à dos, d’autre encore de l’oppression qu’elles… » (Boirie, Versaevel, 2018)

La réponse d’un homme, Marcus Dupont-Besnard

Quant au reporter et chroniqueur Marcus Dupont-Besnard, voici ce qu’il répond à la tribune anti-victimaire publiée dans Le Monde :

« Les hommes doivent refuser la “liberté d’importuner” – Si l’on en croit la tribune signée le 9 janvier dernier dans Le Monde par un collectif de 100 femmes, dont Catherine Deneuve, il existerait entre les mains des hommes une liberté d’importuner méritant d’être défendue. Non seulement je ne me reconnais aucunement en tant qu’homme dans ce prétendu droit à importuner, mais surtout il est fondamental de refuser catégoriquement la possibilité d’un tel droit. (…) que les hommes prennent leurs responsabilités (…) Il s’agit pour tous les hommes de comprendre l’impact violent que peuvent avoir certains de nos comportements. (…) Ce n’est pas une contre-oppression envers nous, ni du puritanisme. C’est une transition de rééquilibrage. (…) je refuse tout modèle de société dans lequel le fait que je sois un homme rendrait de tels actes moins graves. (…) La liberté des femmes à exister dans les espaces public et privé de façon égale est une liberté supérieure, inaliénable et ne pouvant plus tolérer aucun déséquilibre.

Le féminisme n’est pas misandre, il est humaniste. Il ne menace pas les hommes, il donne aux femmes la place qui devrait être la leur dans la société. Le féminisme concerne le bien-être commun, et c’est pour cela que les hommes ont un rôle à jouer. » (Dupont-Besnard, 2018)

Le discours puissant de Natalie Portman

La comédienne et productrice Natalie Portman a joué à l’âge de 12 ans le rôle de Mathilda dans le film « Léon » de Luc Besson (1994). Elle incarnait une fillette de 12 ans qui devenait amie avec Léon, un tueur à gages incarné lui-même par Jean Reno.

A l’occasion de la Women’s March du 20 janvier 2018, Natalie Portman a fait un puissant discours dans lequel elle parle de cette époque où elle avait 12 ans. Elle qualifie très justement les violences sexuelles de « terrorisme sexuel » et termine en appelant à une vraie liberté sexuelle pour les femmes, en précisant que cette liberté sexuelle est exactement le contraire du puritanisme. Voici la transcription de la vidéo de ce discours :

« J’ai eu 12 ans sur le plateau de mon premier film « Léon », dans lequel je joue une jeune fille qui devient amie avec un tueur à gages et qui espère se venger de celui qui a tué sa famille. Le personnage découvre et développe sa féminité, sa voix et ses désirs. A ce moment-là de ma vie, je découvrais moi aussi ma propre féminité, mes propres désirs et ma propre voix. J’étais tellement enthousiaste à 13 ans quand le film est sorti que mon travail et ma performance artistique touchent le public. J’ai ouvert avec enthousiasme ma première lettre de fan : un homme m’écrivait qu’il rêvait de me violer. Une radio locale a organisé un décompte des jours jusqu’à mon 18ème anniversaire, date à laquelle ça deviendrait légal de coucher avec moi. Les critiques de cinéma faisaient référence à ma poitrine naissante dans leurs articles. J’ai rapidement compris, même à l’âge de 13 ans, que si je m’exprimais sexuellement, je ne me sentirais pas en sécurité et que les hommes se sentiraient autorisés à discuter et considérer mon corps comme un objet, quitte à me rendre mal à l’aise. J’ai vite adapté mon comportement, j’ai rejeté tous les rôles avec une scène de baiser et parlé de ce choix délibérément dans les interviews. J’ai mis en avant mon goût pour les livres, mon côté sérieux et je me présentais avec des habits élégants. Je me suis forgée une réputation de femme prude, conservatrice, intello, sérieuse, afin que mon corps soit protégé et que l’on écoute ce que j’avais à dire. A 13 ans, le message de notre culture était clair pour moi, j’ai senti le besoin de couvrir mon corps, et d’inhiber mon expression ainsi que mon travail dans le but de dévoiler au monde mon propre message, à savoir que je suis quelqu’un digne de confiance et respectable. La réponse à tout cela, des petits commentaires sur mon corps aux commentaires davantage menaçants, a suffi à contrôler mon comportement dans un environnement de terrorisme sexuel. Un monde dans lequel je pourrais m’habiller comme je le veux, dire ce que je veux et exprimer mes désirs de la façon dont je le souhaite sans craindre pour ma sécurité physique ou ma réputation, voilà ce que serait le monde dans lequel les désirs des femmes et leur sexualité pourraient s’exprimer pleinement. Ce monde que nous voulons bâtir est l’opposé du puritanisme. J’aimerais donc proposer une façon de permettre à cette révolution d’aller plus loin. Proclamons haut et fort : « C’est ce que JE veux, ce dont J’AI besoin, c’est ce que JE désire, voilà comment VOUS pouvez M’aider à avoir du plaisir. ». Faisons la révolution du désir. » (Brut FR, 2018 [vidéo]).

Natalie Portman

Brut FR, 2018
(capture d’écran de la vidéo)

L’idéologie anti-victimaire des autrices et signataires de la tribune des 100 femmes influentes

Les signataires de cette tribune sont probablement, dans leur grande majorité, des femmes qui n’ont jamais été confrontées aux situations dont elles font l’apologie (frotteurs du métro, etc.). Quand aux hommes qui soutiennent ce discours (par exemple, Silvio Berlusconi qui a « salué » cette tribune), ils n’ont jamais été confrontés ni aux frotteurs dans le métro, ni à la terreur quotidienne des femmes face aux violences masculines. Ils sont au contraire largement bénéficiaires des avantages que leur apporte leur domination sociétale sur les femmes. Donc ces femmes et ces hommes n’ont aucune légitimité à s’exprimer par rapport au vécu des femmes victimes.

Comment ces 100 femmes osent-elles prétendre que les frotteurs du métro sont de pauvres hommes confrontés à de la misère sexuelle et que les femmes devraient se dévouer et se laisser « importuner » (en réalité violenter sexuellement) pour les sortir de cette misère sexuelle ? Pourtant, les violences sexuelles (viols, agressions sexuelles, harcèlement sexuel, etc.) n’ont strictement rien à voir avec la sexualité, de la même façon que frapper quelqu’un avec une pelle, n’a rien à voir avec du jardinage.

Le viol concerne la violence, pas le sexe
Quand tu te prends un coup de pelle, t’appelle pas ça : du jardinage

(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Source : Sans Compromis, 2016

Cette tribune publiée par Le Monde a été rédigée par 5 femmes, dont Catherine Millet (critique d’art, écrivaine) et Peggy Sastre (autrice, journaliste et traductrice).

Catherine Deneuve (actrice) et Brigitte Lahaie (ex-star du cinéma pornographique, actrice et présentatrice radio sur le thème de la sexualité) sont parmi les signataires de la tribune où l’on trouve également, avec beaucoup de déception, Odile Buisson (gynécologue et obstétricienne) qui est connue des féministes pour sa présentation « Le clitoris, cet inconnu » (Kuhni, 2017f).

Peggy Sastre s’est déjà distinguée en 2013 lorsqu’elle a défendu la pédocriminalité au nom de la liberté de penser dans un article intitulé « Pédophilie partout, liberté de penser nulle part » traitant d’une affaire de pédocriminalité avec une professeure de 30 ans et son élève de 12 ans. Voici une phrase éloquente de cet article : « (…) pourquoi faudrait-il que la sexualité soit une activité jugée comme immédiatement et absolument nocive quand elle se déroule entre un adulte et un enfant ? » (Sastre, 2013). Cet article avait fait un tollé, tant et si bien que la rédactrice et chroniqueuse Nathalie Blu-Perrou avait fermement recadré sa consœur le lendemain (Blu-Perrou, 2013).

Catherine Millet, quant à elle, a dit en décembre 2017 : « Je regrette beaucoup de ne pas avoir été violée parce que je pourrais témoigner que du viol on s’en sort » (France Soir, 2018 ; Flament, 2018).

Anne Bouillon, une avocate et militante féministe qui défend quotidiennement des femmes victimes de violences a écrit un texte puissant pour répondre à Catherine Millet : « (…) la domination masculine au foyer, au travail, dans les transports, dans la rue, n’a rien d’un fantasme érotique. C’est au contraire un système tellement bien huilé que des femmes comme vous intiment l’ordre à d’autres de parler moins fort lorsqu’elles ont l’audace de le dénoncer. » (Bouillon, 2018)

Puis le 10 janvier 2018, lors d’un débat télévisé à propos de la tribune publiée dans Le Monde Brigitte Lahaie a rétorqué d’un ton docte à Caroline De Haas elle-même victime d’un viol : « On peut jouir lors d’un viol, je vous signale » (BFM TV, 2018), sous-entendu qu’un viol est jouissif. Plusieurs personnalités du monde scientifique et médical ont fort heureusement réagi à ces propos préoccupants de Brigitte Lahaie.

« (…) Le corps d’une victime de violence peut réagir de plein de manières différentes. Cela ne change rien au fait que le viol est un crime. Placer cette phrase (…) donne un sentiment de banalisation de la violence » (…) Le docteur Emmanuelle Piet, gynécologue et présidente du Collectif Féministe Contre le Viol (CFCV) est du même avis : « Evoquer la jouissance quand on parle de viol est une insulte aux victimes » (…). Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie ajoute que lors d’un viol, la victime peut être colonisée par l’excitation de son agresseur, ce qui provoque cette fameuse déconnexion entre le physique et le psychique. Quoi qu’il en soit, cela n’a rien à voir avec de la jouissance. Parler d’orgasme dans ce contexte est donc hors de propos : « L’orgasme est indissociable de la relation à l’autre, de ce que l’on vit, de ce que l’on pense et de ce que l’on ressent. Dans le cas d’un viol, il s’agit donc d’une disjonction liée à une tension extrême. Il ne faut pas confondre stress intense et excitation ». » (Chabalier, 2018).

Voici la réponse de Muriel Salmona dans article, intitulé « Brigitte Lahaie et Catherine Millet sur le viol : ce que la science leur répond » : « « Le viol est, avec la torture, ce qu’il y a de plus traumatisant pour une victime« , explique la psychiatre Muriel Salmona. « Quasi la totalité des victimes enfants souffrent d’un traumatisme et une très grande majorité des adultes« . Pendant et après l’agression, la victime est paralysée par un état de sidération. Le cortex cérébral est alors incapable de contrôler l’intensité de la réaction de stress. L’organisme perçoit qu’il y a un risque vital. Il déclenche des mécanismes de sauvegarde qui ont pour effet de faire « disjoncter le circuit émotionnel », selon les termes de la psychiatre Muriel Salmona et cela entraîne une anesthésie émotionnelle et physique. Cette anesthésie produit une dissociation. Cet état s’affirme par « un sentiment d’étrangeté, de déconnexion et de dépersonnalisation, comme si la victime devenait spectatrice de la situation puisqu’elle la perçoit sans émotion ». C’est aussi ce phénomène qui empêche de nombreuses victimes d’avoir une mémoire précise et complète des événements vécus, certains mettront plusieurs années à se rappeler du viol à cause d’une amnésie traumatique. « Catherine Millet fait un éloge de la dissociation », analyse encore Muriel Salmona. «  (Lorenzo, 2018)

Surprenant « oubli » des hommes victimes de violences sexuelles

Comment se fait-il que cette tribune signée par ces 100 femmes influentes ne parle que des femmes et fasse totalement abstraction des hommes ayant subi des violences sexuelles ? En effet, parmi les participant-e-s à #balancetonporc et #metoo, les deux hashtags qui ont permis aux victimes de dénoncer les violences sexuelles sur Twitter, il y avait aussi des hommes et même des hommes célèbres.

Parmi ces hommes célèbres qui se sont exprimés avec #metoo, il y eu l’acteur Terry Crews (Margueritte, 2017) qui figure dans les « TIME’s 2017 Person of the Year: The Silence Breakers » (Time, 2017a) où l’on trouve même sa photographie (Time, 2017b) comme celles des femmes ayant brisé le silence. Il y a aussi l’acteur américain Anthony Rapp qui a accusé Kevin Spacey de harcèlement (Sibony, 2017). Les victimes de Kevin Spacey sont d’ailleurs toutes des hommes.

Ces hommes ont aussi été agressés sexuellement par des hommes. Alors que diraient les femmes signataires de cette tribune lorsqu’un garçon ou un homme subit des violences sexuelles ? Pour elles, est-ce aussi anodin que pour les femmes ? Doivent-ils aussi se laisser importuner sexuellement par les hommes ? Et les enfants qui sont les victimes principales des violences sexuelles, ainsi que les femmes et les filles handicapées ? Pourquoi les 100 femmes n’en parlent-elles pas ?

Le fait que cette tribune fasse soigneusement abstraction des autres victimes des prédateurs sexuels et soit centrée exclusivement sur les femmes montre en réalité très clairement que l’on veut s’en prendre aux femmes.

Dans une tribune publiée dans Le Nouveau Magazine Littéraire, la politologue Françoise Vergès dénonce l’ignorance volontaire de cette tribune : « Leur ignorance est intentionnelle — en effet, vouloir apprendre, vouloir comprendre c’est toujours d’abord, ne plus se mettre au centre — leur intérêt profond est d’ignorer des faits, de nier l’existence d’abus de pouvoir, de la manière dont sexisme et racisme agissent quotidiennement dans la vie de millions de femmes. » (Vergès, 2018)

Chosification des femmes

Le titre de première page (« Les femmes ne sont pas de pauvres petites choses ») de cette tribune constitue en lui-même une inversion caractéristique des systèmes de violence. En effet, alors qu’elle prétend que les femmes ne sont pas de pauvres petites choses, cette tribune ne fait en réalité que chosifier les femmes, les réduire à l’état d’objets sexuels à disposition des hommes et de leurs violences sexuelles. Donc cette tribune fait exactement le contraire de ce que son titre annonce.

L’ensemble de cette tribune chosifie les femmes en leur intimant avec autorité de se réduire à l’état d’objets consommables, de poupées dont les hommes pourraient se saisir sans avoir leur consentement, de la même façon que l’on se saisit d’un produit sur le rayon d’un supermarché et ceci pour satisfaire leurs prétendus besoins sexuels (un besoin purement hygiénique, en somme). Cette réduction des femmes à l’état de choses est justifiée au nom de la liberté sexuelle et d’une soi-disant misère sexuelle des hommes. Autrement dit, selon cette tribune, les femmes devraient se mettre à disposition des hommes, telles des poupées, pour qu’ils puissent enfin satisfaire leurs besoins sexuels insatisfaits. Et cette chosification des femmes au profit des hommes, ce serait de la liberté sexuelle.

L’argument de liberté sexuelle est une fois de plus une inversion typique des systèmes de violence, car être chosifiée est exactement le contraire de la liberté sexuelle. De plus, ce sont en réalité les femmes qui vivent une misère sexuelle abyssale en raison des violences sexuelles qu’elles subissent de la part des hommes depuis des millénaires.

Un discours visant à abolir les droits des femmes victimes

Le problème majeur de cette tribune, c’est qu’il s’agit d’un discours anti-victimaire visant à abolir les droits des femmes victimes (uniquement ceux des femmes, puisque les hommes sont exclus de la tribune), en niant les violences sexuelles machistes, en victimisant les agresseurs et en attaquant violemment le statut de victime des femmes (elles doivent se taire et ont interdiction de se dire victime). Publier un tel texte est grave. Nous avons mis des décennies à obtenir des lois qui protègent les victimes. Or cette tribune donne la parole à un mouvement qui veut abolir ces lois et ceci pour les femmes uniquement.

Rappelons que les violences sexuelles dont cette tribune fait l’apologie sont sanctionnées par la loi. C’est ce qu’a fait dès le lendemain Marlène Schiappa, secrétaire d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes à propos de cette tribune pour laquelle elle a rappelé que « (…) frotter un sexe d’homme contre une femme dans le métro sans son opinion, est une agression sexuelle qui vaut jusqu’à trois ans de prison et 75.000 euros d’amende » (Europe1, 2018)

L’association Osez le féminisme! a également rappelé qu’un journal qui publie de tels propos enfreint la loi : « Rappelons que l’article 24 de la loi sur la liberté de la presse punit de ‘cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ceux qui […] auront directement provoqué, dans le cas où cette provocation n’aurait pas été suivie d’effet, à commettre l’une des infractions’ telles que ‘les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne et les agressions sexuelles définies par le livre II du Code pénal’ – y compris le viol, donc. » (Osez le féminisme !, 2018)

Le statut de victime et ses droits

La tribune publiée dans Le Monde a créé beaucoup de confusion autour de la notion de victime. Alors remettons les choses à l’endroit : quand on est victime d’une infraction violente, on est une victime. Et le reconnaître, c’est avoir un statut et des droits.

Ce n’est qu’en 1983 que les victimes ont enfin obtenu des droits pour la première fois grâce à la « Convention européenne relative au dédommagement des victimes d’infractions violentes », conclue à Strasbourg le 24 novembre 1983 (Conseil de l’Europe, 1983) et créée suite aux attentats terroristes en Europe dans les années 70.

Deux ans plus tard, en 1985, les Nations Unies adoptaient la résolution « Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir » n°40-34 du 29 novembre 1985 (ONU, 1985). Cette résolution de l’ONU qui définit la notion de victime au niveau international stipule clairement que le statut de victime est accordé « que l’auteur soit ou non identifié, arrêté, poursuivi ou déclaré coupable » :

« On entend par « victimes » des personnes qui, individuellement ou collectivement, ont subi un préjudice, notamment une atteinte à leur intégrité physique ou mentale, une souffrance morale, une perte matérielle, ou une atteinte grave à leurs droits fondamentaux, en raison d’actes ou d’omissions qui enfreignent les lois pénales en vigueur dans un Etat Membre, y compris celles qui proscrivent les abus criminels de pouvoir. (…) Une personne peut être considérée comme une « victime », dans le cadre de la présente Déclaration, que l’auteur soit ou non identifié, arrêté, poursuivi ou déclaré coupable, et quels que soient ses liens de parenté avec la victime. » (ONU, 1985

Suite à ces textes, l’un européen et l’autre international, des lois nationales pour l’aide aux victimes ont été créées dans les différents pays du monde. En Suisse, par exemple, il s’agit de la LAVI (Loi sur l’Aide aux Victimes) du 23 mars 2007. Comme la résolution de l’ONU, cette loi reconnaît la victime, que l’auteur soit identifié ou non, coupable ou non :

« 1 Toute personne qui a subi, du fait d’une infraction, une atteinte directe à son intégrité physique, psychique ou sexuelle (victime) a droit au soutien prévu par la présente loi (aide aux victimes).

2 Ont également droit à l’aide aux victimes, le conjoint, les enfants et les père et mère de la victime ainsi que les autres personnes unies à elle par des liens analogues (proches).

3 Le droit à l’aide aux victimes existe, que l’auteur de l’infraction:

a. ait été découvert ou non;

b. ait eu un comportement fautif ou non;

c. ait agi intentionnellement ou par négligence. »

L’AFP et sa qualification des femmes victimes

Selon ces textes internationaux, européens et nationaux relatifs aux victimes, la victime n’est donc jamais « présumée ». Elle est une victime, reconnue comme telle, quel que soit le statut de l’agresseur. Par conséquent, la notion de présomption ne s’applique qu’aux agresseurs (présomption d’innocence) et non aux victimes.

Donc lorsque l’AFP décide de qualifier les victimes autrement que par le terme de « victime », elle ne respecte pas la résolution des Nations Unies (ONU, 1985) ni les différentes lois nationales pour l’aide aux victimes. Autrement dit, l’AFP ne respecte pas la hiérarchie des normes, soit la hiérarchie entre les normes internationales, régionales et nationales, sachant que toutes les normes au-dessous doivent respecter les normes au-dessus, afin de donner une cohérence à l’ordre juridique et d’éviter les contradictions entre les différentes sources de droit.

De plus, quelques jours après la publication de la tribune publiée dans Le Monde, l’AFP déclarait qu’elle utiliserait désormais le terme « accusatrice » (au lieu de « victime présumée ») pour qualifier les victimes lors de procès pour violences conjugales : « « Désormais, on écrira accusatrice plutôt que victime présumée » lors de procès pour violences conjugales, annonce @mleridon, directrice de l’information (…) #AFP » (AFP, 2018)

Le terme de « victime présumée » utilisé précédemment par l’AFP était déjà problématique, car il contient en germe l’idée que la victime pourrait être une menteuse, autrement dit que la « victime présumée » serait une « présumée menteuse ».

La journaliste Aude Lorriaux a écrit un excellent article à ce propos :  « Les termes «victime présumée» semblent insinuer que les femmes ne sont pas vraiment victimes, s’inscrivant ainsi dans une longue histoire des violences faites aux femmes où elles étaient systématiquement considérées comme des menteuses. (…) il faut replacer l’emploi de ce terme dans la longue histoire des violences faites aux femmes, qui ont eu, pendant des siècles, à affronter les accusations de «mensonges» dès qu’elles souhaitaient dénoncer les viols ou les agressions dont elles étaient victimes. Les fausses allégations de viols sont rares. Pourtant, dans les commissariats, les femmes sont régulièrement mal reçues. «Je me suis sentie jugée. On m’a demandé si j’avais bu et comment j’étais habillée au moment du viol. Comme si ça pouvait expliquer quoi que ce soit…» raconte par exemple Anna à Metronews.(…) Dans «présumée victime», on entend donc surtout «présumées menteuses» lorsqu’il s’agit des femmes (…) « Il y a une présomption plus forte de mensonge que de bonne foi des victimes.» » (Lorriaux, 2016)

Quant au nouveau terme d’« accusatrice », il ne traduit pas la situation des femmes victimes de violences conjugales puisqu’une grande partie d’entre elles n’accuse personne, tant elles sont terrifiées à l’idée d’accuser leur(s) agresseur(s) en raison des représailles qui vont s’abattre sur elles. D’autre part, le terme « accusatrice » place la victime dans une posture agressive (elle agresse quelqu’un avec ses accusations) et fait spontanément référence (de façon implicite, inconsciente) à l’idée de « fausses accusations » ou d’ « accuser à tort », voire de « délation ».

« La délation désigne une dénonciation jugée méprisable et honteuse. » (source)

Il y a donc une fois de plus inversion de la culpabilité au profit des agresseurs.

Emmanuel Macron, président de la République Française, a d’ailleurs lui-même utilisé le terme de « délation » (Boudet, 2017) à propos du mouvement créé par les hashtag #balancetonporc et #metoo qui ont permis aux victimes de violences sexuelles de s’exprimer. Ce fut d’autant plus choquant qu’Emmanuel Macron a utilisé le terme « délation » (inversion de la culpabilité), alors qu’il présentait son plan d’action pour éliminer les violences faites aux femmes à l’occasion de la journée du 25 novembre !

L’AFP « oublie » elle aussi les hommes victimes

De même que la tribune publiée dans Le Monde, avec ce nouveau terme « accusatrice », l’AFP a totalement « oublié » les hommes victimes ? En a-t-elle conclu qu’il n’y aurait que des femmes victimes ?

Et si, à sa grande surprise, l’AFP découvrait tout de même des hommes victimes, les appellera-t-elle des « accusateurs» ? Les hommes victimes apprécieront-ils d’être qualifiés ainsi ?

Les femmes se victimiseraient face aux violences sexuelles qu’elles subissent

La tribune publiée dans Le Monde contient deux passages concernant un « statut d’éternelles victimes » ou de « victime perpétuelle » que les femmes vivraient soi-disant face aux violences sexuelles qu’elles subissent. Dans l’un de ces passages, les violences sexuelles envers les femmes sont nommées de façon particulièrement choquante « Les accidents qui peuvent toucher le corps d’une femme ». Voici ces passages :

« (…) c’est là le propre du puritanisme que d’emprunter, au nom d’un prétendu bien général, les arguments de la protection des femmes et de leur émancipation pour mieux les enchaîner à un statut d’éternelles victimes, de pauvres petites choses sous l’emprise de phallocrates démons, comme au bon vieux temps de la sorcellerie. »

« Les accidents qui peuvent toucher le corps d’une femme [sic] n’atteignent pas nécessairement sa dignité et ne doivent pas, si durs soient-ils parfois, nécessairement faire d’elle une victime perpétuelle. » (Une autre parole, 2018)

A la lecture de cette tribune, si la plupart ont spontanément rejeté l’apologie des violences sexuelles envers les femmes qu’elle contient, beaucoup ont été séduit-e-s par le concept anti-victimaire de « victimisation ». Mais comment peut-on à la fois dénoncer l’apologie des violences sexuelles à l’encontre des femmes et simultanément adhérer au fait que les femmes victimes ne devraient pas se sentir victimes ? Dénoncer l’un et adhérer à l’autre est totalement incohérent.

Ces personnes ont sans doute été influencées par la popularité du concept anti-victimaire de « victimisation » qui est présenté faussement (comme tous les concepts anti-victimaires) comme une aide aux femmes victimes, une bienveillance à leur égard.

Le langage flou des violences machistes ouvre à l’anti-victimaire

En ce qui concerne les violences faites aux femmes, on trouve très souvent un langage flou, imprécis, à double sens qui permet d’inverser les situations, donc d’ouvrir avec une grande facilité à de l’anti-victimaire pour assurer l’impunité des agresseurs.

Un exemple : le mot « victimisation » est un mot à double sens qui crée déjà par lui-même une confusion autour de la notion de victime puisqu’il signifie une chose et son contraire, selon la manière dont il est utilisé.

En victimologie, le terme « victimisation » est utilisé pour parler clairement des victimes. La victimologie distingue deux types de victimisation : la « victimisation primaire » (conséquences traumatiques directes de l’acte violent) et la « victimisation secondaire » ou « re-victimisation » (conséquences traumatiques liées à la mauvaise prise en charge des victimes par les autorités, par la maltraitance des soignant-e-s et/ou du système judiciaire, par la non reconnaissance des victimes, etc.).

En revanche, lorsque le mot « victimisation » est utilisé dans sa version anti-victimaire, il nie les victimes :

« La victimisation est le sentiment excessif et exagéré d’être une victime. » (source)

« Victimisation : fait de transformer en victime » (source)

« se victimiser (…) Se présenter comme une victime ; se plaindre. » (source)

Cette façon anti-victimaire d’utiliser le mot « victimisation » est devenue très populaire, avec une large adhésion du public, des médias, des thérapies, etc. depuis que les femmes victimes ont commencé à obtenir des droits. Cette utilisation anti-victimaire du mot « victimisation » est donc un classique phénomène de blacklash (Kuhni, 2014b). Ce concept est aujourd’hui solidement installé dans l’arsenal anti-victimaire des agresseurs pour silencier les femmes victimes et leur enlever leur statut et leurs droits.

Ce sont les agresseurs qui « se victimisent » (victimisation de l’agresseur)

En réalité, ce sont les agresseurs eux-mêmes qui se victimisent en se prétendant victimes de leur(s) victime(s). Nous sommes donc là, une fois de plus, face à un mécanisme d’inversion typique des processus de violence. Et lorsque les agresseurs se disent faussement victimes, ils sont religieusement écoutés, crus et soutenus.

A ce sujet, voir l’excellent thread Twitter (fil à dérouler) : « Sur la position victimaire adoptée par les dominant•e•s pour conserver leur statut de dominant•e et silencier les dominé•e•s qui osent se rebeller. » (FéministesVsCyberH, 2018a).

Dans ce cas précis, il est cohérent de parler de « victimisation de l’agresseur », puisqu’en associant le mot « agresseur » au mot « victimisation », il n’y a aucune ambiguïté sur le fait qu’il s’agit d’une fausse victime.

L’anti-victimaire, c’est uniquement pour les violences machistes

L’anti-victimaire n’existe que pour les violences machistes, soit les violences qui fondent la domination masculine. Pour toutes les autres infractions pénales (vols, cambriolages, accidents de la route, terrorisme, guerre, Shoah, etc.), la société, les médias, la justice, etc. ne pensent pas de cette façon. Les victimes sont tout à fait crues, prises au sérieux, reconnues : vols, cambriolages, accidents de la route, terrorisme, guerre, Shoah, etc.

Autrement dit, on ne parle jamais de « victimisation » au sens anti-victimaire pour les victimes de violences non-machistes. Par exemple, imaginez si Le Monde avait publié une telle tribune qui dirait aux victimes de la Shoah ou du terrorisme qu’elles se victimisent.

« Dénoncer un acte de violence revient à endosser un statut de victime, en effet. En quoi ce statut est-il honteux ? Dirait-on d’une personne qui a subi un vol de portable, un piratage de carte bleue ou un cambriolage qu’elle se place en « éternelle victime » ? Oserait-on l’ironie de la formule « petite chose à protéger » à propos d’une victime d’attentat terroriste ?

Seules les femmes victimes de violences sexuelles devraient se taire, voire dans l’idéal, approuver l’acte qui les blesse. Or le mouvement « me too » l’a montré : les femmes victimes refusent de souffrir en silence. Celles qui le peuvent, et le souhaitent, ont décidé de protester et d’arrêter de subir.

C’est cela, se dire « victime ». C’est refuser la violence en rappelant un interdit. C’est choisir les bons termes. » (Arrighi, 2018)

Pourtant, les violences sexuelles sont l’équivalent d’actes de torture et de barbarie (viols de guerre, etc.) que l’on retrouve en temps de guerre. Donc ces violences sont d’une extrême gravité. Mais nos sociétés patriarcales ont réussi l’exploit incroyable de les amalgamer avec la sexualité, comme si torturer une femme (la violer, la contraindre à des actes d’ordre sexuel, etc.), c’était de la sexualité !

Parallèle entre guerre et viol, par la dessinatrice Nephyla
qui a notamment réalisé la BD érotique « La Déesse »

(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Source : Nephyla, 2018

Les femmes victimes seraient pathologiquement convaincues d’être des victimes

Tout l’arsenal anti-victimaire développé par nos sociétés patriarcales est d’une perversion redoutable, puisqu’il est quasiment toujours présenté comme visant le bien-être des femmes victimes, l’aide aux victimes, avec l’apparence d’être en empathie avec elles, au service de leur bien-être et de leur reconstruction. En réalité, ces concepts servent au contraire à silencier les femmes victimes et à venir au secours des agresseurs, afin de leur permettre de poursuivre leurs agressions en toute impunité.

Une victime ne « se victimise » pas, elle est une victime. Dire aux victimes de ne pas « se sentir victimes » ou « se victimiser » passe insidieusement le message que les femmes agressées ne seraient pas réellement des victimes, mais qu’elles seraient obsédées par l’idée d’être victime. En d’autres termes, elles seraient pathologiquement convaincues d’être des victimes.

Ainsi, pour soi-disant leur venir en aide, on va dire aux femmes victimes : « Ne te sens pas une victime, tu verras, tu te sentiras beaucoup mieux, tout ira beaucoup mieux ! » Le résultat est très efficace : la femme victime est silenciée par son soi-disant bienfaiteur, son sauveur (souvent son agresseur, en réalité).

Ce procédé anti-victimaire est malheureusement très utilisé dans les thérapies faites par des thérapeutes non formé-e-s en psychotraumatologie qui, sans s’en rendre compte, propagent le discours anti-victimaire typique des sociétés patriarcales. Certain-e-s de ces thérapeutes risqueront de dire aux femmes victimes, qu’il ne faut pas « se sentir victime » ou « se victimiser » : « C’est inutile et malsain de te maintenir en position de victime, n’y pense plus, passe à autre chose, etc. » Cette manière d’aborder les traumas est particulièrement problématique pour les femmes victimes puisqu’elle crée une dissociation et donc une impossibilité de travailler la mémoire traumatique.

La répétition est une « demande non entendue »

Or, lorsqu’une victime a besoin de se répéter et de répéter qu’elle est une victime, c’est simplement qu’elle n’a pas été entendue. Autrement dit, la répétition ne signifie pas qu’elle a un statut d’éternelle victime ou de victime perpétuelle. C’est juste qu’elle n’a pas été entendue.

Étymologiquement, répéter signifie « redemander » (re-petere). Il vient du latin repeto, composé lui-même du préfixe itératif re- et du verbe petere. (Thesaurus Altervista)

Donc répéter, c’est re-demander parce qu’on a pas été entendu-e. Par conséquent, au lieu de forcer les victimes à se taire, à ne plus se dire victime, il faut au contraire les écouter jusqu’à ce qu’elles aient été suffisamment entendues, ce qui est loin d’être le cas dans nos sociétés patriarcales qui nient les violences machistes.

« Se reconnaître victime » est le début du processus de guérison

Se reconnaître comme victime est le premier pas vers la guérison. Par conséquent, la non reconnaissance de la victime entrave sa prise en charge thérapeutique en créant une pathologie de la dissociation qui empêche toute thérapie des traumas.

« « Catherine Millet fait un éloge de la dissociation », analyse encore Muriel Salmona. »  (Lorenzo, 2018)

En effet, ne pas se reconnaître comme victime empêche tout travail thérapeutique et dénote d’un état de dissociation chronicisé qui empêche d’accéder à la mémoire traumatique encapsulée dans l’amygdale cérébrale. Cette mémoire traumatique non consciente va potentiellement engendrer toutes sortes de pathologies psychiques et physiques, et ceci peut-être toute la vie durant, si aucun travail psychothérapeutique n’est fait sur le trauma. La personne dissociée risque donc d’être confrontée à des pathologies physiques et psychiques pour lesquelles elle ne fera aucun lien avec le trauma, alors que ces pathologies sont créées directement par le trauma (Salmona, 2015).

Pour compléter ce sujet, voici quelques articles très détaillés, avec de nombreuses sources, sur les thèmes suivants : inscription dans l’ADN et le cerveau des violences subies dans l’enfance (Kuhni, 2017b), amnésie traumatique (Kuhni, 2017c), sidération traumatique (Kuhni, 2017d) et une interview de Muriel Salmona par Marine Perin (Kuhni, 2017e).

« Ne pas se reconnaître victime » est le meilleur moyen de devenir agresseur ou pro-agresseure

Le fait de ne pas être capable de se reconnaître victime et donc de rester dissocié-e, risque fortement de produire un agresseur (pour les hommes) ou une pro-agresseure (pour les femmes).

Ce refus d’être une victime va potentiellement se transformer en haine des victimes et de toute personne fragilisée, ainsi qu’en alliance avec les agresseurs et en volonté forcenée de domination, de contrôle d’autrui, afin de ne plus jamais être victime soi-même. Autrement dit, ne pas être capable de se reconnaître victime est le meilleur moyen de devenir agresseur soi-même et/ou d’apporter un soutien indéfectible aux agresseurs.

Les femmes sont dans leur immense majorité dissociées en raison des violences machistes systémiques et millénaires qu’elles subissent. Cette dissociation plus le Syndrome de Stockholm sociétal qui résulte des violences systémiques à leur égard va amener les femmes à défendre les agresseurs, sans s’apercevoir qu’elles sont en réalité en train de porter atteinte à elles-mêmes en participant à la perpétuation de ces violences envers les femmes. C’est le thème de l’excellent l’ouvrage co-écrit par Dee L.R. Graham et intitulé « Loving to Survive : Sexual Terror, Men’s Violence, and Women’s Lives » (Kuhni, 2014a)

Le victim-blaming (inversion de la culpabilité)

Si l’on voulait véritablement mettre fin à ces violences machistes, au lieu de s’en prendre aux victimes, il faudrait plutôt s’en prendre aux agresseurs et leur dire « reconnaissez que vous êtes un agresseur ». Mais les agresseurs ne reconnaissent rien, car la société a tant occulté et normalisé leurs violences, notamment en inversant la culpabilité, qu’ils peuvent sans problème passer pour des victimes.

Avec cette inversion de la culpabilité, lorsque la victime ose parler, elle est traitée de folle, hystérique, écervelée, manipulatrice, coincée, castratrice, cherchant le conflit, etc. Elle l’aurait « cherché », ce serait elle la coupable, etc. Cette inversion de la culpabilité porte un nom, c’est le « victim-blaming ».

Victim-blaming

« #VictimBlaming Puisque la culpabilisation des femmes victimes de violences
semble revenir à la mode cette saison, on repose ça là.
 »
(FéministesVsCyberH, 2018b)

Le victim-blaming est un fantastique outil anti-victimaire à l’encontre des femmes. En inversant la culpabilité, le victim-blaming permet aux agresseurs de passer pour des sauveurs, des bienfaiteurs, des êtres équilibrés, sages, stables, mesurés, travaillant au bien-être et à l’équilibre de toute la famille, dévoués, sincères, se pliant en quatre pour satisfaire des mégères castratrices (les femmes victimes) dont ils seraient les victimes (victimisation de l’agresseur). Le victim-blaming dégage les agresseurs de toute culpabilité. Ils n’ont donc aucun remords à être violents envers les femmes puisque c’est la société qui les autorise à le faire en les victimisant. Ils trouvent cela tout à fait normal. C’est leur droit. Ils en sont victimes. Même lorsqu’ils tuent leur compagne et/ou leurs enfants, les hommes sont considérés comme de pauvres victimes de méchantes femmes qui veulent les quitter (cause la plus fréquente des féminicides conjugaux et infanticides paternels). Par conséquent, en inversant la culpabilité, la société encourage ces meurtres en validant pour les hommes leur sentiment de propriété, de droit de vie et de mort sur femmes et enfants.

Dans un tel système, la parole des victimes crée immédiatement des représailles, au niveau individuel (couple, famille, etc.) et/ou au niveau sociétal, ces représailles sociétales étant nommées blacklash (Kuhni, 2014).

La stratégie de l’agresseur

La tribune parue dans Le Monde ne fait que propager la stratégie de l’agresseur qui se trouve être le socle de la domination masculine fondée sur les violences envers les femmes.

La militante féministe Caroline De Haas a écrit un excellent article (De Haas, 2018a) dans lequel elle décrit très clairement la stratégie de l’agresseur constituée de 5 phases : isoler, dévaloriser, inverser la culpabilité, menacer, assurer son impunité. Cet article est la reprise d’un thread (fil à dérouler) qu’elle avait rédigé sur Twitter (De Haas, 2018b) :

« Ce tweet décrit la stratégie de l’agresseur, mécanisme observé dans la quasi-totalité des histoires de violences.

Oui, les histoires de violences contre les femmes sont toutes différentes. Mais, dans presque toutes, on retrouve des points communs. Ces points communs, ce sont ceux du comportement de l’agresseur.

Après la phase de séduction, où tout semble parfait, se met en place un mécanisme dans lequel on peut identifier 5 étapes (l’ordre n’est pas toujours le même d’une histoire à l’autre).

D’abord, l’isolement. La victime va peu à peu couper des liens (ami.e.s, famille…). « Franchement, on va trop souvent chez tes parents » ou « tu vois plus tes copines que moi, tu m’aimes moins ? ». La victime peu à peu se retrouve seule. Et donc moins capable de se défendre.

Ensuite, la dévalorisation. Des mots, des phrases qui rabaissent la personne. « Si on m’avait dit que je finirai avec une (métier de la femme) », « t’es même pas foutue de faire ça ». Une de vos copines se dévalorise systématiquement ? Demandez vous pourquoi.

Après, l’inversion de la culpabilité. L’agresseur va toujours trouver une « raison » qui explique sa violence verbale ou physique.

« Je sais, j’ai crié trop fort. Mais, t’as vu ce que tu as dit / fait / … ». C’est toujours la responsabilité de l’autre.

N’oubliez jamais : Une femme n’est jamais responsable des violences qu’elle subit. Jamais.

Ensuite, après l’isolement, la dévalorisation et l’inversion de la culpabilité, vient la peur. La menace. Le mec devient ce « démon » dont parle l’internaute plus haut. Il crie, tape, menace de briser la femme. La peur est un des signaux les plus importants pour détecter les violences. Avoir peur de la personne avec qui on vit n’est pas normal. Aussi parce qu’une femme victime a quasi systématiquement tendance à banaliser les violences, a les excuser ou à les amoindrir. Donc si une femme vous dit « j’ai peur » en parlant de son conjoint, c’est qu’elle est sans doute terrorisée.

Dernier élément de cette « stratégie de l’agresseur » qu’on observe dans la plupart des histoires : assurer son impunité. L’agresseur va tout faire pour que la parole de la victime ne soit pas entendue, quitte à la faire passer pour folle. « Ce n’est pas l’homme que nous connaissions », « c’était un si gentil voisin »

Illustration : [capture d’une photo Twitter de Denis Baupin où il porte du rouge à lèvre – texte du tweet «  #mettezdu rouge contre les violences faites aux femmes. Les députés s’engagent #8mars #mettezdurouge.com/…. »]

Donc, si on récapitule : isoler, dévaloriser, inverser la culpabilité, menacer, assurer son impunité.

C’est la stratégie de l’agresseur. #balancetonporc » (De Haas, 2018a)

La violence machiste systémique envers les femmes

La violence machiste est un système de domination que l’on retrouve à tous les niveaux de la société et dont le rôle est d’assurer la domination masculine dans les sociétés patriarcales. Cette violence systémique est bien sûr occultée, sinon elle enfreindrait en permanence et de façon visible nos lois. Pour asseoir leur position de dominants, les hommes sont autorisés et encouragés par la société à être violents envers les femmes. Par ce moyen, les hommes sont placés en position de dominants et les femmes, en position de dominées.

Les violences sexuelles dont la tribune publiée dans Le Monde fait l’apologie sont parties intégrantes de ces violences systémiques pour soumettre les femmes à la domination masculine.

En raison de cette violence systémique largement encouragée par nos sociétés patriarcales, la violence des hommes est sans commune mesure avec celle des femmes. La violence machiste comprend de graves violences physiques et sexuelles (viol, enlèvement, séquestration, torture, meurtre, etc.), donc des violences qui conduisent souvent à la mort des femmes victimes (féminicides), notamment au moment où elles cherchent à fuir, à se séparer de l’homme violent. Alors que les rares femmes qui tuent un homme le font la plupart du temps pour se défendre dans des situations de grave violence masculine où leur propre vie et/ou celles de leurs enfants sont en danger (dans ce cas, assimilable à de la légitime défense).

Par conséquent, il ne peut y avoir de symétrie entre la violence masculine et la violence féminine en raison d’un contexte sociétal de domination masculine qui encourage et ne sanctionne que rarement les violences systémiques envers les femmes. Les femmes vivent dès leur plus jeune âge des violences machistes massives : mutilations sexuelles (clitoridectomie, excision, infibulation, etc.), mariages forcés, exploitation sexuelle, violences sexuelles, conjugales, reproductives (dont avortements clandestins), sans compter les violences économiques et les inégalités (droits, salaires, perspectives, etc.) qui empêchent les femmes et les filles de sortir de la domination des hommes (Kuhni, 2016). En raison de ces graves violences machistes systémiques, à l’extérieur et à l’intérieur de leur foyer, les filles et les femmes ne sont jamais en sécurité et peuvent à tout instant être agressées, violées, enlevées, séquestrées, torturées, tuées, etc. par des hommes.

D’autre part, très souvent, lorsqu’elles sont violées ou agressées sexuellement par un homme, les filles et les femmes ont peur d’être tuées. Elles sont donc confrontées doublement à l’effroi, par les violences sexuelles et par la peur de mourir, soit une confrontation aux traumas les plus violents, tout à fait comparables à ceux des victimes du terrorisme.

L’actrice Natalie Portman a d’ailleurs utilisé le terme de « terrorisme » lors de son discours à la Women’s March du 2 janvier 2018 puisqu’elle a qualifié les violences sexuelles de « terrorisme sexuel ». (lien et transcription du discours en début de cet article).

Dans toutes les formes de terrorisme (islamiste, suprémaciste blanc, antisémite, etc.), les victimes sont plongées dans un climat de terreur et d’effroi, parce qu’elles savent qu’à tout instant elles risquent d’être tuées, enlevées, séquestrées, violées, torturées, etc. C’est exactement ce qui se passe pour les femmes dans nos sociétés patriarcales : elles savent qu’à tout instant elles peuvent être victimes de la violence masculine (conjugale, familiale, sexuelle, etc.), qu’un homme violent peut à tout moment les tuer, les enlever, les séquestrer, les violer, les torturer, etc. Les femmes vivent donc dans un régime de terreur ou « règne de la terreur » comme le disait la célèbre féministe américaine Andrea Dworkin dans son texte « Terreur, torture et résistance » (Tradfem, 2014), car la violence des hommes peut en permanence s’abattre sur elles.

« Nous vivons sous un règne de terreur. Et ce que je vous dis aujourd’hui, c’est que je veux que nous cessions de trouver ça normal. Et la seule façon de cesser de trouver ça normal est de refuser d’être amnésiques chaque jour de nos vies. De nous rappeler ce que nous savons du monde dans lequel nous vivons. Et de nous lever chaque matin, décidées à faire quelque chose à ce sujet. » (Tradfem, 2014)

Le terrorisme, c’est vouloir soumettre autrui à une idéologie en utilisant la terreur. Or, la violence machiste systémique consiste précisément à soumettre les femmes par la terreur à la domination masculine. C’est pourquoi la violence machiste systémique devrait être assimilée à du terrorisme – donc du terrorisme machiste – au même titre que le terrorisme islamique, le terrorisme suprémaciste blanc, le terrorisme antisémite, etc. D’autant que le terrorisme machiste fait beaucoup plus de victimes que les autres formes de terrorisme et ceci depuis des millénaires.

Malheureusement, cette forme de terrorisme est totalement ignorée par nos sociétés patriarcales puisque c’est par elle que la domination masculine se perpétue.

Le cycle de la violence machiste (individuel et sociétal)

Pour résumer, il ne peut y avoir de symétrie entre la violence des hommes et celle des femmes, sachant que la violence machiste est une violence systémique liée à un contexte social de domination masculine (Conseil de l’Europe, 2011, pp- 5-6, préambule de la Convention d’Istanbul).

En raison de cela, la violence des hommes est sans commune mesure avec celle des femmes, car la société patriarcale encourage la violence des hommes, l’occulte et lui permet ainsi d’arriver à des niveaux de gravité allant souvent jusqu’à la mort des femmes victimes.

Il est donc important de créer un cycle de la violence spécifique à la violence machiste. Ce processus est strictement le même au niveau sociétal et individuel, avec des phases du cycle strictement identiques. Pour en comprendre l’articulation à chaque niveau, deux schémas sont disponibles ci-dessous : l’un pour la violence machiste sociétale (cycle no 1), l’autre pour la violence machiste individuelle (cycle no 2). Cet ordre sert à faire ressortir que c’est bien la violence machiste systémique sociétale qui permet à celle d’une extrême gravité au niveau individuel d’exister. Dans les deux cas (sociétale ou individuelle), la violence s’aggrave chaque fois que la phase 4 réussit à passer et qu’un nouveau cycle peut alors commencer. Donc la violence s’aggrave à chaque tour de cycle.

La violence machiste est un système d’emprise très élaboré qui se déroule à la fois sur le plan individuel et sociétal. Pour les femmes, ce continuum des violences machistes est un rappel à l’ordre permanent de la domination masculine, afin qu’elles restent sagement à leur place. Toutefois, si les femmes étaient unies, solidaires, elles n’accepteraient jamais d’être dominées par les hommes. Donc pour imposer la domination masculine, la société patriarcale doit à tout prix diviser les femmes. C’est précisément l’un des rôles de la violence machiste systémique puisque ce système d’emprise machiste généralisé (emprise sociétale et millénaire) installe de façon transgénérationnelle un climat de terreur pour les femmes, avec pour conséquence de produire un Syndrome de Stockholm sociétal. Ce syndrome va diviser, désolidariser les femmes entre elles parce qu’elles vont coûte que coûte soutenir les hommes malgré les violences dont elles sont victimes ou plutôt, à cause de ces violences. Pour plus d’informations sur ce thème du Syndrome de Stockholm sociétal, se reporter à l’excellent ouvrage coécrit par Graham Dee : « Loving to Survive: Sexual Terror, Men’s Violence, and Women’s Lives » (Kuhni, 2014a).

 

Pour visualiser correctement ces deux cycles, cliquer sur les images 1 et 2. Ou cliquer sur les liens PDF 1 et 2 pour avoir une meilleure version (en A4) de chaque cycle :

PDF 1 : Cycle de la violence machiste – sociétal

PDF 2 : Cycle de la violence machiste – individuel

Voici quelques compléments concernant les phases du cycle de la violence machiste.

Phase 0 (séduction)

L’entrée dans le cycle de la violence machiste s’effectue avec la phase 0, celle de la séduction.

Au niveau individuel, dans cette phase, l’agresseur va tenter par tous les moyens de faire entrer la victime dans son cycle de la violence machiste. La phase 0 peut sembler équivalente à la phase 4. Toutefois, son but n’est pas le même : il n’est pas d’empêcher la victime de s’échapper, mais bien de la faire entrer dans le traquenard, dans le piège. En ce sens, la phase 0 est la plus dangereuse.

Cette phase dure de quelques secondes à plusieurs mois. Elle peut par exemple se prolonger jusqu’à ce que la femme tombe enceinte de l’agresseur, sachant que 40 % des violences conjugales commencent à ce moment-là.

Au niveau sociétal, la phase 0 peut sembler inutile, puisque les filles naissent dans la société patriarcale où le cycle de la violence machiste est déjà solidement installé pour assurer la domination masculine. Les filles n’ont donc aucune possibilité de s’en échapper puisque le monde entier est patriarcal.

Toutefois, même si elles sont déjà plongées dans le cycle de la violence machiste depuis la naissance, on peut considérer l’enfance des filles comme faisant partie de cette phase 0, car dès leur entrée dans la vie, leur venue au monde, la société patriarcale entreprend un conditionnement intensif pour séduire les petites filles dès leur plus jeune âge et les faire entrer avec enthousiasme dans le cycle de la violence machiste.

Parmi les outils de séduction de la phase 0 sur le plan sociétal, on trouve les contes de fées, avec des princesses, des princes charmants et des histoires d’amour idéalisées. On trouve également les stéréotypes qui donnent faussement l’impression d’être en admiration devant les petites filles (petites filles hypergenrées, hypersexualisées, etc.), les croyances que les petites filles sont égales aux garçons et même que c’est elles qui ont le pouvoir, que le monde sera à leurs pieds quand elles seront grandes, qu’elles seront des stars avec des paillettes, qu’elles seront respectées, admirées, choyées, etc. Les filles sont aussi conditionnées depuis toutes petites pour être en admiration devant des hommes vieux, laids et méchants (par les dessins animés, films, etc.), avec la croyance absolue que même lorsqu’un garçon ou un homme est méchant, en réalité, tout au fond de lui, « il a un bon fond ». Cette croyance installée, les filles et les femmes excuseront les garçons et les hommes violents en s’imaginant que malgré les violences, au fond, ils les aiment.

Avec cette phase 0 sociétale, les filles sont préparées, formatées à être des proies idéales pour les agresseurs sexuels et hommes violents. Elles vont croire ce que leur diront ces prédateurs (dans la phase 0 individuelle) parce que leur discours ressemblera aux contes de fées et à tous les stéréotypes qu’elles ont ingérés dès leur plus jeune âge. Par conséquent, cette phase de séduction sociétale rend les filles très vulnérables et ne les prépare pas à la réalité de ce que vivent les filles et les femmes dans nos sociétés patriarcales.

Phase 1 (tension-peur-terreur)

La phase 1 sert à maintenir les femmes dans un stress très élevé en leur rappelant sans cesse la domination masculine.

Les ordres contradictoires sont un élément important de cette phase 1. L’ordre contradictoire (ou double contrainte) est un ordre doublé d’un contre-ordre inverse, avec représailles dans tous les cas. La victime d’un ordre contradictoire subit des représailles quoi qu’elle fasse, ce qui a pour effet de la terroriser, de la sidérer, de la lier (ne peut plus bouger) en lui enlevant toute capacité à décider ou agir puisqu’elle sait qu’il y aura des représailles dans tous les cas, et souvent de graves représailles. La victime devient ainsi totalement soumise au système agresseur avec lequel elle n’a d’autre choix que l’obéissance absolue.

Au niveau individuel, un exemple d’ordre contradictoire : l’homme dit sans cesse à la femme « Tu es moche, grosse, coincée, pas sexy, comment peut-on s’intéresser à toi, comment se fait-il que tu te laisses aller à ce point, que tu ne fasses pas plus d’efforts, etc. ». Et lorsque la femme obéit à cet ordre de faire plus d’efforts pour être belle, mincir et être sexy, l’homme violent va lui dire « Tu ressembles à une traînée ! Pour qui fais-tu cela, tu veux me tromper, j’en suis sûr, etc. ». Donc cette femme apprend que quoi qu’elle fasse (qu’elle obéisse ou désobéisse à l’ordre ou à son contre-ordre qui sont contradictoires), il y aura des représailles et dans un tel cas, il y a souvent de la violence physique et sexuelle, en plus de la violence psychologique.

Au niveau sociétal, un exemple typique d’ordre contradictoire : la société ordonne aux femmes d’être hyper-sexualisées (sinon on leur dit qu’elles sont moches, pas féminines, coincées, etc.). Et elle leur ordonne simultanément de ne pas l’être (sinon on leur dit que c’est de leur faute si elles sont violentées sexuellement). Donc dans les 2 cas, qu’elles obéissent ou désobéissent à l’ordre ou à son contre-ordre qui sont contradictoires, il y a des représailles. Et dans ce cas précis, ces représailles peuvent être d’une grande violence, notamment pour les affaires de viols (violences médiatiques, judiciaires, etc.).

Le traitement médiatique des affaires de violences machistes produit souvent chez les femmes victimes un stress très élevé, avec parfois un réveil brutal de la mémoire traumatique (effet « trigger »). En effet, ces affaires terrifiantes sur lesquelles les médias pratiquent souvent un victim-blaming intensif peuvent à nouveau fortement traumatiser les femmes victimes (re-victimisation), tant par les agressions rapportées que par la violence de l’inversion de la culpabilité. Ce cocktail explosif reconfronte les femmes à l’effroi et à la confusion la plus extrême. Pour cette raison, toutes les affaires de violences machistes rapportées par les médias devraient être précédées de la mention « Trigger Warning » ou « TW » (avertissement destiné aux contenus choquants), afin de protéger les femmes victimes. Trigger signifie « détente » ou « gâchette ». « On appelle ces déclencheurs « triggers », d’où le « trigger warning », qui est censé prévenir le lectorat de la présence de potentiels déclencheurs. » (Genre !, 2015).

Un exemple : avec le traitement problématique de BFM-TV du meurtre l’Alexia Daval par son mari, beaucoup de femmes victimes ont pu être doublement traumatisées, à la fois par l’horreur de ce meurtre et par le victim-blaming effroyable pratiqué par cette chaîne. Donc sachant que BFMTV est adepte du victim-blaming intensif, chaque fois qu’ils traitent de violences masculines envers les femmes, il faudrait leur suggérer d’afficher un TW.

Phase 2 (représailles)

La phase 2 sert à punir et terroriser les femmes qui ne se soumettraient pas suffisamment à la domination masculine.

Au niveau individuel, cette phase commence toujours par des représailles psychologiques (violences psychologiques), avant d’enchaîner sur des représailles physiques et sexuelles (violences physiques et sexuelles) souvent d’une extrême violence, l’agresseur pouvant aller jusqu’à tuer femme et enfants (par exemple, s’il y a séparation ou simplement risque de séparation) parce qu’il les considère comme ses propriétés sur lesquelles il a le droit de vie et de mort.

Ce droit de vie et de mort sur femme et enfants est donné par la société patriarcale qui a réussi l’exploit de dédouaner les hommes auteurs de féminicides conjugaux et d’infanticides en les présentant comme des victimes (dans la phase 3 du cycle de la violence machiste).

Au niveau sociétal, c’est dans cette phase que s’exerce le « backlash de type représailles », par exemple lorsque l’on retire le droit à l’avortement au moment où les droits de femmes bénéficiaient d’une toute petite avancée.

Phase 3 (inversion)

Très efficace, la phase 3 sert à assurer l’impunité des agresseurs.

Au niveau individuel, l’agresseur procède à l’inversion la culpabilité (victim-blaming) en prétendant que sa victime serait responsable des violences qu’il lui a fait subir (« elle l’a cherché »), qu’elle serait folle, hystérique, agressive, etc. En utilisant cette inversion, l’agresseur va même souvent aller jusqu’à tenter de faire croire que c’est lui qui subissait de la violence de la part de la femme qu’il a violentée voire tuée.

Au niveau sociétal, ce procédé séduit tant l’ensemble de la société patriarcale (notamment les médias) que les agresseurs arrivent avec une facilité déconcertante à faire croire qu’ils sont violentés par la femme victime, bien sûr sans aucune preuve (puisque c’est faux), même lorsqu’ils ont assassiné leur femme.

Au niveau sociétal, c’est dans cette phase que s’exerce le « backlash de type inversion », avec resilenciement des femmes victimes alors qu’elles venaient à peine d’oser parler avec une large audience des violences sexuelles qu’elles subissent de façon systémique de la part des hommes.

Tous les concepts anti-victimaires figurent dans cette phase 3 sociétale pour inverser la culpabilité et assurer l’impunité des agresseurs en s’en prenant aux femmes victimes.

Projection et paralogique

La phase 3 du cycle de la violence machiste est sous-tendue par un redoutable système projectif et paralogique qui permet l’inversion de la culpabilité. Ce procédé d’inversion de la culpabilité comporte des similitudes avec le mécanisme de « projection » et le discours « paralogique » de la paranoïa (CIM-10, 2000, pp. 87-89).

Le mécanisme de projection de la paranoïa consiste à projeter sur autrui les parties négatives de soi. Cette inversion permet aux paranoïaques de se débarrasser de sentiments intolérables et de se placer en victime persécutée par autrui. La projection paranoïaque est justifiée au moyen d’un discours paralogique (un discours qui semble logique alors qu’il ne l’est pas). Sauf que la paranoïa est une psychose (délire) : les paranoïaques croient réellement à leur projection et à leur discours paralogique. Ils se croient réellement attaqués par des personnes inoffensives qui ne les connaissent parfois même pas et ils croient réellement à leur narrative paralogique qui donne un semblant de véracité à leur projection. Ces deux procédés inconscients leur servent simplement à occulter des parties intolérables d’eux-mêmes auxquelles ils ne peuvent accéder consciemment.

Pour les violences machistes, nous sommes dans un tout autre processus. Les hommes violents ne sont pas dans un délire  (ils ne sont pas « fous »): ils sont conditionnés par la société patriarcale pour dominer les femmes. Depuis leur plus jeune âge, les hommes apprennent à puiser dans la panoplie des outils machistes que la société patriarcale met à leur disposition pour inverser la culpabilité en la projetant sur les femmes victimes (projection) au moyen d’une logique biaisée (discours paralogique). Donc les agresseurs sont conscients de ce qu’ils font (ils ne sont pas dans un délire). Mais grâce à cette autorisation sociétale, ils ne ressentent aucune culpabilité et peuvent ainsi aisément se faire passer pour la victime de la femme victime qu’ils violentent pour assurer leur impunité.

Phase 4 (referrage-réhameçonnage)

Le climat de la phase 4 rappelle celui de la phase 0 dans le but de re-séduire les femmes victimes qui voudraient partir ou se révolter.

Au niveau individuel, si l’agresseur arrive à passer la phase 4 sans que la victime n’envisage de partir, il aggrave sa violence au tour suivant du cycle. Ensuite, plus la femme victime sera dépendante de son agresseur, plus cette phase va se raccourcir et finir par disparaître lorsque la femme victime ne peut plus s’échapper (par exemple, lorsqu’il y a des enfants). Dès cet instant, la victime est totalement piégée et la violence s’aggrave de façon magistrale.

En revanche, lorsque la phase 4 ne passe pas et qu’il y a risque que la femme victime s’échappe (séparation, fuite, révolte, etc.), des représailles d’une extrême violence s’abattent sur elle et ses enfants, s’il y en a. Ces violences peuvent aller jusqu’au meurtre ou à l’assassinat (meurtre avec préméditation) de la femme (féminicide) et des enfants (infanticide). C’est la principale raison pour laquelle la victime va accepter de poursuivre le cycle de violence machiste et ne pas aller vers la séparation qu’elle sait très dangereuse voire mortelle pour elle, ainsi que pour ses enfants (Kuhni, 2014b).

Au niveau sociétal, de même que pour la phase 0, la phase 4 pourrait sembler inutile, puisque les femmes ne peuvent s’échapper du cycle de violence machiste mis en place par la société patriarcale du fait que le monde entier est patriarcal. Les femmes sont piégées dans la violence de la société patriarcale de la même façon que les victimes d’enlèvement et de séquestration. Le Syndrome de Stockholm sociétal en est une conséquence. Néanmoins, même si elles n’ont aucune possibilité de fuite, les femmes peuvent se révolter. C’est pourquoi, la phase 4 est également présente au niveau sociétal.

Pour éviter que les femmes se révoltent et faire en sorte qu’elles continuent sagement d’accepter la domination masculine, la société patriarcale va leur donner quelques petites gratifications et fausses promesses. Et si le patriarcat arrive à passer la phase 4 sans que les femmes envisagent des actions collectives, des grèves, etc., le patriarcat va aggraver sa violence envers les femmes au tour suivant du cycle. Lorsque les femmes sont totalement soumises à la domination masculine, sans aucune possibilité de révolte (dans les systèmes dictatoriaux, par exemple), cette phase disparaît, car elle n’est plus utile.

Les gratifications de la phase 4 ne sont bien sûr qu’un leurre pour empêcher que les femmes se révoltent. Derrière ces beaux discours, en réalité, la situation régresse souvent pour les femmes, avec une panoplie d’excuses et de justifications que les femmes sont censées croire. Voici un excellent article de la canadienne Donna F. Johnson à propos de ce procédé qui consiste à faire de fausses promesses aux femmes violentées pour éviter qu’elles se révoltent.

« Notre société trahit les femmes violentées – Les femmes sont laissées à elles-mêmes pour composer du mieux qu’elles peuvent avec la violence masculine. Elles subissent le paternalisme de solutions bancales qu’on leur propose alors qu’elles se retrouvent en zone de guerre (…) Trois décennies se sont écoulées depuis que j’ai entamé mon travail. Je ne crois plus que notre société ait la moindre intention de stopper cette violence. (…) Les femmes sont laissées à elles-mêmes pour composer du mieux qu’elles peuvent avec la violence masculine. La grande philosophe féministe Simone de Beauvoir a écrit : « Tout n’est pas bon à prendre dans la mesure où justement, quelquefois les choses qu’on ‘donne’ aux femmes sont simplement un os à ronger : une mystification, une manière de les démobiliser en leur faisant croire qu’on fait quelque chose pour elles alors qu’en vérité on ne fait RIEN. C’est une manière non seulement de récupérer la révolte des femmes, mais c’est même une manière de la contrer, de la supprimer, de feindre qu’elle n’a plus de raison d’être. » » (Abolissimo, 2017)

D’ailleurs, pourquoi n’arrive-t-on pas par exemple à supprimer les inégalités femmes-hommes ? Tout simplement parce que les hommes ne le veulent pas : ils veulent poursuivre leur domination masculine. Et les violences économiques envers les femmes sont un facteur essentiel à cette domination parce qu’elles empêchent les femmes d’être autonomes, de se défendre en justice contre les violences machistes (pas d’argent pour payer les avocats et les frais de justice), etc.

En revanche, lorsque les hommes réclament des droits ou des avantages supplémentaires,  ils les obtiennent à la vitesse de l’éclair. Par exemple, l’ISF (Impôt sur la Fortune). Ce dernier a été supprimé par Emmanuel Macron très rapidement (le 20 octobre 2017, soit 5 mois après son début de mandat présidentiel du 14 mai 2017), alors que cette suppression va coûter 3,2 milliards d’euros à l’État.

Par contre, l’égalité salariale pour les femmes serait soi-disant impossible à réaliser avant des décennies et ne pourra être atteinte qu’en … 2186 (soit dans 170 ans) selon une étude du Forum Économique Mondial !

Conclusion

L’un des objectifs du cycle de violence machiste est de briser toute solidarité entre les femmes, afin de les diviser, de les isoler et pouvoir ainsi établir la domination masculine. Autrement dit, les femmes sont divisées à cause des violences machistes qui les placent sous emprise des hommes (Syndrome de Stockholm sociétal). En raison des violences machistes subies par elles depuis des millénaires, pour les femmes, tout tourne autour de l’intérêt pour les hommes, de les soigner, de les défendre, d’être aimées par un homme, etc. Pour plus de détails, se référer à l’excellent ouvrage co-écrit par Graham Dee « Loving to Survive: Sexual Terror, Men’s Violence, and Women’s Lives » (Kuhni, 2014a).

Pour stopper ce cycle sans fin, il faudrait que nous soyons solidaires entre femmes afin de casser cette division créée par le Syndrome de Stockholm sociétal : en prendre conscience nous permet de nous en abstraire. Les femmes ne peuvent compter que sur elles-mêmes, car les hommes trouvent trop de bénéfices à leur domination, donc rares sont ceux qui les aideront à y mettre fin.

Individuellement, nous ne pouvons rien, nous sommes trop vulnérables face à la violence machiste sociétale. En nous unissant, en parlant collectivement, comme ce fut le cas pour l’affaire Weinstein, #metoo et #balancetonporc, nous avons une chance de nous faire entendre sans subir de représailles individuelles, puisque nous serons trop nombreuses à le faire.

Pour nous extraire de l’emprise machiste sociétale, il est essentiel de savoir en démonter les mécanismes en devenant des expertes du cycle de la violence machiste, afin de pouvoir prendre chaque événement et le restituer dans le cycle, expliquer où l’action se situe dans le cycle de la violence machiste, de quel type d’action il s’agit (séduction, tension-peur-terreur, représailles, inversion, referrage-réhameçonnage), etc. Un aspect important de cette prise de conscience est le repérage de la logique faussée (paralogique) du cycle de la violence machiste afin de mettre à jour les artifices utilisés pour occulter les violences machistes. Une fois que les femmes connaissent bien ces processus, elles détectent instantanément la violence et celle-ci ne fonctionne plus. Autrement dit, pour les femmes, la parfaite connaissance du cycle de violence machiste désamorce l’emprise.

Pour désamorcer la redoutable inversion de la culpabilité,
la première chose à ne jamais oublier est :
« Une femme n’est jamais responsable des violences qu’elle subit. Jamais. »

(Le Groupe F, 2018)

Pour terminer, je dirais qu’il ne faut pas oublier que les femmes sont piégées dans cette violence systémique. Le parcours judiciaire lui-même piège les femmes en les maltraitant et en inversant souvent la culpabilité au profit des agresseurs. Donc que l’on cesse de dire aux femmes victimes qu’elles doivent absolument déposer plainte et parler. D’autant que les femmes victimes sont déjà fragilisées. La procédure actuelle ne fait que les anéantir encore plus. Il faut un changement de société pour que les femmes puissent parler en toute sécurité, sans représailles. Donc au lieu de s’en prendre aux femmes victimes, que l’on s’en prenne aux véritables coupables : les agresseurs et la violence machiste systémique.

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Transcription de l’interview de Muriel Salmona par Marine Périn

La journaliste féministe Marine Périn est l’autrice de la chaîne Youtube Marinette – femmes et féminisme. Je vous encourage à aller explorer cette chaîne, car elle contient des vidéos très intéressantes sur des thématiques féministes.

Marine Périn a notamment réalisé 2 vidéos remarquables sur la sidération. La 1ère vidéo s’intitule « Violences sexuelles : la sidération psychique » (Marinette, 2016a). La seconde vidéo s’intitule « La sidération : pour aller plus loin » (Marinette, 2016b).

Sur la première vidéo, on trouve le témoignage de Marine Périn qui a elle-même été confrontée à la sidération lors d’une agression, ainsi qu’une interview de Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie. La seconde vidéo contient la suite de l’interview de Muriel Salmona. Sous chaque vidéo, figurent encore des liens concernant le travail de Muriel Salmona et celui de Marine Périn.

L’interview de Muriel Salmona constitue une mine d’informations qui peut s’adresser autant à des professionnel-le-s prenant en charge des victimes (but formateur) qu’à des victimes (but thérapeutique) et à toute personne intéressée (changement social).

Il est important de savoir que la majorité des professionnel-le-s de la santé ne sont pas encore formé-e-s à la psychotraumatologie, avec pour conséquence de graves erreurs dans la prises en charge des victimes de violences (faux diagnostics, expertises erronées, traitements contre-indiqués, etc.). Cette interview est une bonne entrée en matière qui peut leur donner envie d’en savoir davantage sur le sujet, afin de pouvoir correctement prendre en charge les victimes et ne pas les mettre en danger notamment en ne détectant pas la gravité de l’état des victimes et/ou en créant des pathologies iatrogènes (pathologies créées par le traitement lui-même), ce qui a pour effet d’aggraver et/ou chroniciser les victimes au lieu de les soigner. Pour les victimes, le simple fait d’être mieux informées est en lui-même thérapeutique et apporte souvent un immense soulagement, une libération, ainsi que la possibilité, en cas de besoin, de choisir en toute connaissance de cause un-e thérapeute compétent-e dans ce domaine. Plus largement, il est fondamental que ces notions soient connues du plus grand nombre pour créer un véritable changement de société au niveau de la prise en charge des victimes, de la condamnation des agresseurs et de mettre ainsi fin à la culture du viol.

Pour toutes ces raisons, afin d’en permettre la diffusion la plus large possible en utilisant également le support de l’écrit, j’ai retranscrit l’intégralité de cette interview de Muriel Salmona répartie sur les 2 vidéos. Le témoignage de Marine Périn se trouve déjà retranscrit ici (Kuhni, 2017b).

Sur ses vidéos, Marine Périn a organisé l’interview en chapitres. Les titres qui ponctuent cette retranscription correspondent aux titres des chapitres.

Interview de Muriel Salmona (vidéo 1)

Début de l’interview

Capture d’écran vidéo 1

Muriel Salmona, psychiatre-psychotraumatologue

« La définition de la sidération, c’est un état psychologique de paralysie face à une situation qui est une situation qui dépasse l’entendement en quelque sorte, qui est totalement soit horrible, soit complètement incongrue, soit impensable, et qui va vraiment paralyser tout l’espace psychique. La personne qui est sidérée se retrouve dans l’impossibilité de réagir, de parler, de bouger. »

Le mécanisme psychique

« Le mécanisme complet, c’est que la sidération est à l’origine d’un blocage de la fonction supérieure. Et normalement, ce sont les fonctions supérieures qui modulent la réaction au stress de l’organisme. Et quand il n’y a pas de contrôle et de régulation par les fonctions supérieures, il va y avoir un survoltage avec une production d’hormones de stress très importante qui ne va pas être contrôlée, ce qui représente un risque vital pour l’organisme. La surproduction d’adrénaline va entraîner des atteintes possibles au niveau du système cardio-vasculaire. Et au niveau du cortisol, c’est le système neurologique, ce sont les neurones qui vont être très impactés par le cortisol. Et c’est là qu’il va y avoir un mécanisme exceptionnel de sauvegarde qui va faire disjoncter le système puisqu’il faut absolument interrompre cette surproduction d’hormones de stress pour éviter un risque vital. Et donc, comme dans un circuit électrique qui serait en survoltage, ça va disjoncter et protéger le cœur et le cerveau. »

La dissociation

« Il faut bien différencier sidération et dissociation. La sidération, c’est la paralysie, le fait de ne pas pouvoir réagir. Et puis ensuite, au moment de la disjonction, il y a cette dissociation qui fait qu’il y a une déconnexion émotionnelle et ça donne un sentiment d’irréalité, d’être déconnecté de la réalité, d’être spectatrice de l’événement, de ne plus ressentir ce qui se passe, ni la douleur, ni les émotions, comme si c’était irréel, comme si on était à l’extérieur de l’événement, comme si l’événement ne nous concernait pas.

Et du coup, la personne peut devenir un petit peu comme une sorte de pantin qu’on va pouvoir utiliser, sans pouvoir réagir et sans qu’elle ressente quoi que ce soit de ce qui se passe. »

Le cerveau à l’IRM

« Les IRM, ce sont des examens d’imagerie en résonance magnétique nucléaire et ça permet de voir la sidération : on peut voir la paralysie du cerveau. Ce qu’on fait, c’est qu’on met dans une IRM quelqu’un qui a été traumatisé par exemple et on lui fait revivre le trauma – ça a été fait par exemple sur des vétérans du Vietnam – on le reconfronte à des images de guerre qui rallument sa mémoire traumatique. Et du coup, il va revivre la même situation, il va se retrouver de nouveau en état de sidération. On voit sur l’IRM que le cerveau ne fonctionne pas. Et pour la dissociation, on va voir l’hyper-activité de l’amygdale cérébrale qui va être très importante et très colorée et on va voir que tout le reste du cerveau est déconnecté par rapport à cette amygdale. »

Méconnaissance et culture du viol

« Il y a une méconnaissance de tous les mécanismes neurobiologiques, sidération, dissociation, mémoire traumatique qui font que le plus souvent on va reprocher aux victimes des symptômes qui sont directement liés au traumatisme et qui sont pour nous, médecins, des preuves du trauma. Et particulièrement, cette sidération où on va dire à la victime « Mais puisque vous n’avez pas crié, vous ne vous êtes pas débattue, vous n’avez pas fui, c’est bien la preuve qu’il n’y a pas eu viol » par exemple « et que vous étiez consentante puisque vous n’avez rien dit, rien fait ». On va aller rechercher dans leur histoire, dans leur personnalité, des éléments qui pourraient prouver qu’elles racontent n’importe quoi. Il y a une sorte d’enquête de crédibilité de la victime qui est quelque chose d’intolérable.

Et puis la dissociation, aussi, ça fait que la victime n’a pas de bons repérages au niveau temporo-spatial, donc elle ne va pas être précise sur la date, l’heure, la durée des violences. Ça va lui être reproché. Elle va être tellement déconnectée de ses émotions qu’elle va mettre beaucoup de temps avant de pouvoir parler des violences ou, d’autant plus, aller porter plainte. Quand on est traumatisé, on ne peut pas faire certaines démarches. Donc on va le lui reprocher : pourquoi elle porte plainte si longtemps après ? »

Un élément de la défense

« Ça va être un élément sur lequel la défense, dans le cadre de procédures juridiques, va insister sur « Il ne pouvait pas savoir que ce qu’il faisait était mal puisque la victime ne réagissait pas ». J’ai un exemple très récent d’un procès-verbal, c’est vraiment tout ce système très pervers de retournement des phénomènes de preuves. Et ça, dans les procès, on le voit très bien. Donc les agresseurs utilisent ce système-là, à la fois pour bloquer et piéger leur victime et à la fois ensuite pour leur défense. Ils vont le réutiliser une deuxième fois. Et la méconnaissance de tout le monde fait que ça passe. »

La mémoire traumatique

« Au moment de la disjonction, ce qui disjoncte aussi, c’est le circuit de la mémoire. Et du coup, la mémoire émotionnelle, à partir du moment où ça a disjoncté, toutes les violences qui se produisent ne vont pas pouvoir passer par le circuit habituel de la mémoire et être intégrées par l’hippocampe qui est le système d’exploitation de la mémoire pour être transformée en mémoire autobiographique. Tout va rester piégé dans l’amygdale cérébrale. Et cette mémoire non intégrée va être susceptible d’envahir la victime au moindre lien qui rappelle les violences. On peut revivre en même temps ce qu’on ressent, ce qu’on a vu, ce qu’on a entendu, ce qu’on a senti, même, aussi, des images, des flashs, des odeurs, qui reviennent à l’identique, avec les mêmes émotions, une sorte de crise de panique, qui envahissent la personne.

Les personnes qui sont traumatisées vont devoir mettre en place des stratégies de survie pour ne pas exploser continuellement. Il y a deux sortes de stratégies de survie : il y a des conduites d’évitement, c’est-à-dire que ma vie est un terrain miné, le seul moyen, c’est de ne plus mettre les pieds dessus. Donc on ne bouge plus, on ne pense plus, on s’isole, on contrôle tout, plus rien ne bouge, rien ne change. Et petit à petit, la victime arrive à développer des petits espaces où elle se sent en sécurité, avec des personnes sécures. Et il ne faut rien leur bouger. L’autre solution quand il faut quand même avancer sur le terrain miné, alors qu’on sait qu’il y a des mines, que ça risque de sauter, c’est d’avancer. Les premières choses qu’on rencontre, pour se dissocier, c’est l’alcool, la drogue. Donc des produits dissociants, qui reproduisent la dissociation. Ou les médicaments. Et puis, ce qui est moins bien compris, c’est les conduites à risque, les mises en danger. Ça peut être se taper dessus, se mordre, se brûler, se couper. Mais ça peut être aussi avoir des conduites à risque au niveau de pratiques sportives très dangereuses, de pratiques automobiles sur la route très dangereuses. Ça peut être aussi des conduites à risque sexuelles. »

Les conséquences à long terme

« Et puis ces conduites dissociantes, c’est du stress continuel, c’est des mises en danger continuelles, c’est une alcoolisation, c’est une drogue, et c’est ça qui va avoir des conséquences catastrophiques sur la santé. A la fois au niveau cardio-vasculaire, au niveau du diabète, c’est toutes les maladies liées au stress. Ça va entraîner des troubles de l’immunité, des troubles respiratoires à cause du tabagisme – le tabac aussi à hautes doses, c’est dissociant. Donc toutes ces conduites dissociantes vont faire que, par exemple, quand on a subi des violences sexuelles, des violences dans l’enfance, on peut avoir jusqu’à 20 ans d’espérance de vie en moins. Et c’est le déterminant principal de la santé 50 ans après. »

Interview de Muriel Salmona (vidéo 2)

La stratégie de l’agresseur

« Les agresseurs, ils connaissent bien le phénomène puisqu’ils l’utilisent et d’ailleurs, ils excellent dans leur capacité à sidérer les victimes. Mais on le voit, on le voit d’ailleurs avec les terroristes : ils cherchent à sidérer, ils cherchent à traumatiser, donc ils cherchent à sidérer. Donc il faut toujours faire quelque chose que la victime n’attend pas, sur lequel elle n’est pas préparée. Il faut dire des choses qui vont perturber la victime. Il faut avoir un regard, des gestes, une façon d’être qui va être très sidérante. Donc tout comme les bourreaux, ils savent très bien manier les mécanismes psychotraumatiques pour traumatiser très durablement des victimes de torture.

Une jeune femme qui était stagiaire sur une île du Pacifique s’est trouvée, comme elle était stagiaire, à ne pas pouvoir aller dans l’hôtel où il y avait toutes les personnes de l’ambassade. Donc elle s’est retrouvée seule dans un petit hôtel où elle s’est sentie très en insécurité. Et elle avait parfaitement raison puisqu’elle avait beau s’enfermer la nuit, en plein milieu de nuit, un agresseur est arrivé, a défoncé la porte à coups de hache et sous la menace d’un couteau l’a violée. A un moment donné, elle raconte – donc elle était complètement sidérée, bien entendu, dans l’incapacité de bouger, elle était menacée en plus avec un couteau et persuadée qu’elle allait être tuée, vu le contexte – et à un moment donné, elle a commencé à reprendre un petit peu pied par rapport à la sidération, donc à pouvoir penser un petit peu à ce qui était en train de se passer. L’agresseur, lui, a senti qu’elle reprenait pied. Soit il fallait que de nouveau il lui fasse très peur : de nouveau qu’il mette en scène toute une destruction, qu’il se remette à hurler, qu’il se remette à reprendre son couteau, etc. Mais ça, ça l’empêchait de pouvoir continuer ce qu’il était en train de faire. Ou alors, c’est lui dire quelque chose qui allait complètement la sidérer, quelque chose de totalement incongru, fou. Il a opté pour la deuxième solution et il lui a dit : « Tu aimes ça, ce que je te fais ». Et ça l’a fait repartir, ça l’a de nouveau sidérée. Elle décrit bien à ce moment-là que de nouveau, elle était paralysée et elle a de nouveau été dissociée. Et ensuite, c’est quelque chose qu’elle n’a jamais osé dire pendant toute la procédure parce qu’elle avait honte, elle se sentait coupable : « Qu’est-ce que j’ai bien pu faire pour qu’il me dise que j’aime ça ? Est-ce qu’il a senti une réaction de mon corps ? Est-ce qu’il a perçu quelque chose ? ». Et pour elle, c’était une sorte de torture mentale. Et quand je lui expliquais que c’était tout simplement une stratégie, du coup, ça l’a beaucoup soulagée. »

Un agresseur dissocié

« L’extrême violence est traumatisante, à la fois pour les victimes, pour les témoins, mais aussi pour l’agresseur. La différence entre un agresseur et une victime, c’est que l’agresseur, il veut absolument être dissocié pour justement bénéficier d’une anesthésie émotionnelle pour pouvoir aller beaucoup plus loin et ne plus avoir aucune entrave par rapport à une violence extrême et à des actes inhumains de barbarie, et surtout ne pas être touché par la détresse ou la souffrance de la victime. Parce qu’on a des neurones miroirs qui font qu’on ressent les émotions d’autrui. Et ça, c’est très gênant, parce que ressentir la détresse de quelqu’un, c’est vivre cette détresse et du coup, c’est bloquant pour agir contre cette personne-là. Par rapport au 7 janvier [attentat de Charlie Hebdo], par exemple, les terroristes, tout le monde avait remarqué à quel point ils étaient complètement froids, calmes. Ils pouvaient tuer quelqu’un comme ça, en passant, comme si c’était rien. Et du coup, tout le monde se demandait s’ils n’avaient pas pris des drogues. Mais en fait, dans l’extrême violence, il n’y a pas besoin de drogue. C’est-à-dire que quand on installe une violence extrême, à la fois, on va dissocier la victime, donc il ne va plus y avoir d’émotion chez la victime. Et on va aussi dissocier ses propres émotions. »

Quand la dissociation dure

« Il y a beaucoup de victimes de violences qui sont traumatisées, dont on peut penser qu’elles ne vont pas si mal parce qu’elles sont complètement dissociées. C’est-à-dire que si vous restez en contact, soit avec le lieu, le contexte ou avec l’agresseur, et ça, c’est fréquent, à ce moment-là, vous restez dissociée, vous êtes déconnectée de vos émotions. Donc vous pouvez paraître aller pas si mal. Ça, c’est un élément essentiel pour la non prise en charge des victimes et le fait que personne n’a peur pour elle. C’est que, plus elles sont en danger, plus elles sont dissociées, moins les gens vont s’inquiéter pour elles. Comme elles sont déconnectées, elles n’ont pas d’émotions. Et quand vous êtes face à quelqu’un qui n’a pas d’émotions, vous n’avez pas d’émotions non plus parce que les neurones miroir ne vous renvoient rien. Donc vous êtes indifférent à quelqu’un. Je me rappelle un magistrat lors d’une formation qui me dit « Ah, mais je comprends alors pourquoi cette femme qui me racontait des actes de torture et de barbarie par son mari, comme elle ne réagissait pas et qu’elle m’en parlait comme si elle était indifférente à ce qui s’est passé, eh bien moi, j’avais considéré que c’était pas grave. ». Alors que la description, c’était des faits extrêmement graves. Je travaille aussi avec la Cour Nationale des Droits d’Asile et c’est frappant de voir que plus les gens ont subi des violences extrêmes, moins ils sont considérés comme crédibles. Plus ils ont vécu des violences extrêmes, plus ils sont dissociés, totalement, et plus les gens sont indifférents à eux et ne les croient pas. Je dis souvent aux médecins : « si vous vous endormez face à quelqu’un que vous recevez : alarme totale, c’est que vous avez certainement quelqu’un de très traumatisé en face de vous ». »

La prise en charge de la mémoire traumatique

«La première chose à faire, c’est que les personnes soient protégées pour qu’elles ne soient plus dissociées. Parce que quand vous avez quelqu’un de dissocié, pour traiter la mémoire traumatique, c’est compliqué. Puis là, pour qu’elle s’engage dans une démarche thérapeutique, c’est compliqué parce qu’elle ne ressent pas. Enfin, nous, on travaille avec les émotions, justement. Donc il faut déjà que les personnes puissent sortir de leur dissociation pour être prises en charge. La mémoire traumatique, après, ça se travaille … en fait, le but de la prise en charge de la mémoire traumatique, c’est de l’intégrer en mémoire autobiographique. On va faire tout un travail d’intégration en faisant des liens, en allant sur place, en travaillant sur tout ce qui s’est passé au niveau sidération pour que l’on puisse revivre l’événement sans la sidération, avec une analyse corticale. D’ailleurs, sur les IRM, on voit le travail thérapeutique qui fonctionne parce que du coup, aussitôt que le cortex peut comprendre et analyser ce qui se passe, du coup, les choses s’intègrent. Ça fonctionne, les circuits se remettent à fonctionner. Donc d’où l’importance aussi de comprendre ce qui est arrivé. Et d’ailleurs, les victimes de violences sexuelles, elles passent souvent leur vie à essayer de comprendre, parce qu’elles sentent bien que c’est là, la solution, c’est de comprendre ce qui se passe. Sauf qu’on ne leur donne jamais d’outils. Nous on donne tous les outils pour comprendre, repasser, voir tout ce qui s’est passé, pour petit à petit intégrer chaque moment, chaque élément, en mémoire autobiographique. Le problème actuellement, c’est que les professionnels ne sont pas formés, ni au repérage des troubles psychotraumatiques, ni à la connaissance des mécanismes. Donc ils ne peuvent pas informer réellement les victimes. Et puis, ils ne sont pas formés non plus au traitement. Ils n’ont pas d’outils pour traiter les personnes. Ils vont d’abord faire de faux diagnostics. C’est-à-dire que la mémoire traumatique, quand vous entendez des voix, vous voyez qu’il y a quelqu’un dans une pièce, vous avez l’impression qu’on vous touche, c’est tout de suite pris pour des hallucinations. Vous avez l’impression qu’on veut vous tuer, etc. on va vous dire que vous êtes schizophrène, psychotique. Il y a beaucoup de gens qui sont étiquetés schizophrènes, alors qu’ils sont simplement traumatisés. On va dire aux personnes qu’elles ont des troubles thymiques, maniaco-dépressifs, etc. alors que c’est simplement des accès de mémoire traumatique qui les replongent. Et puis, on va traiter leurs symptômes en les dissociant. Sauf qu’on va donner des médicaments qui vont dissocier les personnes. Donc on va faire des cocktails avec anxiolytiques, anti-dépresseurs, neuroleptiques, somnifères, thymorégulateurs. Mais tout ça, c’est très efficace, ils sont complètement déconnectés. Tout ce qui est sismothérapie, vous savez, les électrochocs, comment ça fonctionne : ça fait disjoncter le cerveau. Donc c’est hyper-efficace pour faire dissocier quelqu’un. Donc c’est comme ça qu’on a utilisé et qu’on utilise toujours les électro-chocs pour traiter les gens psychotraumatisés. Qu’est-ce qui marche bien aussi pour dissocier les gens, c’est d’être violents avec eux. Vous avez quelqu’un qui fait une crise d’angoisse, une attaque de panique, vous lui donnez une grande claque, c’est très efficace. Vous le mettez sous une douche froide, c’est très efficace. Vous hurlez contre cette personne, c’est très efficace, vous la calmez. Sauf que vous la calmez en la dissociant et en la traumatisant. Donc dans l’ensemble, le traitement sauvage des troubles psychotraumatiques, c’est de dissocier les gens et de dire, tout va bien. Après, il y a des dissociations un peu plus douces qui vont être l’hypnose, l’EMDR, etc. où ce sont des dissociations plus légères, mais s’il n’y a pas de travail psychothérapique derrière pour traiter la mémoire traumatique, c’est aussi une façon de « circulez, y a plus rien à voir ». Donc on essaye de ne pas donner de médicaments dissociants. On essaye, c’est vraiment le traitement de fond, c’est la psychothérapie, c’est la prise en charge sur la mémoire traumatique, de faire refonctionner les circuits. On peut traiter la douleur mentale quand elle est trop importante, exactement comme on donne de la morphine. Mais dans l’ensemble, on essaye d’utiliser le moins possible de médicaments psychotropes parce qu’ils sont plutôt dissociants. En revanche, on utilise un traitement qui est très efficace qui est les béta-bloquants. C’est un médicament qui diminue la production d’adrénaline. Donc, il diminue les facteurs stress, adrénaline, cortisol, et du coup il évite les allumages intempestifs de mémoire traumatique. Donc il sécurise un peu la personne. Et puis, ça permet de traiter la personne en donnant plus de sécurité et d’aller plus sur le terrain sans que ça parte en vrille. Et puis, ça protège le coeur, ça protège le cerveau, donc c’est tout bénéfice aussi. »

Les solutions

« C’est cette nécessité de développer des formations pour les professionnels pour qu’ils puissent prendre en charge, poser la question, avoir une culture de la protection des victimes, c’est-à-dire chercher à les protéger, et une culture de la prise en charge des troubles psychotraumatiques. Il faut une formation dès les études initiales et ensuite, dans les études de spécialité. C’est fou que pour la psychiatrie il n’y a pas une [formation], c’est plus de 60 % de la psychiatrie qui est liée aux psychotraumatismes. Donc c’est absolument essentiel. Les violences, c’est un problème de santé publique majeur, donc il faut s’en emparer et il faut que tous les professionnels soient formés. Et il faut absolument créer des centres de soin spécifiques. Actuellement, c’est une galère absolument épouvantable pour les victimes pour trouver des professionnels et des prises en charge sécurisées par des professionnels formés, sérieux, compétents. Et il est très important aussi de faire toute une information sur la sexualité pour les plus jeunes, de lutter contre tout ce qui est stéréotypes autour de la sexualité violente, lutter contre la pornographie, donc améliorer encore la lutte contre tout le système prostitutionnel, ce qui a déjà été le cas avec la loi qui maintenant pénalise les clients, mais il faut aller encore, il faut vraiment aller loin là-dessus. Et puis aussi, lutter contre tout ce qui est culture du viol, stéréotypes, informer sur les droits de chacun, sur la notion de consentement, le respect du consentement de l’autre, avec des notions de consentement qui ne doit pas être uniquement sur « elle a pas dit non ». Il faut absolument avoir un « oui » et un « oui  éclairé». Ce qu’on peut espérer, c’est que, là, il y a beaucoup de victimes de terrorisme qui vont avoir des troubles psychotraumatiques très lourds – il faut savoir que les victimes de viol ont les mêmes conséquences psychotraumatiques que les victimes de torture ou d’actes de terrorisme – et qu’il faudra prendre en charge toutes ces personnes. Et on les met moins en cause que les victimes de viol, donc il n’y a pas cette culture du viol. On va peut-être plus les entendre. Parce que les associations – je travaille avec elles – sont quand même assez revendiquantes par rapport à la prise en charge et c’est peut-être par leur intermédiaire qu’on va obtenir ce qu’on arrive pas à obtenir malgré tout notre travail de plaidoyer, nos luttes incessantes, etc. sur une amélioration de la prise en charge. »

Courte explication sur la pornographie et la prostitution (texte figurant sous vidéo 2)

« Explications de Muriel Salmona sur la pornographie et la prostitution : »

« Près de 90% des personnes prostituées ont subi des violences, particulièrement des violences sexuelles, dans l’enfance. Elles se retrouvent prostituées parce qu’elles sont dissociées avec, de ce fait, une grande tolérance aux violences. C’est même la raison pour laquelle elles sont choisies par les proxénètes et cela arrange les client. Je ne suis pas pour la prohibition, je ne veux pas empêcher quiconque d’être prostituée, mais contre le système d’exploitation prostitutionnel (proxénètes et clients) et l’absence de protection et de soins qui livrent et piègent ces personnes traumatisées dans ce système.

De même par rapport à la pornographie, ce que je dénonce c’est le fait de filmer des actes très violents avec des personnes qui les subissent vraiment et de participer à la diffusion d’une sexualité présentée par nature comme violente.

Être dissociée représente un risque majeur de subir des violences à répétition (70% des personnes ayant subi des violences sexuelles en subissent à nouveau) et explique les phénomènes d’emprise.

Parmi les solutions à ne pas oublier, il y a la lutte conte les inégalités, le sexisme et toutes les discriminations. Les violences sexuelles se font dans un contexte de rapport de force et de domination masculine. Les personnes qui subissent le plus de violences sont les enfants (les filles surtout), les personnes handicapées et les femmes. Les violences sexuelles ne relèvent jamais d’un désir ou d’un besoin sexuel : ce sont de la destruction et de l’excitation à la haine. » »

Bibliographie

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La sidération traumatique : une victime paralysée et dissociée pour survivre à l’effroi

« Pour ne pas mourir, la victime se dissocie de son propre corps Ce que décrit la plaignante [procès de Georges Tron], c’est ce qu’on appelle, en psychiatrie, l’état de sidération. En réaction à l’angoisse extrême subie lors d’un viol ou d’une violence, certains mécanismes de défense entrent en jeu. La victime est tétanisée, ce qui lui permet de diminuer sa souffrance physique et psychique, selon la psychiatre Muriel Salmona. La personne, ainsi paralysée, ne peut réagir. Ce sont des « réactions neurobiologiques normales du cerveau face à une situation anormale, celle des violences », précise le Dr Salmona. » (Allodocteurs, 2017).

La sidération est un mécanisme psychique de survie qui s’enclenche dans les situations terrorisantes (effroi) et de non-sens absolu (confusion extrême), soit des situations qui dépassent l’entendement (Marinette, 2016a) en matière de violence et de sens. C’est le cas des violences sexuelles qui font effraction dans la partie la plus intime de la personne. Également lorsque la victime est piégée, enfermée avec son agresseur, sans aucune possibilité de fuite, forcée de rester avec lui, pour des raisons d’emprise (pédocriminalité, violence conjugale, etc.), d’environnement (lieu isolé, etc.) ou de contexte (inceste, travail, etc.). Les agresseurs savent parfaitement utiliser la sidération en terrorisant leurs victimes et en leur tenant des propos insensés/pervers pour les réduire à néant, à l’état de pantin, de marionnette, avec qui ils pourront faire ce qu’ils veulent. Autrement dit, les agresseurs recherchent cette sidération pour pouvoir agir à leur guise et même accuser ensuite la victime, en privé ou dans un procès, de n’avoir pas réagi. (Salmona, 2013b, Marinette, 2016b, Allodocteurs, 2017).

Témoignage de Marine Périn

Sur sa chaîne Youtube, la journaliste féministe Marine Périn a réalisé 2 vidéos remarquables sur la sidération, avec son témoignage et une longue interview de Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie. La 1ère vidéo s’intitule « Violences sexuelles : la sidération psychique » (Marinette, 2016a). La seconde vidéo s’intitule « La sidération : pour aller plus loin » (Marinette, 2016b)

Marine Périn a elle-même été confrontée à la sidération lors d’une agression. Voici la transcription de son puissant témoignage qui décrit de façon très précise comment se passent la sidération (paralysie) et la dissociation (déconnexion) déclenchées par des situations de violences, notamment des violences sexuelles. Nous pouvons ainsi appréhender la sidération au moyen de « la sidération vécue de l’intérieur » (Marinette, 2016a), ce qui, me semble-t-il, est la meilleure façon pour comprendre ce mécanisme qui empêche les victimes de se défendre ou de fuir leur(s) agresseur(s).

En ce qui concerne linterview de Muriel Salmona par Marine Périn, il est intégralement retranscrit ici (Kuhni, 2017b).

Témoignage de Marine Périn (Marinette 2016a, min. 0.45) : « Donc j’ai été agressée. C’était il y a environ 5 ans. J’étais en train de rentrer chez moi après une soirée quand je me suis rendue compte qu’il y avait deux mecs qui me suivaient. Enfin, je savais qu’il y avait deux mecs qui marchaient derrière moi. Pour être sûre, pour m’assurer qu’ils ne me suivaient pas, j’ai fait ce que beaucoup de personnes qui ne se sentent pas en sécurité dans la rue ont fait : j’ai sorti mon téléphone de ma poche, je me suis mise sur le côté, je me suis arrêtée pour qu’ils puissent me dépasser, en fait, et que ça me rassure. J’ai fait ça quelques mètres avant ma porte d’entrée, parce que je me disais quand même que s’ils me suivaient, il ne fallait pas qu’ils me suivent chez moi. Là, ça a été très vite : ils m’ont dépassés, ils m’ont dit « bonsoir », je leur ai répondu « bonsoir » et puis j’ai rangé peut-être trop rapidement mon téléphone dans ma poche et il y en a un des deux qui m’a attrapée par derrière. Ses gestes étaient extrêmement précis. Donc, c’est terrible à dire, mais je pense qu’il savait ce qu’il faisait. Parce qu’en une fraction de seconde, je me suis retrouvée agenouillée parterre, avec son genou dans le dos et sa main gauche sur la bouche qui me serrait aussi mon torse, ce qui fait que j’étais complètement immobilisée. Je me souviens très exactement de ce que je me suis dit. Je me suis dit, mais non, non, ce n’est pas en train d’arriver. Mon cerveau refusait juste d’y croire, parce que c’était trop improbable de se faire vraiment attraper de manière aussi cliché dans la rue. Voilà, on m’avait toujours dit que c’était impossible. Donc j’y croyais simplement pas. Très rapidement, mon agresseur a commencé à faire ce que, je pense, il voulait faire depuis le début, c’est-à-dire qu’il a glissé sa main dans le col de mon manteau, il l’a mis dans mon soutien-gorge et il a commencé à me presser le sein. Encore une fois, tout est très flou, donc je ne sais pas à quel moment ça a basculé. Mais à ce moment-là, ce que je peux vous dire, c’est que j’étais déjà plus dans mon corps. c’est-à-dire que je voyais la scène d’en haut, exactement comme si je planais au-dessus de la rue. Je la voyais. Je pense que mon cerveau générait ces images. Et donc, ce que je voyais, c’était moi, mais j’étais plus dans mon corps, à genoux, complètement inerte, comme un pantin, avec le mec qui faisait ce qu’il voulait.

« à ce moment-là, ce que je peux vous dire,
c’est que j’étais déjà plus dans mon corps
 »

(capture d’écran de la vidéo)

Donc voilà, ça se passe comme ça. J’ai pas de notion du temps. Je sais pas combien de temps ça dure. Mais à un moment donné, je sais que je commence à reprendre mes esprits, sûrement que mon cerveau s’est dit « bon ben c’est en train d’arriver, maintenant fais quelque chose ». Donc j’élabore une stratégie. Je me dis que je vais essayer avec mes mains d’enlever la main de l’agresseur de ma bouche pour le supplier, en espérant peut-être le convaincre que c’est pas très sympa, je sais pas. C’est un peu naïf, hein, mais dans ces moments-là, on fait ce qu’on peut et en plus, on est dans une rue déserte, donc on n’imagine pas une seconde qu’on puisse par exemple appeler à l’aide et que quelqu’un vienne. Et en fait, contre toute attente, exactement à ce moment-là, y a des voisins qui se sont mis à ouvrir leur fenêtre, qui ont crié sur les agresseurs qu’ils avaient appelé la police. Et y en a même qui sont sortis de chez eux, qui habitaient à l’entresol de mon immeuble, qui voyaient la scène par cette fenêtre, là, qui est au niveau du trottoir, qui sont sortis de chez eux et qui ont poursuivi les agresseurs. Et ça a pris fin à ce moment-là. Mais là, je sais que c’est pas le sujet, mais j’en place quand même une pour ma chance d’être tombée sur ces personnes-là, parce qu’on sait qu’il y a beaucoup d’agressions qui ont lieu en public et où personne n’intervient. Là, c’était dans une ruelle déserte et les gens se sont levés, ont ouvert leur fenêtre, sont sortis de chez eux pour intervenir. C’est incroyable. Et je sais pas où j’en serais et je sais pas ce qui me serait arrivé si ça ne c’était pas passé comme ça. D’autant plus que les personnes qui ont poursuivi l’agresseur m’ont ensuite un peu pris en charge pendant l’heure qui a suivi, le temps qu’un autre ami s’en occupe. Donc voilà, l’agression prend fin à ce moment-là. Je reprends mes esprits le plus vite possible, je me relève. Et là, quand je me relève et c’est un détail pas anodin, j’ai les mains dans les poches. C’est-à-dire que pendant tout le temps que ça a duré, j’ai gardé les mains dans les poches, je me suis pas débattue. La stratégie où je pensais commencer à enlever sa main, ça n’avait pas commencé, en fait. Et c’est vraiment pas anodin parce que c’est quelque chose qui va beaucoup me travailler ensuite. Je pensais pas être une ninja face à ce genre de situation, mais quand même, ne pas réagir à ce point-là, ça m’a beaucoup perturbée, ça m’a beaucoup culpabilisée. Et en fait, c’est le principe même de la sidération et c’est pour ça que beaucoup de victimes, aussi, culpabilisent, en plus du fait que certains les font culpabiliser. Mais elles culpabilisent elles-mêmes de pas avoir réagi. Les heures et les jours qui ont suivi, il a fallu que j’oublie quand même un peu l’expérience entre guillemets « paranormale » que je venais de vivre, parce que, à ce moment-là, on se concentre sur les faits et les gens veulent savoir ce qui est arrivé, particulièrement les policiers quand tu portes plainte où tu essayes d’être le plus précise possible. Moi, ça me tenait à cœur, en plus, de bien décrire ce qui s’était passé. Donc j’ai complètement omis le fait, qu’en fait j’étais même plus dans mon corps quand ça a eu lieu. Par ailleurs, à l’époque, je savais pas du tout ce qu’était la sidération. J’en avais jamais entendu parler. Donc ça me paraissait encore plus bizarre. C’est quelques mois plus tard, en lisant un roman, que j’ai découvert ce que c’était parce que l’un des personnages en avait été victime, en fait, lors d’un viol, et il racontait, donc là, j’ai su ce qui c’était passé. Et rien que le fait de le savoir, ça faisait beaucoup de bien. Ça efface pas tout, bien sûr, mais c’est quand même un soulagement, ça m’enlève un poids, une culpabilité. C’est aussi pour ça que je voulais en parler. (…). » (Marinette, 2016a)

La sidération : la victime est paralysée

La sidération traumatique est un processus psychique qui paralyse la personne confrontée à des violences, plus particulièrement aux violences sexuelles (effraction dans l’intime). Ces situations violentes déclenchent un sentiment d’effroi (peur de mourir) et un sentiment de non-sens absolu (confusion extrême), ce qui a pour conséquence d’affoler le cortex qui n’est alors plus en mesure d’assumer ses tâches habituelles d’analyse et de prise de décision. Dès cet instant, « L’activité corticale de la victime se paralyse, elle est en état de sidération. Le cortex sidéré est dans l’incapacité d’analyser la situation et d’y réagir de façon adaptée. » (Salmona, 2013, p. 75). Cette paralysie, cette panne du cortex (très visible sur des IRM) va paralyser la victime. Dès lors, elle ne sera plus capable de bouger, de parler, de crier, de réagir, de fuir le(s) agresseur(s). Elle est paralysée.

Cortex cérébral éteint (2ème IRM)

Source : Marinette – femmes et féminisme, 2016a

« Le cortex cérébral règne sur ce qu’on nomme les « fonctions nerveuses élaborées » et est regroupé en aires ayant des fonctions différentes notamment sensorielles, motrices et d’association. Le cortex cérébral participe à de nombreuses fonctions cognitives notamment entre autres, certains sens, le langage, les actions volontaires de la motricité et la mémoire. » (Santé Médecine – Journal des Femmes)

Cortex cérébral

Cortex préfrontal

L’inutile préparation à la fuite ou au combat

Dès le début d’une situation de violence, notre organisme va produire massivement des hormones de stress, afin de nous préparer à la fuite ou au combat. Il y aura par exemple une forte production d’adrénaline (sécrétée par les glandes surrénales) pour stimuler le système cardio-vasculaire et la respiration, ainsi qu’une forte production de cortisol (sécrétée par les glandes corticosurrénales) pour stimuler la production d’énergie. Cette surproduction d’hormones de stress va booster l’organisme et lui donner des capacités extraordinaires pour réagir face à une situation de danger (force musculaire, perceptions, etc.). Les personnes auront alors l’impression d’avoir des ailes lorsqu’elles courent pour s’enfuir, une force décuplée pour combattre et une rapidité d’action exceptionnelle. Une fois le danger passé, elles seront souvent stupéfaites par leurs prouesses et trembleront parfois de peur après coup en pensant à ce qui se serait passé si elles n’avaient pas eu de tels réflexes et de telles capacités.

« Cortisol : une hormone essentielle en cas de danger – Quand vous êtes face à une situation risquée, plusieurs hormones boostent votre organisme pour vous aider à surmonter le danger. La plus connue d’entre elles est l’adrénaline. Surnommée « l’hormone guerrière », elle mobilise toute votre énergie disponible et aiguise instantanément vos sens. Quant au cortisol, il est produit en masse quelques minutes après la poussée d’adrénaline. Ses effets sont moins perceptibles mais extrêmement importants. Il participe activement à la production d’énergie en transformant les réserves de graisse en sucres. Il dirige également cette énergie au bon endroit, comme dans les muscles de vos jambes si vous devez prendre la fuite ! Le cortisol contribue réellement à vous sauver la vie. » (Santé Médecine – Journal des Femmes)

Toutefois, dans un grand nombre de situations de violences, les victimes n’ont aucune possibilité de fuite ou de combat. Elles sont coincées par leur(s) agresseurs(s), piégées par eux, en raison d’une emprise (pédocriminalité, violence conjugale, par exemple) ou de l’environnement (lieu isolé, etc.) ou du contexte (inceste, travail, etc.).

La fuite ou la combat est également impossible, bien sûr, lorsque les victimes sont déjà en état de sidération, totalement paralysées par un cortex sidéré, paralysé. Or, c’est précisément le rôle du cortex de réguler la réaction au stress de l’organisme. Donc lorsque cette instance supérieure ne fonctionne plus, les hormones de stress vont affluer massivement, de façon incontrôlée en raison d’une hyper-activité de l’amygdale cérébrale (visible sur les IRM) qui crée un risque de survoltage (surchauffe de l’amygdale cérébrale). Ce survoltage présente un risque vital pour l’organisme : cardio-vasculaire (adrénaline) et neurologique (cortisol).

La dissociation : la victime se déconnecte de son propre corps

Le cerveau déclenche alors un processus de survie qui consiste à faire disjoncter le circuit cérébral responsable de la production des hormones de stress « en libérant des substances chimiques, de la morphine, de la kétamine, qui vont faire disjoncter le système d’alarme. L’amygdale est isolée, exactement comme un réacteur nucléaire fermé dans un coffrage. Résultat : la production d’hormones de stress est alors stoppée » (Allodocteurs, 2012). Cette disjonction va entraîner une anesthésie émotionnelle, une dissociation, des troubles de la mémoire (amnésie du traumatisme, partielle ou totale), ainsi que la création d’une mémoire traumatique qui va rester piégée dans l’amygdale cérébrale déconnectée, sans pouvoir se diriger normalement vers l’hippocampe pour être transformée en mémoire autobiographique. Cette mémoire traumatique renfermant la situation violente telle quelle, avec tout son déchaînement d’effroi, de chaos, de douleur, de non-sens, etc., est la source du stress post-traumatique qui risque de se développer à la sortie de l’événement traumatique.

Après la disjonction, la personne dissociée se retrouve dans un état d’irréalité, ne ressentant quasiment plus rien, avec perte de la notion du temps, du lieu, etc. et perception de la situation comme si cela ne la concernait pas, comme s’il s’agissait d’une situation vécue par quelqu’un d’autre. La dissociation propulse donc la personne hors d’elle-même (corps, émotions, sensations, etc.) et hors du temps, de l’espace (désorientation temporo-spatiale). Autrement dit, la personne n’est plus présente, même si son corps est toujours là et qu’elle n’est pas morte.

Les victimes de violences sont d’ailleurs presque toujours confrontées à la peur de mourir (effroi). A ce titre, il est intéressant de noter que le récit de décorporation (sortie de leur corps) que font certaines personnes qui ont vécu la dissociation peut comporter des ressemblances sur certains points avec des récits de décorporation de personnes ayant précisément frôlé la mort, par exemple celles ressortant du coma ou celles ayant vécu une expérience de NDE et EMI (Near-Death Experience ou expérience de mort imminente).

La sidération – Le Magazine de la Santé, France 5 (Allodocteurs, 2012)

L’émission Allodocteurs (Magazine de la Santé, France 5) a diffusé le 26 novembre 2012 un excellent sujet consacré à la sidération, avec des images de synthèse montrant très clairement ce qui se passe au niveau de l’amygdale cérébrale et de l’hippocampe au moment de la sidération et de la dissociation. Un petit bémol : ce sujet passe un peu vite sur le rôle du cortex dans la sidération. Il n’y a d’ailleurs aucune image de synthèse sur la panne du cortex (très visible sur des IRM). Or, c’est bien le cortex sidéré, le cortex paralysé qui est à l’origine de la sidération, de la paralysie de la victime.

Le Nouvel Obs a publié le 26 novembre 2012 un article sur cette émission contenant la vidéo à télécharger directement à partir de l’article.  (Nouvel Obs, 2012). Cette vidéo est aussi proposée en lecture sur une page intitulée « Viol : quelle prise en charge pour les victimes ? » (2ème sujet de la page) sur le site Allodocteurs (Allodocteurs, 2012).

Je retranscris intégralement ce remarquable sujet sur la sidération de Allodocteurs (vidéo téléchargeable sur article du Nouvel Obs), car les images de synthèse et les explications données sont d’une grande clarté et décrivent parfaitement le processus qui conduit à la surchauffe de l’amygdale cérébrale, à la disjonction du circuit responsable du stress, à la dissociation traumatique, à la création d’une mémoire traumatique et, finalement, au stress post-traumatique. L’ensemble du sujet s’appuie sur les travaux de Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie. Les images qui ponctuent la transcription sont des captures d’écran de la vidéo.

Titre du sujet : « Pourquoi parle-t-on de sidération lors d’un viol ? »

Marina Carrère d’Encausse : « Pourquoi parle-t-on de sidération et de stress post-traumatique après un viol ? C’est une question aujourd’hui en forme d’erratum pour repréciser ce que nous vous avions dit lors du Allodocteurs consacré au viol. On vous avait montré une animation qui permet de comprendre pourquoi, après une agression sexuelle, la violence du traumatisme ne s’arrête pas. Pourquoi, c’est une véritable torture qui touche l’intimité de la personne. Tout ça, on le sait aujourd’hui, grâce aux travaux d’une psychiatre, le Dr. Muriel Salmona. »

Michel Cymes : « Alors sur le plan cérébral, dès le début d’une agression, notre système d’alarme que vous allez voir, l’amygdale, qui est chargée de décoder les émotions et les stimuli de menace, va s’activer. Elle va déclencher une cascade de réactions pour préparer notre fuite. Elle provoque entre autre la production par les glandes surrénales, que vous allez voir en jaune au-dessus du rein, des hormones du stress, vous connaissez, l’adrénaline, le cortisol. Résultat : tout l’organisme est sous tension, le flux sanguin, le rythme cardiaque, la respiration s’accélèrent et les muscles sont contractés, prêts à amorcer la fuite. »

L’amygdale cérébrale s’active

Marina Carrère d’Encausse : « Quand une victime est immobilisée par un agresseur, très vite, c’est la surchauffe. L’amygdale cérébrale s’affole, les centres nerveux au niveau du cortex censés analyser et modérer les réactions sont comme dépassés par les signaux d’alerte. Et c’est la panique totale. L’amygdale surchauffe et donc la victime est en état de sidération, comme paralysée. Du coup, elle ne peut plus se défendre, ni crier, ni même plus réagir, elle est comme paralysée. La victime est dans un état de stress extrême, dépassé. Elle sent qu’elle va mourir. »

Michel Cymes : « Alors pour éviter que le survoltage de cette amygdale ne provoque un arrêt cardiaque, le cerveau, vous allez le voir, déclenche une sorte de court-circuit en libérant des substances chimiques, de la morphine, de la kétamine, qui vont faire disjoncter le système d’alarme. L’amygdale est isolée, exactement comme un réacteur nucléaire fermé dans un coffrage. Résultat : la production d’hormones de stress est alors stoppée. »

L’amygdale cérébrale libère des substances chimiques,
de la morphine, de la kétamine pour faire disjoncter le système d’alarme
(court-circuit)

L’amygdale est isolée (disjonction)

Marina Carrère d’Encausse : « La victime est comme coupée du monde, déconnectée de ses émotions, et pourtant la violence continue, mais elle ne ressent presque plus rien, ce qui lui donne un sentiment d’irréalité totale. C’est ça qu’on appelle la dissociation. D’ailleurs, les victimes le disent : à un moment donné, elles ont l’impression d’être spectatrices de l’événement. »

Michel Cymes : « Oui, c’est cette dissociation qui permet de rester en vie. Mais ce système de sauvegarde fait aussi des dégâts. Isolée, anesthésiée par des décharges permanentes de morphine et de kétamine, cette amygdale n’évacue pas le traumatisme du viol vers une autre structure que vous voyez clignoter, l’hippocampe. Cette structure, c’est notre système de mémorisation et d’analyse des souvenirs. Ce qui fait que le moment du viol va resté piégé, en l’état, dans l’amygdale. Et à chaque flashback, c’est le souvenir du viol qui n’a pas été traité par le cerveau que va revivre la victime. C’est un moment extrêmement violent. Et c’est ce qu’on appelle le stress post-traumatique. »

L’amygdale isolée et l’hippocampe

La sidération, par la Dre Muriel Salmona (2013)

Dans un article du 23 août 2013 intitulé «Une victime de viol qui ne se débat pas, ça ne veut pas dire qu’elle consent », Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie, s’indigne de la façon dont la sidération traumatique est utilisée contre les victimes pour mettre en doute leur crédibilité. En plus de la description du processus de la sidération, elle décrit aussi la parfaite connaissance que les violeurs ont de ce mécanisme psychique paralysant et la manière dont ils l’utilisent à 2 niveaux : pour piéger leurs victimes, puis pour inverser la situation en justice (la victime devient la coupable). Cet article synthétise si bien l’ensemble de cette problématique que je le retransmets intégralement :

« À toutes celles et ceux qui sont encore tenté-e-s de dire, ou de se dire en leur for intérieur, quand on leur rapporte un viol : « pourquoi n’a-t-elle pas crié, ne s’est-elle pas débattue, n’a-t-elle pas fui ? », « moi, à sa place, jamais je ne me serais laissé faire ! » ; et si la victime est un homme : « comment est-ce possible ? », Beverly Donofrio leur répond dans son excellent article « J’ai été violée à 55 ans et je n’ai pas crié« , sur Slate.fr.

Pourquoi ces personnes ont-elles de fausses croyances aussi tenaces ? Au mieux, elles n’ont pas beaucoup d’imagination et sont très mal informées sur la sidération traumatique, et, au pire, elles adhèrent au déni de la réalité des viols et aux stéréotypes sexistes, en sont complices et projettent la culpabilité sur la victime.

Le minimum serait déjà qu’elles se représentent le risque encouru par la victime face à un violeur armé ou non qui menace sa vie, à un violeur dont la détermination criminelle et la haine en font un individu extrêmement dangereux (les victimes décrivent presque toutes un regard de tueur qui les a tétanisées), à un violeur qui les nie, les chosifie, les humilie et veut jouir de leur détresse.

Beverly Donofrio nous le rappelle, lors d’un braquage, d’un cambriolage, la première recommandation que l’on fait est de ne surtout rien tenter, de se soumettre et d’obéir en raison des risques graves encourus.

Faudrait-il, pour laver une victime de viol de tout soupçon de consentement et de complicité, qu’elle soit grièvement blessée ou morte ? Les stéréotypes catastrophiques ont la vie bien dure…

Ensuite, ces personnes pourraient réfléchir à ce qui se passe dans la tête du violeur plutôt que de se focaliser sur la victime et sur ce qu’elle a fait ou n’a pas fait. Elles pourraient se rendre compte qu’il s’agit d’un prédateur qui, très rarement, agit de façon impulsive, mais qui, tel un chasseur, prémédite, organise sa traque, affûte ses stratégies et attend son heure.

Un état de sidération qui paralyse la victime

Les scénarios qu’il imagine font déjà partie de sa jouissance perverse. Et dans ses stratégies, il va élaborer des plans pour pouvoir commettre son crime dans les meilleures conditions, et faire en sorte que la victime ne puisse pas crier, ni se débattre ou fuir, et que personne ne puisse venir la secourir.

S’il connaît la victime (ce qui est le cas dans près de 80% des viols), il va organiser son impunité en lui imposant le silence, en la manipulant, en l’embrouillant, en faisant en sorte de créer chez elle des doutes et un sentiment de culpabilité et de honte.

Et contrairement au commun des mortels, et malheureusement de bien des professionnels censés prendre en charge les victimes, il [le violeur] sait très bien ce qu’est un état de sidération, qui paralyse la victime, car c’est ce qu’il cherche avant tout à mettre en place avec des stratégies très efficaces.

Ce serait donc la moindre des choses que tout le monde s’informe sur les conséquences et les mécanismes psychotraumatiques des violences, qui sont parfaitement connues et décrites depuis plus de 30 ans, et que tous les professionnels au contact des victimes soient formés à ces connaissances !

À commencer par le mécanisme de sidération qui paralyse l’activité corticale de la victime de viol et l’empêche de réagir. Cela éviterait pour les victimes beaucoup de questions injustifiées, empreintes des pires soupçons.

Une effraction qui balaie les représentations mentales

Le viol crée une effraction psychique et balaie toutes les représentations mentales, toutes les certitudes, le cortex se retrouve alors en panne (nous verrons que cette panne est visible sur les IRM). Il est dans l’incapacité d’analyser la situation et d’y réagir de façon adaptée. La victime est comme pétrifiée, elle ne peut pas crier, ni parler, ni organiser de façon rationnelle sa défense.

Pour sidérer une victime, il faut :

– soit la terroriser par la soudaineté et la brutalité de l’agression, la réduire à l’impuissance par des menaces de mort, par des violences physiques et par une volonté de destruction inexorable ;

– soit la paralyser par le non-sens, le caractère incongru, incompréhensible, impensable de l’agression et de sa mise en scène, qui est alors impossible à intégrer, comme dans les situations de viols incestueux et de viols commis par des personnes dans le cadre de leurs fonctions de responsabilité et d’autorité (comme des professeurs, des entraîneurs, des éducateurs, des responsables religieux, des soignants, etc.) pour les enfants et les adolescents (qui représentent, ne l’oublions pas, plus de la moitié des 150.000 des victimes de viol par an en France), ou pour les adultes dans le cadre de relations de confiance, de responsabilité, où la sécurité devrait normalement être assurée (amis, conjoint, médecins, kinés, collègues de travail, employeurs, policiers, etc.).

Les violences les plus sidérantes sont celles qui sont les plus « insensées », celles qui n’ont aucun sens par rapport au contexte, aucun sens par rapport à la victime, par rapport à son histoire, à ce qu’elle a fait ou pas, à ce qu’elle a dit ou pas. Le viol en fait partie. Cette violence impensable ne concerne pas la victime, c’est une violence qui vient d’une autre scène, celle de l’agresseur !

Ce dernier impose à la victime de jouer de force un rôle qui n’est pas le sien, dans un scénario inconnu d’elle, imprévisible, qui n’appartient qu’à l’agresseur et qu’il met en scène pour son propre compte.

Des troubles de la mémoire importants

Une patiente, violée par un inconnu entré par effraction avec une hache dans sa chambre d’hôtel, me rapportait qu’au bout de quelques minutes, alors qu’elle commençait à sortir de son état de sidération et cherchait autour d’elle un objet pour tenter d’assommer l’agresseur, celui-ci s’en était rendu compte, et il lui avait suffi de lui murmurer « je t’aime » et « tu aimes ça, hein ? » pour qu’elle retombe dans son état de sidération.

De plus, tant que le cortex est en panne, il ne peut pas contrôler la réponse émotionnelle, celle-ci continue alors de monter en puissance, l’organisme se retrouve rapidement en état de stress extrême avec des sécrétions de plus en plus importantes d’hormones de stress, adrénaline et cortisol qui deviennent rapidement toxiques pour le système cardio-vasculaire et le cerveau et représentent un risque vital pour l’organisme.

Pour y échapper, le cerveau (comme lors d’un survoltage dans un circuit électrique) va faire disjoncter le circuit responsable du stress, ce qui va avoir pour effet d’éteindre la réponse émotionnelle, mais aussi de déconnecter les fibres qui informent le cortex des émotions, entraînant une anesthésie émotionnelle et une dissociation (c’est-à-dire état de conscience altérée, un sentiment d’irréalité et d’être spectateur de la scène), et de déconnecter les fibres qui permettent la transformation de la mémoire émotionnelle non consciente en mémoire consciente autobiographique.

Cela va entraîner des troubles de la mémoire : amnésie partielle ou complète du traumatisme et mémoire traumatique, mémoire émotionnelle qui reste piégée, hypersensible, immuable, l’intensité des affects restant intacte, et qui peut « s’allumer » lors de situations, d’affects, de sensations sensorielles rappelant l’événement traumatique, envahissant alors la conscience et faisant de façon incontrôlable revivre à l’identique le viol avec la même détresse, les mêmes angoisses et entraînant la même sidération, le même survoltage et le même risque vital.

Un état de stress post-traumatique

Des expériences effectuées par des scientifiques américains [1] ont permis de mettre en évidence cette paralysie corticale sur des IRM encéphaliques fonctionnelles qu’ils ont faites à chaque fois à deux personnes, une qui a subi de graves violences et qui présente un état de stress post-traumatique, et une autre qui n’a pas subi de violence, ces IRM fonctionnelles permettent de visualiser les zones du cerveau qui s’activent.

Lors de l’examen, les chercheurs font écouter simultanément aux deux personnes un enregistrement avec d’abord un récit neutre, puis soudain un récit de violences extrêmes. Ce récit violent entraîne chez les deux personnes une réponse émotionnelle.

Chez la personne qui n’a pas de troubles psychotraumatiques, on voit sur l’IRM de nombreuses zones corticales s’activer pour répondre au stress déclenché par le récit ce qui permet d’analyser la situation (il ne s’agit que d’un récit) et de moduler et d’éteindre la réponse émotionnelle, la personne développe un discours intérieur qui lui permet de se calmer, et elle peut décider de se plaindre à la fin de l’examen.

En revanche, sur l’IRM de la personne traumatisée, lors du récit des violences on constate une absence d’activité des zones corticales concernant les prises de décision (le cortex frontal ne se colore pas) et une hyperactivation de la zone émotionnelle (amygdale cérébrale), la personne est sidérée, elle ne va pas pouvoir calmer la réponse émotionnelle que le récit a enclenchée.

Une sidération recherchée par l’agresseur

Cette sidération recherchée par l’agresseur est donc à l’origine de tous les troubles psychotraumatiques, en particulier une dissociation et une mémoire traumatique qu’il sera essentiel de traiter.

La dissociation qui anesthésie et déconnecte la victime, l’empêche d’avoir accès à ses émotions et permet à l’agresseur d’assurer encore plus son contrôle et son emprise et de lui imposer facilement son scénario culpabilisant (c’est de ta faute, tu m’as cherché, tu mérites ce que j’ai fait, tu aimes ça…) ou mystificateur (c’est parce que je t’aime, c’est normal, ce n’est pas grave…).

Il peut même parvenir à lui faire jouer un rôle, lui imposer des comportements qui seront ensuite autant de sources de culpabilisation et de honte pour elle, et d’éléments qui pourront lui être ensuite reprochés.

Le fait de n’avoir pas pu réagir, le sentiment d’irréalité, les troubles de la mémoire aggravent les doutes qui submergent la victime et l’empêchent de dénoncer le crime, de revendiquer ses droits (c’est grave, il n’avait pas le droit de me faire ça) et de se reconnaître comme victime. » (Salmona, 2013b)

Bibliographie

Allodocteurs [vidéo]. (2012). Pourquoi parle-t-on de sidération lors d’un viol ? France 5, Le Magazine de la Santé [article, sujet no 2]. 2 novembre 2009, mis à jour le 11 mai 2015 [consulté le 15 décembre 2017]. Disponible à l’adresse : https://www.allodocteurs.fr/se-soigner/violences/viol-agression-sexuelle/viol-quelle-prise-en-charge-pour-les-victimes_1362.html

Allodocteurs, Rédaction. (2017). Viol : qu’appelle-t-on l’état de sidération ?, FranceInfo [en ligne]. 15 décembre 2017 [consulté le 15 décembre 2017]. Disponible à l’adresse: https://www.francetvinfo.fr/sante/affaires/viol-qu-appelle-t-on-letat-de-sideration_2516765.html

American Psychiatric Association. (1996). DSM-IV : Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Paris, France : Masson.

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