La colonisation par l’agresseur et l’excitation traumatique

La colonisation est un terme qui désigne habituellement l’occupation d’un territoire par une puissance étrangère, l’invasion brutale ou non d’un territoire avec mise sous tutelle des colonisés par les colonisateurs. Le mot « colonisation » dépeint on ne peut mieux l’emprise de l’agresseur, sa prise de pouvoir absolue sur le psychisme de la victime qui se retrouve sous « occupation », totalement envahie par l’agresseur, comme si elle était lui, sans plus aucunes ressources pour lui résister, celles-ci ayant été annihilées.

Source : Le corps dominé, arme de la colonisation
(Tribune de Genève, 29 septembre 2018, à propos du livre « Sexe, race et colonies »)

La colonisation par l’agresseur peut également être comparée à une infection virale puisqu’il s’agit là aussi d’un organisme qui agresse et colonise un autre organisme. Pour ce faire, après avoir trouvé une voie d’entrée, le virus s’approprie des cellules pour se reproduire et envahir progressivement tout l’organisme dans lequel il s’est introduit, celui-ci devenant ainsi « occupé » par le micro-organisme agresseur.

Source : Virus

Les virus sont de petits organismes incapables de se reproduire seuls, contrairement aux bactéries (cellules sans noyau, organismes plus grands que les virus) qui se reproduisent en se divisant, comme n’importe quelle cellule. Le virus a besoin d’une cellule pour se reproduire. Pour cela, il entre dans une cellule et prend les commandes de la cellule pour en faire ce qu’il veut (emprise) : il se sert alors des matériaux à disposition pour créer de nouveaux virus qui vont entrer dans d’autres cellules pour poursuivre la colonisation de l’organisme infecté. Donc les virus colonisent l’organisme à la manière des colons qui se nourrissaient des territoires conquis et les transformaient à leur image.

En ce qui concerne le virus, il est aussi intéressant de se référer à l’étymologie, puisque ce mot vient du latin virus qui signifie poison. Or, la colonisation par l’agresseur est également comparable à un véritable poison que l’agresseur injecte (ou inocule) à l’intérieur de sa victime.

La colonisation

Colonisation dans un contexte de violence conjugale
« cette emprise -qui se définit comme un processus de colonisation psychique par le conjoint violent qui a pour conséquence d’annihiler leur volonté »
(Salmona, 2016a, p. 1)

Les agresseurs sont des experts en matière de colonisation ou mise sous emprise des victimes. Pour arriver à leurs fins, ils ont une prédilection marquée pour les violences répétées (violences physiques psychologiques, sexuelles, etc.) dans un contexte où la victime est piégée avec son agresseur (pédocriminalité intra-familiale ou extra-familiale, violences conjugales, violences sociétales envers les femmes, etc.). ‏L’emprise de l’agresseur se compose d’ingrédients extrêmement efficaces, à la fois violents et sidérants (perte de sens) qui ont pour but de terroriser la victime pour la soumettre entièrement à l’agresseur. Ces ingrédients d’une toxicité redoutable vont s’inscrire dans la mémoire traumatique et y rester piégés, avec pour conséquence de coloniser la personne tant que la mémoire traumatique n’aura pas été traitée, par un travail psychothérapeutique, par exemple.

Ce sont tous ces matériaux violents restés piégés dans la mémoire traumatique (Salmona, 2009) qui vont coloniser la victime. Autrement dit, la victime est colonisée par sa mémoire traumatique créée de toutes pièces par l’agresseur :

« (…) l’interruption des connexions entre l’amygdale et l’hippocampe est à l’origine de la mémoire traumatique. En effet, l’hippocampe déconnecté de l’amygdale ne peut pas encoder, ni intégrer, ni mémoriser l’événement violent, qui de ce fait ne pourra devenir un souvenir normal de type autobiographique. L’événement restera sous la forme d’une mémoire « piégée » telle quelle dans l’amygdale cérébrale. C’est cette mémoire émotionnelle et sensorielle « piégée », qui n’a pas accédé au statut de mémoire autobiographique, qui est la mémoire traumatique. » (Salmona, 2013, p. 78)

Cette colonisation est si profonde, tant enracinée, que l’agresseur a réussi à envahir les moindres recoins de la psyché et du corps de la victime. Il vit à l’intérieur de sa victime, jusque dans ses cellules. Elle est comme possédée par lui, aliénée par lui (devenue une autre). L’agresseur est là, tapi en elle 24h/24, même lorsqu’il n’est pas là. C’est à lui qu’elle obéit, c’est lui qu’elle entend, c’est lui qui agit, ce sont ses désirs à lui qu’elle prend pour ses propres désirs, c’est sa violence à lui qu’elle prend pour sa propre violence. Elle est totalement phagocytée par lui, vampirisée par lui, envahie par lui, contrôlée et téléguidée par lui, telle un robot, un pantin, une marionnette, sans âme, comme morte, incapable de penser par elle-même, d’agir par elle-même. C’est pourquoi l’on parle de colonisation par l’agresseur. Et cette colonisation par l’agresseur (ou emprise) représente une véritable torture psychique pour les victimes :

« Cette colonisation peut perdurer longtemps après les violences et transformer la vie des victimes en un véritable enfer, puisque les mots, le comportement, l’excitation de l’agresseur les envahissent régulièrement sans qu’elles sachent pourquoi, sans qu’elles identifient forcément que cela ne vient pas d’elles, mais de l’agresseur. Elles peuvent alors se penser monstrueuses, or c’est ce que leur a fait subir l’agresseur qui est monstrueux, pas elles. » (Salmona, 2015e)

D’autre part, les agresseurs savent très bien repérer les personnes colonisées qui sont des proies idéales pour eux. L’un des indicateurs de colonisation qu’ils savent le mieux reconnaître est l’hyper-sexualisation (voir plus loin dans l’article).

La décolonisation

Fort heureusement, la décolonisation est possible. Et c’est en traitant la mémoire traumatique que la victime ne sera plus colonisée par son agresseur.

« Il suffit de sortir les victimes des détritus amoncelés par l’agresseur et tous ses complices, de dénoncer leurs mensonges, et de briser les miroirs déformants qu’ils tendent continuellement aux victimes, pour remettre le monde à l’endroit. » (Salmona, 2014)

La Dre Muriel Salmona, psychiatre, psychotraumatologue et présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie), est la grande spécialiste de la mémoire traumatique et du phénomène de colonisation. Dans un texte sur l’accompagnement des enfants ayant subi des violences sexuelles (Salmona, 2015d), Muriel Salmona décrit particulièrement bien le processus de colonisation par l’agresseur ainsi que le travail thérapeutique de décolonisation. De larges passages de ce texte figurent à la fin de cet article.

Voici ce que Muriel Salmona nous dit de la décolonisation dans son intervention sur France 5 dans le débat de l’émission « Enquête de santé « Attentats, agressions : surmonter le traumatisme » du 17 juin 2018 :

« Il est toujours temps (…). Le psychotrauma, c’est un impact qui n’est pas uniquement psychique mais qui est aussi neurologique, avec des atteintes neurologiques qui peuvent se réparer, avec une mémoire traumatique qui fait revivre les événements (…) et des stratégies de survie dont des conduites d’évitement. Mais on peut à n’importe quel moment intégrer cette mémoire traumatique pour qu’elle devienne une mémoire autobiographique et que du coup elle ne colonise plus. Ça reste un événement extrêmement violent, extrêmement traumatique, extrêmement douloureux, mais le moindre élément ne fait plus revivre cet événement et on n’est plus torturé par cet événement.  Donc il est toujours temps, même autant d’années après. » (France 5, 2018, 1:50 à 3:00)

Lorsque j’accompagne des personnes colonisées dans un travail thérapeutique, elles vivent souvent la décolonisation comme une naissance, comme si elles n’avaient jamais vécu vraiment jusqu’à présent, car elles étaient entièrement sous emprise de l’agresseur, comme endormies, inertes, sans vie, telles des marionnettes aux mains de l’autre, comme si l’autre agissait à leur place, vivait à leur place. Une personne m’a dit un jour que pour elle la décolonisation était comme un voile qui se levait : « Je ne suis plus esclave des désirs d’autrui, ni attirée par ce qui me fait du mal et qui me détruisait. Je suis enfin moi, avec mes ressentis, mes émotions, mes désirs, mes représentations de la vie. Je suis enfin moi, pour la première fois. ».

Les mots de Muriel Salmona, en avant-propos d’un de ses ouvrages, sont particulièrement forts pour exprimer cette libération de la colonisation par l’agresseur :

« Ma plus grande récompense a toujours été ce moment magique lors d’une psychothérapie où dans une rencontre avec vous-même, vous vous voyez tel-le-s que vous êtes, débarrassé-e-s de cet état de terreur permanent directement issu des violences, libéré-e-s des actes et des propos destructeurs des bourreaux qui vous colonisaient, et de toutes les phrases assassines, les injustices et les trahisons de tous ceux qui auraient dû vous aider ; où enfin « vous ne mourez plus à vous-mêmes », vous retrouvez libres, libres d’exister, de vivre votre vie, d’aimer, de construire et de créer. » (Salmona, Le Livre Noir des violences sexuelles, avant-propos).

Colonisation résiduelle

Plus les violences ont lieu précocement, dans l’enfance, plus la colonisation par l’agresseur s’inscrit profondément dans la psyché et le corps des victimes, à tel point qu’il est parfois difficile d’arriver à une décolonisation complète, même après un long travail psychothérapeutique. Ce qui sera souvent le plus difficile à décoloniser entièrement, c’est l’excitation traumatique injectée, inoculée par l’agresseur au moment des violences (voir plus loin dans l’article).

Toutefois, même si des traces de colonisation subsistent chez certaines victimes, grâce à la thérapie, elle savent les identifier. Ainsi, lorsque la colonisation se manifeste (par exemple, une excitation face à la violence, une sensation d’être sale, une conviction d’être coupable de tout, etc.), les victimes savent que ces émotions, ces sensations et ces pensées ne leur appartiennent pas. Elles savent que ce sont celles de leur(s) agresseur(s).

Donc même si elles ne sont pas complètement décolonisées, grâce à ce travail psychothérapeutique qui permet une prise de conscience des processus, les victimes ont acquis la capacité à ne pas céder aux injonctions de leurs agresseurs, elles peuvent décider de ne pas céder à leurs désirs et à leurs ordres qu’ils leur ont fait introjeter. Dès lors, elles ne sont plus des proies faciles pour les agresseurs et elles ne risquent plus de devenir à leur tour des agresseurs. D’autre part, grâce au déminage de la mémoire traumatique et à la connaissance des processus de violence, même si des traces subsistent, cette colonisation ne sera plus du tout aussi forte qu’auparavant.

Colonisation et violences sexuelles sur les enfants

Avec des études comme STOP AU DÉNI, on sait aujourd’hui que 81 % des victimes de violences sexuelles sont des mineur-e-s. Donc l’immense majorité des victimes ont été agressées très précocement, durant leur enfance : 1 victime sur 5 a été violée avant 6 ans et 1 victime sur 2 avant 11 ans.

« STOP AU DÉNI est une grande enquête sur les violences sexuelles publiée le 1er mars 2015 par l’association Mémoire traumatique et victimologie (dont la Dresse Muriel Salmona est la présidente) et soutenue par Unicef France dans le cadre de la campagne internationale #‎ENDViolence. » (Kuhni, 2015b)

« L’enquête a révélé que les enfants sont les principales victimes des violences sexuelles puisque 81% des victimes de violences sexuelles sont des mineur-e-s (majoritairement des filles) : 1 victime sur 5 a été violée avant 6 ans, 1 victime sur 2 a été violée avant 11 ans.

L’enquête a également révélé que 96 % des agresseurs sont des hommes, 94 % des proches, 1 enfant sur 2 est agressé par un membre de sa famille et 1 agresseur sur 4 est mineur, donc 3 agresseurs sur 4 (75 %) sont des adultes (pédocriminalité). » (Kuhni, 2015a)

Ces violence sexuelles massives sur les enfants ont des conséquences dramatiques sur la société toute entière, car elle crée une multitude d’êtres humains fortement colonisés par la violence des agresseurs, avec pour conséquence de produire une boucle sans fin de victimes et d’agresseurs. Ce thème des répétitions est développé plus loin dans cet article, notamment le fait que nous vivons dans une dans une société patriarcale où les hommes dominent par la violence et qu’à cause de ce contexte de violences machistes (Kuhni, 2018a) auquel les enfants sont conditionnés dès leur plus jeune âge, les garçons colonisés (garçons violentés) ont un risque élevé de devenir des agresseurs de filles et de femmes, alors que les filles colonisées (filles violentées) ont un risque élevé de passer leur vie à être des victimes de prédateurs masculins. Et les nouveaux agresseurs vont violenter à leur tour d’autres enfants pour les coloniser et ainsi de suite.

Le documentaire « Enfance volée, chronique d’un déni » de Sylvie Meyer

Le documentaire « Enfance volée, chronique d’un déni » de Sylvie Meyer et le débat qui a suivi ont été diffusés le 28 mars 2019 sur LCP dans le cadre de l’émission « Délits sexuels sur mineurs : comment les bannir ? ». Le replay du documentaire et du débat est disponible ici

Dans ce remarquable documentaire et le débat, la Dre Muriel Salmona parle également du phénomène de colonisation par l’agresseur :

Muriel Salmona : « Le cerveau des enfants, face à une violence extrême qui est une véritable torture qui est un acte cruel, dégradant, inhumain, comme le dit la Cour européenne, il va disjoncter, parce que sinon l’enfant pourrait mourir de stress et avoir des atteintes neurologique extrêmement graves. Quand le cerveau disjoncte, il fait disjoncter tout le circuit de la mémoire et, du coup, tout ce qui est enregistré va être dans une boîte noire, mais ne va pas être traité, ne va pas être identifié. Ça va être quelque chose de brut, un magma et tout va être mélangé et ne va pas être relié avec des repères temporo-spatiaux. Et la victime, tout ce qu’a vécu la victime, va être aussi mélangé à tout ce qu’a commis l’agresseur, tout ce qu’il a dit, tout ce qu’il a fait, sa violence, sa haine, son mépris, son excitation perverse, sa cruauté. Tout ça, ça va être mélangé. Et quand ça ressort, ça ressort avec tout ça. Mais si jamais elle en parle à un psychanalyste, il va lui dire : « Mais c’est vous qui avez des fantasmes et qui êtes excitée par la violence. ». Alors qu’en fait, c’est la mémoire traumatique de l’excitation perverse de l’agresseur. » (LCP, 2019a, 30.58 à 32:04)

Dre Muriel Salmona

Capture d’écran de l’émission
Source : LCP, 2019a, 30.58 à 32:04

Muriel Salmona : « Au départ, quand je m’y suis intéressée [aux psychotraumatismes] je me suis aperçue qu’il n’y avait rien, qu’on n’avait aucun enseignement là-dessus, que les troubles psychotraumatiques, il fallait aller les chercher (…) et puis, surtout, ce qui m’a aussi profondément révoltée, c’est le fait que toutes les conséquences des violences étaient reprochées aux victimes (…) tout était retourné sur les victimes, c’étaient elles qui étaient responsables de leurs symptômes, c’étaient elles qui avaient des troubles addictifs, des troubles alimentaires, c’était de leur faute en quelque sorte, c’étaient elles qui les construisaient toutes seules. C’est comme ça que c’était perçu. Et on ne posait pas de questions. C’est-à-dire que mes collègues ne s’y intéressaient pas, ils ne posaient pas de questions, on ne voulait pas savoir et quand les victimes elles-mêmes parlaient, on ne les croyait pas. » (LCP, 2019a, 11:22 à 12:13)

Ce documentaire donne aussi la parole à Adélaïde Bon, autrice de « La petite fille sur la banquise » (publié par Grasset en 2018) où elle retrace son parcours terrifiant suite à un viol à 9 ans par un homme qui s’est avéré être un violeur en série.

Adélaïde Bon : « J’ai commencé à me punir sexuellement, à m’infliger des coups, des douleurs, au niveau du sexe, à avoir une pratique haineuse de la masturbation qu’évidemment je ne savais pas que ça s’appelait comme ça. Et d’ailleurs, au début, je pensais que j’étais habitée par le démon. Je n’avais aucune grille de compréhension pour insérer dans ma vie ces choses que je me faisais à moi-même. Ça n’avait aucun sens et le seul sens que je pouvais avoir du milieu où je venais c’était ces histoires d’exorcisme, de démons. Mes parents adoraient visiter des églises et je les avais vus, les chapiteaux avec les femmes poursuivies par des diablotins. Voilà, pour moi, j’étais elles. Donc du coup j’ai commencé à avoir une sexualité en ayant bu ou en ayant fumé des joints ou en me droguant, il n’y avait pas d’autres moyens pour moi d’accéder à une sexualité calme qu’en me dissociant. Je suis devenue boulimique très vite. Et en grandissant, j’ai eu un très gros accident de mobylette. C’est parce que mes parents ont longtemps mis sur le compte de cet accident mes désordres émotionnels, ce dont ils avaient connaissance. La journaliste : Tu dis que tu frôles la mort et qu’elle t’apparaît comme une amie. Ça éclaire sur ton état de l’époque. Adélaïde Bon (très émue) : Mais la mort, c’est ma meilleure amie. Je sais qu’elle est là et elle sera toujours là. Je ne comprends pas ces gens qui ne veulent pas mourir. C’est inenvisageable pour moi, c’est tellement dur de vivre. Quel soulagement de l’avoir, la mort. » (LCP, 2019a, 15:58 à 18:19) – la fin de cet extrait est disponible sur un tweet de LCP (LCP, 2019b)

Adélaïde Bon

Capture d’écran de l’émission
Source : LCP, 2019a, 15:58 à 18:19

Adélaïde Bon : « Et j’ai lu son livre [de Dr. Muriel Salmona] (…) et c’était la première fois, mais vraiment, quel cadeau, c’était la première fois que je lisais tout ce que je pensais si profondément pervers et haineux et indiscible en moi, que je n’avais jamais de ma vie osé dire, étant si convaincue qu’elles étaient à moi, de moi, mon identité, ma personnalité, que c’était moi toutes ces choses-là et que ça, il n’y avait rien à y faire. Et que je n’allais pas en plus le dire à quelqu’un, j’avais déjà tellement de difficultés à les vivre moi-même. Et dans ce livre, j’ai compris cette chose que les psychotraumatologues appellent la colonisation, que toutes ces pensées extrêmement violentes qui m’habitaient ne m’appartenaient pas et qu’elles lui appartenaient à lui, à mon agresseur. Et ensuite, j’ai commencé les séances avec le Dr. Salmona (…) mais quel bonheur, j’étais regardée et tout ce que je disais était un indice, était un signe qui permettait de retourner dans l’escalier [le lieu du viol] de mes 9 ans. » (LCP, 2019a, 28:39 à 30:05)

Colonisation et violences conjugales

La Dre Muriel Salmona est intervenue le 12 mars 2011 à Bagneux dans le cadre de l’Université Populaire Participative (UPP Femmes debout) sur le thème « Violences à l’égard des femmes » (Stop aux violences familiales, conjugales et sexuelles, 2011). Voici la transcription d’une partie de son intervention dans laquelle elle décrit la colonisation par l’agresseur. Ce passage commence à 12:42 de la vidéo et va jusqu’à 14:15 :

« (…) les femmes quand elles ont une mémoire traumatique (…), elles ont des phrases qui leur reviennent. Vous savez, quand on dit pendant les violences que vous étiez nulle, que vous ne valiez rien, que vous étiez bonne à rien, que vous étiez comme une grosse vache, que vous ne serviez à rien. Et bien ces phrases-là deviennent des mémoires traumatiques. Et la mémoire traumatique elle fait revivre les douleurs, elle fait revivre les émotions, elle fait revivre l’angoisse, mais elle fait revivre aussi les phrases qu’on nous a dites. Et elles reviennent dans votre tête. Et quand on vous a tout le temps dit que vous étiez nulle, cette phrase-là, aussitôt que vous êtes en situation, il y a une phrase qui passe dans votre tête et qui dit : « T’es nulle, ma pauvre fille » et vous vous le dites. Si on vous a tout le temps dit : « T’es moche, t’es comme une grosse vache », vous vous regardez dans une glace : « T’es moche, ma pauvre fille ». Quand on vous a tout le temps dit : « T’es qu’une pute, t’es qu’une salope, regarde-moi ça », c’est ce que vous vous dites aussi, ça revient dans votre tête parce que c’est la mémoire traumatique. C’est pas vous qui vous le dites, c’est la mémoire traumatique qui vraiment vous a formaté sur ce système. Et pour pouvoir échapper à ça, il faut être protégée. Il faut pouvoir être traitée et les soins marchent. C’est pas très compliqué et c’est très efficace. En fait, ce qu’on soigne, c’est cette mémoire traumatique : on transforme la mémoire traumatique en mémoire autobiographique. Et du coup, on n’a plus cette souffrance extrême. J’ai fait une étude où on a demandé le niveau de souffrance sur une échelle de 0 à 10 et c’était 9,1. Donc voilà, on peut comprendre tout cela, mais c’est essentiel de le diffuser. » (Mémoire Traumatique et Victimologie. 2011, 12:42 à 14:15)

Colonisation et pathologies

Une grande partie des patient-e-s de la psychiatrie est constituée de victimes colonisées par leur mémoire traumatique. Pour ne citer qu’un exemple : les voix dans la tête que peuvent avoir certaines personnes sont souvent la conséquence directe de la mémoire traumatique. Donc contrairement à ce qui est généralement diagnostiqué par la psychiatrie, ces victimes ne sont absolument pas folles ou délirantes, elles sont colonisées par l’agresseur :

« C[‘est] ce qu’on appelle la mémoire traumatique symptôme central des psychotraumas ! Mémoire traumatique des paroles des cris des injures

Ce ne sont pas des hallucinations mais des réminiscences de tout ce qui a été entendu lors des violences de tous les propos des agresseurs » (Salmona, 2019a, thread)

Depuis de nombreuses années, la Dre Muriel Salmona ne cesse de répéter à quel point les victimes sont faussement diagnostiquées par la psychiatrie en raison d’une méconnaissance de la psychotraumatologie. Voici un extrait d’une interview du 5 novembre 2015 :

« Cette mémoire traumatique colonisera la victime et transformera sa vie en terrain miné, l’obligeant à mettre en place des stratégies de survie coûteuses et souvent handicapantes comme des conduites d’évitement (contrôle, phobies, TOC) et des conduites dissociantes pour s’anesthésier comme lors de la disjonction initiale (conduites addictives, mises en danger, conduites à risque). (…) Les médecins ne sont pas formés à la psycho-traumatologie et ils ne relient pas les symptômes des victimes aux violences qu’elles ont subies. (…) ils ne traitent pas la mémoire traumatique des patients, voire souvent ils l’aggravent et sont maltraitants pour les femmes victimes.

(…) On laisse ces victimes survivre sans soins adaptés, elles sont obligées de composer avec une anxiété et un stress extrêmes, des conduites addictives et dissociantes délétères (prise de substances, mises en danger, troubles alimentaires, etc.), des idées suicidaires (selon notre enquête IVSEA, une victime sur deux a tenté de se suicider), elles développent des troubles cardio-vasculaires, des maladies auto-immunes, des troubles respiratoires, des cancers. (…) Et pourtant, malgré l’ampleur de cette catastrophe sanitaire, les professionnel-le-s du soin ne sont toujours pas systématiquement formé-e-s à repérer et à prendre en charge les victimes, (…) et les victimes de violences sexuelles qui présentent des troubles psychotraumatiques (entre 80% à 100% des victimes) sont trop souvent diagnostiquées à tort comme étant psychotiques ou borderline et hospitalisées en psychiatrie au lieu de bénéficier de soins et d’un traitement approprié pour soigner les troubles psychotraumatiques dont elles souffrent. » (Les Effronté.es, 2015)

Le 8 mai 2019, la Dre Muriel Salmona réagissait sur Twitter dans un thread où elle dénonçait que 70 % des pathologies diagnostiquées par la psychiatrie sont en réalité des troubles consécutifs aux violences, donc des psychotraumatismes que l’on peut parfaitement traiter, pour autant que l’on possède les connaissances nécessaires en psychotraumatologie, ce qui n’est malheureusement pas le cas de beaucoup de médecins (psychiatres, etc.) :

« Faut-il encore et encore le rappeler près de 70% de la psychiatrie c[’est] du psychotrauma, des conséquences de graves maltraitances, de violences particulièrement sexuelles, le + svt subies dans l’enfance, + de 90% des « camés » comme c[’est] dit ds l’itw ont subis de très graves violences

avoir subi 4 formes de violences ou 1 forme de violence particulièrement grave ds l’enfance c[’est] le 1er facteur de risque à l’âge adulte de présenter des troubles mentaux, ESPT depression suicide conduites addictives tr alimentaires etc. cf études de Felitti, Anda, Nemeroff, Hillis

de nombreuses maladies psychiatriques présentées comme incurables (psychoses, démences) st en fait des psychotraumas que l’on peut traiter

Ne pas prendre en compte les violences qu’ont subies les patient.e.s et les traumas qui en st les conséquences est 1 grave perte de chance en terme de santé et une atteinte à leurs droits fondamentaux, c[’est] ne pas les reconnaître comme victimes, ne pas les protéger (ni protéger d’autres victimes), ne pas leur permettre d’accéder à des soins spécialisés, à des aides spécifiques, à la justice et à des réparations

c[’est] inconcevable qu’avec ttes les connaissances scientifiques internationales actuelles sur les traumas et leurs graves impacts sur la santé mentale et physique (depuis plus de 20 ans) on en soit encore là, que tous les médecins psychiatres compris ne soient pas formés ou très peu,

c[’est] 1 scandale humain et de santé publique, 1 très grave atteinte aux droits de ttes ces victimes de violences et d’autres situations traumatiques [-] un déni intolérable, cruel et inhumain [-] une très grave injustice ! Ns avons besoin de politiques courageux et humains qui agissent enfin » (Salmona, 2019c, thread)

La colonisation sociétale des femmes et des filles

Une autre forme de colonisation par l’agresseur est consécutive au contexte de domination masculine dans lequel nous vivons. Cette colonisation sociétale est perpétrées par des agresseurs sociétaux et elle est colossale. En effet, pour femmes et les filles, il se produit exactement le même phénomène de colonisation par l’agresseur mais cette fois-ci au niveau sociétal, puisque les violences machistes systémiques (Kuhni, 2018a) les colonisent dès leur plus jeune âge, afin de maintenir une société où les hommes dominent. Mais cette colonisation sociétale des femmes et des filles fonctionne à notre insu, car elle est totalement invisibilisée en raison de l’autorisation de ces violences par nos sociétés patriarcales.

Piégées dans nos sociétés patriarcales d’où il est impossible de s’extraire, les femmes et les filles profondément colonisées par les violences machistes systémiques, deviennent fréquemment des alliées inconditionnelles des agresseurs pour lesquels elles déploient alors toute leur énergie. Ce processus se nomme le Syndrome de Stockholm sociétal que l’on pourrait définir comme une hyper-emprise ou une hyper-colonisation causée par un contexte où les victimes n’ont d’autre choix que de faire alliance avec leurs agresseurs pour survivre. Pour en savoir plus, se référer à l’ouvrage Loving to Survive: Sexual Terror, Men’s Violence and Women’s Lives de Dee L.R. Graham, Edna I. Rawlings, Roberta K. Rigsby. La traduction du résumé de l’ouvrage est disponible avec le lien qui suit (Kuhni, 2014a).

Pour les femmes et les filles, la misogynie intériorisée est également le résultat de la colonisation sociétale, à laquelle s’ajoute souvent une colonisation par agresseur(s) lorsqu’elles ont été directement victimes de violences machistes, ce qui a pour effet de produire une double colonisation ou une colonisation renforcée. Cette misogynie intériorisée fait des femmes et des filles des alliées inconditionnelles des agresseurs, des alliées inconditionnelles des violences envers elles-mêmes.

En raison de ce contexte de violences machistes systémiques, une grande partie du travail psychothérapeutique féministe consiste également à décoloniser les femmes et les filles de cette colonisation sociétale. Cette tâche est loin d’être aisée puisque la colonisation sociétale engendre des traumas complexes (violences répétées dans un contexte d’où la victime ne peut s’échapper), soit les traumas les plus longs et les plus difficiles à traiter.

Colonisation et traumas complexes

« Personne ne se retrouve alcoolique, toxicomane, marginal, prostitué(e) sans raison (…) 80 % à plus de 90 % des personnes qui vivent ces situations ont en effet vécu des violences dans leur passé. Et les conséquence sur leur santé sont très lourdes » (Salmona, 2013, p. 131)

Les traumatismes consécutifs aux violences peuvent être de 2 types : les traumatismes simples et les traumatismes complexes. Les traumas simples sont la conséquence de violences où agresseur n’est pas un proche de la victime (viol, braquage, terrorisme, etc.) et d’événements violents où il n’y a pas d’agresseur (accident de la route, catastrophe naturelle, etc.). Les traumas complexes sont la conséquence de violences commises par un agresseur proche de la victime (parent, grand-parent, fratrie, autre membre de la famille, ami de la famille, professeur, coach sportif, mari ou conjoint, patron, collègue de travail, etc.) avec lequel la victime est enfermée, piégée (couple, famille, école, etc.), par exemple : l’inceste pédocriminel, la pédocriminalité par des proches ou la violence conjugale.

La colonisation est particulièrement forte dans les cas de traumas complexes et ceci pour deux raisons : l’agresseur est un proche de la victime et les violences sont souvent répétées. D’autre part, plus les violences se produisent tôt (violences dans l’enfance) et plus l’agresseur est proche de la victime (parent, par exemple), plus la colonisation par l’agresseur est d’une gravité extrême. Pour les traumatismes simples, lorsqu’il n’y a pas d’agresseur, il n’y a bien sûr pas de colonisation par l’agresseur. Toutefois, même s’il n’y a pas d’emprise d’un agresseur, la victime peut être colonisée par l’événement violent lui-même. Dans ce cas, je parlerai simplement de colonisation traumatique, sachant que dans tous les cas (avec ou sans agresseur), c’est la mémoire traumatique qui colonise la victime.

Les traumas simples et complexes peuvent se cumuler. Par exemple : une victime de violences conjugales (trauma complexe) peut avoir un accident de la route (trauma simple) ou être violée par un inconnu (trauma simple). Autre exemple : une victime d’inceste (trauma complexe de l’enfance) peut se retrouver en couple avec un homme violent (trauma complexe). Il y aura alors deux traumas complexes qui se surajoutent.

Dans le cas des traumas complexes, les violences se produisent dans un contexte où la victime est piégée avec l’agresseur, sans possibilité de fuir son agresseur (inceste, violences conjugales, etc.). Les raisons principales pour lesquelles la victime ne peut fuir sont les suivantes :

– la victime n’a pas atteint la majorité (victime d’inceste, par exemple) ;

– la victime est dépendante de l’agresseur, notamment en raison de violences économiques ;

– la victime a peur des représailles de l’agresseur, par exemple peur d’être tuée par le conjoint et/ou peur que le conjoint tue les enfants, peur de se retrouver à la rue avec ses enfants, peur de perdre son emploi pour les violences au travail, etc.

Les victimes de traumas complexes subissent souvent des traumas additionnels (simples ou complexes) parce que la colonisation de l’agresseur les a rendues vulnérables face à d’autres agresseurs, incapables de détecter les situations dangereuses pour elles et souvent malgré elles fortement attirées vers d’autres agresseurs (excitation traumatique). Par conséquent, pour ces victimes, il peut y avoir des colonisations qui se surajoutent les unes aux autres.

Le traitement des traumas complexes

Les traumas complexes sont les plus longs et les plus difficiles (ou complexes) à traiter, tant l’emprise de l’agresseur est forte et tant la confusion est extrême pour la victime. C’est pourquoi la décolonisation des traumas complexes passe par un important travail en psychothérapie.

Avec le type de violences produisant des traumas complexes, les liens ont été totalement pervertis par l’agresseur. Donc la première étape de la thérapie consiste à mettre en place une relation thérapeutique sécure en laquelle la victime peut avoir une confiance absolue. Cette relation thérapeutique est en elle-même puissamment thérapeutique puisqu’elle permet à la personne de vivre, souvent pour la première fois de sa vie, une relation saine où elle est respectée, reconnue, valorisée et où elle n’a plus peur d’être manipulée ou violentée. En revanche, s’il y avait la moindre manipulation ou toxicité de la part du/de la thérapeute, la thérapie causerait des dégâts considérables sous la forme d’une très grave re-victimisation dont les effets seraient catastrophiques pour la victime. Il faut savoir que de très nombreuses victimes subissent de nouvelles victimisations (re-victimisation) en raison d’attitudes négatives de leur entourage : par exemple manque de soutien, idées stéréotypées, jugements voire maltraitances des proches, du personnel soignant, des travailleur-se-s sociaux-les, des médias, de la police, du système judiciaire, de la société, etc.

Le fait de savoir que sa/son thérapeute n’est pas un danger pour elle est également la condition sine qua non pour que la victime puisse sortir peu à peu de la dissociation. Autrement dit, c’est exclusivement dans le cadre d’une relation thérapeutique sécure que la personne pourra travailler son trauma complexe et restaurer sa confiance dans la relation avec autrui. Mais pour les victimes de traumas complexes, il faut souvent beaucoup de temps avant qu’elles puissent avoir totalement confiance en la relation thérapeutique, sachant que, par sa violence et sa perversité, l’agresseur a totalement brisé leur capacité à faire confiance.

Une grande partie de la psychothérapie consiste à aider la victime à se défaire de l’emprise de l’agresseur en travaillant sur ce qui colonise (les matériaux piégés dans la mémoire traumatique) et sur les troubles psychotraumatiques : « Déconstruire l’emprise et restaurer la personnalité de la victime est un des buts essentiels de la psychothérapie, cela passe par une mise en sécurité [de] la victime et par le traitement de ses troubles psychotraumatiques et plus particulièrement de sa mémoire traumatique et de ses troubles dissociatifs. » (Salmona, 2015b, p. 237). Une partie centrale de la thérapie est également « la compréhension des mécanismes à l’œuvre dans la production des symptômes traumatiques, et l’identification des violences et de la stratégie de son agresseur » (Salmona, 2015b, p. 237).

Une part de l’emprise peut aussi provenir de conduites dissociantes de survie qui ont pour conséquence dramatique de ramener la victime vers l’agresseur : « elles [les victimes de violence conjugale] peuvent paradoxalement se sentir « mieux » (en fait plus dissociées et anesthésiées, voir hypnotisées) avec leur conjoint violent que séparées de lui et penser à tort qu’elles l’ont dans la peau, qu’elles l’aiment, alors qu’elles sont en fait tellement terrorisées avec lui qu’un seul regard suffit à les dissocier et à les anesthésier. Se remettre avec un agresseur c’est échapper à sa mémoire traumatique par dissociation en se mettant en danger » (Salmona, 2015b, p. 246). Tant qu’un travail de désamorçage des conduites dissociantes de survie n’a pas été fait, la victime retournera toujours vers l’agresseur. Mais il est très important de se souvenir qu’elle n’y peut strictement rien, c’est une conséquence de la violence. Lorsque l’on est face à ce mécanisme de retour vers l’agresseur, le travail psychothérapeutique consiste alors également à aider la victime à mettre à jour d’éventuelles conduites dissociantes de survie, puis à l’aider à s’en extraire. Le fait de reconnecter ses sensations, ses émotions, etc. va lui permettre de prendre pleinement conscience de la violence qu’elle subit, ce qui la conduira peu à peu à pouvoir quitter définitivement l’agresseur.

EMDR et traumas complexes de l’enfance

Développée entre 1989 et 1991 par la psychologue américaine Francine Shapiro Ph.D, la méthode EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) est souvent présentée comme LE traitement des psychotraumatismes. Toutefois, il faut savoir que l’EMDR est contre-indiqué pour les traumas complexes de l’enfance :

« La base, c’est la psychothérapie, c’est le travail sur la mémoire traumatique, cette mémoire qui envahit la personne, qui lui fait revivre à l’identique, qui la colonise et qui est une véritable torture. (…) l’EMDR est contre-indiqué dans les traumas complexes de l’enfance. (…) c’est un traitement qui peut avoir son intérêt, mais ce n’est pas LE traitement. Il faut arrêter de dire que c’est LE traitement du psychotrauma. (…) c’est plus la qualité de la personne, du psychothérapeute, sa qualité pour remettre du sens, pour travailler sur l’événement, pour accompagner la personne, pour la sécuriser, pour permettre avec la personne d’identifier tout ce qui se passe, toutes les émotions, pourquoi ? La mémoire traumatique c’est très particulier parce que ça envahit la personne, ça paraît complètement fou. Les gens peuvent avoir peur d’être fous, parce qu’ils ont dès fois des sensations, ils ont des douleurs qui reviennent comme si elles étaient présentes et ils peuvent avoir des violences qui reviennent aussi, et des agresseurs. Et travailler ça, c’est vraiment absolument nécessaire. » (France 5, 2018, 40:38 à 42:12)

L’EMDR peut également aggraver la dissociation pour certaines victimes ayant des traumas complexes, car le trauma peut ressurgir beaucoup trop brutalement, sans qu’il y ait l’accompagnement psychothérapeutique nécessaire pour faire face à la complexité terrifiante de ce type de violences où la victime est piégée de façon durable avec son agresseur. Ce réveil brutal du trauma peut avoir un effet cathartique, ce qui peut sembler intéressant. Toutefois, l’effet cathartique risque d’être de courte durée voire re-victimisant (nouveau trauma lié à la prise en charge) s’il ne s’accompagne pas du traitement psychothérapeutique indispensable pour ce type de traumas.

L’excitation de l’agresseur

L’excitation de l’agresseur est ce qu’il y a de plus terrorisant pour les victimes. C’est pourquoi l’excitation de l’agresseur colonise fortement les victimes, s’inscrit en profondeur dans leur mémoire traumatique. L’excitation de l’agresseur est souvent très perceptible dans ses yeux. Ainsi, beaucoup de victimes racontent avoir été terrorisées par les yeux de l’agresseur, par ce regard surexcité, d’une violence extrême et totalement déshumanisé. Avec cette excitation qu’elles perçoivent dans les yeux de l’agresseur, elles comprennent que rien ne pourra arrêter sa violence et que si elles se débattent, si elles crient, sa violence ne fera que s’amplifier.

En raison de cette excitation perçue dans les yeux de l’agresseur, les victimes ayant subi des violences très tôt, dans leur toute petite enfance, lorsqu’elles étaient bébé, par exemple, peuvent développer une terreur autour des yeux, une terreur qu’on les regarde ou une terreur de toute image représentant des yeux. Par exemple, dans les films, les livres, les BD, etc. l’on trouve souvent des dessins d’yeux énormes pour illustrer certains récits, tels les yeux zoomés d’un sorcier ou les yeux très agrandis d’une araignée, etc.

L’excitation de l’agresseur est une excitation de domination

L’excitation de l’agresseur n’a rien de sexuel. Elle n’est que pure domination. Elle est une volonté phénoménale de prise de pouvoir sur autrui. Son but est la toute-puissance, afin d’être celui qui contrôle de façon absolue et non celui qui subit. Autrement dit, même s’il commet des violences sexuelles, l’agresseur est dans une recherche de domination. Il n’est jamais dans une recherche de sexe. Cela n’a donc rien de sexuel. Le sexe n’est pour lui qu’un moyen de dominer sa victime, de la coloniser au plus profond de sa chair.

Donc n’oublions jamais que les violences sexuelles ne sont pas de la sexualité. Elles sont exclusivement de la violence, un pur acte de domination. D’ailleurs, dans ce contexte de domination, les violences de l’agresseur peuvent prendre de multiples formes (violences conjugales, familiales, sexuelles, par exemple).

L’excitation traumatique

« La mémoire traumatique de l’excitation sexuelle perverse de l’agresseur associée à celle des violences et des humiliations subies, en colonisant la victime pendant des relations sexuelles, peuvent lui faire croire à tort qu’elle est excitée par des pratiques sexuelles violentes. » (Salmona, 2013, p. 137)

C’est au moment des violences, à l’instant précis où la victime est tétanisée, sidérée, terrorisée, à ce point brisée que toutes ses défenses psychiques et corporelles se sont effondrées, réduite à l’état de pantin aux mains de son agresseur que celui-ci injecte (ou inocule) sa propre excitation à l’intérieur de sa victime.

Dès lors, colonisée par l’excitation de son agresseur, un poison d’une perversion redoutable, la victime risque fortement d’être peu à peu poussée à se placer en posture d’agresseur ou à se retrouver en posture de victime. Dans certains de cas, la victime risque d’alterner entre ces deux postures, en passant de l’une à l’autre.

Pour distinguer l’excitation résultant de la colonisation par l’agresseur d’une saine excitation, je l’appellerai excitation traumatique. Elle est la conséquence de la peur, de la terreur, de l’effroi (peur de mourir), c’est en cela qu’elle est traumatique et qu’elle va s’inscrire fortement dans la mémoire traumatique. Tout comme celle de l’agresseur, l’excitation traumatique n’a rien de sexuel, même si elle pousse à perpétrer ou subir des violences sexuelles. Elle est à l’image de celle de l’agresseur : de la domination à l’état le plus pur.

Parce qu’elle reproduit des rapports violents de domination-soumission (processus de violence), l’excitation traumatique est au cœur des répétitions des violences. Elle est la véritable cause de la boucle sans fin des violences sociétales, puisque tant qu’il n’y a pas eu de travail de décolonisation, l’excitation traumatique va pousser la victime vers l’une ou l’autre des postures des processus de violence : dominer autrui par la violence (agresseur) ou être dominée par la violence d’autrui (victime).

L’excitation traumatique résulte de n’importe quelles violences

L’excitation traumatique peut être consécutive à n’importe quelles violences, donc pas uniquement à des violences sexuelles. Elle peut être présente, par exemple, chez des personnes ayant subi de la VEO (violence éducative ordinaire) ou de la maltraitance dans l’enfance, ce qui entre dans le cadre des traumas complexes.

Voici un exemple récent d’un homme accusé de violences alors qu’il avait lui-même été victime de maltraitances dans l’enfance : « Le prévenu “dit être frappé et persécuté depuis qu’il est enfant. « Pour exemple, quand il était petit, son père roulait en voiture et il le forçait à courir derrière », indique l’avocat en s’appuyant sur le témoignage de la grand-mère.” » (Stop à la VEO !, 2019)

La VEO (violence éducative ordinaire) a des conséquences particulièrement graves puisqu’elle colonise les enfants dès leur plus jeune âge : « un enfant exposé régulièrement à des violences (fessées, gifle, tape, hurlements, humiliation, isolement…) va être colonisé par sa mémoire traumatique (…) » (Apprendre à éduquer, 2018). « Une personne colonisée par une mémoire traumatique parce qu’elle a été victime dans le passé de violence (physique et/ou émotionnelle) peut donc se montrer violente parce que l’anesthésie émotionnelle procurée par ces violences lui est utile pour éteindre des angoisses profondes provenant de son passé.(…). L’absence de compassion éprouvée envers la victime liée à l’anesthésie émotionnelle des agresseurs combinée à la tolérance de la société envers les violences dites “ordinaires” (claques, fessées, humiliations verbales, tirage d’oreilles ou de cheveux…) font le lit des violences sociétales, dans un cercle vicieux qui s’auto alimente. » (Apprendre à éduquer, 2017)

L’excitation traumatique peut également être consécutive à un événement traumatique où il n’y a pas d’agresseur (trauma simple), tel un accident de la route, un incendie, la mort d’un-e proche, etc. Dans ce cas, la victime est colonisée par l’événement lui-même. Comme il n’y a pas d’agresseur, l’excitation traumatique ne va pas pousser vers des actes de domination, mais va plutôt être dirigée vers des actes pour garantir de ne plus être soumis-e à un événements traumatique ou vers des actes pour en recréer, par exemple allumer des incendies (pyromanie).

Mais dans tous les cas, l’excitation traumatique n’appartient jamais à la victime. Elle est le résultat de la colonisation par une situation violente (avec agresseur ou événement traumatique).

Le processus de violence (ou de domination)

En posture d’agresseur ou de victime, l’excitation traumatique conduira le plus souvent la victime à reproduire les violences subies. Ainsi, lorsque l’excitation traumatique se manifeste dans la sphère sexuelle, c’est bien souvent le résultat de violences sexuelles. Mais pas uniquement. En effet, comme elle est une simple inoculation de l’excitation de l’agresseur qui est entrée comme un virus à l’intérieur de la victime, l’excitation traumatique va également pousser à des actes de domination de toutes sortes, de la même façon que l’agresseur. Par conséquent, elle pourra très bien pousser à violenter sexuellement ou à être violenté-e sexuellement, même si les violences subies ont été autres. D’autant que les agresseurs ont une prédilection particulière pour les violences sexuelles et ceci pour une raison bien précise : les violences sexuelles sont celles qui font le plus effraction chez la victime et donc celles où l’agresseur domine le plus fortement sa victime. Et c’est exactement ce qu’il recherche.

C’est pourquoi, dans les processus de violence, les violences sexuelles sont l’étape ultime de la chaîne des violences, l’étape au cours de laquelle l’agresseur jouit le plus de sa toute-puissance. Très souvent, l’agresseur commence par des violences psychologiques, puis il enchaîne avec des violences physiques avant de passer en dernier lieu aux violences sexuelles. Cette progression des violences se retrouve quasiment toujours dans les violences conjugales, les violences familiales et la pédocriminalité.

Et tout au long de ce processus de violence qui vise exclusivement la domination, l’agresseur s’arroge un droit de vie et de mort sur sa victime (la dominée) si elle n’obéit pas ou si elle veut quitter l’agresseur (le dominant). Ainsi, l’agresseur fait planer en permanence sur la tête des victimes des menaces de représailles mortelles. D’autre part, dans les processus de violence, même si elle n’est parfois que peu perceptible au premier abord, la violence physique est quasiment toujours présente, par exemple avec des menaces de coups, des gestes brusques (taper sur la table ou sur des objets, etc.), des menaces de mort (meurtre, suicide, etc.). Cette violence physique omniprésente passe le message très clair aux victimes qu’elles risquent à chaque instant d’être tuées par l’agresseur. Et c’est précisément ce qui arrive puisqu’on dénombre chaque année de très nombreuses femmes tuées par des hommes dans le cadre de violences (féminicides) et notamment de violences conjugales (féminicides conjugaux).

Pour les violences conjugales qui sont une conséquence directe de la culture patriarcale, le processus de violence ne se termine absolument pas à la séparation. Il s’aggrave au contraire dès que l’idée de la séparation émerge chez la femme victime. C’est même à ce moment-là que la plupart des féminicides conjugaux se produisent. Et même s’il ne tue pas sa victime lors de la séparation, l’agresseur ne lâchera pas son droit de vie et de mort sur elle, sachant qu’il considère que cette femme est sa propriété, et ceci à vie. Ces violences patriarcales se poursuivent donc post-séparation (Kuhni, 2014b), surtout lorsqu’il y a des enfants que l’agresseur va instrumentaliser pour continuer à violenter la mère, allant parfois jusqu’à tuer la mère (féminicide) et/ou les enfants (infanticides) pour marquer son droit de propriété sur elle-eux.

Pour représenter le processus de violence, on peut inscrire chacune des trois formes de violences (psychologiques, physiques et sexuelles) sur une ligne, avec un curseur qui se déplace pour indiquer où l’on se trouve dans cette progression en 3 phases et dans ce cumul des violences.

Avec cette représentation du processus de violence, on peut voir que les violences psychologiques sont les premières à se mettre en place (phase 1). Les violences physiques démarrent lorsque les violences psychologiques sont déjà installées et qu’elles se poursuivent, ce qui signifie qu’il y a alors cumul des deux formes de violence (phase 2). Au bout de la chaîne des violences, on trouve les violences sexuelles qui sont un cumul de violences psychologiques (contrainte, grooming, etc.), physiques (menaces, coups, etc.) et sexuelles (phase 3). Les violences sexuelles sont également des violences physiques, sauf qu’elles atteignent la partie la plus intime du corps de la victime et sont donc celles qui font le plus effraction chez les victimes, ce qui en fait des violences très spécifiques. Enfin, tout au long de ce processus de violence, l’agresseur fait planer en permanence la mort sur la tête de ses victimes.

L’excitation traumatique et les pratiques sexuelles

Comme l’excitation traumatique va souvent se diriger vers la sphère sexuelle où le processus de violence (ou domination) est le plus extrême, la colonisation par l’agresseur peut très bien produire des fantasmes sexuels et des paraphilies (pratiques sexuelles hors norme). Cela peut être le cas, par exemple, lorsque les violences ont été perpétrées dans l’enfance.

La colonisation sociétale causée par les violences machistes systémiques (Kuhni, 2018a) de nos sociétés patriarcales a également des effets considérables sur les comportements humains. Nous l’avons vu avec le Syndrome de Stockholm sociétal qui pousse les femmes à aimer et défendre leurs agresseurs sociétaux (voir plus haut dans l’article). Ainsi, l’on ne peut écarter l’hypothèse que les fantasmes et les paraphilies que l’on retrouve très fréquemment dans nos sociétés aient pour origine une excitation traumatique, cette fois-ci sociétale, en raison du contexte patriarcal (voir plus loin dans l’article la question de l’excitation traumatique sociétale). Ces fantasmes et paraphilies pourraient être appelés méta-fantasmes et méta-paraphilies. En effet, le préfixe méta signifie « qui appartient à un niveau supérieur ». Il vient du grec « méta » qui signifie au-delà, après. On pourrait aussi parler de fantasmes archétypaux ou de paraphilies archétypales.

Parmi ces méta-fantasmes et méta-paraphilies possiblement fondés sur une excitation traumatique sociétale, on trouve les très classiques fantasmes de viols et le BDSM (bondage, contrôle du partenaire au moyen de règles, punitions en cas de désobéissance, domination-soumission, sadisme-masochisme). Dans le fétichisme (une paraphilie), on trouve couramment des mises en scène de viols de femmes dans des tenues de bonnes sœurs, d’infirmières, de femmes de chambre, de petits chaperons rouges (scénario avec climat pédophile), de mères Noël, de lapines (fêtes de Pâques), etc. Ces exemples de fétichisme peuvent parfaitement être reliés à des milieux et des situations où surviennent souvent des violences sexuelles (église catholique, milieu médical, famille, fêtes, etc.). Les fêtes sont très fréquemment des moments où les femmes et les enfants subissent des violences (sexuelles ou autres). En effet, l’une des caractéristiques des hommes violents est de faire de très graves passages à l’acte à ces moments-là, afin de détruire les événements joyeux et festifs. Ces passages à l’acte font partie des violences machistes systémiques (Kuhni, 2018a). Ils engendrent bien évidemment une colonisation par l’agresseur ainsi qu’une colonisation sociétale. Ainsi, il n’est pas impossible qu’en raison d’une excitation traumatique sociétale des stéréotypes festifs soient devenus des fantasmes sexuels et des paraphilies (fétichisme de femmes habillées en mères Noël ou en lapines, par exemple).

Les paraphilies

Une paraphilie (du grec para « à côté de » et philia « amitié, amour ») est une pratique ou attirance sexuelle qui diffère des actes hétérosexuels, homosexuels ou bisexuels classiques. Jusqu’en 1980, les paraphilies étaient considérées par la psychiatrie comme des déviances sexuelles et étaient communément nommées perversions. Toutefois, ces appellations étant péjoratives, elles ont été remplacées par le terme paraphilie dans le DSM-III (1980). La grande majorité des paraphilies ne sont pas considérées comme des troubles mentaux. Le DSM-5 (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) recense uniquement 8 troubles paraphiliques : le voyeurisme, l’exhibitionnisme, le frotteurisme, le masochisme sexuel, le sadisme sexuel, la pédophilie, le fétichisme et le transvestisme (American Psychiatric Association, 2015, pp. 807-831).

Source : Le fétichisme sexuel

Les paraphilies sont de deux types : les paraphilies délinquantes (pédophilie, zoophilie, nécrophilie, etc.) et les paraphilies non délinquantes (fétichisme, gérontophilie, masochisme, urolagnie, salirophilie, etc.). Cette classification entre paraphilies délinquantes ou non délinquantes diffère en fonction des lois de chaque pays.

Il existe une multitude de paraphilies, sachant qu’elles sont aussi infinies que l’est l’excitation sexuelle. Dans son ouvrage Forensic and Medico-legal Aspects of Sexual Crimes and Unusual Sexual Practices (2009), Anil Aggrawal, un professeur en médecine forensique de New Delhi (Inde) avait répertorié 547 paraphilies. Sa conclusion était que :

« not all these paraphilias have been seen in clinical setups. (…) Like allergies, sexual arousal may occur from anything under the sun, including the sun (Aggrawal, 2009, p.369). » (Markovic, 2017, p. 72)

(« toutes ces paraphilies n’ont pas été observées dans le domaine de la clinique. (…) Comme les allergies, l’excitation sexuelle peut résulter de tout ce qui est sous le soleil, y compris le soleil »)

La pédocriminalité éclaire bien la question des paraphilies consécutives à la colonisation par l’excitation de l’agresseur. En effet, la plupart des pédocriminels ont été eux-mêmes victimes d’actes pédocriminels dans l’enfance. Donc la grande majorité des pédocriminels le sont parce qu’ils sont colonisés par l’agresseur. Cela n’excuse en rien leurs crimes. Cette constatation doit en revanche servir à tout mettre en œuvre pour stopper cette répétition sans fin des violences.

Muriel Salmona : « (…) la violence reste toujours un choix, “une facilité dont l’agresseur est entièrement responsable”. » (Apprendre à éduquer, 2017)

Il arrive que des pédocriminels (paraphilie délinquante) soient aussi zoophiles (autre paraphilie délinquante). Cette paraphilie additionnelle peut être considérée comme une transformation de la scène traumatique (voir plus loin), puisque dans ce cas il y a également une victime d’une très grande vulnérabilité sur laquelle l’agresseur a un pouvoir absolu (un animal), donc une victime qu’il va pouvoir mettre sous emprise et soumettre avec une grande facilité.

Le suffixe philie (du grec philia « amitié, amour ») contenu dans le mot paraphilie prête fortement à confusion, puisque les paraphilies sont des pratiques purement sexuelles qui n’ont rien à voir avec l’amitié ou l’amour. Le suffixe philie est particulièrement choquant pour les paraphilies délinquantes telle la pédophilie (du grec paidos « enfant » et philia « amitié, amour ») qui donne étymologiquement « amitié ou amour pour les enfants » (sic).

Or les actes sexuels perpétrés par des adultes sur des enfants sont des crimes, des actes de tortures. Ils n’ont rien de bienveillant, ni d’amical. Par conséquent, pour nommer correctement ces crimes, il est préférable d’utiliser les mots pédocrimininali et pédocriminel en lieu et place de pédophilie et pédophile. Ceci est d’autant plus important que les pédocriminels tentent régulièrement de légaliser la « pédophilie » en essayant de la faire reconnaître comme une orientation sexuelle au même titre que l’hétérosexualité, l’homosexualité et la bisexualité.

Les fantasmes traumatiques

Lorsqu’une personne est colonisée par un agresseur, l’excitation traumatique va parfois produire des fantasmes sexuels. Dans ce cas, on pourra parler de fantasmes traumatiques. Même si ce n’est pas systématique, les fantasmes traumatiques reproduisent souvent la scène traumatique. Par exemple, le cas clinique d’une femme violée dès l’âge de 3 ans qui ne pouvait être excitée sexuellement que si elle s’imaginait être une toute petite fille et qu’elle voyait son partenaire sexuel comme un géant avec un énorme pénis. Ou le cas clinique d’un homme violé à 5 ans qui ne pouvait être excité sexuellement que s’il imaginait contraindre de très jeunes garçons à lui faire des fellations.

Parfois, il peut se produire une transformation de la scène traumatique. Dans ce cas, les fantasmes traumatiques changent, se transforment et ne sont souvent plus à l’image des violences sexuelles subies, mais le climat de torture, de terreur et d’effroi reste le même. Et c’est en remontant l’une après l’autre les scènes fantasmées, de façon chronologique, des plus récentes au plus anciennes, que l’on retrouve parfois la scène traumatique d’origine.

D’autre part, il est fréquent que les personnes colonisées par l’agresseur soient très excitées par les scènes les plus insoutenables, par exemple celles des films pornographiques. Il peut même arriver qu’activer des scènes de barbarie dans leurs fantasmes soit l’unique moyen pour elles d’être excitées sexuellement. Sans ces fantasmes de torture, elles n’ont absolument aucun désir sexuel, sachant que tant qu’elles sont colonisées, leur seule excitation est celle de l’agresseur.

Voici un cas clinique d’une colonisation par l’agresseur ayant produit des fantasmes sexuels avec une transformation progressive de la scène traumatique :

– cette femme a commencé dès l’adolescence à se masturber violemment en pensant que son père la pénétrait. Ce fantasme dont elle avait absolument besoin pour s’exciter sexuellement lui donnait l’impression d’être un monstre de perversité : comment pouvait-elle être excitée par une telle scène ? Peu à peu, les fantasmes avec son père se sont estompés pour être remplacés par des fantasmes encore plus effrayants où elle subissait des actes de barbarie et une mise à mort. Dans ses fantasmes, elle prenait souvent la place de l’agresseur pour ressentir son excitation lorsqu’il la torturait. Sentir l’excitation phénoménale de l’agresseur était ce qui l’excitait le plus. Elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait : ces fantasmes d’être torturée, tuée, découpée en morceaux étaient d’une telle violence envers elle, comment pouvait-elle être aussi fortement excitée par ces horreurs ? Puis un jour où elle se trouvait avec un partenaire sexuel qui ressemblait de façon étonnante à son père et qu’elle enclenchait ses fantasmes habituels de barbarie pour s’exciter sexuellement, l’amnésie traumatique (Kuhni, 2017c) a commencé à se déchirer, laissant apparaître des fragments des scènes où son père la violait. Les jours qui ont suivi tout lui est revenu : les viols de son père, sa façon de fermer doucement la porte de la chambre où elle dormait pour ne pas réveiller la belle-mère (son père avait obtenu la garde des enfants peu de temps après sa naissance), etc. Elle s’est alors souvenue que son père la faisait souvent dormir sur un lit qu’il avait installé dans son bureau parce qu’il lui disait qu’elle était sa préférée. Et certaines nuits, il quittait la chambre de sa nouvelle femme pour venir violer sa fille. A l’âge de 8 ans, son père est décédé, sa mort mettant ainsi fin à ces viols répétés. Après un travail en psychothérapie, à son grand soulagement, ces fantasmes violents ont disparu, laissant la place à une sexualité où elle était enfin pleinement présente à son corps, à ses émotions, à ses ressentis, à ses désirs. Elle n’était enfin plus colonisée par son agresseur.

Les paraphilies traumatiques

Lorsque la paraphilie est figée, exclusive et que la personne ne peut ressentir une excitation sexuelle que par ce moyen, il est possible qu’il s’agisse d’une paraphilie liée à un trauma et donc fondée sur une excitation traumatique. Dans ce cas, on pourra parler de paraphilie traumatique.

Certaines formes de fétichisme peuvent faire penser à une colonisation par un agresseur ou par un événement traumatique. Voici quelques exemples que l’on rencontre fréquemment :

– une personne qui ne peut être excitée sexuellement que si elle met des perfusions à quelqu’un ou si on lui met des perfusions (peut faire penser à un ou des traumas dans le cadre hospitalier) ; 

– une personne qui ne peut être excitée sexuellement que si elle est fouettée et soumise ou si on la fouette et on la soumet (peut faire penser à un ou des traumas dans le cadre de VEO, par exemple) ;

– une personne qui ne peut être excitée sexuellement que si sa/son partenaire lui met des couches de bébé ou si elle met des couches de bébé à sa/son partenaire (peut faire penser à un ou des traumas en tant que bébé).

Une paraphilie traumatique peut parfois être la reproduction exacte de la scène traumatique et d’autres fois une mutation de cette scène en d’autres formes qui en reproduisent néanmoins fidèlement les aspects qui ont le plus traumatisé la victime (viol, contrainte, domination-soumission, yeux et excitation de l’agresseur, autres détails de la scène, etc.).

Voici un cas clinique d’une colonisation par l’agresseur ayant produit deux paraphilies (voyeurisme et fétichisme) :

– cet homme avait été violé à l’âge de 9 ans par un homme qu’il ne connaissait pas. Alors qu’il était seul en train de jouer au ballon dans un parc public, son agresseur l’avait attiré derrière un bosquet et contraint à lui faire une fellation. Ce viol l’avait terrorisé au plus haut point et, depuis, une image très nette restait gravée dans sa mémoire : le bracelet-chaîne en or que l’agresseur portait au poignet. Une fois adulte, cet homme est devenu voyeur et fétichiste. Plusieurs fois par semaine, à la tombée de la nuit, il hantait les parcs publics à la recherche de couples flirtant sur l’herbe ou sur un banc. Lorsqu’il en repérait un, il se cachait le mieux qu’il pouvait derrière un bosquet ou derrière un arbre et il se masturbait. Selon l’usage de beaucoup de voyeurs, il avait pris soin de trouer les poches de ses pantalons, afin que sa masturbation soit invisible. Pendant qu’il se masturbait, il se voyait attraper la femme, l’attirer derrière le bosquet et la contraindre à lui faire une fellation. Ce fantasme l’excitait au plus haut point. Son excitation atteignait son paroxysme lorsqu’il imaginait voir la terreur dans les yeux de sa victime. Depuis qu’il s’était mis à pratiquer ces paraphilies, il portait de façon continuelle, même pendant son sommeil, un collier-chaîne en or autour de son cou (identification à l’agresseur). Peu à peu, ses sorties nocturnes dans les parcs sont devenues tant obsessionnelles qu’elles l’envahissaient jour et nuit. Il ne dormait plus, ne mangeait plus et avait très peur de passer à l’acte pour réaliser ses fantasmes de viol. C’est ce qui l’a poussé à entreprendre une thérapie. Cet homme aurait de toute évidence pu devenir très dangereux, mais fort heureusement, il a fait le choix de ne pas basculer dans la violence. Sinon, s’il était passé à l’acte pour ses fantasmes de viols, il aurait été difficile d’arrêter le processus de violence. En effet, une fois que les agresseurs ont goûté à cette toute-puissance, à cette domination la plus totale que leur apporte la violence, ils s’arrêtent rarement et ne font même qu’instrumentaliser les thérapies s’ils ont une obligation de soin. La paraphilie traumatique de cet homme montre bien la transformation de la scène traumatique. Le viol lui-même, soit ce qu’il y a eu de plus traumatisant, s’est transformé en posture d’agresseur sous une forme différente (voyeurisme et fétichisme). Deux éléments de la scène traumatique sont resté tels quels : le parc public et l’inconnu (il est un inconnu pour les couples). Un autre élément de la scène traumatique a pris une forme légèrement différente : le collier-chaîne en or au cou a remplacé le bracelet-chaîne en or au poignet.

Voici un cas clinique d’une colonisation par un événement traumatique (donc sans agresseur) ayant produit une paraphilie (fétichisme) :

– cet homme n’était excité sexuellement que si sa partenaire était vêtue d’une tenue d’infirmière, avec une seringue à la main et qu’elle lui disait doucement « Ne t’inquiète pas, tu vas t’endormir, tu ne sentiras rien. ». Cet homme disait avoir été traumatisé lorsqu’il était enfant à cause d’une opération chirurgicale qu’il avait subie à l’âge de 5 ans. Il se souvenait qu’avant l’opération, une infirmière était venue auprès de lui pour l’anesthésier. Elle tenait une seringue à la main et lui avait dit ces mots pour le rassurer. Cependant, les paroles de l’infirmière avaient déclenché chez lui l’idée terrorisante qu’il pourrait ne jamais se réveiller, tout comme le chien de la famille qui avait été « endormi » peu de temps auparavant parce qu’il était très malade. Cet homme avait évidemment beaucoup de difficultés à trouver des partenaires qui acceptaient de réaliser ce scénario fétichiste qui était indispensable à son excitation sexuelle. A cause de cela, toutes ses nouvelles partenaires fuyaient très vite, si bien qu’il souffrait aussi de n’avoir jamais une relation amoureuse sur la durée. Mais la simple idée de pouvoir réaliser ce scénario lui apportait un extraordinaire sentiment de paix, car il reprenait le contrôle de l’événement traumatique : cette fois-ci, c’est lui qui dominait et l’infirmière était à ses ordres. Depuis son enfance, il revoyait souvent très distinctement la scène traumatique dans sa tête, sans toutefois pouvoir accéder à ses émotions, à ses sensations. Il visualisait la scène comme s’il s’agissait de quelqu’un d’autre. Il pouvait en parler avec légèreté, en rire, s’en moquer, plaisanter, mais il restait dissocié, déconnecté et ne sentait rien. Pendant la thérapie, il a revécu l’effroi ressenti lorsque cette infirmière s’est approchée de lui pour « l’endormir ». Pour la première fois, il a pu recontacter ses émotions, ses sensations, son état de petit garçon terrorisé par la peur de ne jamais se réveiller de cette anesthésie, de cette opération chirurgicale. Quelques temps plus tard, son scénario fétichiste ne l’a plus excité. Cependant, après la décolonisation, il lui a encore fallu du temps pour qu’il découvre enfin ses propres désirs. Il avait été tant colonisé par l’événement traumatique qu’il ne connaissait même pas son orientation sexuelle, il ne savait pas s’il était hétérosexuel, homosexuel, bisexuel, etc. En plus de la thérapie, il s’est mis à lire un grand nombre d’ouvrages sur la sexualité et d’ouvrages érotiques. Finalement, il a découvert son orientation sexuelle et pu expérimenter une sexualité pleinement désirée et choisie.

L’excitation traumatique, difficile à traiter mais précieuse alliée de la thérapie

L’excitation traumatique est parfois ce qu’il y a de plus difficile à traiter et, si c’est le cas, ne disparaîtra peut-être jamais complètement, surtout si les violences ont commencé très tôt, dès l’enfance. Cet impact psychique si puissant pourrait-il venir du fait que c’est souvent l’excitation de l’agresseur qui a le plus terrorisé les victimes, notamment les très jeunes enfants victimes ? Difficile de le savoir, mais on ne peut écarter cette hypothèse sachant que l’excitation traumatique est une colonisation par l’excitation de l’agresseur. D’autant que l’excitation traumatique est aussi ce qui pose le plus de problèmes par la suite, surtout pour les très jeunes victimes, puisque c’est elle qui est au cœur des répétitions des violences.

Toutefois, si l’on sait la traiter, l’excitation traumatique est aussi une précieuse alliée pour la thérapie, car elle est la clé pour en savoir un peu plus sur ce qui s’est passé, parfois même pour remonter jusqu’à la scène traumatique quand les souvenirs ne le permettent pas. L’absence de souvenirs peut provenir d’une amnésie traumatique (Kuhni, 2017c), ce qui se produit fréquemment pour les enfants victimes.

« Et plus l’enfant est petit, moins il a d’outils intellectuels pour identifier et comprendre ce qu’il subit par manque de discernement, d’expériences et de maturité, plus il sera gravement traumatisé et sera sidéré et dissocié pendant les violences et donc dans l’incapacité de se défendre et de dénoncer les violences subies en raison de l’intensité du traumatisme et de la fréquence d’amnésies traumatiques : 40% d’amnésies totales, 60% d’amnésies partielles (Brière, 19, Williams, 1994 ; Widom, 1996 ; IVSEA, 2015). » (Salmona, 2018)

Ne pas avoir accès aux souvenirs peut aussi être la conséquence de l’emprise d’un agresseur (sa colonisation) qui consiste à tout inverser, à créer une confusion totale et à faire croire à la victime qu’elle est responsable de tout. Donc il peut arriver qu’à cause de l’emprise la victime ne perçoive plus les violences. Dans ce cas-là, elle pensera souvent que son agresseur est formidable et que c’est elle qui est violente. Il faudra souvent un long travail psychothérapeutique jusqu’à ce que la victime arrive à changer de grille de lecture pour percevoir enfin les violences subies, ce qui lui permettra peu à peu d’amener à sa conscience les souvenirs des violences passées.

Dans un cas comme dans l’autre, même s’il n’y a aucun souvenir des violences (amnésie traumatique ou emprise amnésiante), l’excitation traumatique sera un précieux outil thérapeutique, car elle est l’indice que quelque chose s’est produit dans le registre des violences. Et c’est en investiguant ce qui excite que l’on peut découvrir ce qui s’est passé, sachant qu’il y a même la probabilité que l’on ait été victime de ce qui crée l’excitation.

Le but n’est pas de savoir ce qui s’est passé puisqu’on ne le saura souvent jamais tout à fait. Le but est de décoloniser la mémoire traumatique pour permettre à la personne de vivre mieux. Et pour décoloniser, il faut disposer d’un minimum d’informations, de perceptions, d’émotions, de ressentis, de sensations et de pose de sens sur les violences vécues. Donc l’excitation traumatique peut être la clé pour arriver à décoloniser la mémoire traumatique, lorsqu’il ne reste à la victime plus rien d’autre que cette excitation. Cette situation est fréquente et, dans ce cas, les personnes en souffrent beaucoup, parce qu’elles ne comprennent pas ce qui leur arrive.

L’excitation traumatique doit absolument être traitée pour éviter les répétitions

Quoi qu’il en soit, avec ou sans souvenirs, quand l’excitation traumatique est là, il faut impérativement la traiter pour stopper la boucle des répétitions. La première étape consiste à savoir si l’on est ou non aux prises avec une excitation traumatique. Ce repérage est simple puisque l’excitation traumatique pousse toujours vers des processus de violence (violences psychologiques, physiques ou sexuelles) en tant que victime ou agresseur. Ainsi, lorsqu’une personne est poussée de façon répétée vers des situations réelles ou imaginaires où elle est violentée par autrui ou des situations réelles ou imaginaires où elle fait violence à autrui, il y a une forte probabilité pour qu’elle soit aux prises avec une excitation traumatique. Par conséquent, l’excitation traumatique permet de savoir qu’il s’est passé quelque chose, même si l’on ne sait pas quoi. Et dans ce cas, c’est en traitant l’excitation traumatique que l’on peut avoir une idée de ce qui s’est passé, parfois sans avoir jamais de certitudes, sauf s’il existe des preuves. La personne ne se souviendra peut-être jamais de ce qui s’est réellement passé, mais l’excitation pour des actes violents est un signe qu’elle doit faire un travail de décolonisation à partir de cette excitation (souvent, seul élément concret qui lui reste), même si elle ne sait pas qui est l’agresseur ni quels sont les faits précis.

Au cours du travail psychothérapeutique, en investiguant l’excitation traumatique, on découvre souvent dans l’enfance de la personne des contextes familiaux de haute toxicité en raison de violence conjugale qui comporte au minimum de la violence psychologique avec, par exemple : des inversions, des doubles contraintes (double bind ou ordres contradictoires auxquels il faut absolument obéir sous peine de sanctions), des limites peu claires, des confusions générationnelles, des secrets de familles, de l’incestuel, etc. A cela s’ajoutent parfois de la VEO (violence éducative ordinaire), de l’inceste, de la pédocriminalité, etc. En ce qui concerne les confusions générationnelles, on trouve par exemple : une fillette placée dans la position de petite femme de son père ; un garçon placé en position de meilleur copain de sa mère ; des rôles parents-enfants peu clairs (enfants responsables de tout, parents responsables de rien, etc.). Lorsque la personne est intéressée par un travail psychothérapeutique féministe, ces violences seront bien sûr examinées sous l’angle des violences machistes systémiques (Kuhni, 2018a).

Pour traiter l’excitation traumatique, il faut investiguer et investiguer encore ce qui excite, le prendre sous tous ses aspects, le questionner, activer sa curiosité, aller dans les moindres détails, accéder à tout le champ des perceptions, émotions, ressentis et sensations jusqu’à ce que l’excitation traumatique diminue, ce qui indique que la mémoire traumatique se décolonise. Parfois, l’objet visé par l’excitation traumatique (ce qui excite) permet peu à peu de remonter jusqu’à la scène traumatique d’origine. Une grande partie de ce travail se fait en développant l’awareness qui est la conscience immédiate de ce qui se passe en étant en plein contact avec soi et son environnement. Le développement de son awareness permet à la personne de sortir peu à peu de la dissociation, ce qui va lui permettre de ressentir pleinement que les actes excitants sont en réalité des actes effrayants et de décider qu’elle refuse désormais d’être violenté-e ou de violenter autrui. Ce travail va donc aider la personne à faire appel à sa fonction décisionnelle, à sa capacité de décider pour elle-même, afin qu’elle puisse refuser d’obéir à cet élan qui la pousse vers des actes de soumission ou de domination (processus de violence). Il faut savoir que beaucoup de victimes ont une fonction décisionnelle atrophiée voire inexistante en raison d’années d’emprise (pour les traumas complexes) et de peur des représailles. Donc elles sont incapables de décider par elles-mêmes. A l’idée de décider, elles ressentent même souvent de la terreur.

En investiguant l’excitation traumatique, on découvre aussi souvent une chaîne transgénérationnelle de violences, avec des colonisations transgénérationnelles qui se reportent d’une génération à l’autre, en s’amplifiant souvent de génération en génération. Pour traiter cette colonisation transgénérationnelle, il faut rassembler tout ce dont la personne peut se souvenir, tout ce qui lui a été rapporté et tous les éléments sur lesquels elle peut mettre du sens. Comme pour les violences perpétrées directement sur la victime, il n’est pas indispensable de savoir exactement ce qui s’est passé. Ce qui importe, c’est d’avoir des clés de décryptage pour ressentir et comprendre au maximum de ce qu’il est possible, ceci en explorant à fond tous les matériaux à disposition, dans les moindres détails, pour en retirer toute la substance tant sur le plan des perceptions, des émotions, des ressentis, des sensations que de la pose de sens.

En conclusion, le travail de décolonisation de la mémoire traumatique permet de diminuer progressivement l’excitation traumatique et d’être capable de la gérer. Ainsi, même s’il en reste des traces résiduelles, la personne sera capable d’y résister, de dire non, parce que cette excitation pour des processus de violence n’a plus la même intensité et que la personne sait parfaitement qu’elle ne lui appartient pas, mais qu’elle est celle de l’agresseur. Même si ce n’est pas facile, elle aura alors la capacité de résister à l’excitation traumatique et ne sera plus télécommandée ou pilotée par ce qui lui a été inoculé par autrui et qui ne correspond en rien à ce qu’elle souhaite.

Les répétitions

Dans les médias, en entendant parler de différentes affaires, vous avez sans doute remarqué que beaucoup d’agresseurs sont d’anciennes victimes. Et ceux-ci vont souvent faire de nombreuses nouvelles victimes. C’est la raison pour laquelle les violences se propagent de façon exponentielle, à la manière d’une épidémie. Pour stopper cette spirale infernale, il faut impérativement mettre fin à ces violences systémiques, notamment en dépistant les victimes le plus rapidement possible et en les soignant le plus tôt possible, afin de décoloniser les victimes.

L’excitation traumatique est la grande cause de ces répétitions sans fin. C’est elle qui pousse les victimes vers d’autres agresseurs ou qui les pousse à violenter à leur tour, avec pour conséquence d’alimenter la boucle implacable des violences, et ceci à tous les niveaux de la société (conjugal, familial, sociétal, etc.).

On peut donc dire que ce qu’il y a de plus problématique avec la colonisation par l’agresseur, c’est l’excitation traumatique puisque c’est elle qui est responsable des répétitions en maintenant les victimes dans un état de victimes ou en créant de futurs agresseurs. Le fait que les répétitions soient majoritairement d’un genre ou de l’autre est la conséquence du contexte social de domination masculine. En effet, notre société patriarcale conditionne dès l’enfance les hommes à être violents envers les femmes et les enfants, plaçant ainsi les garçons et les hommes en position de dominants et les filles et les femmes en position de dominées. Par conséquent, lorsque ce sont des hommes qui ont été victimes dans leur enfance, la colonisation par l’agresseur va souvent conduire les hommes à devenir des agresseurs lorsqu’ils seront aux prises avec l’excitation traumatique. En revanche, lorsque les femmes ressentiront l’excitation de l’agresseur qui les a colonisées, elles continueront la plupart du temps à être des victimes.

Dans un tel contexte, avec des rôles sociétaux aussi stéréotypés, qu’ils soient colonisés ou non colonisés, les dominants sauront parfaitement reconnaître les dominées colonisées. L’hypersexualisation, par exemple, est un moyen infaillible pour les agresseurs de repérer une fille ou une femme colonisée, soit de repérer une proie facile déjà formatée à être victime. A ce sujet, il est fondamental de préciser que ce n’est pas à cause de leur tenue que les femmes et les filles sont violées, sinon ce serait parler en terme de culture du viol. En effet, les prédateurs se fichent éperdument des vêtements que portent leurs victimes. En revanche, lorsqu’elles sont hypersexualisées, les femmes et les filles montrent sans en avoir conscience aux prédateurs qu’elles sont colonisées, soit par une colonisation par agresseur(s), soit par une colonisation sociétale, soit les deux à la fois (le plus fréquent). Autrement dit, avec l’hypersexualisation, les prédateurs repèrent instantanément que ces femmes et ces filles sont aux prises avec une excitation traumatique causée par une colonisation par des agresseurs et/ou par une colonisation sociétale.

Comment stopper les répétitions

Pour stopper ce cercle infernal des violences machistes envers les femmes et les enfants, il faut au minimum intervenir à 3 niveaux :

1) mettre fin à l’impunité judiciaire des agresseurs de femmes et d’enfants en sanctionnant réellement ces agresseurs ;

2) mettre fin à l’excitation traumatique des victimes en les soignant pour éviter qu’elles ne reproduisent les violences en tant que victime ou agresseur ;

3) faire de la prévention sous forme d’une éducation contre les violences dès le plus jeune âge et tout au long de la vie.

La première étape pour lutter contre ces violences est de lutter contre l’impunité des agresseurs, afin de les condamner et de les amener à prendre la responsabilité de leur actes. Malheureusement, dans nos sociétés patriarcales qui s’appuient sur les violences machistes systémiques (Kuhni, 2018a), l’impunité des hommes violents (l’immense majorité des agresseurs) est quasi totale. C’est le cas notamment pour les pédocriminels et les prédateurs conjugaux qui sont souvent une seule et même personne, sachant que pédocriminalité et violence conjugale vont souvent de pair. Cette impunité organisée par nos sociétés patriarcales repose sur deux stratégies : soit les prétendues « fausses allégations » (les victimes mentiraient), soit des condamnations ridicules (sursis, par exemple) voire la relaxe.

A propos de la dangerosité des agresseurs ayant vécu des violences dans l’enfance, voici l’exemple très inhabituel d’un meurtrier qui a demandé à être emprisonné à vie. Ce cas de figure est très rare, puisque la plupart des agresseurs ne reconnaissent jamais leur dangerosité. Il s’agit d’un homme de 48 ans qui avait assassiné un autre homme. Pendant son enfance, ce meurtrier a été victime de graves maltraitances et de viols commis par son beau-père (un quotidien « pire que l’enfer », selon son frère). Lors du procès, cet homme a dit que si la justice le relâchait « ce serait comme dégoupiller une grenade dans la foule » (Le Parisien, 2019).

Les agresseurs jouissent de leur toute-puissance

Le problème avec les agresseurs, c’est qu’ils jouissent psychiquement de leur toute-puissance. Donc pour eux, être colonisés, c’est accéder à un sentiment de toute-puissance qu’ils n’abandonneront pas facilement, surtout après avoir été eux-mêmes victimes.

Comme ils jouissent de la colonisation, les agresseurs n’ont aucune envie de se décoloniser. Ainsi, les obligations de soin ne servent-elles la plupart du temps à rien, puisque les agresseurs mettront en échec la thérapie, le plus souvent en faisant semblant (mensonges, fausses prises de conscience, faux repentirs, victimisation, etc.), ce qu’ils savent parfaitement faire sachant qu’ils sont les maîtres de la manipulation. D’autres fois, s’ils acceptent de suivre une thérapie, c’est souvent pour l’utiliser à leur profit lors de procédures judiciaires pour assurer leur impunité et au minimum obtenir des circonstances atténuantes. Ainsi, en bons agresseurs, ils vont manipuler les thérapeutes pour arriver à leurs fins, de la même façon qu’ils le font avec les victimes. Lorsque les thérapeutes se laissent ainsi manipuler, ils deviennent à leur insu les bras armés de ces agresseurs et participent à la perpétuation des violences systémiques envers les femmes et les enfants (Kuhni, 2018a).

C’est pour cette raison que les psychothérapeutes féministes ne devraient jamais prendre en thérapie des hommes agresseurs, afin de ne pas alimenter ce système de violences. Les seuls hommes que les psychothérapeutes féministes pourraient accepter en thérapie sont ceux qui visent le disempowerment (réduction du pouvoir des hommes dans un but d’égalité femmes-hommes) et il en existe très peu car la domination masculine procure des avantages si énormes aux hommes que la plupart ne la lâcheront pas. Les agresseurs qui jouissent de façon décuplée de la toute-puissance de la domination masculine sont à mille lieues du disempowerment donc ils ne feront que manipuler la thérapie à leur profit, rendant ainsi les thérapeutes complices de leurs crimes, sans que les thérapeutes n’en aient aucune conscience tant ces prédateurs sont les champions de la manipulation et tant ils n’ont aucune intention de « se soigner ». D’ailleurs, la violence n’est pas une maladie, donc elle ne se soigne pas. La violence est le résultat d’un choix, d’un conditionnement sociétal à la violence masculine. Elle n’est en aucun cas une compulsion. Par conséquent, pour les psychothérapeutes féministes, les agresseurs doivent être condamnés et les soins qui leur sont prodigués ne doivent en aucun cas servir à atténuer leur sentence. C’est le seul moyen pour que ces violences cessent, sinon, si l’impunité demeure, les agresseurs sont clairement encouragés à poursuivre leurs violences.

Pour toutes ces raisons, sanctionner fermement les agresseurs est le seul moyen de stopper cette boucle sans fin de colonisations transgénérationnelles. Les pédocriminels intra-familiaux et extra-familiaux devraient par exemple être sanctionnés très sévèrement, car ce sont eux qui ont le plus d’impact sur les répétitions des violences puisqu’ils s’attaquent à de très jeunes enfants. Ces prédateurs commencent souvent à perpétrer leur pédocriminalité dans leur propre famille puis ils continuent à l’extérieur de leur famille, faisant ainsi de très nombreuses victimes pendant toute leur vie. Et les pédocriminels renoncent très rarement à leur criminalité. Le seul moyen de les stopper c’est de les sanctionner très sévèrement en les mettant à l’écart de la société (prison ferme) pour les empêcher de nuire à nouveau en reproduisant souvent jusqu’à leur vieillesse leurs crimes sexuels sur les enfants.

La castration chimique des agresseurs sexuels traitement inhibiteur de la libido au moyen d’hormones, donné par voie orale (une pastille) ou par injections- est un traitement largement insuffisant qui ne garantit pas la fin des violences sexuelles puisqu’elles sont des actes de domination et qu’elles n’ont rien de sexuel. De plus, beaucoup d’agresseurs stoppent leur traitement et il est difficile d’en faire le suivi, surtout lorsque les hormones sont administrées par voie orale (une pastille), un peu moins lorsqu’il s’agit d’injections.

L’excitation des agresseurs s’est répandue tel un virus dans toute la société (excitation traumatique sociétale)

En libérant la parole des femmes, #metoo a dévoilé l’ampleur de la culture du viol et ceci à tous les niveaux de la société. Cette situation résulte notamment de l’excitation des agresseurs qui s’est propagée tel un virus en raison de l’ampleur des violences machistes systémiques (Kuhni, 2018a) qui fondent la domination masculine et qui autorisent les hommes à perpétrer ces violences en toute invisibilité et en toute impunité. Cette propagation sociétale de l’excitation des agresseurs a créé ce que l’on peut nommer l’excitation traumatique sociétale.

Les répercussions de l’excitation traumatique sociétale sur la société sont très visibles et s’aggravent de jour en jour. Les créations ludiques et artistiques, par exemple, ne font que reproduire encore et encore ces mêmes violences puisque les producteurs de jeux vidéos et d’œuvres artistiques savent que ce sont les seuls thèmes qui attirent un large public du fait d’une population excitée et fascinée par ces violences. En ce qui concerne le cinéma, par exemple, l’immense majorité du public ne s’intéresse qu’aux guerres, meurtres, tueries, violences sexuelles, etc.

A cause de cela, la production cinématographique exige même très fréquemment que dans les premières minutes d’un film, il y ait soit un meurtre soit un viol, ceci pour captiver d’entrée les spectateurs (en réalité, pour enclencher leur excitation traumatique). La propagation sociétale de l’excitation de l’agresseur est sans doute aussi la raison de l’engouement croissant du public pour les films d’horreurs et les films pornographiques.

La violence a toujours tenu une place importante dans les œuvres d’art (littérature, théâtre, opéra, cinéma, arts plastiques, etc.) de nos sociétés patriarcales. L’art a donc toujours été très machiste. Toutefois, le phénomène s’est tant amplifié qu’aujourd’hui l’excitation traumatique sociétale a entièrement colonisé l’art. Ainsi, depuis quelques années, nous arrivons à un point culminant, avec des contenus d’une violence inouïe, notamment à l’encontre des femmes (torture, meurtre, pornographie avec actes de barbarie, etc.). Dans leur immense majorité, les jeux vidéo, les films, les chansons, etc. ont des contenus ultra-violents, essentiellement envers les femmes, et cette violence ne fait que croître pour atteindre des niveaux jamais vus auparavant. Ce sont même les seuls sujets qui excitent voire fascinent une large part de la population Ces contenus ne choquent quasiment personne, alors qu’il y a ne serait-ce qu’une vingtaine d’années de telles « œuvres » auraient choqué et auraient même été interdites.

Source :50 shades of grey – trailer

Aujourd’hui, l’excitation traumatique sociétale a même été élevée au rang d’art. Elle est devenue une mode, un must dans nos rapports sociaux. Autrement dit, l’excitation traumatique sociétale a entièrement colonisé nos rapports sociaux Ainsi, les violences sont-elles devenues fun pour les personnes dites « tendance » : aujourd’hui c’est fun d’insulter et de discréditer une personne, c’est fun de menacer de viol ou de mort une femme, c’est fun de frapper ou violer une femme, c’est fun de publier une vidéo de viol sur internet, etc. Autrement dit, cette colonisation sociétale nous fait avoir des rapports sociaux toujours plus violents entre nous en raison d’une excitation traumatique sociétale qui pousse les êtres humains vers des processus de violence (en tant que victime ou agresseur). Ces rapports violents, souvent teintés de violences sexuelles, ne cessent de s’amplifier et sont de plus en plus visibles dans nos sociétés. On le voit particulièrement sur les réseaux sociaux ainsi qu’avec les enfants, les adolescents et les jeunes adultes qui se comportent souvent de façon extrêmement violente entre eux. Comme ces rapports sociaux d’une grande violence sont devenus à la mode, les jeunes s’y précipitent en pensant que c’est exceptionnel, qu’ils sont les meilleurs, qu’ils ont tout compris, etc. Ces rapports violents et surexcités sont particulièrement perceptibles lorsque l’on regarde les productions des Youtubeurs dont les jeunes, même les très jeunes enfants, raffolent et auxquelles ils sont souvent addicts. D’autre part, lorsque des vidéos qui s’adressent à un très jeune public sont envahies par des contenus hyper-sexués (c’est très souvent le cas), il ne s’agit rien moins que d’un grooming sociétal, donc d’un indice d’une excitation traumatique sociétale qui pousse sociétalement vers de la pédocriminalité. Les productions de certains chanteurs, surtout des rappeurs, sont aussi envahies par des propos pornographiques et ultra-violents envers les filles et les femmes. Régulièrement, des parents très préoccupés me rapportent que de très jeunes enfants (filles et garçons) écoutent ces chansons en boucle sur leurs téléphones mobiles, ce qui a pour conséquence d’entretenir sans fin l’excitation traumatique sociétale, autant en posture d’agresseur que de victime. Si l’on transformait ces paroles pornographiques et ultra-violentes pour cibler les garçons et les hommes, puisque l’on répète ces paroles de chanson en boucle, le public serait sans doute choqué, cela n’exciterait personne et provoquerait plutôt un scandale, une révolution et au minimum la nausée. Malheureusement, les filles et les femmes traumatisées sociétalement sont très souvent excitées par ces paroles ultra-violentes envers elles (preuve qu’il s’agit d’une excitation traumatique sociétale) et si cela ne les excite pas, elles vont souvent penser que ces paroles sont normales, que c’est elles qui ont un problème de ne pas aimer cette violence à leur encontre.

Il n’y a pas si longtemps que cela, ces textes auraient faits scandale et auraient été censurés, voire amené la condamnation de leurs auteurs. Mais aujourd’hui, ces textes sont considérés comme de l’art, car l’art est entièrement colonisé par l’excitation traumatique. Voici quelques exemples puisés dans la multitude de chansons actuelles ayant les mêmes contenus ultra-violents envers les filles et les femmes :

– Le célèbre rappeur français Orelsan, dans sa chanson Saint-Valentin, avec pornification, menaces de féminicide et beaucoup d’allusions à du sexe avec des filles mineures. Après avoir fait l’objet d’une plainte de la part de cinq associations féministes, une cour d’appel a jugé ce texte comme étant une simple création artistique et de la liberté d’expression (cours d’appel de Versailles, 18 février 2016) : « (…) J’adore les p’tites coquines avec des couettes et des faussettes (…) (Mais ferme ta gueule) ou tu vas t’faire marie-trintigner (…) J’suis là pour te mettre 21 centimètres Tu seras ma petite chienne (…) J’ai une main sur la chatte (…) laisse-moi dégrader tes p’tites fesses (…) j’te mettrai des doigts J’bois, baise, jusqu’à c’que t’en sois mal en point Je t’aime, suce ma bite pour la Saint-Valentin (…)J’te tèje la veille et j’te r’baise le lendemain Suce ma bite pour la Saint-Valentin (…) J’crache dans ta femme enceinte (…) J’aime pas celles qui avalent, j’aime celles qui font des gargarismes Celles qui ont su rester enfants (…) Celles qui encaissent jusqu’à finir handicapées physiques (…) J’aime les chattes qui ne datent pas d’hier et celles qui ont pas le bac (…) J’aime les peaux mates, car leur couleur fait ressortir le sperme (…) J’aime les blondes quand elles sont baillonées (…) J’aime pas les chattes percées [donc il aime les chattes avec hymen, soit les vierges, si possible très jeunes selon le reste de sa chanson] (…) tu vois trouble après l’éjac faciale (…) Et tape un rail de sperme avec mon foutre Viens bébé on va tester mes nouvelles MST (…) » (Orelsan, 2009, album Perdu d’avance)

– Le célèbre rappeur Booba, dans sa chanson Jour de Paye, avec pornification et violences sexuelles envers les femmes, notamment Rama Yade : « (…) Si y a des biatch partout, c’est qu’j’suis dans la boîte Si ça fait mal, que tu cries, tu jouis, c’est qu’j’suis dans ta chatte (…) C’t’année j’vais tout baiser sur la chatte à Rama Yade (…) Si tu m’vois enculer ta dinde, ne crois pas qu’je fête Noël (…)Pitbull en rut à l’affût d’un lâché de chiennes (…) » (Booba, 2010, album Lunatic)

– Le célèbre rappeur français Vald, dans sa chanson Désaccordé, avec des paroles très pornifiées et violentes envers les filles et les femmes : « (…) Pas de string, même pas de fesses (…) j’touche pas ta sœurette Je t’aime encore en levrette (…) J’sens encore l’odeur du machin (…) En route pour niquer des mères comme lundi matin, dimanche soir (…) Niquez vos mères, j’vais m’délivrer (…) j’te laisse la chatte en confiture (…) Sale pute, on t’a pris en flag, rap saturé d’immenses garces (…) » (Vald, 2018, album XEU)

– Le célèbre groupe de rap français PNL, dans leur chanson Au DD, avec pornification et féminicides (mélange de sexe et de mise à mort de femme) : « (…) Bats les couilles d’l’Himalaya Bats les couilles, j’vise plus l’sommet (…) Crime passionnel que j’commets Sur ton cœur, j’fais trou d’boulette J’fais tache de sang sur le pull (…) Elle veut la bise, elle veut qu’j’la baise J’connais la route, connais l’adresse J’t’encule sur l’continent d’Hadès [sodomie après féminicide puisque Hadès est le dieu des enfers, donc a femme victime est morte quand il la sodomise] (…) » (PNL, 2019, album Deux frères)

– Le célèbre rappeur français Lomepal, dans sa chanson 10000C, avec des paroles pornifiées : « (…) j’éjacule du style et j’en ai foutu partout (…) Nos couilles, nos poches et nos têtes se vident au cours de la s’maine (…) J’ai ma troisième jambe, j’ai mon troisième doigt (…) » (Lomepal, 2018, album Jeannine)

– Le célèbre rappeur français Kalash, dans sa chanson Mwaka Moon, avec pornification et menaces de féminicide : « (…) S’faire sucer c’est pas tromper (…) Si j’urine dans la ville c’est que j’suis sur les Champs Grosse salope, quatre pattes sur le bitume Inoffensif je fus, une offensive et je tue Une gencive de plus, sur le bitume (…) » (Kalash, 2017, album Mwaka Moon)

De la même façon, aujourd’hui, l’excitation traumatique sociétale a entièrement colonisé la sexualité. On ne peut donc plus parler de « sexualité », puisqu’il s’agit en réalité de violences sexuelles. En effet, nous l’avons vu, les agresseurs ont une prédilection pour les violence sexuelles puisque ce sont elles qui font le plus effraction chez les victimes et qui permettent donc le plus aux agresseurs de dominer leurs victimes. C’est la raison pour laquelle l’excitation traumatique sociétale s’exprime le plus massivement dans la culture du viol. Ainsi, l’excitation traumatique sociétale pousse de plus en plus les femmes et les filles (en tant que victimes) et les hommes et les garçons (en tant qu’agresseurs) vers des pratiques sexuelles violentes, à l’image de celles pratiquées dans le porno. D’ailleurs, les hommes sont abreuvés de pornographie à longueur d’années, même souvent de pédopornographie (ou viols d’enfants). D’autre part, aujourd’hui, l’âge légal pour voir des films ne cesse de baisser, exposant ainsi de très jeunes enfants à des scènes toujours plus violentes et pornifiées. Beaucoup de parents très inquiets me rapportent par exemple que dans les cours d’école et sur les réseaux sociaux, les enfants utilisent désormais couramment un langage hyper-sexualisé et pornifié, associé à des gestes, des dessins et des signes de ralliements (logos, etc.) issus de la pornographie. Et depuis quelques années, les filles et les femmes sont toujours plus pornifiées (hyper-sexualisées, donc repérées comme des victimes par les agresseurs) et ceci dès leur plus tendre enfance (fille-bébé avec talons, etc.).

Source : Une marque de chaussures crée la polémique avec des talons pour bébé

Cette pornification de notre société est une exaltation des fantasmes traumatiques sociétaux, des traumas issus de la culture du viol (Kuhni, 2018a). Autrement dit, cette pornification de notre société est une exaltation des traumas issus de la domination masculine. Le 5 avril 2017, l’excellent site Ressources Prostitution publiait un article intitulé « La pornographie transforme la violence masculine en excitation sexuelle » qui se trouve être la traduction d’un texte de Robert Jensen (professeur d’université spécialisé dans les thèmes de la pornographie, du genre, de la sexualité et des inégalités) paru dans le Washington Post le 25 mai 2016. Cet article décrit parfaitement comment la domination masculine produit de l’excitation pour des actes sexuels violents. Même si cette excitation se manifeste dans le champ sexuel, elle n’a donc rien de sexuel, mais est fondée exclusivement sur des processus de violence (domination/soumission). Voici un passage de cet article :

« Les pornographes commerciaux veulent nous faire croire que leur produit n’est que la représentation sur pellicule d’une activité sexuelle régulière. Bien qu’il existe des variations considérables dans le matériel graphique sexuellement explicite, la pornographie la plus courante est la domination masculine sexualisée, dont le genre gonzo repousse toujours plus loin les frontières de la dégradation et de la cruauté envers les femmes. Au-delà du matériel extrême produit par l’industrie de la pornographie « légitime » se trouvent des genres encore plus dégradants qui sexualisent toutes les formes d’inégalités possibles, particulièrement le racisme. À la base, c’est ce que fait la pornographie : elle rend les inégalités sexuellement excitantes. » (Ressources Prostitution, 2017)

Le jour où nous arriverons à faire cesser les violences machistes systémiques qui visent les femmes et les enfants, cette excitation traumatique sociétale disparaîtra d’elle-même. Dès lors, les êtres humains pourront enfin se passionner pour des sujets positifs visant à améliorer la vie sur terre au lieu de détruire, ravager, massacrer comme le fait cette culture où les hommes dominent au moyen de leur violence.

Sans conditionnement, les émotions ne conduisent jamais à la violence

Dans les paragraphes qui suivent, nous allons voir comment identifier les émotions telles que la peur, l’excitation, la colère et la tristesse que tout être humain peut vivre. Et nous allons voir comment différencier ces émotions du conditionnement à la violence qui, dans nos sociétés patriarcales, formate les hommes dès leur plus jeune âge à commettre des actes violents, afin de perpétuer leur statut de dominant.

En effet, sans conditionnement, les émotions ne conduisent jamais à la violence. C’est exclusivement le conditionnement à la violence qui conduit à être violent. Ainsi, l’excitation de l’agresseur se construit-elle exclusivement sur un conditionnement à la violence, une autorisation de dominer l’autre par la violence. Sans ce conditionnement, son excitation ne le conduirait jamais à violenter.

Par conséquent, pour une personne non violente (donc non conditionnée à la violence), être excité ou en colère ne signifie jamais qu’elle va tuer, violer, frapper ou maltraiter autrui. Si une personne passe à de tels actes lorsqu’elle vit ces émotions, c’est qu’elle a appris que c’est normal pour elle d’agir de cette façon lorsqu’elle est excitée ou en colère et que la société l’autorise à le faire. Par exemple : si une société formatait ou conditionnait les hommes à faire un jogging intensif lorsqu’ils sont excités ou en colère, ils agiraient de cette façon lorsqu’ils vivent ces émotions et non en tuant, violant, frappant et maltraitant autrui comme ils le font dans nos sociétés patriarcales.

Ces explications autour des émotions et du conditionnement sont fondamentales pour cesser de faire croire que les violences machistes systémiques (Kuhni, 2018a) seraient le résultat d’un débordement émotionnel, d’une pulsion irrépressible. Cette croyance occulte la véritable cause de ces violences : la culture patriarcale qui autorise les hommes à être violents pour assurer leur domination sur les femmes. Occulter cela est évidemment bien pratique, car lorsque l’on ne connaît pas la cause d’un fléau, il est impossible de trouver des solutions pour y mettre fin. Et c’est exactement ce que veut la société patriarcale.

Peur et excitation : deux émotions qui vont de pair (duo de combat)

La peur et l’excitation sont deux émotions de survie que l’on pourrait nommer : duo de combat. Ces émotions sont étroitement reliées entre elles à tel point qu’elles peuvent parfois se superposer ou être confondues. Ce lien très fort est en lui-même un mécanisme de survie qui permet d’activer nos forces de combat dans des situations où il y a un danger.

Malheureusement, les agresseurs savent parfaitement pervertir ce mécanisme de survie pour l’utiliser à leur profit. Mais fort heureusement, lorsqu’elles font un travail thérapeutique sur leurs traumas, les victimes retrouvent leur mécanisme de survie restauré à l’état initial, c’est-à-dire fonctionnant pour elles, pour leur propre survie.

Peur et excitation

Pour représenter ce lien entre ces deux émotions, on peut les inscrire à chaque extrémité d’une ligne avec un curseur qui se déplace sur la ligne pour indiquer le dosage de peur et d’excitation.

Par exemple, lorsqu’une personne tremble avant de parler en public, elle peut se poser des questions quant à l’origine de ces tremblements :

– est-ce la peur de parler en public qui me fait trembler ? Ou est-ce l’excitation de parler que je contiens ? Ou ces tremblements sont-ils à la fois consécutifs à la peur et à l’excitation ?

– A quel endroit de cette ligne puis-je faire coulisser mon curseur pour bien représenter ce que je ressens ?

Il est parfois difficile de savoir si l’on ressent de la peur ou de l’excitation. Par exemple, lorsqu’il y a un danger, nous pouvons ressentir à la fois une grande peur et une grande excitation (énergie de combat pour se défendre).

Effroi/terreur et excitation traumatique

Dans les contextes de violences, la peur est poussée à son paroxysme, avec pour effet de souvent plonger la personne dans un état de sidération (Kuhni, 2017d), si le seuil psychique tolérable a été dépassé. La victime ne peut alors plus mettre en action ses forces de combat (son excitation). Et c’est exactement ce que veut l’agresseur.

Effroi/terreur

Capture du film « Psychose » d’Alfred Hitchcock (1960),
avec la comédienne américaine Janet Leigh dans le rôle féminin principal

Sa capacité à combattre l’objet de sa peur ayant été déconnectée par l’agresseur, la victime se retrouve sans protection. Elle n’est plus qu’effroi (peur de mourir) ou terreur. Si elle ne meurt pas (féminicide, etc.), c’est à ce moment précis que l’agresseur colonise sa victime en lui inoculant ses matériaux ultra-violents et notamment son poison le plus pernicieux : sa propre excitation. Celle-ci va prendre la place de la saine excitation de sa victime, se substituer à elle. Dès cet instant, la victime est colonisée par l’excitation perverse de l’agresseur. Ses désirs ne sont plus les siens. Ils sont ceux, pervers, de l’agresseur.

L’excitation qui en résulte est une excitation causée directement par le trauma. C’est en ce sens qu’elle est traumatique. Elle est une conséquence directe de l’effroi ou de la terreur qui a engendré la perte de la capacité à se défendre, ce qui a permis la contamination par l’excitation de l’agresseur. Les liens peur-excitation existent toujours, mais, cette fois-ci, gouvernés par l’agresseur.

L’effroi/terreur a pris la place de la peur et l’excitation traumatique a pris la place de la saine excitation. Tant qu’elle est colonisée par l’excitation de l’agresseur, la victime va désormais osciller entre ces deux pôles. L’excitation traumatique est devenue le pendant de l’effroi/terreur.

Peur et attraction vers l’objet de la peur

Il y a autant d’objets de peur que d’objets d’excitation puisque cela dépend du vécu de chacun-e et des traumatismes de chacun-e. Nous l’avons vu avec les paraphilies qui sont à ce point infinies que nous n’arriverons sans doute jamais à en faire le répertoire complet.

Ce qui est problématique avec la peur, c’est qu’elle engendre souvent une forte attraction vers l’objet de la peur. Ainsi, il peut exister simultanément une peur qui projette en arrière et une attraction qui pousse vers l’objet de la peur, avec une sorte de fascination qui aspire littéralement. Par exemple, les personnes ayant une peur panique du vide (acrophobie) vont souvent être comme aspirées par le vide lorsqu’elles s’en approchent. Et elles devront s’accrocher de toutes leurs forces pour résister à cette attraction puissante qui les pousse à leur insu vers l’objet de la peur (c’est plus fort que soi, dirait-on). Et les personnes ayant peur des couteaux (aichmophobie ou achmophobie) auront souvent une forte impulsion à saisir un couteau pour le planter sur elles ou d’autres personnes.

Pour l’effroi ou la terreur, s’agissant de peurs paroxystiques, le phénomène d’attraction vers l’objet de la peur risquera d’être de la même ampleur, c’est-à-dire tout aussi paroxystique.

Ainsi, même sans excitation traumatique, la peur pousse souvent malgré soi vers l’objet de la peur, encore plus fortement s’il y a effroi ou terreur. Dans le cas de violences, si elle est présente, cette attraction va se cumuler à l’excitation traumatique avec le risque de pousser très fortement les victimes vers de nouvelles violences en tant que victime ou agresseur.

On peut le voir avec les enfants victimes de violences sexuelles qui adoptent très souvent un comportement hypersexualisé d’agresseurs ou de victimes. Ces enfants sont à la fois sous l’effet de la colonisation par l’agresseur et peut-être aussi sous l’effet de la forte attraction vers l’objet de l’effroi ou de la terreur. Par exemple, pour les filles hypersexualisées (posture de victime), cette attraction est si grande que même si elles sont averties de toutes les manières possibles et imaginables qu’elles se mettent en grand danger en s’hypersexualisant de cette façon, elles continueront contre vents et marées tant qu’elles ne seront pas décolonisées. Le cumul de l’attraction vers l’objet de la peur et de l’excitation perverse de l’agresseur crée une poussée si forte qu’elles sont incapables d’y résister.

Tristesse et colère : deux émotions qui vont de pair (duo de régulation)

La tristesse et la colère sont deux émotions de régulation que l’on pourrait nommer : duo de régulation. De même que la peur et l’excitation, ces émotions sont étroitement reliées entre elles à tel point qu’il est parfois difficile de savoir si l’on est triste ou en colère. Ce lien très fort est en lui-même un mécanisme de régulation qui permet de :

détecter et ajuster les situations qui ne conviennent pas (signal d’alerte), par exemple, un dépassement de limite par autrui ou un environnement où la personne ne se sent pas bien, et de se positionner (ajustement) si nécessaire ;

décharger le trop plein émotionnel (exutoire) si ces situations engendrent une surcharge émotionnelle.

Grâce à ce lien qui les unit fortement, ces émotions peuvent osciller de l’une à l’autre, se superposer ou être confondues, voire basculer de l’une à l’autre si l’expression de l’une d’entre elles n’est pas permise. Cette intolérance pour l’une de ces deux émotions se produit fréquemment (interdiction d’être triste ou interdiction d’être en colère). Dans ce cas, si la colère est interdite, une personne en colère va spontanément basculer dans la tristesse. Et si la tristesse est interdite, une personne triste va spontanément se mettre en colère.

Le basculement vers la tristesse peut aussi se produire quand la personne ne sait pas gérer sa colère. Elle ne sait alors pas comment utiliser sa colère, par exemple pour se positionner ou s’en aller d’une situation qui ne lui convient pas. Il faut savoir que la gestion de la colère n’est absolument pas une compétence innée. Elle nécessite au contraire un enseignement qui devrait être dispensé dans toutes les écoles. Toutefois, c’est loin d’être le cas, pour une raison très simple : interdire la colère aux femmes sert à la domination masculine (voir plus loin). En effet, si l’on apprenait aux femmes à gérer leur colère et donc à se positionner en s’appuyant sur cette émotion, elles n’accepteraient plus la domination masculine.

Avec ce phénomène de basculement entre colère et tristesse, il peut être intéressant de se demander : cette personne est-elle triste parce qu’elle n’a pas pu contacter sa colère ; est-elle en colère parce qu’elle n’a pas pu exprimer sa tristesse ; sa colère qui explose est-elle le signe d’une profonde tristesse qui n’a pu s’exprimer ; sa tristesse proche de l’effondrement est-elle le signe d’une colère immense qui n’a pu être contactée ?

Il y a bien sûr des tristesse et des colères qui résultent de situations où il n’y a rien à réguler (décès d’une personne proche, par exemple). Mais souvent, ces émotions sont des signaux d’alerte que l’on doit réguler quelque chose dans l’environnement. Dans ce cas, la colère est d’une importance vitale. En effet, la tristesse sans la colère laisserait la personne beaucoup trop vulnérable, sans protection, face à l’objet de sa tristesse. Contacter la colère permet la recherche de solutions et l’activation de l’agressivité nécessaire pour mettre en œuvre ces solutions. Dans le cas où une personne est triste, elle va l’évaluer et s’apercevoir par exemple que cette tristesse provient d’un dépassement de limites par autrui. Dès cet instant, si la colère n’est pas interdite, cette personne va spontanément contacter la colère, avec pour conséquence d’enclencher toutes ses capacités pour trouver une solution pour poser une limite à cet autrui (répartie, action, etc.) puis activer son agressivité pour mettre en œuvre la solution.

Autrement dit, la colère est saine. Elle sert à la personne à aller de l’avant en activant son agressivité, ce qui lui permet d’éviter d’être trop vulnérable ou de sombrer dans la dépression (voir ci-après le paragraphe concernant l’agressivité).

Dépression

Source : The Hours : revue 2002 de The Hollywood Reporter
avec la comédienne américaine Nicole Kidman dans le rôle de Virginia Woolf

The Hours (2002) est un film culte sur les thèmes de la dépression et du suicide. Les rôles principaux sont tenus par 3 femmes (Meryl Streep, Julianne Moore and Nicole Kidman).

Comme par hasard, dans notre société patriarcale, la colère est perçue de façon très négative pour les femmes. Ce jugement négatif revient à interdire la colère, mais uniquement pour les femmes, bien sûr. En leur interdisant la colère, on interdit aux femmes de se positionner, ce qui laisse la voie libre à leurs agresseurs. Et c’est exactement ce que veut le patriarcat, afin de permettre aux hommes de dominer. Par conséquent, il n’est guère étonnant que dans nos sociétés patriarcales, les hommes aient le droit d’être en colère, mais pas les femmes.

Souvent les personnes passent de l’une à l’autre de ces émotions, avec de grandes tristesses et des colères explosives (colères exutoires). Ces basculements d’ampleur extrême sont liés au fait qu’on ne leur a pas appris à gérer la colère ou qu’on leur a interdit d’être en colère. Dans ce cas, la surcharge émotionnelle est si intense qu’elle peut exploser de façon phénoménale pour libérer le trop plein accumulé (phénomène cocotte minute).

Cela ne justifie en rien les violences. Colère ne signifie pas violence : une décharge émotionnelle ou un positionnement n’a rien à voir avec le fait de violer, frapper, tuer. La colère est une émotion positive de régulation, elle ne signifie en aucun cas détruire autrui. D’ailleurs, la violence n’est pas une émotion. La violence est un acte de domination, une volonté de dominer, de détruire l’autre pour le soumettre. Elle est un acte volontaire résultant d’un conditionnement à la violence. Autrement dit, un agresseur n’est ni triste ni en colère : il est dans le contrôle, la domination, parce qu’il a appris dès son plus jeune âge qu’il a le droit d’être violent, que la société l’y autorise. En d’autres termes, la violence n’est ni pulsionnelle ni liée à un état émotionnel. Elle est le résultat d’un conditionnement à la violence qui a lieu dès le plus jeune âge (notamment pour les garçons) et/ou le résultat d’une colonisation par l’agresseur.

Dépression et agressivité : entre déficit et activation de l’énergie vitale

Indispensable à la survie, l’agressivité est une énergie vitale qui permet
d’aller de l’avant et d’aller vers autrui.
Elle est l’opposé de la régression qui est une énergie de recul, de repli sur soi.

L’étymologie offre un bon éclairage puisque agresser vient de l’expression latine ad-gressere qui signifie « aller vers, aller à la rencontre de l’autre » (pro-gressere signifie « aller vers l’avant »), par opposition à re-gressere qui signifie « marcher vers l’arrière ». (Ginger, 1995, p. 217)

L’agressivité est notre énergie de vie, celle qui nous permet d’aller de l’avant, d’aller vers autrui, de se positionner, de lutter et de combattre s’il le faut. Sans elle, nous ne nous lèverions même pas le matin. L’agressivité est notre vitalité, notre stock de ressources vitales. Sans elle nous ne survivrions pas.

D’ailleurs, lorsque les ressources vitales d’une personnes sont épuisées, elle sombre souvent dans la dépression. Autrement dit, un déficit d’agressivité conduit fréquemment à la dépression (épuisement vital). C’est pourquoi la mobilisation de l’agressivité constitue une étape fondamentale de la thérapie des personnes souffrant de dépression.

Du fait que la personne souffrant de dépression n’arrive plus à forcer et à faire comme si tout allait bien, c’est souvent le moment où elle est obligée de se soigner, de traiter d’éventuels psychotraumatismes et de faire un travail d’introspection (sur son stress, son surmenage, une situation de violence, etc.) pour ajuster sa vie de façon à ne plus épuiser ses ressources. C’est pour cette raison que l’on parle parfois des bienfaits de la dépression, ceci pour autant que la personne soit correctement traitée et prise en charge. Et c’est progressivement, en traitant la dépression, que la personne arrivera à remobiliser son agressivité pour engager pleinement son énergie vitale.

Plus généralement, l’agressivité joue un rôle prépondérant pour notre santé, notamment pour notre système immunitaire. Sans agressivité, notre système immunitaire s’effondre. On le constate très souvent, lorsqu’une personne sombre dans la dépression, tout son système immunitaire s’effondre en même temps. Lorsque la personne retrouve suffisamment d’énergie vitale (donc d’agressivité), le système immunitaire retrouve sa combativité pour se défendre contre les intrus (virus, bactéries et autres agents infectieux) qui tentent d’envahir l’organisme.

Malheureusement, dans nos sociétés patriarcales où les hommes dominent par la violence, on confond souvent agressivité et violence, à tel point qu’agressivité est devenu synonyme de violence. Pourtant, l’agressivité n’a rien à voir avec la violence.

L’agressivité peut être activée au moment où la personne est aux prises avec l’excitation ou la colère. Mais sans conditionnement à la violence, elle ne conduit pas à la violence.

La testostérone, hormone de l’agressivité et « hormone sociale »

Comme le disait l’anthropologue Françoise Héritier, il n’y a rien de naturel ou d’inné dans la violence masculine. Elle est le résultat d’une culture de domination masculine qui autorise la violence des mâles envers les femelles.

« Non, ce n’est pas la nature, c’est la culture ! Parce que ce n’est pas la nature qui dit que les femmes sont inférieures, c’est la culture. (…) c’est le problème politique majeur parce que les autres formes de domination, elles ont pris modèle sur celle-là. C’est celle-là, la plus ancienne, la primitive, et les autres se sont calquées dedans. » (Le Monde, 2017, à 1:30).

Françoise Héritier :
« l’Homme est la seule espèce où les mâles tuent les femelles de leur espèce. » (Sciences et Avenir, 2012).

Lorsque l’on parle de violence masculine, on évoque tout de suite la question de la testostérone qui pousserait soi-disant les hommes à la violence. Pourtant il n’en est rien. La testostérone (hormone mâle) est effectivement source d’agressivité, mais cette agressivité n’est pas de la violence. L’agressivité est une force saine qui permet d’aller de l’avant. Cette force peut être utilisée de façon positive et constructive (réaliser des projets, etc.) ou négative et destructive (violenter, saccager, etc.), selon le choix de la personne. Autrement dit, violenter est un choix, pas une pulsion.

Étymologiquement, agresser vient de ad-gressere qui signifie « aller vers » (en opposition à régresser qui vient de re-gressere).

Contrairement à ce que l’on pensait, des études ont démontré que ce sont les circonstances qui modulent la testostérone et non l’inverse. Des études ont aussi démontré que cette hormone de l’agressivité avait des effets très positifs, à tel point que la testostérone a été reconnue comme une « hormone sociale ». De plus, les femmes produisent également de la testostérone, mais à des niveaux moindres, sans doute pour les mêmes raisons liées aux circonstances. En effet, dans nos sociétés où les hommes dominent (sociétés patriarcales), les hommes ont de 8 à 10 fois plus de testostérone que les femmes. Alors qu’en serait-il s’il y avait l’égalité ? Il n’est pas absurde de faire l’hypothèse que le taux de testostérone pourrait diminuer chez les hommes et augmenter chez les femmes.

D’autre part, agressivité ne signifie pas violence. Si nous vivions dans une société égalitaire (sans violences machistes) où les hommes n’auraient que des challenges (combattre pour des projets, des idées, etc.) et non des violences à commettre, leur taux de testostérone fluctuerait toujours en fonction des circonstances, mais l’agressivité fournie par cette hormone serait utilisée de façon positive, constructive. Malheureusement, nous vivons dans une société qui conditionne les hommes à dominer et à être violents, ainsi leur taux de testostérone se maintient à un niveau élevé, mais l’agressivité fournie par cette hormone est utilisée de façon destructive. Et là, évidemment, c’est de la violence, mais causée exclusivement par le conditionnement machiste.

Source : Les hommes sont-ils violents à cause de la testostérone ? (image du film Pulp Fiction)

En d’autres termes, ce sont les circonstances qui régulent la testostérone et non le contraire. La testostérone fluctue en fonction de la situation et des événements, selon les besoins. Donc cette hormone de l’agressivité est totalement dépendante du mode de vie, du contexte dans lequel évolue la personne. Ainsi, dans nos sociétés où les hommes dominent les femmes au moyen de la violence, leur taux de testostérone va augmenter fortement et sera utilisée de façon destructive, anti-sociale. Alors que dans une société non machiste (qui n’existe pas), la testostérone monterait s’il y a des challenges, des risques, des combats à mener, mais elle serait utilisée de façon constructive, sociale.

Malheureusement, dans nos sociétés patriarcales où les hommes utilisent leur agressivité de façon destructive, l’agressivité est devenue synonyme de violence. Ainsi, lorsqu’on utilise le mot agressivité, on parle en réalité de violence. C’est précisément ce qui se passe dans les textes qui suivent où l’agressivité est amalgamée avec la violence. Mais ces textes constituent des sources intéressantes sur ces études concernant la testostérone. En voici quelques extraits :

– A propos de la testostérone variant en fonction des circonstances :

« (…) si la testostérone est souvent qualifiée d’hormone mâle, celle qui entraîne domination et agressivité, le tableau est plus nuancé : elle est présente chez les femmes aussi, elle varie chez un même individu en fonction des circonstances, elle est associée à la prise de risques, mais si elle est liée aux comportements agressifs, elle pourrait aussi bien en être la conséquence plutôt que la cause. » (Cerveau & psycho, 1999)

– A propos de la testostérone chez les hommes et les femmes :

« [chez les hommes] les concentrations de testostérone sont huit à dix fois supérieures en moyenne à celles des femmes, elle a une influence notable sur… les deux sexes. (…) Chez le garçon, les testicules constituent la principale source de testostérone prénatale, mais une partie est également produite dans les deux sexes par les glandes surrénales (…) et une autre par les ovaires chez les filles. » (Cerveau & psycho, 1999)

– A propos de la testostérone qui varie en fonction des situations et stimule la prise de risque (stimule un fort engagement de l’énergie vitale) :

« Pour comprendre son influence, les psychologues (…) ont (…) cherché à comprendre comment la concentration de cette molécule évolue dans l’organisme en fonction des situations sociales auxquelles l’individu est soumis. (…) la concentration en testostérone qui circule dans l’organisme varie en fonction du moment de la journée (elle est plus élevée le matin), mais aussi en fonction des enjeux présentés par la situation. (…) Ainsi, la testostérone stimule la prise de risques : par exemple, des étudiants en école de commerce ayant un haut niveau de testostérone choisissent plutôt de faire carrière dans la finance que dans un domaine moins risqué.  » (Cerveau & psycho, 1999)

– A propos de l’augmentation du taux de testostérone si le contexte nécessite de combattre ou s’il y a violence :

« Le niveau de la testostérone augmente dans certaines circonstances : par exemple, lorsqu’on est insulté ou bousculé par un inconnu, lorsqu’on manipule une arme à feu, comme l’ont montré diverses expériences. » (Cerveau & psycho, 1999)

– A propos de la diminution du taux de testostérone lorsqu’un homme est placé en situation de naissance imminente d’un enfant :

« Au contraire, certaines circonstances ont l’effet opposé : un homme dont l’épouse est sur le point d’avoir un enfant et à qui l’on remet une poupée entourée d’une couverture ayant une odeur de bébé présente une diminution de son niveau de testostérone au bout d’une demi-heure. » (Cerveau & psycho, 1999)

– A propos de la testostérone (hormone de l’agressivité) conduisant à des comportements sociaux très positifs (hormone sociale).

« D’après une étude publiée par la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), de[s] niveaux élevés de testostérone seraient effectivement responsables de l’agressivité, mais aussi de comportements altruistes. » (Santé Magazine, 2019)

« Testostérone. À ce mot est généralement associé l’idée de virilité, d’agressivité ou encore de pouvoir. (…) selon cette étude, conduite par une équipe internationale comprenant des chercheurs français, les hommes dont le taux de testostérone a été augmenté seraient plus attirés par des produits dont la marque est associée à un statut social élevé (…) Ils seraient également davantage sensibles aux produits ventant une amélioration du statut social. (…) Les résultats de cette étude n’ont pas étonné les chercheurs. Et pour cause. La testostérone est une hormone sociale. « Elle est impliquée dans les comportements de dominance, explique Laurent Begue, professeur de psychologie sociale à l’Université Grenobe-Alpes (…) « le taux de testostérone influence les préférences pour un produit de luxe qui confère une position sociale élevée à celui qui le possède » (…). » (Le Monde, 2018)

– A propos des hommes en situation précaire où l’on observe un lien entre le taux de testostérone et la violence. Pour les hommes de statut élevé, un taux élevé de testostérone les conduit à des comportements coopératifs s’ils y voient un intérêt :

« (…) on constate que les liens entre la testostérone et l’agression sont modulés par diverses variables. (…) Une plus large étude, menée par W. Dabs auprès de 4 500 vétérans, a révélé un lien entre le niveau de testostérone et celui de la délinquance, mais seulement chez les hommes ayant un statut économique faible ; ce lien n’était pas observé chez ceux qui avaient un statut élevé. (…) comme le suggère une étude récente, si pour gagner et dominer les autres dans une situation sociale, la coopération s’impose clairement comme la stratégie la plus payante, les personnes ayant un niveau élevé de testostérone peuvent également se montrer plus coopératives que les autres. » (Cerveau & psycho, 1999)

Le patriarcat ou « la fabrique des agresseurs »

Le patriarcat qui instaure la domination masculine dans nos sociétés fonctionne et se perpétue exclusivement au moyen des violences machistes systémiques (Kuhni, 2018a).

La chercheuse australienne Meera Atkinson a écrit un ouvrage remarquable sur ce thème. Cet ouvrage intitulé Traumata a été publié le 30 avril 2018 par The University of Queensland (Atkinson, 2018). Meera Atkinson est titulaire d’un doctorat de la Western Sydney University. Elle vit à Sydney et enseigne dans plusieurs universités.

Source : Traumata by Meera Atkinson

The Guardian a publié le 30 avril 2018 un article à propos de la sortie du livre de Meera Atkinson. Cet article s’intitule : « Patriarchy perpetuates trauma. It’s time to face the fact ». En voici quelques passages:

« (…) the big picture that came into view through my years of research revealed socially structured cyclical traumata founded in patriarchy. (…) We need to snap out of the fantasy that socialised traumas, like rape and other violent crimes, are aberrations in an otherwise fundamentally commendable and fair society. We need to face the fact that abuses and offences like these are logical and predictable outcomes of a deeply troubled social system built on the belief that some individuals, by virtue of certain sex organs, skin pigmentation, physical ability/normalcy, are inherently superior and more entitled than others. » (The Guardian, 2018)

Traduction : « Le patriarcat perpétue le traumatisme. Il est temps d’affronter ce fait (…) la grande figure qui est apparue au fil de mes années de recherche a révélé des traumatismes cycliques structurés socialement fondés sur le patriarcat. (…) Nous devons sortir du fantasme selon lequel les traumatismes socialisés, comme le viol et d’autres crimes violents, sont des aberrations dans une société fondamentalement louable et juste. Nous devons prendre conscience du fait que les abus et les infractions de ce type sont des conséquences logiques et prévisibles d’un système social profondément perturbé, fondé sur la conviction que certains individus, en raison de certains organes sexuels, pigmentation de la peau, capacité physique / normalité, sont intrinsèquement supérieurs et ont plus de droits que les autres. »

Dans les paragraphes qui suivent, nous allons voir l’ampleur des violences machistes systémiques (Kuhni, 2018a) et comment les sociétés patriarcales modèlent les hommes dès leur plus jeune âge pour en faire les agresseurs patriarcaux qui vont œuvrer à la perpétuation de la domination masculine.

Violences conjugales envers les femmes

Les violences conjugales envers les femmes sont un fléau mondial qui touche entre 10 à 20 % (voire plus) de femmes dans le monde

Par exemple, en 2005, Amnesty International publiait un spot qui annonçait qu’en Belgique une femme sur cinq est victime de violences conjugales (donc 20 % des femmes) :

« En Belgique, une femme sur cinq est victime de violences conjugales » (AmnestyFrance, 2017, spot 1)

L’année suivante, en 2006, Amnesty International annonçait qu’en France, une femme sur dix est victime de violences conjugales (donc 10 % de femmes) :

« Dans son rapport paru mercredi 8 février, Amnesty International épingle la manière dont la France agit face aux violences faites aux femmes. Et l’organisation cite des chiffres à l’appui de sa démonstration : une femme meurt sous les coups de son partenaire tous les quatre jours, et une femme sur dix est victime de violences conjugales (…) » (Le Monde, 2006)

En Suisse, il semblerait qu’une femme sur cinq (donc 20% des femmes) soient victimes de violences conjugales. Toutefois, le manque de clarté des statistiques suisses ne permet pas d’évaluer correctement la situation dans ce pays (voir ci-après).

« En Suisse, (…) une femme sur cinq est victime de violences durant sa vie de couple » (Le Temps, 2019)

Il faut aussi savoir que 40 % des violences conjugales débutent lorsque les femmes sont enceintes, c’est-à-dire lorsqu’elles sont les plus vulnérables. Très souvent, l’homme violent donne des coups dans le ventre de la femme enceinte (donc des coups au fœtus), ce qui signifie qu’il s’attaque déjà avec une très grande violence à l’enfant à naître :

« (…) « les violences conjugales démarrent pour près de 40% au cours de la grossesse. Et lorsque les victimes signalent les faits qu’elles subissent, s’il y a des faits (…) graves comme des strangulations, des menaces de mort, des agressions sexuelles… on ne peut pas décemment abandonner ces femmes à leur sort et à leurs symptômes« . » (La rédaction d’Allodocteurs, 2015)

En matière de meurtres conjugaux, il est important de ne pas mettre sur le même plan ceux commis par des hommes (l’immense majorité) et ceux commis par des femmes (rares). En effet, lorsque des femmes tuent leur partenaire conjugal, c’est le plus souvent de la légitime défense du fait que ces femmes subissent de très graves violences conjugales et que la société ne les protège pas contre ces prédateurs conjugaux. On l’a vu avec des affaires comme celles de Jacqueline Sauvage, Alexandra Lange et Sally Challen. En revanche, lorsque des hommes tuent leur partenaire conjugale, ils le font par domination et dans l’immense majorité dans un contexte de séparation du fait qu’ils sont conditionnés dès leur plus jeune âge à user de la violence pour soumettre les femmes à leurs exigences. Ce conditionnement patriarcal leur fait même croire que les femmes et les enfants leur appartiennent et qu’ils ont un droit de vie et de mort sur elles et leurs enfants si elles les quittent.

Ces femmes violentées par leurs partenaires sont souvent fortement colonisées par eux (donc sous emprise de l’homme violent). Dans un article intitulé « Comprendre l’emprise pour mieux protéger et prendre en charge les femmes victimes de violences conjugales », Muriel Salmona parle de leur colonisation par l’agresseur. :

« Les phénomènes d’emprise subis par les femmes victimes de violences conjugales restent encore très peu pris en compte, que ce soit dans le cadre des prises en charge médicales et psychologiques, ou dans le cadre des procédures judiciaires. Pourtant, il est essentiel, pour protéger efficacement ces femmes, de reconnaître cette emprise -qui se définit comme un processus de colonisation psychique par le conjoint violent qui a pour conséquence d’annihiler leur volonté – et de les en libérer par une prise en charge psychothérapique adaptée. » (Salmona, 2016a, p. 1)

« Déconstruire l’emprise et restaurer la personnalité de la victime passe par sa mise en sécurité et par le traitement de ses troubles psychotraumatiques, plus particulièrement de sa mémoire traumatique et de ses troubles dissociatifs comme nous le verrons. Mais ce qui permet à la victime d’enclencher ce travail et de le rendre possible c’est la compréhension des mécanismes à l’œuvre dans la production des symptômes traumatiques, et l’identification des violences et de la stratégie de son agresseur. Comprendre, donner du sens à sa souffrance, à son mal être, à ses troubles du comportement, pouvoir les relier à des conséquences logiques d’actes violents intentionnels perpétrés dans le but d’atteindre l’intégrité psychique et de générer un état de colonisation et de soumission s’avère libérateur, et permet à la victime de sortir du scénario mis en place par le conjoint violent. Ce travail d’information est impératif si l’on veut que les droits des victimes soient enfin respectés : droit à la protection et à la sécurité, droit à la santé et à des soins de qualité, droit à une prise en charge sociale, droit à la justice et à des réparations. » (Salmona, 2016a, p. 2)

«  La violence a un pouvoir de sidération qui désactive les fonctions supérieures de la victime, l’expose à un stress dépassé entraînant le déclenchement de mécanismes neuro-biologiques de survie pour échapper à un risque vital cardio-vasculaire et neurologique (Nemeroff, 2009). Ces mécanismes s’apparentent à une disjonction des circuits émotionnels et de la mémoire avec la mise en place d’une dissociation traumatique et d’une mémoire traumatique. La victime doit alors composer avec cet état de dissociation traumatique qui l’anesthésie émotionnellement et une mémoire traumatique qui lui fait revivre de façon incontrôlée les violences à l’identique comme une machine à remonter le temps. Ces troubles vont générer chez la victime un état de désorganisation psychique, de dépersonnalisation, de doute et de confusion qui annihile sa volonté et qui permet au conjoint violent de mettre en place une emprise, de la manipuler et de lui dicter des émotions, de lui imposer des pensées et un rôle dans sa mise en scène. Cette emprise, véritable colonisation des processus psychiques et émotionnels par des violences répétées le plus souvent sur de nombreuses années, est un formidable outil de soumission. » (Salmona, 2016a, p. 5)

Les chiffres des violences conjugales en Suisse

En Suisse, en raison de statistiques peu claires, il est difficile de connaître les chiffres précis des violences conjugales. D’autre part, dans les statistiques 2015, beaucoup de ces chiffres étaient exprimés en pourcentage, ce qui contraint à faire le calcul pour retrouver par exemple le nombre de femmes tuées dans le cadre des violences conjugales. Et accrochez-vous ! Le résultat obtenu n’est pas un nombre entier, mais un nombre avec des décimales. Selon ces statistiques de 2015, en Suisse, des femmes non entières auraient donc été tuées par leur partenaire !

Osez le féminisme Suisse a fait une excellente analyse qui montre le manque de clarté des statistiques suisses et l’étrange choix de comptabiliser des êtres humains fractionnés (constaté dans les statistiques de 2015). Voici un extrait :

« La plupart du temps, les chiffres sont exprimés en pourcentages, au lieu de donner le nombre précis de femmes, d’enfants et d’hommes tués. Et lorsque l’on fait les calculs avec les pourcentages pour retrouver le nombre de personnes que cela concerne, le résultat n’est jamais un chiffre entier (donc des personnes fractionnées). Cette façon d’exprimer le nombre de victimes en pourcentages est particulièrement violente, car elle déshumanise les victimes qui ne sont plus que des pourcentages. Par exemple, dans ce rapport, on nous dit qu’il y a 36 personnes tuées dans le cadre de violences conjugales et que 61 % sont des femmes. On en conclut donc immédiatement que les 39% restants sont des hommes, ce qui donne l’impression perverse qu’il y a beaucoup d’hommes victimes. Mais plus loin dans la phrase, l’on apprend que 78% des personnes tuées sont des adultes. On comprend alors que parmi ces 36 personnes tuées, il y a des enfants. Ensuite, pour trouver le pourcentage d’hommes tués, il faut faire le calcul de 78% (d’adultes) – 61 % (de femmes). Et pour trouver le pourcentage d’enfants tués, il faut faire le calcul de 100 % (les 36 personnes tuées) – 78 % (d’adultes). Puis il faut les convertir ces pourcentages en nombre de personnes à partir du total des 36 personnes tuées. Voici le résultat de ces calculs. En 2015, 36 personnes ont été tuées dans le cadre de violences conjugales, dont : (…) 61% de 36 = 21,96 femmes (…) 22% de 36 = 7,92 enfants (…) 17% de 36 = 6,12 hommes » (Osez le féminisme Suisse, 2016)

Les violences sexuelles envers les enfants

Le 26 septembre 2018, Muriel Salmona a publié un article intitulé « État des lieux des violences sexuelles faites aux enfants ». Cet article est un must-read, car il montre l’ampleur des violences sexuelles infligées aux enfants et l’impunité qui règne pour les agresseurs. Voici quelques chiffres tirés de cet article :

« 81% des violences sexuelles sont subies avant l’âge de 18 ans, 51% avant 11 ans, 21% avant 6 ans (IVSEA, 2015) (…) Ces violences sexuelles sur des mineurs sont commises dans 94% des cas par des proches, et par des membres de la famille (…) près de 130 000 filles et 35 000 garçons subissent des viols et des tentatives de viols chaque année ( estimation à partir des enquête de victimation CSF, 2008 ; ONDRP 2012-2017 ; VIRAGE 2017) (…) 85% des victimes de violences sexuelles rapportent n’avoir jamais été protégées, ni reconnues (IVSEA, 2015). (…) 70% des plaintes sont classées sans suite, 30% sont instruites, dont la moitié sont déqualifiées et correctionnalisées (infostat justice, 2018);  » (Salmona, 2018)

 

(Salmona, 2018)

Déni et impunité des violence sexuelles massives faites aux enfants

« Jusque là toutes les institutions ont été défaillantes pour protéger efficacement les enfants victimes de violences sexuelles et pour prendre en compte l’ampleur et la gravité du problème humain, de santé publique, de l’atteinte aux droits fondamentaux que représentent ces violences sexuelles faites aux enfants (…) l’impunité quasi totale dont bénéficient les agresseurs met tous les enfants en grand danger. »
(Salmona, 2018)

Le 28 mars 2019, dans le cadre de l’émission «Délits sexuels sur mineurs : comment les bannir ? », LCP a diffusé le remarquable documentaire « Enfance volée, chronique d’un déni » de Sylvie Meyer qui se poursuivait avec un débat. Le replay du documentaire et du débat est disponible ici.

Voici quelques passages tirés du compte Twitter de LCP. Ces extraits pointent bien l’énorme déni des violences sexuelles envers les enfants ainsi que leur gravité et leur impunité :

« [Muriel Salmona] dénonce « une impunité totale » dans un « système qui ne veut pas voir ce qu’il se passe et protège les agresseurs » » (LCP, 2019c)

« « Il y a eu un déni énorme sur la réalité de toutes les #violencessexuelles sur les enfants, qui sont les principales victimes de violences, et sur la gravité des faits et des conséquences », affirme [Muriel Salmona] » (LCP, 2019d)

« « Les survivants de l’inceste c’est 6% de la population française (…) un enfant victime de pédocriminalité, ce qu’il subit c’est de la torture pas du sexe« , dit Patrick Loiseleur [de l’association AIVI] » (LCP, 2019e)

« « C’est le premier facteur de risque de mort précoce, de suicide, de dépressions à répétition, de conduites addictives (…) Les #violencessexuelles sur les enfants sont des actes cruels mais la réaction de la société est aussi inhumaine », dit [Muriel Salmona] » (LCP, 2019f)

« « Les victimes sont colonisées et psychotraumatisées ce qui fait que l’agresseur a une emprise totale (…) En moyenne, il y a seize ans qui s’écoulent avant que les victimes puissent parler », rapporte [Muriel Salmona] » (LCP, 2019g)

« « Les futurs psychiatres ne sont toujours pas formés à la psycho-traumatologie et à la prise en charge des victimes (…) Les médecins ne font pas plus de 5% des signalements alors qu’ils sont en première ligne », s’insurge [Muriel Salmona] » (LCP, 2019h)

Ampleur des violences sexuelles infligées aux enfants, principalement par des hommes (96 %)

L’enquête STOP AU DÉNI, faite en 2014 sous la direction de Muriel Salmona et soutenue par Unicef France a mis à jour de nombreux chiffres à propos des violences sexuelles faites aux enfants. Ces chiffres démontrent notamment que 96 % des agresseurs sont des hommes :

« L’enquête a également révélé que 96 % des agresseurs sont des hommes, 94 % des proches, 1 enfant sur 2 est agressé par un membre de sa famille et 1 agresseur sur 4 est mineur, donc 3 agresseurs sur 4 (75 %) sont des adultes (pédocriminalité). » (Kuhni, 2015)

Infographie STOP AU DÉNI

(à télécharger sur la page du rapport 2015)

Parmi ces 96 % de prédateurs mâles, une grande partie ont eux-mêmes subi des violences alors qu’ils étaient enfants, ce qui signifie que beaucoup de ces 96 % de prédateurs mâles sont colonisés par leurs agresseurs. Toutefois, le fait d’être colonisés n’enlève rien à leur responsabilité, car colonisé ou non, chaque être humain garde la capacité à choisir d’être violent ou non. La violence est un choix. Elle n’est en aucun cas une pulsion irrépressible. Quand l’excitation traumatique arrive, elle est du même ordre que l’envie de manger un bon plat. Rien de plus. C’est une excitation, pas une pulsion.

D’autre part, le fait d’être colonisés n’enlève rien à leur dangerosité. Bien au contraire. Les prédateurs colonisés sont extrêmement dangereux, car à force de céder à leur excitation traumatique et d’en jouir psychiquement (sentiment de toute-puissance), ils en deviennent dépendants. La société doit donc être protégée de ces prédateurs, colonisés ou non, en appliquant des sanctions correctes pour les mettre hors d’état de nuire, sachant qu’ils ne seront peut-être jamais décolonisés. En effet, pour se décoloniser, il faut le vouloir. Ce qui est rarement le cas des agresseurs. En effet, lorsque l’on est un prédateur colonisé, on récupère également la perversité de l’agresseur. Or un homme pervers ne va jamais vouloir se décoloniser, se soigner, premièrement parce qu’il jouit de cette colonisation et deuxièmement parce qu’il ne se considère jamais comme ayant un problème. Et ceci d’autant plus que cet homme pervers a été autorisé par la société à dominer par la violence.

En outre, il est primordial de prendre conscience qu’avec le contexte de domination masculine de nos sociétés patriarcales, les violences sexuelles sur les garçons n’ont absolument pas la même fonction que les violences sexuelles sur les filles. Elles ont au contraire une fonction inverse. En effet, l’arme de prédilection de la domination masculine est la culture du viol (Kuhni, 2018a) qui permet aux hommes de dominer et de s’approprier la capacité reproductrice des femmes (Kuhni, 2018b). Pour atteindre ce but, la société patriarcale a besoin d’une armée de prédateurs mâles pour soumettre les filles et les femmes. C’est précisément le rôle des violences sexuelles sur les garçons. Inversement, les violences sexuelles sur les filles ont pour but de créer un vivier de filles et de femmes colonisées pour être aux ordres des mâles dominants. Ainsi, beaucoup de garçons colonisés par l’agresseur deviendront des prédateurs ultra-efficaces pour soumettre les filles et les femmes par la violence et pour créer la relève des prédateurs de la domination masculine en violentant également des garçons.

De ce fait, dans un contexte de domination masculine, il ne faut jamais considérer de la même façon les violences sexuelles sur les filles et celles sur les garçons. Le but de ces violences est totalement opposé. Pour les filles, c’est une fabrique de victimes. Pour les garçons, c’est une fabrique de prédateurs. Et sachant qu’un prédateur sexuel fait beaucoup de victimes et qu’il en suffit d’un nombre restreint pour terroriser le groupe visé par la prédation, il n’est donc pas nécessaire que tous les hommes soient des prédateurs. C’est sans doute une raison pour laquelle il y a beaucoup moins de violences sexuelles sur les garçons. En revanche, la domination masculine exige que la plupart des filles et des femmes soient implacablement soumises aux hommes. C’est sans doute une raison pour laquelle elles subissent beaucoup plus de violences sexuelles.

« Les principales victimes de violences sexuelles sont les enfants, les filles étant trois à six fois plus exposées que les garçons : une fille sur cinq subit des agressions sexuelles (Hillis, 2016 ; OMS, 2016), un garçon sur treize (OMS, 2014). » (Salmona, 2016f)

Selon l’OMS, 20 % des filles (une fille sur cinq) subissent des violences sexuelles et 7,5 % des garçons (un garçons sur treize).

En plus de la fonction diamétralement opposée des violences sexuelles sur les filles et les garçons, il existe une autre différence de taille : les filles violées sont très souvent engrossées (double violence), ce qui n’est pas le cas des garçons violés. Selon les travaux de l’anthropologue Françoise Héritier, grande spécialiste de la domination masculine, l’appropriation des utérus est même le but de la domination masculine (Kuhni, 2018b). Par conséquent, la capacité reproductive des filles est la raison première pour laquelle les prédateurs sexuels s’en prennent beaucoup plus largement aux filles qu’aux garçons, car ils veulent formater les femmes dès leur plus jeune âge à être des reproductrices obéissantes.

La violence de genre (ou violence machiste)

La violence de genre (ou violence machiste) est celle que subissent les femmes dans nos société patriarcales où les hommes assurent leur domination sur les femmes au moyen de violences à leur encontre (violences sexuelles, reproductives, conjugales, etc.). En d’autres termes, la violence de genre représente les violences que les hommes et les garçons (les dominants) font subir aux femmes et aux filles (les dominées), afin d’assurer la domination masculine.

Source : Gender-Based Violence (Violence Against Women and Girls)
(Banque Mondiale, 2 avril 2019)

Pour conférer une apparente normalité à la violence de genre et la rendre quasiment légitime, il a fallu développer une idéologie anti-femmes que les femmes comme les hommes adopteraient. Une fois ce subterfuge en place, les sociétés patriarcales pouvaient vivre en toute bonne conscience sous le règne du sexisme et de la misogynie (haine des femmes) en ayant l’impression que rien ne se passe, que tout est parfaitement normal et justifié.

Les garçons et les hommes ne subissent pas de violences de genre

Dans les sociétés patriarcales où ils sont la classe des oppresseurs qui dominent au moyen de la violence de genre (ou violence machiste), les hommes et les garçons ne subiront jamais de violences de genre puisqu’elles ne leur sont pas destinées. En revanche, les filles et les femmes subiront de la violence de genre (ou violence machiste) tout au long de leur vie parce qu’elles font partie de la classe des opprimées et que c’est exclusivement au moyen de la violence de genre (ou violence machiste) qu’elles sont maintenues dans la soumission des garçons et des hommes.

Par conséquent, lorsque des hommes s’en prennent aux garçons, ce n’est pas de la violence de genre. Les violences masculines contre les garçons (violences sexuelles, par exemple) ont une toute autre fonction : celle de perpétuer la domination masculine en créant de potentiels futurs agresseurs patriarcaux. Une fois colonisés par leurs agresseurs, ils risqueront à tout moment de basculer eux-mêmes en position d’agresseur parce que la société patriarcale les y autorise et les y encourage même (Kuhni, 2018a). Et s’ils deviennent des agresseurs, les garçons et les hommes colonisés sont une arme redoutable pour le patriarcat.

Une célèbre phrase de l’anthropologue Françoise Héritier exprime bien cette réalité de la prédation machiste : « l’Homme est la seule espèce où les mâles tuent les femelles de leur espèce. » (Sciences et Avenir, 2012). En tant que grande spécialiste de la domination masculine (Kuhni, 2018b), elle ajoutait qu’il n’y a rien de naturel dans cette violence meurtrière, mais qu’elle est le produit de la culture de la domination masculine : « C’est parce que l’Homme est un produit de la culture que, seul parmi les espèces animales, il pense avoir le droit de frapper ou de tuer des femmes dont il pense qu’elles sont à sa disposition. Mais c’est aussi, puisqu’il ne s’agit pas d’une « nature » contraignante de l’Homme, une raison de croire en la possibilité d’un bouleversement radical de ces représentations archaïques infondées parvenues jusqu’à nous. » (Sciences et Avenir, 2012).

Dans nos sociétés patriarcales, les garçons colonisés risquent de basculer en position d’agresseurs

« Et avoir subi des violences sexuelles dans l’enfance est le risque principal d’en subir à nouveau tout au long de la vie pour les filles, et d’en commettre pour les garçons (Felitti et Anda, 2010 ; OMS, 2010, 2014 ; 2016, IVSEA, 2015, Fulu, 2017). » (Salmona, 2018)

Le simple fait de vivre dans une société où les hommes dominent les filles et les femmes par la violence (le patriarcat) est le risque majeur pour les garçons victimes de devenir de futurs agresseurs. En raison de ce contexte sociétal de violences machistes, tant qu’ils n’auront pas fait un travail sur eux-mêmes pour traiter la colonisation par l’agresseur et l’excitation traumatique qui en résulte, ils ont un risque élevé de devenir eux-mêmes agresseurs, déjà en tant que garçons et plus tard en tant qu’hommes.

A ce propos, une étude publiée en 2001 par The British Journal of Psychiatry (publiée en ligne en 2018) et intitulée « Cycle of child sexual abuse: Links between being a victim and becoming a perpetrator » (Cycle de violences sexuelles sur enfant : liens entre être une victime et devenir un prédateur)  démontre qu’avoir été victime de pédocriminalité est un risque élevé de devenir agresseur à son tour, surtout pour les hommes (The British Journal of Psychiatry, 2018). « Cette étude porte sur 843 patients, dont 744 hommes et 96 femmes, d’un centre médico-legal. Sur 843 hommes, 35% des agresseurs ont été victimes de #pedocriminalite (11% chez les non agresseurs). Sur 96 femmes, 43% ont été victimes de #pedocriminalite mais seule une d’entre elles est devenue agresseuse. Une forte proportion d’hommes agressés sexuellement dans l’enfance par des femmes sont devenus des agresseurs. Avoir été victime de #pedocriminalite surtout chez les hommes est donc un facteur de risque fort de devenir agresseur à son tour. » (MiKohiyama, 2019)

Et s’ils sont devenus des agresseurs à leur tour, bien installés dans leur posture de dominants, les garçons et les hommes n’auront aucune envie de se décoloniser, puisqu’ils vont jouir toute leur vie de leur colonisation, de la toute-puissance qu’elle leur apporte en tant qu’agresseurs.

Dans nos sociétés patriarcales, les filles colonisées risquent de demeurer en position de victimes

Le simple fait de vivre dans une société où les femmes sont dominées par les hommes au moyen de la violence (le patriarcat) est le risque majeur pour les filles victimes de continuer à être des victimes toute leur vie. Cependant, du fait qu’elles continuent de subir des violences machistes et que leur colonisation ne leur apporte que souffrance, les femmes et les filles auront beaucoup plus facilement la volonté de se décoloniser, de se déprogrammer de l’emprise de l’agresseur.

Néanmoins, malgré leur souhait de se décoloniser, il va être très difficile pour les femmes et les filles de faire reconnaître les violences subies. En effet, nos sociétés patriarcales se sont construites depuis des millénaires sur l’invisibilisation des violences machistes, ce qui permet aux hommes d’agir en toute impunité pour poursuivre leur domination des femmes par la violence. C’est la raison pour laquelle, il y a aujourd’hui encore beaucoup de résistance à nommer ces violences. Ce silence n’est pas un hasard, il est le fruit d’une volonté très claire de ne pas nommer les violences de genre (violences sexuelles, conjugales, reproductives, féminicides, fœticides, mariages forcés, mutilations génitales, prostitution, pornographie, traite, etc.) puisque l’occultation de ces violences est la garantie pour les hommes que les femmes n’obtiendront jamais l’égalité et c’est exactement ce que veut le patriarcat, ce que veulent l’immense majorité des hommes.

Une stratégie patriarcale courante pour empêcher de nommer les violences masculines envers les femmes et les filles est de prétendre qu’il y aurait un tabou sur les violences que subissent les hommes de la part des femmes. Cette affirmation est bien sûr totalement fausse et constitue une inversion classique des processus de violence, puisque les rares fois où une femme s’en prend à un homme, cela fait immédiatement les gros titres des médias, avec des mots très durs pour la femme agresseure et une justice très sévère à son encontre. Alors que les hommes agresseurs font rarement les gros titres et sont systématiquement déresponsabilisés par les médias et la justice au moyen de mots tels que drame familial ou crime passionnel et d’excuses comme la pulsion ou l’alcool, etc., avec pour conséquence de produire des condamnations ridicules pour les agresseurs masculins.

Il est légitime que les opprimées aient du ressentiment envers leurs oppresseurs

La domination masculine est un système d’oppression universel auquel les femmes et les filles sont confrontées partout dans le monde. Une stratégie patriarcale très efficace pour nier cette oppression et nier les violences qui la permettent, c’est de mettre sur le même pied les comportements des oppresseurs et ceux des opprimées. Cela se fait par exemple en prétendant que la violence conjugale serait un conflit, donc que les victimes seraient coresponsables d’être violentées.

Pour gommer l’oppression des femmes par les hommes et nier ce système oppresseur universel, on utilise aussi couramment la stratégie de l’inversion, par exemple en plaçant les victimes en posture d’agresseur ou en prétendant qu’il y aurait un sexisme anti-hommes. Or dénoncer les violences masculines, ce n’est pas du sexisme anti-hommes : ce sont des faits, c’est la réalité, c’est mettre des mots sur cette oppression. C’est ne pas avoir le droit d’en parler qui est anormal et qui dénote une situation où les femmes sont silenciées, muselées, interdites de nommer les violences qu’elles subissent de la part des hommes. De plus, la notion de sexisme anti-hommes est d’une audace incroyable puisqu’elle prétend que les oppresseurs subiraient l’oppression de celles qu’ils oppriment ou que les dominants seraient dominés par celles qu’ils dominent ! Mais rien de surprenant à cette logique totalement surréaliste et perverse : elle constitue une classique inversion de la violence, à l’image de celle que l’on retrouve immuablement dans les processus de violence.

De la même façon que le fait de nommer les violences masculines, il est tout à fait légitime que des personnes opprimées ressentent de l’aversion et de la colère envers leurs oppresseurs. Mais cela ne les place pas pour autant en posture dominante. D’autre part, il est important de préciser que le ressentiment des opprimées pour leurs oppresseurs, ce n’est pas de la violence : c’est au contraire une réaction saine et normale face à l’oppression. Ce qui est anormal et malsain, c’est d’aimer son oppresseur (résultat d’une emprise, d’une colonisation, d’un Syndrome de Stockholm) ou de trouver qu’il n’y a aucun problème à cela. En revanche, chaque fois qu’une personne opprimée (une victime) est en colère contre son oppresseur (son bourreau, son tortionnaire, etc.) et qu’elle s’oppose à lui, cette personne est dans processus parfaitement sain, voire en situation de légitime défense. Elle n’est en aucun cas violente. Nous l’avons vu plus haut dans le passage dédié à cette émotion, la colère est une émotion saine et indispensable pour sortir des situations qui ne conviennent pas. Et c’est en s’appuyant sur sa colère que l’on trouve des stratégies intelligentes, novatrices et la force de se battre pour ses droits en mobilisant sa saine agressivité.

En d’autres termes, il est légitime que les femmes soient en colère contre les hommes parce qu’elles sont opprimées par eux depuis des millénaires. Mais cette colère est celle de victimes, elle ne leur fait pas dominer les hommes et elle n’est pas de la violence. Malheureusement, l’immense majorité des femmes ne contacte pas cette colère. La première raison est que si elles sont en colère, le système oppresseur va les accuser d’être violentes et dire que ce sont elles les agresseurs. Donc la colère va se retourner violemment contre elles. Ces accusations font partie des innombrables stratégies d’inversion qu’utilisent les oppresseurs pour contrôler les opprimées et les silencier. Par conséquent, dans nos sociétés patriarcales, les femmes sont interdites de colère sous peine de graves représailles (voir plus haut le paragraphe concernant la colère). Mieux encore : en plus d’être interdites de colère et de droit de parler des violences machistes, elles ont l’obligation de faire semblant que tout va bien et doivent même prendre soin de leurs agresseurs. Et si elles ne le font pas, elles sont considérées comme violentes, cherchant le conflit, égoïstes, acariâtres, etc. La seconde raison de cette absence de colère est que les femmes sont captives et otages de ce système universel d’oppression (le patriarcat), de la même façon que des otages séquestrés par des terroristes. Ainsi, piégées et enfermées avec leurs oppresseurs ou terroristes sociétaux, beaucoup de femmes n’éprouveront jamais de colère envers eux, ne se révolteront jamais contre eux, mais adhéreront au contraire à toutes leurs actions, à l’ensemble de leur idéologie, parce qu’elles les aiment d’un amour inconditionnel qui est l’équivalent d’un Syndrome de Stockholm reporté à un niveau sociétal (Kuhni, 2014a). Et ce phénomène ne fait que s’aggraver en raison d’une violence masculine croissante envers les femmes et les filles.

Contraindre les opprimées à l’inclusion, c’est les empêcher de se décoloniser

Nous savons qu’obliger des victimes à côtoyer des agresseurs va réveiller sans cesse leur mémoire traumatique et empêcher toute décolonisation. Il en va de même lorsque des personnes opprimées sont obligées de côtoyer des oppresseurs. Autrement dit, contraindre un groupe opprimé à l’inclusion, c’est le maintenir dans la colonisation sociétale puisque les oppresseurs sont en réalité des agresseurs sociétaux.

Or c’est exactement ce qui se passe depuis quelques années avec l’obligation pour les femmes d’accepter des hommes dans tous les lieux, même les plus intimes (WC mixtes, par exemple), lieux qui leur étaient réservés auparavant pour des questions de sécurité et/ou d’intimité. Aujourd’hui, les femmes n’ont souvent même plus la possibilité de se regrouper entre elles puisqu’on leur interdit toujours plus fréquemment d’avoir des événements (conférences, etc.) et des espaces (refuges pour victimes de viol, etc.) réservés exclusivement aux femmes. L’argument utilisé est que cela ne respecterait pas l’inclusion. En réalité, avec cette inclusion forcée, le patriarcat renforce de façon considérable son contrôle sur les femmes, car lorsque les femmes ont la possibilité de se réunir entre elles, cela ne permet tout simplement pas aux hommes de les contrôler partout. Avec ce nouvel interdit, les femmes sont encore plus otages des hommes : elles n’ont plus aucun espace, plus aucun événement où les hommes ne sont pas.

Cette situation n’est autre qu’une nouvelle stratégie d’inversion du patriarcat, puisque la demande des femmes de ne plus être exclues des milieux masculins s’est retournée contre elles, de la même façon que toutes les avancées des droits des femmes. Ce retournement porte le nom de backlash (retour de bâton). Ce mot est apparu dans le langage féministe à l’occasion de la publication du best-seller mondial « Backlash: The Undeclared War Against American Women », paru aux États-Unis en 1991 et dont l’auteure est Susan C. Faludi, une journaliste et féministe américaine (Kuhni, 2014c).

Pour mieux percevoir l’effet de ce backlash après une demande d’inclusion du groupe opprimé, ce serait comme si des personnes racisées demandaient à sortir de leur ghetto pour sortir de leur oppression et qu’en contre-partie on leur interdisait de se réunir entre elles, ce qui leur enlèverait tous les moyens de poursuivre leur militance pour leurs droits, car il y aurait toujours un membre du groupe dominant dans leurs rangs. Ainsi, interdire aux femmes de se réunir entre elles, c’est leur enlever toute possibilité d’élaborer entre femmes pour faire avancer leurs droits en fonction de leurs propres besoins. D’autant plus que les femmes doutent de leurs idées, car elles ont été tant discréditées et silenciées depuis des millénaires qu’elles n’ont souvent plus confiance en elles. Par conséquent, l’homme (le dominant) qui se trouve dans leur rang aura toujours une idée soi-disant meilleure, plus pertinente que celle des femmes (les dominées). Et il arrivera aisément à l’imposer, car sa posture de dominant avec laquelle il a été socialisé depuis sa naissance le rend naturellement plus crédible et plus convainquant que les dominées. Pour cette raison, il est fondamental que les groupes opprimés aient le droit de se réunir entre eux pour militer pour leurs droits sans la présence de membres du groupe dominant. Autrement dit, l’inclusion ne doit jamais être imposée aux groupes opprimés. L’inclusion ne doit être imposée qu’aux groupes dominants qui doivent inclure des personnes du groupe opprimé pour leur permettre de sortir de l’oppression.

Les stéréotypes de genre, outil de base pour légitimer la violence de genre

Les stéréotypes de genre sont la matérialisation de l’idéologie anti-femmes insufflée depuis des millénaires par le patriarcat pour donner une apparente normalité à la violence de genre, pour l’invisibiliser, la justifier et la rendre quasiment légitime.

« La norme tranquille, ou la naturalisation par la répétition (…)
À force d’être ainsi répétée à longueur de films, cette norme tend à apparaître comme naturelle. »
Source : Le grand costaud et la petite chose : représentations des corps masculins et féminins dans le cinéma d’animation contemporain
(Le cinéma est politique, 11 juin 2019)

Les stéréotypes de genre sont donc un outil très important de la domination masculine. C’est grâce à eux que les hommes peuvent violenter les femmes en toute quiétude sans que personne (ou quasiment personne) n’y trouve rien à redire dans nos sociétés patriarcales.

Ce rôle prépondérant dans la perpétuation de la domination masculine exige que les stéréotypes de genre soient enseignés aux enfants dès leur plus jeune âge, afin de s’assurer que les garçons soient bien formatés (ou conditionnés) à être des dominants et que les filles soient bien formatées (ou conditionnées) à être des dominées.

Source : « The Pink and Blue project » : immersion oppressante dans le marketing genré (Konbini, 29 juillet 2014, sur le travail de l’artiste sud-coréenne JeongMee Yoon )

Les stéréotypes de genre sont un ensemble de croyances sur les différences entre les femmes et les hommes (caractères, comportements, compétences ambitions, vêtements, etc.). Par exemple, selon les stéréotypes de genre :

– les femmes seraient serviables, douces, soumises, stupides (écervelées ou décervelées), superficielles, futiles, paresseuses, molles, craintives, irresponsables, sans ambition ni courage, bavardes, compliquées, versatiles (« Pourquoi contredire une femme ? Il est tellement plus simple d’attendre qu’elle change d’avis »), conflictuelles, jalouses, colériques, méchantes, mesquines, sans humour, susceptibles, égoïstes, intéressées (ne pensent qu’à l’argent), allumeuses, salopes, putes, mal baisées, frigides, malades imaginaires, hystériques, folles, menteuses, manipulatrices, machiavéliques. Elles devraient être belles, minces, glabres, sexy et jeunes tout au long de leur vie. Selon les images qui les symbolisent, elles porteraient des jupes, des hauts talons, des cheveux longs, du rouge à lèvre et du vernis à ongle, du rose, des vêtements sexy et léger, etc. Elles ne penseraient qu’à leur apparence, adoreraient être violées (quand elles disent « non » ce serait « oui »), mériteraient d’être battues (« Bats ta femme tous les matins, si tu ne sais pas pourquoi, elle, elle le sait »), pleureraient pour un rien, ne pourraient être heureuses qu’en ayant des enfants, feraient des bébés dans le dos des hommes, seraient de mauvaises mères, préféreraient les chats que les hommes, seraient responsables de tous les malheurs du monde, etc.

– les hommes seraient forts, virils, courageux, cool, généreux, responsables, rationnels, intelligents, grands cœurs, loyaux, plein de bonne volonté, bons et justes, protecteurs, rassurants, sérieux, perdus face aux tâches ménagères car occupés à des tâches bien plus importantes, sages, calmes, profonds, mesurés, fiables, honnêtes, droits, détestant les conflits, plein d’humour, ambitieux, énergiques, communicateurs, faits pour diriger (leader), créatifs, inventifs, volontaires et considérés comme beaux même avec leurs poils, leur embonpoint, leurs cheveux gris et leur âge avancé. Selon les images qui les symbolisent, ils porteraient des pantalons, des couleurs ternes, des vêtements chauds et confortables. Ils frapperaient et tueraient par amour ou pulsion, ne seraient jamais responsables de rien, n’y seraient pour rien dans les grossesses non désirées des femmes, seraient de bons pères, auraient une difficulté à se débrouiller seuls, auraient besoin de la compassion et du soutien des femmes, seraient fragiles et sensibles malgré les apparences, auraient des besoins sexuels irrépressibles et un besoin naturel de la prostitution et de la pornographie, etc.

Ces stéréotypes de genre sont du pain béni pour les agresseurs et constituent l’inversion classique que l’on trouve dans les processus de violence. Grâce à ces croyances catastrophiques sur les filles et les femmes et très positives sur les garçons et les hommes, les agresseurs vont très facilement coloniser leurs victimes féminines qui ont déjà été convaincues depuis leur naissance de leur nullité, de leur monstruosité et du fait qu’elles sont responsables de tout ce qui leur arrive, qu’elles le méritent, qu’elles l’ont bien cherché, etc. Pour les filles et les femmes, ces stéréotypes de genre sont en grande partie responsables de leur misogynie intériorisée qui en fait des alliées inconditionnelles de leurs agresseurs et des adversaires redoutables envers elles-mêmes (les femmes).

Alors bien sûr, certains garçons vont souffrir à certains moments des stéréotypes de genre (par exemple, devoir être fort et viril). Toutefois, comme ils font partie de la classe dominante, que ces stéréotypes leur procurent du pouvoir et qu’ils sont malgré tout nettement à leur avantage, cela durera rarement très longtemps. Grâce à ces stéréotypes de genre, ils profiteront au contraire largement de leur statut de dominant, dès leur naissance et tout au long de leur vie. En effet, ces stéréotypes ont une visée très claire : permettre aux garçons et aux hommes de soumettre les femmes et les filles pour les maintenir sous la domination masculine et les empêcher d’atteindre l’égalité.

L’apprentissage des postures de dominant-dominée

Dans un tel contexte, bien que les garçons aient parfois de moins bonnes compétences, ils auront une meilleure estime d’eux-mêmes, alors que les filles se dévaloriseront.

L’école est un lieu où l’apprentissage des positions dominant-dominée se fait de façon intensive dès le plus jeune âge. Voici quelques exemples :

– impunité totale des garçons ; les garçons indisciplinés et violents ne sont pas sanctionnés (ou toute la classe est sanctionnée à leur place) ; donc déresponsabilisation des garçons et responsabilisation de toute la classe (victimes comprises) qui serait responsable de leur indiscipline et de leur violence ;

– la violence des garçons est considérée comme normale et saine (traits de masculinité). Ce sont des garçons, dit-on, ils sont comme ça, on ne peut rien y changer et c’est bien qu’ils soient comme ça, selon l’expression anglophone : « boys will be boys » ;

– les garçons prennent toute la place dans la cour de l’école (ils jouent au foot, par exemple) et poussent les filles qui se trouvent sur leur passage ; donc automatiquement, les filles sont reléguée à de petites recoins de la cour d’école ; elles doivent jouer dans de petits espaces ;

– les garçons sont beaucoup plus valorisés, encouragés et soutenus par les enseignant-e-s, alors qu’ils sont parfois moins doués et qu’ils ont parfois plus de peine ; les filles sont très souvent dévalorisées et ridiculisées, dès qu’un petit détail n’est pas irréprochable ;

– les filles sont punies plus sévèrement (si elles n’ont pas fait certains devoirs, par exemple) ; les garçons sont moins punis, voire pas punis du tout (s’ils oublient de faire leurs devoirs, par exemple) ;

– quand une fille fait une faute ou désobéit, l’enseignant-e le dit et la fille est sanctionnée ; lorsqu’un garçon fait une faute ou désobéit, l’enseignant-e ne dit rien, laisse passer et il n’y a pas de sanction ;

– les garçons monopolisent le temps de parole et l’attention des enseignant-e-s avec leur indiscipline qui n’est pas sanctionnée, mais valorisée ;

– la violence des garçons envers les filles est valorisée, comme s’il s’agissait d’une marque d’amour. Par exemple, si un garçon ne cesse de harceler une fille voire de la taper dans la cours de l’école, ce serait de l’amour « ah, ne te plains pas, c’est qu’il t’aime bien ».

D’autre part, en français, la règle du masculin qui l’emporte sur le féminin conforte les garçons dans leur position de dominants. Avec cette règle, ils comprennent très vite que les garçons valent plus que les filles ou plutôt qu’elles ne valent rien puisque s’il y a un seul garçon et 50 filles, on va accorder au masculin. Dès que les garçons et les filles apprennent cette règle orthographique, ils-elles comprennent quelle est leur place dans la société (dominants-dominées / oppresseurs-opprimées).

En plus de cela, dans les cours d’éducation sexuelle, on ne parle que du pénis et de l’appareil reproducteur des filles et des femmes. Donc les filles et les femmes sont cantonnées dès le plus jeune âge à leur fonction reproductrice (Kuhni, 2018b) et à leur statut d’objet sexuel à disposition des garçons et des hommes (à disposition des pénis, autant dans leur fonction sexuelle que reproductrice). Le clitoris est absent, comme s’il n’existait pas. Il n’est apparu que très récemment dans les ouvrages scolaires français (Kuhni, 2017f).

Enfin, l’impunité dont bénéficient les garçons dès leur plus jeune âge est un véritable encouragement à être violents envers les femmes et les filles (harcèlement sexuel, agressions sexuelles, viols, féminicides, etc.). Devenus adultes, ils bénéficieront encore d’une batterie d’instruments qui leur permet d’échapper à toute sanction (déni, victim blaming, etc.) ou d’avoir des sanctions minimes (sursis, obligation de soins, etc.).

La colonisation, par la Dre Muriel Salmona

La Dre Muriel Salmona, psychiatre, psychotraumatologue et présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie, est la grande spécialiste de la mémoire traumatique et du phénomène de colonisation.

En 2015, Muriel Salmona a publié deux documents consacrés à la prévention des violences sexuelles sur les enfants (Salmona, 2015c) et à leur accompagnement thérapeutique (Salmona, 2015d). Dans le second document Muriel Salmona décrit de façon très claire le phénomène de colonisation ainsi que son traitement (décolonisation). Donc comme annoncé en début de cet article, voici de larges passages de ce document, sachant que pour terminer sur ce thème de la colonisation par l’agresseur, le mieux était de revenir aux fondamentaux avec la grande spécialiste en la matière :

« Il faut, avec elle [la victime], remettre le monde à l’endroit, dénoncer et démonter tout ce que l’agresseur a essayé de mettre en place pour la détruire, la réduire au silence et à la haine de soi, et il est essentiel d’identifier la stratégie que l’agresseur a mis en place. (…) Et ne pas oublier de dénoncer tous les stéréotypes qui colonisent la société, et alimentent déni, culture du viol et sont responsable[s] de l’impunité des agresseurs.

(…) Ces soins [psychothérapie spécialisée dans ce domaine] permettent d’éviter la mise en place de troubles psychotraumatiques durables, dont une mémoire traumatique qui fait revivre les violences à l’identique comme une machine à remonter le temps aussitôt qu’un lien rappelle les violences, la victime est alors colonisée par les violences et l’agresseur. (…) Cette mémoire traumatique se traite et, grâce au traitement, elle est transformée en une mémoire autobiographique avec laquelle il est bien plus aisé de composer.

(…) Ne pas juger ses comportements [de la victime], ne pas considérer qu’elle n’a rien compris, ni qu’il faut lui apprendre à bien réagir, comme si elle n’était pas capable de savoir. Mais considérer qu’elle en est empêchée par un agresseur qui la colonise avec ses mises en scène et son extrême violence qu’il faut identifier et désamorcer. Considérer que tous ses symptômes, ses troubles du comportement sont liés aux violences et à la [stratégie] de l’agresseur et les analyser à la lumière de ce qui s’est passé, et non en en attribuant la cause à la victime elle-même.

(…) une victime n’est pas «fascinée par le trauma», «vautrée dans la victimisation», elle n’est pas l’artisane de son propre malheur, elle a été attaquée par un agresseur qui l’a torturée et qui par l’intermédiaire de la mémoire traumatique de la victime a encore le pouvoir de continuer à la torturer sans fin si elle reste abandonnée sans aide, ni soin efficaces.

(…) Pour un enfant, être confronté à l’excitation perverse d’un adulte, à des gestes qui n’ont aucun sens, à une éjaculation, à une pénétration, est terrorisant. C’est assimilable à de la torture et cela explique la gravité des conséquences psychotraumatiques, et l’impact sur leur vie, sur leur santé physique, mentale, affective et sexuelle, avec des risques suicidaires très importants (…), des risques de dépressions à répétition, de troubles anxieux, d’addiction, de troubles alimentaire[s], de conduites à risques, etc.

(…) Cette mémoire traumatique est une mémoire émotionnelle des violences contenue dans l’amygdale cérébrale (structure cérébrale sous-corticale à l’origine de la réponse émotionnelle) qui n’a pas pu être intégrée par l’hippocampe (logiciel de la mémoire et du repérage temporo-spatial) en mémoire autobiographique, celui-ci étant déconnecté. Elle contient non seulement les violences, leur contexte, les émotions, les douleurs et les sensations ressenties par la victime, mais également l’agresseur, sa mise en scène, ses paroles, sa haine, son mépris, son excitation. Tout y est mélangé, sans identification, ni tri, ni contrôle possible. Au moment des violences cette indifférenciation empêchera la victime de faire une séparation entre ce qui vient d’elle et de l’agresseur, elle pourra à la fois ressentir une terreur qui est la sienne, associée à une excitation et une jouissance perverses qui [sont] celle[s] de l’agresseur. De même il lui sera impossible de se défendre des phrases mensongères et assassines de l’agresseur : « tu aimes ça », « c’est ce que tu veux », « c’est ce que tu mérites », elles s’installeront telles quelles dans l’amygdale cérébrale. Après les violences, cette mémoire traumatique y restera piégée.

(…) Sans soin spécifique, avec la mémoire traumatique, les violences sexuelles et l’agresseur continuent à coloniser et à hanter le psychisme de la victime, à la torturer et à la piéger dans une peur et une insécurité permanente.

(…) Avec cette mémoire traumatique, les victimes contre leur gré se retrouve[nt] à revivre sans cesse les pires instants de terreur, de douleur, de désespoir, comme une torture sans fin, avec des sensations soudaines d’être en grand danger, d’être écrasé, de suffoquer, de perdre connaissance, de mourir, d’avoir la tête ou le corps qui explose, d’être envahi par des douleurs intenses. Avec elles, l’agresseur reste éternellement présent à leur imposer les mêmes actes atroces, les mêmes phrases assassines, la même souffrance délibérément induite, la même jouissance perverse à les détruire, leurs mêmes mises en scène mystificatrices avec une haine, un mépris, des injures, et des propos qui ne les concernent en rien.

(…) Elles peuvent être envahie[s] par l’excitation perverse de l’agresseur lors de situation de danger à connotation sexuelle ou bien lors de la visualisation de scènes d’agressions sexuelles, et croire qu’elles sont elles-mêmes excité[e]s par une sexualité violente alors qu’il n’en est rien. L’excitation perverse déclenchée par le stress peut être confondue avec du désir, et la disjonction liée au stress extrême avec libération du cocktail morphine-kétamine peut être pris pour une jouissance orgasmique, la sexualité se retrouve colonisée par la violence de l’agresseur de son enfance.

Cette colonisation par l’agresseur génère chez les victimes une atteinte grave de l’estime de soi, et la sensation d’être étrangère[s] à elles-mêmes. Elles se retrouvent à se haïr, se mépriser, se dénigrer, s’injurier, s’accuser comme l’a fait l’agresseur au moment des violences, à considérer qu’elles n’ont aucun droit, juste celui de s’écraser ou de disparaître… Tout se passe comme si l’agresseur les avait programmées, avec cette mémoire traumatique qu’il a créée, pour devenir leur pire ennemi : une torture à vie, si rien n’est fait pour déconstruire ce système, et libérer les victimes de cet enfer par des soutiens, des soins et une solidarité sans faille pour remettre le monde à l’endroit.

(…) L’agresseur met également en scène une souillure et une humiliation de la victime. Il lui fait croire, avec une société qui est trop souvent complice, qu’elle a perdu irrémédiablement sa dignité, son « honneur » et celui de sa famille, qu’elle est salie définitivement au plus profond d’elle-même et qu’elle n’a plus aucune valeur. Il lui impose d’avoir honte et de se cacher. (…) Il suffit de sortir les victimes des détritus amoncelés par l’agresseur et tous ses complices, de dénoncer leurs mensonges, et de briser les miroirs déformants qu’ils tendent continuellement aux victimes, pour remettre le monde à l’endroit.

(…) Pendant les violences et tant que l’enfant est exposé à l’agresseur, trois mécanismes principaux sont mis en place pour y survivre :

la fuite, quand elle est possible et c’est rare, elle représente souvent un grand danger pour l’enfant. (…)

un mécanisme d’adaptation pour éviter la survenue de violences et le risque de rejet et d’abandon, les enfants s’hyper-adaptent à leurs agresseurs et pour cela ils s’identifient à eux, ils apprennent à percevoir et à anticiper leurs moindres changements d’humeur. Ils deviennent de véritables scanners, capables de décrypter et d’anticiper les besoins de leurs bourreaux.

– un mécanisme neuro-biologique de protection face au stress extrême et à des situations intolérables, qui se met en place automatiquement : la dissociation. Ils sont alors déconnectés de leurs émotions, avec une anesthésie émotionnelle et [le] seuil de douleur est très augmenté. Ils se retrouvent à fonctionner sur un mode automatique, comme robotisés, détachés d’eux-mêmes, comme s’ils étaient spectateurs.

(…) si les émotions de la personne qui nous fait face sont anesthésiées, nous ne ressentirons rien émotionnellement. (…). De même les proches ne détecteront pas facilement la détresse et la souffrance des enfants, et passeront d’autant plus à côté. (…) [avec cette anesthésie émotionnelle qui empêche la compréhension et l’empathie d’autrui ] cette dissociation est un facteur de risque important d’être maltraité, de devenir le souffre-douleur de tout le monde.

(…) Après les violences et à distance de l’agresseur, les enfants sortent de leur état dissociatif permanent mais la mémoire traumatique prend le relais et ils continuent d’être colonisés par les violences et l’agresseur aussitôt qu’un lien les rappelle (lieu, situation, sensation, émotion,…). (…) Les victimes traumatisées doivent alors essayer d’éviter à tout prix cette mémoire traumatique, pour cela deux stratégies sont possibles :

des conduites d’évitement, de contrôle, d’auto-censure pour l’empêcher de s’allumer, tout ce qui peut rappeler les violences ou l’agresseur est évité, de même que tout stress ou toute douleur, avec des comportements phobiques, des lavages incessants, des vérifications, etc.

des conduites à risque [dissociantes] pour s’anesthésier en provoquant coûte que coûte cette dissociation en faisant monter le niveau de stress.

(…) Les conduites à risque dissociantes dont les victimes expérimentent rapidement l’efficacité permettent de calmer un état de tension intolérable, ou prévenir sa survenue en s’anesthésiant à l’avance, en provoquant une disjonction comme lors des violences. Cette disjonction provoquée peut se faire de deux façons, soit en provoquant un stress très élevé qui augmentera la quantité de drogues dissociantes sécrétées par l’organisme, soit en consommant des drogues dissociantes (alcool, stupéfiants, médicaments à haute dose). Ces conduites à risques dissociantes peuvent être des conduites auto-agressives (se frapper, se mordre, se brûler, se scarifier, tenter de se suicider), des mises en danger (conduites routières dangereuses, jeux dangereux, sports extrêmes, conduites sexuelles à risques, situations prostitutionnelles, fugues, fréquentations dangereuses), des conduites addictives (consommation d’alcool, de drogues, de médicaments, troubles alimentaires, jeux addictifs), des conduites délinquantes et violentes contre autrui (l’autre servant alors de fusible grâce à l’imposition d’un rapport de force pour disjoncter et s’anesthésier).

Les conduites dissociantes rechargent aussi la mémoire traumatique, la rendant toujours plus explosive, les conduites dissociantes sont alors toujours plus nécessaires, créant une véritable addiction aux mises en danger et/ou à la violence. Ces conduites dissociantes qui s’imposent sont incompréhensibles et paraissent paradoxales à tout le monde (à la victime, à ses proches, aux professionnels). Elles peuvent entraîner un état dissociatif permanent comme lors des violence avec la mise en place d’un détachement et d’une indifférence apparente qui les mettent en danger d’être encore moins secourues et d’être ignorées et maltraitées. Elles sont chez les victimes à l’origine de culpabilité et d’une grande solitude, qui les rendent encore plus vulnérables.

(…) Si certaines tentatives de suicide peuvent être liées à une volonté réfléchie d’en finir avec une vie de souffrance, la plupart sont dues à la mémoire traumatique de la volonté destructrice et criminelle de l’agresseur qui, en envahissant le psychisme de la personne victime, peut la faire brutalement basculer dans un passage à l’acte suicidaire. Celui-ci reproduit soit une tentative de meurtre subie par le passé, soit le « tu ne vaux rien, tu n’es rien, tu ne mérites pas de vivre, tu es indigne, tu n’es qu’un déchet à jeter, etc. » mis en scène par l’agresseur. La victime est colonisée par le désir meurtrier de l’agresseur qui s’impose à elle, comme s’il émanait de ses propres pensées. C’est intolérable, et répondre à cette injonction en se supprimant, dans une compulsion dissociante, devient la seule solution pour échapper à cette scène et pour éteindre cette violence qui explose en elle.

(…) Quand la mémoire traumatique de l’agresseur revient hanter la victime avec sa haine, son mépris, son excitation perverse, soit la victime peut courageusement se battre pour contrôler sans relâche ce qu’elle pense être ses propres démons (alors qu’il ne s’agit pas d’elle, de ce qu’elle est, mais d’une remémoration traumatique intrusive qui s’impose à elle sans qu’elle puisse l’identifier comme telle, et qui se présente comme des phobies d’impulsion, avec la peur de passer à l’acte) en s’auto-censurant et en évitant toutes les situations qui peuvent déclencher des images ou des sensations intrusives (comme des situations sexualisées, comme être avec des enfants, les toucher), soit elle peut retourner ces intrusions contre elle et se haïr, se mépriser et s’auto-agresser sexuellement pour disjoncter et s’anesthésier, soit elle peut faire corps avec ces intrusions, s’identifier à elles et passer à l’acte sur autrui en reproduisant les actes commis par son agresseur, ce qui va là aussi lui permettre de disjoncter et s’anesthésier avec en prime un sentiment de toute puissance et le risque d’une véritable addiction à la violence sexuelle.

(…) il est évident que c’est bien parce que les enfants n’ont pas été protégés, ont été abandonnés sans soins appropriés qu’ils doivent composer avec une mémoire traumatique redoutable qui les oblige à s’auto-censurer sans cesse, à vivre dans une guerre permanente. Leur mémoire traumatique aurait dû être traitée et transformée en mémoire autobiographique, ce qui les [aurait] libéré[s] de la torture que représentent des violences et des agresseurs continuellement présents en soi.

(…) Les soins sont essentiels, la mémoire traumatique doit être traitée. Il s’agit de faire des liens, de comprendre, de sortir de la sidération en démontant le système agresseur et en remettant le monde à l’endroit, de petit à petit de désamorcer la mémoire traumatique, de l’intégrer en mémoire autobiographique, et décoloniser ainsi la victime des violences et du système agresseur.

Le but de la prise en charge psychothérapique, c’est de ne jamais renoncer à tout comprendre, ni à redonner du sens. Tout symptôme, tout cauchemar, tout comportement qui n’est pas reconnu comme cohérent avec ce que l’on est fondamentalement, toute pensée, réaction, sensation incongrue doit être disséqué pour le relier à son origine, pour l’éclairer par des liens qui permettent de le mettre en perspective avec les violences subies. Par exemple une odeur qui donne un malaise et envie de vomir se rapporte à une odeur de l’agresseur, une douleur qui fait paniquer se rapporte à une douleur ressentie lors de l’agression, un bruit qui paraît intolérable et angoissant est un bruit entendu lors des violences comme un bruit de pluie s’il pleuvait, une heure de la journée peut être systématiquement angoissante ou peut entraîner une prise d’alcool, des conduites boulimiques, des raptus suicidaires, des auto-mutilations s’il s’agit de l’heure de l’agression, une sensation d’irritation, de chatouillement ou d’échauffement au niveau des organes génitaux survenant de façon totalement inadaptée dans certaines situations peut se rapporter aux attouchements subis, des « fantasmes sexuels » violents, très dérangeants dont on ne veut pas, mais qui s’imposent dans notre tête ne sont que des réminiscences traumatiques des viols ou des agressions sexuelles subies…

Le travail psychothérapique consiste à faire des liens et en réintroduisant des représentations mentales pour chaque manifestation de la mémoire traumatique (perfusion de sens), ce qui va permettre de réparer et de rétablir les connexions neurologiques qui ont subi des atteintes et même d’obtenir une neurogenèse. Il s’agit de « réparer » l’effraction psychique initiale, la sidération psychique liée à l’irreprésentabilité des violences. (…) Cela se fait en « revisitant » le vécu des violences, accompagné pas à pas par un « démineur professionnel » avec une sécurité psychique offerte par la psychothérapie et si nécessaire par un traitement médicamenteux, pour que ce vécu puisse petit à petit devenir intégrable, car mieux représentable, mieux compréhensible, en mettant des mots sur chaque situation, sur chaque comportement, sur chaque émotion, en analysant avec justesse le contexte, ses réactions, le comportement de l’agresseur.

Cette analyse poussée permet au cerveau associatif et à l’hippocampe de re-fonctionner et de reprendre le contrôle des réactions de l’amygdale cérébrale, et d’encoder la mémoire traumatique émotionnelle pour la transformer en mémoire autobiographique consciente et contrôlable. De plus il a été démontré qu’une prise en charge spécialisée permettait de récupérer des atteintes neuronales liées au stress extrême lors du traumatisme, avec une neurogenèse et une amélioration des liaisons dendritiques visibles sur des IRM (Imagerie par Résonance Magnétique).

Rapidement, ce travail se fait quasi automatiquement et permet de sécuriser le terrain psychique, car lors de l’allumage de la mémoire traumatique le cortex pourra désormais contrôler la réponse émotionnelle et apaiser la détresse, sans avoir recours à une disjonction spontanée ou provoquée par des conduites dissociantes à risque. Il s’agit pour le patient de devenir expert en « déminage » et de poursuivre le travail seul, les conduites dissociantes ne sont plus nécessaires et la mémoire traumatique se décharge de plus en plus, la sensation de danger permanent s’apaise et petit à petit il devient possible de se décoloniser de la mémoire traumatique et de retrouver sa cohérence, et d’arrêter de survivre pour vivre enfin. » (Salmona, 2015d)

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The British Journal of Psychiatry. (2018). Cycle of child sexual abuse: Links between being a victim and becoming a perpetrator [en ligne]. 2 janvier 2018 [consulté le 3 juin 2019]. Disponible à l’adresse : https://www.cambridge.org/core/journals/the-british-journal-of-psychiatry/article/cycle-of-child-sexual-abuse-links-between-being-a-victim-and-becoming-a-perpetrator/A98434C25DB8619FB8F1E8654B651A88#

The Guardian. (2018). Patriarchy perpetuates trauma. It’s time to face the fact. Meera Atkinson [en ligne]. 30 avril 2018 [consulté le 21 juin 2019]. Disponible à l’adresse : https://www.theguardian.com/commentisfree/2018/apr/30/patriarchy-perpetuates-trauma-its-time-to-face-the-fact?fbclid=IwAR0dH7h4ji_c76sp4gHaB3cpcuNCr_pivL3gXZLadmC6IP_iieHc0HEhP9E

Royaume-Uni : la misogynie (haine des femmes) bientôt reconnue comme « crime de haine »

La misogynie (haine des femmes) devrait être reconnue comme crime de haine, au même titre que le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie, etc. car elle conduit à violenter et à tuer les femmes parce qu’elles sont femmes.

Malheureusement, dans le monde entier, la misogynie est ignorée, considérée comme banale, normale, voire amusante, alors que cette haine des femmes est responsable d’un nombre phénoménal de victimes (féminicides, violences conjugales, violences sexuelles, etc.). Le nombre de victimes de la misogynie dépasse même largement le nombre de victimes de tous les autres crimes de haine confondus, puisque les femmes constituent la moitié de la population mondiale et que le taux de violences envers elles est très élevé. Autrement dit, la misogynie est le crime de haine à la fois le plus répandu et le plus nié.

Depuis peu, le Royaume-Uni a néanmoins entrepris de reconnaître la misogynie comme crime de haine. Que ce précurseur en la matière en soit remercié, pour toutes les femmes violentées et tuées parce qu’elles sont femmes. On doit notamment cette initiative à l’engagement de nombreuses femmes (des députées, par exemple).

Nottinghamshire

Tout a commencé en juillet 2016 dans le comté du Nottinghamshire où un projet pilote a été mis en place pour requalifier les agressions misogynes en crimes de haine.

En septembre 2016, Les Terriennes (TV5 Monde) publiaient un article à ce sujet :

« En juillet 2016, les autorités du Nottinghamshire ont décidé de requalifier les agressions misogynes en crimes de haine. Une première au Royaume-Uni. (…)

Quand les agressions misogynes sont considérées comme des crimes de haine

Tout a commencé dans le Nottinghamshire, une région britannique au centre de l’Angleterre. En juillet 2016, après deux années d’enquête, d’échange avec les associations locales et de rencontres avec les victimes, les autorités décident de faire paraître une ordonnance pour requalifier les agressions misogynes en crimes de haine. Ils entrent dorénavant dans la même catégorie que les agressions à caractère racial, religieux, à cause d’un handicap, d’une orientation sexuelle ou d’une nationalité.

Dans une vidéo réalisée par la police de Nottingham, des femmes témoignent du harcèlement de rue quotidien. (Vidéo en anglais) (…)

La police de la région a annoncé que ces nouveaux crimes de haine recouvraient les « incidents contre des femmes qui résultent d’une certaine attitude d’un homme envers une femme, et (…) tout comportement adopté par un homme face à une femme simplement parce qu’elle est une femme » selon The Independant. Rentrent dans cette catégorie les « approches physiques non désirées » ainsi que le fait de « contacter et engager verbalement une femme sans y avoir été invité », selon le site d’information de BFM.

Qu’est ce que ça change ?

« Il est important de comprendre que ce changement de législation ne reconnaît aucun nouveau crime. Les peines encourues sont les mêmes […] Cette requalification permet essentiellement de prendre conscience de l’illégalité de ces actes et d’encourager les victimes à porter plainte. […] Les policiers de Nottingham ont reçu une formation spéciale pour recevoir les plaintes liées à ces crimes de haine misogynes. » explique Heather à Terriennes. Elle est la représentante de l’association Hollaback, qui lutte contre le harcèlement de rue.

Et il semblerait que la requalification ait porté ses fruits. Dave Alton, responsable de la police de Nottingham cité par le l’association Hollaback, explique que les résultats sont plutôt positifs : « le fait de savoir que leur plainte sera prise au sérieux fait que les femmes qui ne seraient jamais venues il y a six mois osent venir ».

Violences misogynes en Angleterre et au Pays de Galles, quelques chiffres:

Une étude menée par l’Office of National Statistics et citée par l’organisation féministe Rape Crisis England & Wales avance les chiffres suivants concernant les violences sexuelles en Angleterre et au Pays de Galles, en 2013 :

– 11 viols (sur des adultes) sont commis toutes les heures,

– 1 femme sur 5 âgée entre 16 et 59 ans a été victime d’une forme de violence sexuelle depuis ses 16 ans,

– Seulement 15% d’entre elles ont porté plainte

Un sondage en ligne a révélé que 95% des femmes anglaises se sont faites harcelées, raillées ou ont été la cible de remarques obscènes dans la rue. C’est ce qu’explique Sarah Teale dans un reportage à Nottingham en septembre 2015, avant d’être elle même victime de harcèlement de rue, devant la caméra. (Vidéo en anglais) » (Cherrid, 2016)

Capture écran de la vidéo
donnée en lien dans l’article ci-dessus

Source image : Cherrid, 2016

Melanie Onn, députée travailliste

En mars 2018, plusieurs députées viennent de relancer le débat. Melanie Onn, députée travailliste, propose de promulguer une loi au niveau national pour reconnaître la misogynie comme crime de haine.

« A recent pilot scheme by Nottinghamshire police treats misogynistic acts as hate crimes. Such acts are defined as “incidents against women that are motivated by an attitude of a man towards a woman and includes behaviour targeted towards a woman by men simply because they are a woman”.

In the first eight months of the scheme in 2016, 79 misogynistic acts were recorded, 31 of which were categorised as hate crimes. » (Elgot, 2018)

Traduction : « Un projet pilote récent de la police de Nottinghamshire traite les actes misogynes comme des crimes de haine. De tels actes sont définis comme des « incidents contre des femmes qui sont motivés par une attitude d’un homme envers une femme et incluent un comportement ciblé envers une femme par des hommes simplement parce qu’elles sont une femme ».

Au cours des huit premiers mois du programme en 2016, 79 actes misogynes ont été enregistrés, dont 31 ont été classés comme crimes de haine. »

Source image : Elgot, 2018

Mhairi Black, députée écossaise

En Ecosse, la députée Mhairi Black propose aussi de reconnaître la misogynie comme crime de haine en Écosse. Voici la vidéo d’une de ses interventions : Mhairi Black’s Speech on misogyny as a Hate Crime

Capture d’écran de la vidéo

Descriptif de la vidéo :
« Mhairi Black delivers a passionate speech regarding the everyday abuse she receives online. She also makes history by becoming the first ever MP to use the c-word in Parliament. » (Aye For Scotland, 2018)

Traduction : « Mhairi Black livre un discours passionné sur le harcèlement quotidiens qu’elle reçoit en ligne. Elle a également marqué l’histoire en devenant la toute première députée à utiliser le c-word [le mot « cunt » qui signifie «con, vagin»] au Parlement. »

Bibliographie

Aye For Scotland. (2018). Mhairi Black’s Speech on misogyny as a Hate Crime [vidéo]. Youtube [en ligne]. 7 mars 2018 [consulté le 6 avril 2018]. Disponible à l’adresse : https://www.youtube.com/watch?v=cG9tpVr2KeI&feature=youtu.be

Cherrid, Margot. (2016). La misogynie bientôt considérée comme crime de haine au Royaume-Uni ?, TV5 Monde, Les Terriennes [en ligne]. 29 septembre 2016 [consulté le 7 avril 2018]. Disponible à l’adresse : https://information.tv5monde.com/terriennes/la-mysoginie-bientot-consideree-comme-crime-de-haine-au-royaume-uni-128610

Elgot, Jessica. (2018). Make catcalling a hate crime, Labour MP to urge parliament, The Guardian [en ligne]. 6 mars 2018 [consulté le 6 avril 2018]. Disponible à l’adresse : https://www.theguardian.com/world/2018/mar/06/make-catcalling-a-hate-crime-labour-mp-to-urge-parliament

Domination masculine et appropriation du ventre des femmes

Pourquoi les hommes veulent-ils tant dominer les femmes ? Nous connaissons l’outil principal de la domination masculine : ce sont les violences sexuelles. Mais le but de cette domination n’est jamais nommé.

Pourtant, ce but, l’anthropologue Françoise Héritier nous en a régulièrement parlé : c’est la prise de pouvoir sur les utérus. Par conséquent, la domination masculine n’est ni une sorte de « pulsion masculine de domination » ni une lubie des hommes à vouloir dominer les femmes. Cette domination a un but bien précis : les utérus. Il est logique dans un tel contexte que les violences sexuelles soient devenues l’instrument majeur de cette domination, puisqu’en même temps qu’elles servent aux hommes à soumettre les femmes, elles leur permettent d’avoir accès aux utérus. Autrement dit, les violences sexuelles ne sont pas la finalité de la domination masculine, mais un instrument de domination à double visée (soumettre et inséminer) d’une efficacité redoutable.

En effet, selon Françoise Héritier, la domination masculine trouve sa source dans la nécessité pour les hommes de s’approprier les utérus pour se reproduire, les femmes devenant ainsi une sorte de « marmite » dans laquelle les hommes peuvent se reproduire.

Françoise Héritier est une référence en matière de domination masculine puisqu’elle a « consacré l’essentiel de ses recherches aux fondements de la domination masculine » (Collège de France, 2017).

Pour celles et ceux qui ne la connaissent pas encore, Françoise Héritier est une figure majeure de l’anthropologie, pionnière du féminisme et professeure honoraire au Collège de France où elle a dirigé le Laboratoire d’anthropologie sociale. Elle fut aussi la première femme à accéder à la chaire d’anthropologie du Collège de France où elle avait succédé à Claude Lévi-Srauss. Françoise Héritier s’est éteinte à 84 ans dans la nuit du 14 au 15 novembre 2017.

Les femme sont des marmites que les hommes doivent s’approprier

Françoise Héritier:
« 
Depuis toujours, la femme est une marmite »
(Wald Lasowski, 2018)

Voici quelques extraits d’ouvrages et d’entretiens dans lesquels Françoise Héritier explique que l’appropriation du ventre des femmes est la cause de la domination masculine.

Françoise Héritier dans l’ouvrage « La Différence des sexes » (2010) : « Les femmes (…) sont un matériau, ou bien une sorte de marmite dans laquelle les hommes, par le coït, mettent les enfants. (…) Les femmes sont devenues (…) une ressource à gérer, une matière première extrêmement précieuse qu’il ne fallait surtout pas laisser filer. (…) Les femmes sont devenues une monnaie d’échange pour faire les enfants et, surtout, les fils que les hommes ne pouvaient pas faire par eux-mêmes. Pour cela, il fallait qu’elles appartiennent aux hommes (…). » (Héritier, 2010, p. 64-68)

« S’approprier la marmite »


Commentaire / « La différence des sexes » de Françoise Héritier (Dupont, 2016)

(source image)

Françoise Héritier dans un entretien publié dans l’ouvrage « Une pensée en mouvement » (2009) : « Dans cet ouvrage Masculin/Féminin, vous dites des hommes qu’ils « manifestent une volonté d’appropriation de la fécondité des femmes, un désir de contrôler le pouvoir exclusif de donner la vie ».

[Françoise Héritier :] C’est la pierre de touche de la domination masculine. Elle découle de la valence différentielle des sexes. Aucun moyen n’existe de changer la donne. (…) Si une femme n’a pas d’enfant, c’est que quelque chose en elle le refuse. Il faut donc les y contraindre. Des systèmes conceptuels de pensée qui donnent la part belle à l’homme dans la procréation sous-tendent les systèmes sociaux où ce sont des hommes qui échangent entre eux des femmes, entendues comme fécondité en puissance. La domination masculine s’exerce a priori sur des femmes en âge de procréer ou sur de petites filles dont on attend tout dans l’avenir. Il ne s’agit pas de la pure expression du désir sexuel, dont je ne nie certes pas l’importance, mais du simple fait observé dans maintes sociétés que les femmes infécondes, ménopausées ou veuves privées de support mâle, changent de statut. Pour ces femmes, c’est souvent la déréliction. » (Héritier, 2009, pp. 100-101).

Françoise Héritier dans l’émission Ce Soir ou Jamais (2009) : « (…) ce sont les hommes qui mettent les enfants dans les femmes, par le coït, par le rapport sexuel. Les femmes ne sont qu’un réceptacle. Mais à ce moment-là, elles deviennent quelque chose qu’il faut s’approprier, qu’il faut avoir et qui est réduit à l’état de maternité, l’état d’utérus pour faire des enfants (…) » (Le Monde, 2017b).

Françoise Héritier dans l’émission Les Mots de Minuit (2013) : « (…) les corps féminins sont des corps mis à la disposition des hommes pour qu’ils aient des enfants et c’est eux qui mettent les enfants dans les femmes, dans le corps des femmes (…) les femmes étaient des biens que les hommes devaient garder pour eux-mêmes pour pouvoir se reproduire, pouvoir faire du semblable à eux-mêmes. Elles sont devenues affectées à la maternité, appartenant aux hommes (…) » (Ina.fr, 2017).

Françoise Héritier
Paris, mars 2013

Source image :
« Françoise Héritier : « Il faut anéantir l’idée d’un désir masculin irrépressible » »
(Le Monde, 5 novembre 2017)

Les hommes pensaient planter des graines dans le ventre des femmes

Pendant des millénaires, les hommes ont pensé qu’ils créaient seuls les enfants et que les femmes n’étaient que des réceptacles dans lesquels ils déposaient leurs graines pour faire des enfants.

« A l’époque évidemment, les humains ignoraient que les femmes avaient des ovules, les hommes des spermatozoïdes et que les deux devaient se rencontrer en apportant chacun la moitié du capital génétique pour que naisse un enfant particulier avec son individualité propre. Nous n’avons découvert cela progressivement qu’à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe. Et c’est seulement au XXe siècle, avec la génétique, que nous avons compris qu’il fallait l’apport commun des deux sexes pour faire un enfant. Cette découverte est très récente. » (Héritier, 2010, p. 65).

Ce n’est qu’au siècle dernier que la science a découvert que les femmes avaient leurs propres gonades (les ovaires), comme les hommes (les testicules) et qu’il y avait tout un processus de fécondation dans lequel un spermatozoïde (gamète mâle) de l’homme pénètre dans l’ovule (gamète femelle) de la femme.

« La fécondation est réalisée par la pénétration du spermatozoïde dans l’ovule ou ovocyte de deuxième ordre, puis par la fusion des éléments nucléaires et cytoplasmiques du spermatozoïde et de l’ovule. L’ovule fécondé prend le nom de zygote. C’est la première cellule du futur bébé. » (Vaillant, 2011)

Ces découvertes scientifiques auraient dû changer la perception des femmes par la société : elles n’étaient plus de simples réceptacles ou des « marmites » (Héritier, 2010). En réalité, ces connaissances scientifiques n’ont strictement rien changé puisque les hommes n’avaient toujours pas d’autres moyens pour se reproduire que de s’approprier les utérus.

L’appropriation des utérus donne sens à la domination masculine

Savoir que l’appropriation des utérus est la cause de la domination masculine est fondamental : cela donne sens à la domination masculine. L’on comprend enfin la raison de l’oppression des femmes. Et l’on saisit enfin le but réel de la violence machiste systémique (Kuhni, 2018), aussi nommée « culture du viol », que les hommes ont mis en place pour pouvoir dominer les femmes.

Les hommes n’oppriment donc pas les femmes pour rien, juste comme ça, parce qu’ils veulent dominer. Ce n’est pas une simple lubie des hommes à vouloir dominer les femmes. Cette domination vise au contraire un but extrêmement précis : l’appropriation des utérus.

Sans quoi, la domination masculine n’a pas de sens, elle serait absurde, une domination gratuite. En effet, pourquoi les hommes voudraient-ils tant dominer les femmes ?

Pour le sexe ? Certainement pas. Pour les hommes, le sexe n’est pas une telle obsession qu’ils auraient eu la nécessité de créer tout un système d’asservissement des femmes pour l’obtenir. En revanche, le sexe est ce qui permet d’inséminer les utérus. Ce n’est donc pas un hasard que le sexe figure à ce point au premier plan dans nos sociétés patriarcales.

Source image : « Gloria Steinem On Getting An Illegal Abortion  »
(Huffpost, 27 octobre 2015)

La domination masculine vise les utérus

Il est important de préciser que ce sont les utérus qui sont visés par la domination masculine et non les femmes en tant que tel.

Par conséquent, les hommes trans ou FtM (femmes ayant fait la transition pour être homme) sont aussi susceptibles de subir la même oppression puisque, étant nés femmes, ils ont un utérus. Les hommes trans qui accouchent font d’ailleurs l’objet d’une forte médiatisation qui valorise l’utilisation de leurs utérus.

Quant à la lesbophobie qui est très présente dans notre société patriarcale, il n’est pas impossible qu’elle trouve sa source dans le fait que les utérus des lesbiennes ne sont pas à disposition des hommes. Par conséquent, la domination masculine se doit d’exercer des représailles sur ces femmes dont le ventre échappe aux hommes.

Abolir la domination masculine

Françoise Héritier, Ce Soir ou Jamais (2009) :
« [la domination masculine] est le problème politique majeur parce que les autres formes de domination, elles ont pris modèle sur celle-là. C’est celle-là, la plus ancienne, la primitive, et les autres se sont calquées dedans. »
(Le Monde, 2017b).

Avec la domination masculine, depuis la nuit des temps, une moitié de l’humanité (les hommes) opprime l’autre moitié (les femmes), la réduisant en esclavage par la violence et l’appropriation de ses ventres. Cette oppression des femmes mène immanquablement l’humanité vers un désastre ou « un énorme échec » comme le dit Françoise Héritier.

Françoise Héritier, entretien (2015) :
« Alors qu’est-ce qu’il reste à changer ? C’est la volonté politique d’abord. Il faut véritablement qu’on se rende compte que c’est du fondamental tout autant que le problème écologique. Le problème de la relation hommes-femmes, c’est ce sur quoi sont basées nos sociétés et si on ne les change pas ce sera l’énorme échec de l’humanité, l’énorme échec de l’humanité. » (Brut, 2017b)

Pour éviter ce désastre de l’humanité, la domination masculine doit être abolie, comme l’a été l’esclavage. Et pour que cette lutte soit efficace, qu’elle vise le bon objectif, nous devons d’abord comprendre la cause de la domination masculine.

Nous devons nous demander pourquoi les femmes sont opprimées par les hommes dans nos sociétés patriarcales, quelle est la raison de cette oppression et qu’est-ce qui pousse les hommes à établir leur domination sur les femmes depuis des millénaires ?

Pour mettre en place la domination masculine indispensable à l’appropriation des utérus, la société patriarcale a créé un système très élaboré de violences machistes systémiques (Kuhni, 2018), dont les violences sexuelles qui permettent aux hommes d’inséminer les femmes à leur guise.

Ces violences machistes systémiques sont aussi nommées « culture du viol », ce qui illustre parfaitement la finalité de ces violences : l’insémination des utérus pour la domination masculine.

La culture du viol

(FéministesVSCyberH, 2016)

Sans libération des utérus, l’égalité est impossible

La compréhension du fondement de la domination masculine permet de prendre conscience que les utérus sont la raison pour laquelle les femmes n’arrivent pas à atteindre l’égalité. Et d’un autre côté, les utérus sont aussi la clef pour atteindre l’égalité. Autrement dit, seule la libération des utérus peut abolir la domination masculine. Et tant que nous, les femmes, n’aurons pas conscience de cela, il est fort probable que nous n’atteindrons jamais l’égalité.

Un exemple concernant les résistances à l’égalité de nos sociétés patriarcales : selon une étude du Forum Economique Mondial (2016), l’égalité salariale pour les femmes serait impossible à réaliser avant des décennies et ne pourra être atteinte qu’en 2186 (soit dans 170 ans).

Ce frein continu à l’égalité perdure depuis des millénaires, car malgré les avancées de la science, il n’existe aucune autre solution à ce jour : les hommes ont toujours besoin du ventre des femmes pour se reproduire. Ainsi l’enjeu de la domination masculine reste inchangé et l’oppression des femmes se poursuit de plus belle (GPA, lois anti-IVG, etc.). Pour sortir de cette oppression, les femmes doivent donc absolument reprendre le pouvoir sur leurs utérus.

Source image : « «Féminisme», mot de l’année 2017 aux États-Unis »

Par conséquent, pour permettre aux femmes d’accéder enfin à l’égalité, il est fondamental que toutes les contraintes à utiliser leur utérus (coercition reproductive) et toutes les formes d’exploitation reproductive (GAP, etc.) soient interdites et sévèrement sanctionnées. C’est le seul moyen pour que cessent toutes les violences reproductives à leur encontre. Les femmes doivent pouvoir choisir librement quand elles souhaitent procréer, sans jamais subir ni pressions ni exploitation. Et si elles ne souhaitent pas procréer, ce choix doit être respecté.

Les femmes doivent avoir le droit de parler de leur utérus

Pour reprendre le pouvoir sur leurs utérus, les femmes doivent avoir le droit d’en parler. Or, depuis quelques années, certaines personnes des milieux trans interdisent aux femmes de parler de leur utérus, sous prétexte que ce serait discriminatoire pour les femmes trans ou MtF (hommes ayant fait la transition pour être femme) que les femmes parlent de leur utérus.

L’interdit de parler de leur utérus constitue un grave problème puisque les femmes ont interdiction de parler de l’organe qui est la cause même de leur oppression. Cette tentative d’effacer le mot « utérus » du langage des femmes dénote des pressions grandissantes de la domination masculine pour occulter toujours plus les causes de leur oppression. Sinon ces personnes des milieux trans devraient aussi interdire aux hommes de parler de leur pénis, sous prétexte que ce serait discriminatoire pour les hommes trans ou FtM (femmes ayant fait la transition pour être homme) que les hommes parlent de leur pénis.

Ce qui est significatif, c’est que l’interdiction pour les femmes de parler de leur utérus arrive simultanément avec l’arrivée de la GPA qui est une aggravation phénoménale de l’exploitation des utérus.

Les utérus sont le pouvoir des femmes

Notre société patriarcale a un besoin vital que les femmes procréent, puisque son système économique est entièrement basé sur la croissance, donc sur la natalité. Par conséquent, s’il y a une baisse de la natalité, tout ce système s’effondre.

Ce système économique fondé sur un taux de natalité élevé n’est sans doute pas un hasard. Il permet de faire pression sur les femmes pour qu’elles utilisent leurs utérus, soi-disant pour la nation, mais en réalité pour les hommes, puisque ce système est entièrement créé et dirigé par les hommes de nos sociétés patriarcales.

Face à cet enjeu économique dont elles sont la clé, les femmes ont un pouvoir immense, celui de leur utérus. C’est en usant de ce pouvoir, en libérant leurs utérus, qu’elles peuvent obtenir des droits et abolir la domination masculine. La société a trop besoin des utérus, elle sera obligée d’écouter les femmes. Ce sont elles qui ont les utérus. Donc si les femmes décidaient de faire la grève des utérus, ne serait-ce que quelques mois, elles obtiendraient sans doute l’égalité et des lois qui les protègent.

Source images : « Lady Power Patch » et « Lady Power Pin »

Mais la libération des utérus n’est pas une mince affaire, car elle crée bien évidemment une forte résistance de la part de la domination masculine. C’est pourquoi, depuis que les femmes tentent cette reprise de pouvoir sur leurs utérus (contraception, légalisation IVG, etc.), elles subissent un violent backlash (Kuhni, 2014) par rapport à leurs utérus sur lequel elles ont osé vouloir reprendre le pouvoir. Par exemple : GPA, lois anti-IVG, etc.

Concernant ce thème de la libération des femmes, il est important de préciser que la liberté sexuelle des femmes ne doit être liée ni à la reproduction ni à l’achat de sexe, mais être une sexualité libérée de ces violences. Donc la liberté sexuelle des femmes, c’est de ne pas être soumises aux modèles de la ferme et du bordel, tels que décrit par Andrea Dworkin (voir plus loin dans l’article).

Pour la libération des utérus, les femmes ont besoin de lois

Pour reprendre pleinement le pouvoir sur leurs utérus, les femmes ont besoin de lois qui condamnent les violences reproductives à leur égard. Or, pour l’instant, cette violence qui est la cause même de l’oppression des femmes n’est jamais nommée. Il n’existe aucune infraction à ce sujet dans le code pénal, aucune catégorie de crime pour la coercition reproductive à l’encontre des femmes (grossesses forcées).

Par exemple, lorsque l’on parle des viols de femmes ou de filles, l’on ne parle jamais de l’appropriation des utérus par les violeurs. Cette appropriation est occultée. On occulte que les violeurs ont pu engrosser les filles et les femmes qu’ils ont violées. Or, être engrossée de force est une violence inouïe. D’ailleurs, pour les filles et les femmes, la peur du viol, c’est aussi la peur d’être engrossée par le violeur. Le fait d’être utilisées de force comme des mères porteuses ou « sorte de marmite » comme le dit Françoise Héritier (Héritier, 2010) devrait être un facteur aggravant du viol. Alors pourquoi occulte-t-on cela ?

Il y a également un grand nombre de filles mineures qui sont enceintes après un viol. Voici ce qu’en dit la Dre Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie :

« Dans notre grande enquête de 2015, Impact des Violences Sexuelles de l’Enfance à l’Age adulte, près d’une victime sur 10 s’est retrouvée enceinte après un viol, et 20% d’entre elles étaient mineures. » (Salmona, 2018).

Au lieu d’être sanctionné, le violeur obtient des droits sur l’enfant, voire la garde de l’enfant. Dans le meilleur des cas, si la loi est appliquée (cas rarissime, car viol souvent pas reconnu), le violeur est sanctionné pour le viol. Mais la grossesse forcée, on n’en parle même pas, elle est considérée comme une fatalité, naturelle, coulant de source, faisant partie de l’ordre des choses, pour que l’on n’ait jamais conscience que cet acte violent devrait en réalité être reconnu comme un crime.

Les grossesses forcées, une catégorie de crime à inscrire dans la loi

Les grossesses forcées constituent une violence aussi grave que le viol lui-même. Pourtant, il n’existe aucune sanction pénale, rien dans le Code pénal, pour ce type de violence. Cet « oubli » permet aux hommes de se reproduire même par la force, sans jamais être sanctionnés.

Dans un tel contexte, l’exploitation reproductive des femmes ne cesse de s’aggraver. On peut le constater avec l’action intensive des lobbies anti-IVG et la forte médiatisation des lobbies pro-GPA qui utilisent ouvertement les femmes comme des « incubatrices » à disposition d’autrui. Pendant ce temps-là, la PMA peine à être légalisée pour les femmes seules et les couples de femmes, alors que la PMA n’exploite aucun autre être humain.

Dans le cadre de la lutte pour les droits des femmes, ce type de violence devrait aujourd’hui être reconnu par notre société en inscrivant dans la loi une catégorie de crime spécifique pour les grossesses forcées (coercition reproductive des femmes), afin qu’il y ait enfin des sanctions pénales (emprisonnement) et des sanctions civiles (droits parentaux exclus) à l’encontre de ces agresseurs.

En effet, lorsqu’un homme s’attribue de force un utérus pour se reproduire, il s’agit d’une violence d’une gravité extrême envers la femme. Par conséquent, il est fondamental que l’homme ayant inséminé de force (donc sans consentement) une femme n’obtienne pas de droits parentaux.

Sans quoi, la justice valide et autorise la violence reproductive à l’encontre des femmes, les hommes pouvant ainsi les utiliser de force telles des mères porteuses. D’autant qu’il arrive fréquemment de nos jours que des hommes demandent la garde des enfants contre le gré de la mère.

S’approprier les utérus avec la « culture du viol »

Pour s’approprier les utérus sans que les femmes ne s’en rendent compte, la domination masculine a développé l’idée que les hommes étaient obsédés par le sexe, avec des pulsions sexuelles irrépressibles qui exigeaient absolument qu’ils aient des femmes à consommer. Sauf que la domination masculine ne vise pas le sexe, mais les utérus. Le sexe n’est que le moyen d’insémination des utérus.

Françoise Héritier, émission Les Mots de Minuit (2013) :
« 
(…) la copulation est nécessaire pour qu’il y ait grossesse (…) »
(Ina.fr, 2017)

Le sexe a été mis au premier plan uniquement pour masquer le but réel de la domination masculine : l’appropriation des utérus. En effet, c’est « la copulation » selon le terme utilisé par Françoise Héritier, qui permet l’insémination des femmes. Sans copulation, il ne peut y avoir grossesse. C’est pourquoi, pour avoir accès aux ventres des femmes, il est essentiel pour les hommes de contraindre les femmes à copuler. C’est précisément le rôle des violences sexuelles qui contraignent les femmes à la copulation, contre leur gré, et ceci de façon continue, afin que leurs ventres soient en permanence à disposition des hommes pour qu’ils puissent s’y reproduire en déposant leur semence.

D’où la « culture du viol » de nos sociétés patriarcales qui permet aux hommes de s’approprier les ventres des femmes à tout moment, avec la plus grande facilité, de rendre les utérus à tout instant disponibles pour les hommes. Autrement dit, les violences sexuelles systémiques n’ont rien à voir avec des pulsions sexuelles. Elles sont un pur acte de domination masculine pour accéder aux utérus.

La « culture du viol » contient une batterie de justifications qui permettent aux hommes d’inséminer les femmes en faisant abstraction de leur non-consentement. Par exemple, la justification la plus courante des violeurs : « Quand une femme dit non, c’est oui ». Autrice du blog Antisexisme, la féministe Noémie Renard a publié un ouvrage remarquable dans lequel elle décrypte un à un tous les mécanismes de la « culture du viol » :

« Le concept de « culture du viol » n’est malheureusement pas toujours bien compris. On pense à un encouragement, à une célébration du viol, alors qu’il s’agit surtout d’inertie et de vieux réflexes. On ne saura donc trop recommander la lecture d’un essai tout récent, qui synthétise brillamment ces enjeux : En finir avec la culture du viol, aux éditions Les Petits Matins. Son auteure, Noémie Renard, fournit une quantité redoutable d’exemples concrets. » (Renard, 2018)

La pornographie a aggravé de façon phénoménale la « culture du viol » en plaçant comme jamais les femmes dans une position d’objet sexuel et en leur faisant croire que c’est normal, qu’elles doivent se soumettre à ce type de sexualité extrêmement violente, sans quoi, elles ne seraient pas de « vraies femmes », mais des femmes coincées, frigides, etc. D’autre part, la pornographie banalise au plus haut point le viol, comme s’il s’agissait d’une simple pratique sexuelle pour laquelle toutes les femmes seraient en permanence à disposition, à la maison, dans la rue, dans le milieu professionnel, etc. Donc avec la pornographie, la « culture du viol » a de beaux jours devant elle.

Sans compter la pédopornographie qui fait croire aux hommes que la pédocriminalité est une simple orientation sexuelle et que les enfants sont à leur disposition pour du sexe. Or, la pédocriminalité est un crime d’une gravité extrême et là aussi, dans ce contexte de domination masculine, les filles en sont les principales victimes.

La finalité des violences sexuelles, c’est la prise de pouvoir sur les utérus

Nous l’avons vu, la « culture du viol » ou violence machiste systémique (Kuhni, 2018) permet d’installer la domination masculine. Sans elle, les hommes ne pourraient dominer les femmes.

Ces violences sont une forme d’oppression des femmes bien spécifique qui permet aux hommes de s’approprier les utérus. Toutefois, lorsque l’on parle de « culture du viol », l’on met au premier plan le viol (l’instrument de la domination masculine pour atteindre son objectif), alors que l’insémination des femmes (l’objectif lui-même) est totalement occulté. 

En effet, la société patriarcale a créé une séparation artificielle entre le sexe et la reproduction qui permet l’exploitation reproductive des filles et des femmes par les hommes sans que personne ne s’en aperçoive. La séparation artificielle entre sexe et reproduction a été très bien conceptualisée par la féministe américaine Andrea Dworkin dans son texte sur la ferme et le bordel (Dworkin, 2012) dont des extraits figurent plus loin dans l’article.

A cause de cette séparation artificielle créée par la société patriarcale, le lien entre les violences sexuelles et l’insémination des utérus est totalement oublié, occulté, avec le sexe d’un côté, la reproduction de l’autre côté, comme si l’un et l’autre n’avaient rien en commun.

Si nous n’occultions pas cette véritable cause de la violence machiste systémique (Kuhni, 2018), il serait plus juste de parler de « culture de l’insémination », de « culture des incubatrices » ou de « culture de la ferme » en reprenant le concept du modèle de la ferme d’Andrea Dworkin (2012) décrit ci-après.

Voici quelques-unes de ces violences machistes systémiques qui visent directement la reproduction :

– pressions sociétales massives pour que les femmes utilisent leur utérus ;

– violences économiques pour rendre les femmes dépendantes des hommes et les contraindre par ce moyen à être en couple (but de ce type de violence : appropriation des utérus dans le couple) ;

– devoir ou viol conjugal (but de ce type de violence : contraindre les femmes en couple à la procréation) ;

– féminicide ou menace de féminicide (lorsque les femmes et leurs enfants tentent d’échapper à l’homme qui se considère leur « propriétaire ») ;

– les mariages forcés des filles ;

– violences sexuelles envers les filles et les femmes (but de ce type de violence : les habituer à être inséminables à tout moment) ;

– viol des filles et des femmes (grossesse forcées) ;

– refus du préservatif avec des filles et des femmes (grossesses forcées) ;

– coercition reproductive à l’égard des filles et des femmes (grossesses forcées) ;

– violences gynécologiques et obstétricales (prise de pouvoir sur les organes reproducteurs des filles et des femmes) ;

– arrivée en force de la GPA ;

– résistance phénoménale à la PMA ;

– montée en puissance des lobbies anti-IVG ;

– emprisonnements de femmes pour avortement et fausses couches ;

– mutilations sexuelles féminines (pour les réduire à la reproduction) ;

– viols de guerre avec mutilation des organes reproducteurs des femmes (pour détruire la capacité de reproduction d’un peuple) ;

– enlèvements de guerre de filles et de femmes (pour les réduire à l’esclavage reproducteur*) ;

– etc.

* En enlevant des filles et des femmes, ces hommes recherchent avant tout des utérus pour se reproduire, afin de renouveler et accroître leur cheptel de « combattants ». Autrement dit, pour eux, le sexe vise en premier lieu à inséminer les ventres des filles et des femmes qu’ils enlèvent. Donc parler d’esclavage sexuel, c’est encore une fois occulter la finalité réelle de ces violences : l’exploitation reproductive.

L’occultation sert à normaliser un système oppresseur en le masquant

Certains systèmes oppresseurs fonctionnent au grand jour (dictatures, par ex.), d’autres de façon masquée (violences machistes, par ex.), sans que l’on puisse en avoir pleinement conscience. Le fait de masquer ou occulter augmente l’efficacité de l’oppression, car elle va dès lors passer pour naturelle, coulant de source, faisant partie de l’ordre des choses.

Dans nos sociétés patriarcales, l’appropriation du ventre des femmes (violence reproductive) est la violence la plus occultée, celle qui est totalement invisibilisée, à tel point qu’il n’existe rien dans le Code pénal pour la sanctionner. Une occultation aussi parfaite prouve que nous sommes face à la cause de l’oppression des femmes par les hommes. C’est la preuve que le système oppresseur de la domination masculine est bien fondé sur cette violence.

Sur ce thème de l’occultation, la coercition reproductive des femmes a donné lieu à l’inversion classique des systèmes de violences machistes (outil d’occultation), avec la création de mythes tels que ce seraient les femmes qui feraient des bébés dans le dos des hommes alors que ces derniers n’en voudraient pas. Or, depuis des millénaires, la situation est exactement l’inverse puisque ce sont les hommes qui s’approprient le ventre des femmes dans le but de se reproduire, avec une large palette de coercitions reproductives et de pressions sur les femmes pour qu’elles utilisent leurs utérus.

D’ailleurs, il n’existe aucun mythe du style « les hommes font des bébés dans le dos des femmes ». Cette absence de mots pour nommer cette violence est la signature de l’occultation.

L’occultation assure l’impunité des agresseurs

L’occultation de cette finalité de la domination masculine (s’approprier les utérus) permet également d’assurer l’impunité des agresseurs. En effet, comme les femmes n’ont pas conscience de la violence reproductive à leur égard, elles ne vont pas réclamer de lois pour sanctionner l’engrossement de force. Elles et la société entière continueront de considérer cela comme une fatalité, quelque chose de normal, de naturel, la conséquence irrémédiable du sexe. On se dira «Bah, voilà, c’est comme ça, on n’y peut rien ! »

Et si l’on veut sanctionner les agresseurs, l’on nous dira encore : « Comment osez-vous remettre en question la naissance d’un enfant ? » Alors qu’il n’est nullement question de rejeter la naissance d’un enfant. Il est simplement question de sanctionner l’engrossement de force pour stopper l’exploitation reproductive des femmes, la main-mise des hommes sur les ventres des femmes.

Pourquoi sanctionner cela ? Parce que l’engrossement de force est une violence inouïe envers les femmes et qu’il faut que cette oppression cesse. Les femmes ne doivent plus être réduites à l’état de « classe reproductive exploitée » à cause de leurs utérus.

Andrea Dworkin : la ferme et le bordel

En 1983, la légendaire féministe américaine Andrea Dworkin a conceptualisé autour des modèles patriarcaux de la ferme (maternité) et du bordel (prostitution) dans un passage de son ouvrage « Right Wing Women », en français « Les femmes de droite » (Dworkin, 2012).

Andrea Dworkin

Source image : Bennington College
Collège où Andrea Dworkin était étudiante en 1965

Ce texte est glaçant et fait froid dans le dos lorsque l’on pense à la GPA (gestation pour autrui ou mères porteuses) qui se développe dans l’indifférence générale, avec un battage médiatique considérable qui présente de plus cette nouvelle forme d’exploitation comme un progrès pour les femmes. Dans son texte, Andrea Dworkin explique également la séparation artificielle entre sexe et reproduction qui permet aux hommes d’exploiter les utérus sans que les femmes n’en aient conscience, car si elles en avaient conscience, les femmes n’accepteraient jamais d’être reléguées à l’état de « vaches » (Dworkin, 2012, pp. 174-176) pour que les hommes puissent se reproduire.

Voici quelques extraits de ce texte puissant :

« Il existe deux modèles qui décrivent essentiellement la façon dont les femmes sont socialement contrôlées et sexuellement utilisées : le modèle du bordel et celui de la ferme.

Le modèle du bordel est lié à la prostitution, au sens strict ; des femmes rassemblées aux fins d’être utilisées pour le sexe par des hommes ; des femmes dont la fonction est explicitement non reproductive presque antireproductive ; des animaux sexuels en rut ou qui feignent de l’être, s’affichant pour le sexe, qui se pavanent et posent pour le sexe.

Le modèle de la ferme est lié à la maternité, aux femmes en tant que classe ensemencées par le mâle et moissonnées ; des femmes utilisées pour les fruits qu’elles portent, comme des arbres ; des femmes allant de la vache primée à la chienne pelée, de la jument pur-sang à la triste bête de somme.

Ces deux pôles de la condition des femmes ne sont distincts et opposés qu’en surface, au plan conceptuel. Ce sont les hommes qui en font deux pôles et qui insistent sur leur distinction, leur opposition. Cette prétention masculine est intériorisée et réitérée jusqu’à ce qu’il soit plus facile de répéter le concept par cœur que de voir la réalité. Mais le concept n’est exact (descriptif) que d’un point de vue masculin – c’est-à-dire si l’on accepte les définitions masculines des actes et des femmes en cause. Tout au long de la vie des femmes, soit selon une perspective de femme, ces deux conditions se chevauchent et s’entrecroisent, chacune renforçant l’efficience de l’autre. Toute femme peut être à la fois prostituée et mère, prostituée et épouse (une mère éventuelle), ou l’une et puis l’autre, dans n’importe quel ordre ; et toute femme peut être sujette à la fois aux règles propres aux modèles du bordel et de la ferme.

Les euphémismes de la religion et de l’amour romantique empêchent habituellement les femmes de comprendre que le modèle de la ferme les concerne directement et personnellement. Les femmes d’aujourd’hui ne se perçoivent ni comme des vaches, ni comme une terre que l’homme ensemence, pourtant, le mariage patriarcal incorpore l’une et l’autre de ces traditions saisissantes qui définissent les femmes ; les textes de loi ont pour socle ces mêmes images et concepts de ce à quoi servent les femmes ; et l’usage des femmes comme vaches et comme terre a été au cœur de leur histoire. La façon dont les femmes sont traitées, évaluées et utilisées diffère remarquablement de leur perception d’elles-mêmes. (…) l’image qui leur serait renvoyée – vache, terre, utérus, moissonnée, labourée, ensemencée, récoltée, envoyée paître et desséchée – détruirait toute illusion d’individualité permettant à la plupart des femmes de tenir le coup. Les lois qui les ont transformées en possessions découlaient d’une analogie entre les femmes et les vaches que les hommes ont jugée pertinente depuis des siècles. Quant au qualificatif de vache comme insulte sexuelle, ce n’était apparemment pour eux qu’une observation neutre, qui reflétait leur disposition du moment – c’est une vache. L’idée que l’homme ensemence et que la femme est ensemencée date de l’Antiquité, et Marcuse est un de ceux qui l’ont réitérée à l’ère moderne en assimilant la femme à la terre. Le modèle de la ferme n’est pas discuté en tant que tel, même parmi les féministes : il révèle trop clairement l’impersonnalité, la dégradation et la futilité désespérées qu’implique la position subordonnée des femmes.

Le modèle du bordel est plus familier, entre autres parce que la situation des prostituées est exhibée à l’ensemble des femmes comme avertissement, menace, destin et damnation fatidiques, le châtiment infernal des filles déchues : châtiment des femmes qui ont une activité sexuelle sans la protection du mariage et sans l’objectif de la reproduction ; châtiment pour celles qui sont délinquantes ou rebelles ou sexuellement précoces ; châtiment pour être femme sans les sacrements purificateurs.

Dans le modèle du bordel, il est admis que la femme ne sert qu’au sexe, sans référence à la reproduction. (..) Certaines femmes de la gauche acceptent le point de vue gauchiste masculin pour qui il s’agit là d’une avancée gigantesque pour les femmes, pour qui cette séparation du sexe et de la reproduction est en réalité une forme de liberté – la liberté vis-à-vis de la contrainte domestique et la soumission domestique, la liberté face à un couplage intrinsèquement totalitaire entre le sexe et la reproduction. Elles ne comprennent pas que, dans le modèle du bordel, le sexe est dissocié de la reproduction pour que le sexe puisse être vendu, pour que le sexe (et non les bébés) soit ce qui est produit, pour que soit créée une association intrinsèquement totalitaire entre le sexe et l’argent, qu’exprime avec lucidité la vente de la femme comme marchandise sexuelle.

(…) Le modèle de la ferme, en revanche, exige l’usage constant de la force (explicite ou implicite, un mélange savamment dosé d’habitude) (…) Conscients de ces limites du modèle de la ferme, les hommes l’ont tout simplement imposé à toutes les femmes non prostituées, pour se garantir les meilleures chances : ils punissent de sanctions sociales et économiques les femmes qui tentent d’y échapper, surtout celles qualifiées de vieilles filles et les lesbiennes. (…) les hommes ont exercé le pouvoir de leur classe de sexe de façon à tenir toutes les femmes non prostituées en état de reproduction sous la domination explicite d’un mari. Ce fut leur meilleure méthode pour contrôler la reproduction, pour s’approprier l’utérus et avoir des enfants, pour tenir les femmes sous le joug de la volonté reproductive des hommes. » (Dworkin, 2012, pp. 174-186).

Les femmes de droite – Andrea Dworkin (2012)

En Suisse, le viol, ce n’est que la pénétration vaginale par un pénis

En Suisse, le viol n’est reconnu que pour la pénétration vaginale par un pénis. Toutes les autres pénétrations (fellation, sodomie, pénétration par un objet, etc.) sont considérées comme de simples « contraintes sexuelles », avec des peines plus légères.

« La législation suisse définit le viol (art. 190 du Code pénal) seulement lorsqu’il y a pénétration vaginale par un pénis. Tout autre type de pénétration n’est défini que comme une « contrainte sexuelle » (art. 189 du Code pénal). Et la victime doit prouver qu’elle a été mise hors d’état de résister (violence, menace, pressions). » (OLF Suisse, 2016)

En créant cette loi, la préoccupation du législateur suisse n’a pas été de protéger l’intégrité des femmes Sa seule préoccupation a été de protéger l’intégrité des femmes en tant que propriété de l’homme, du fait qu’un viol vaginal entraînait un risque de descendance illégitime pour le mari. Et cette loi perdure aujourd’hui encore.

La loi suisse sur le viol est donc un véritable « Stop, chasse gardée, l’utérus de cette femme appartient à son mari ! ». Par elle-même, cette loi suisse symbolise bien l’exploitation reproductive des femmes et l’appropriation des utérus par les hommes.

En plus d’avoir l’une des lois sur le viol les plus archaïques et genrées au monde, la Suisse considère le viol comme un crime « bagatelle » (Fournier-Lorentz, 2018), à tel point que d’autres pays s’en inquiètent.

« L’article 190 du Code pénal suisse définit actuellement le viol comme étant la contrainte « d’une personne de sexe féminin » à subir « l’acte sexuel », c’est-à-dire « la pénétration vaginale par un pénis ».

Un crime « bagatelle » en Suisse (…) il y a de quoi être alarmé par le retard qu’accumule la Suisse, par rapport aux pays voisins, en matière de définition du viol, des contraintes sexuelles, et de peines infligées. En plus d’avoir une vision genrée et archaïque du viol, la loi suisse prévoit des peines que beaucoup qualifient de particulièrement légères contre les auteurs de viol, à tel point qu’une série d’articles dénonçaient en 2016 le caractère « bagatelle » de ce crime. (…) La peine plancher d’un viol est, toujours en Suisse, d’un an — trois ans en cas de circonstances aggravantes. La peine maximale est de 10 ans. Le viol d’un homme ainsi que le fait de subir une sodomie, une fellation ou encore une pénétration par objets sont classés comme « contraintes sexuelles », et plus légèrement punies.

À titre de comparaison, en France, l’article 222-23 du Code pénal dispose que : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui, par violence, contrainte, menace ou surprise, est un viol« . La loi belge possède la même définition juridique. Le viol est puni de 15 ans de réclusion criminelle par la loi française. Cette peine peut être portée à 20 ans en cas de circonstances aggravantes, 30 ans si le viol a causé la mort de la victime, ou la perpétuité s’il a été accompagné de tortures. » (Fournier-Lorentz, 2018).

En Suisse, ces peines particulièrement légères pour le viol (reconnu uniquement pour pénétration vaginale par un pénis) fait penser que l’homme qui viole une femme par pénétration vaginale avec son pénis ne doit pas être sanctionné trop sévèrement, sachant qu’il a potentiellement inséminé l’utérus de cette femme, ce qui est considéré comme un acte valeureux par le patriarcat.

Pour les filles, l’âge du consentement pour le sexe, c’est l’âge pour être engrossées

Les deux groupes ayant le plus grand nombre de grossesses non désirées sont les adolescentes et les femmes précarisées. Cela signifie qu’un grand nombre de filles mineures sont engrossées sans leur consentement (grossesses non désirées), souvent par des hommes adultes.

Le 13 février 2018, le tribunal correctionnel de Pontoise s’est déclaré incompétent (Quentel, 2018) pour juger le viol d’une fillette de 11 ans par un homme de 28 ans. Cette affaire était jugée en correctionnelle parce que la fillette avait été considérée comme consentante par le parquet ! Ce prétendu consentement a eu pour effet de déqualifier le viol (un crime) en « atteinte sexuelle » (un délit) et donc de permettre de condamner le pédocriminel bien plus légèrement.

« En avril 2017, une fillette de 11 ans avait porté plainte pour “viol” contre un homme de 28 ans. Le parquet de Pontoise avait considéré qu’elle était consentante, et choisi de qualifier pénalement les faits comme “atteinte sexuelle sur mineur de moins de 15 ans” – ce que les parties civiles contestaient vivement. Le dossier, qui a relancé le débat sur l’âge légal de consentement des mineur-e-s

(…) [les faits] en avril 2017, Sarah*, onze ans, rentre du collège. Elle est abordée par Romain*, un homme de 28 ans, qu’elle ne connaît pas, et accepte de le suivre jusqu’à un immeuble. Là, il tente de l’embrasser, puis exige une fellation à la petite fille qui la fait, “tétanisée” selon sa mère, citée par Mediapart, qui avait révélé l’affaire. Elle le suit ensuite à son appartement, où l’homme la pénètre sexuellement. La fillette, bouleversée, s’empresse de téléphoner à sa mère en sortant et lui raconte tout. Une plainte pour « viol » est déposée dans la foulée. » (Quentel, 2018).

C’est au moment de l’affaire de Pontoise que la population française a appris avec stupéfaction qu’il n’y avait aucun interdit clair dans la loi pour le sexe entre enfants et adultes (pédocriminalité) et que cela était laissé à l’appréciation des juges !

L’affaire de Pontoise a donc provoqué un tollé en France et un début de réflexion pour changer la loi afin d’y introduire un âge du consentement irréfragable pour les mineur-e-s (13 ans ou 15 ans). Au regard de la loi, l’âge du consentement est celui où les mineur-e-s ont le droit de choisir en tout légalité d’avoir du sexe avec des adultes. Cette limite d’âge existe déjà dans le code pénal de certains pays, défini à 11, 12, 13, 14 ou 15 ans selon le pays.

Malheureusement, en déterminant un âge du consentement des mineur-e-s, l’on traite de la même façon les filles et les garçons. Or, dès la puberté, les filles peuvent être enceintes. Donc si l’âge du consentement est fixé à 13 ans ou 15 ans, dès cet âge elles pourront être engrossées par des hommes adultes. Donc la situation n’est absolument pas la même pour les filles que pour les garçons.

Par conséquent, fixer un âge du consentement pour le sexe en faisant abstraction que les filles peuvent être engrossées est très problématique, cela signifie que les hommes adultes ont l’autorisation d’engrosser les filles dès cet âge. Et la grave violence que cela représente, personne n’en parle. La société entière fait semblant de l’« oublier ».

Pour fixer un âge du consentement au sexe pour les filles, si l’on cessait de faire semblant d’ « oublier » que les filles peuvent être ensemencées, il faudrait intégrer le paramètre de la grossesse et déterminer à partir de quel âge un homme adulte a le droit de disposer de l’utérus d’une mineure. Autrement dit, l’âge du consentement pour le sexe devrait intégrer l’âge du consentement pour la reproduction, c’est-à-dire un âge auquel les filles mineures peuvent être engrossées.

Dans nos sociétés,
lorsque des filles mineures sont engrossées par des hommes adultes,
nous reproduisons quasiment les « mariages forcés »
que nos pays dit développés prétendent pourtant dénoncer

Source image : « L’ONU dénonce les mariages d’enfants »
« Dans les pays en développement, une fille sur trois est mariée avant d’avoir fêté ses 18 ans. » (Le Figaro, 12 octobre 2012)

Lorsqu’un homme adulte engrosse une fille mineure qui n’a pas atteint l’âge de la majorité sexuelle ou l’âge du consentement, il s’agit clairement de pédocriminalité.

D’autre part, au niveau de la loi, ce sont les adultes qui sont responsables face à des personnes mineures. Par conséquent, c’est à l’homme adulte de prendre des mesures (contraception masculine + préservatif, etc.) pour ne pas engrosser une fille mineure en ayant du sexe avec elle. C’est la pleine responsabilité de l’homme adulte. Et s’il engrosse une fille mineure, il devrait être sanctionné sévèrement.

Une fille mineure n’a pas la maturité psychique pour savoir qu’elle risque d’être exploitée pour son utérus, ni même pour avoir pleinement conscience qu’elle risque d’être engrossée si elle a du sexe avec un homme. En revanche, l’adulte le sait parfaitement. Donc la responsabilité d’une grossesse appartient à l’homme adulte et non à la fille mineure.

Malheureusement, il n’existe aucune infraction pour les hommes qui engrossent des filles mineures. Pourtant, être engrossée en tant que mineure est une violence extrême, avec l’effondrement de sa jeunesse, de ses projets, de sa vie, etc. sans compter l’exploitation reproductive de son utérus.

D’autant que la majorité des filles mineures qui ont du sexe avec un homme adulte sont sous son emprise, manipulées par lui (grooming), mises sous pression par lui pour qu’elles cèdent. Autrement dit, les filles mineures ne souhaitent pas du sexe avec cet homme adulte, mais elles y sont contraintes. Donc si après avoir subi du sexe contre leur gré, elles sont en plus engrossées, il s’agit d’une double violence, d’une double exploitation de filles mineures par des hommes adultes.

Les coercitions reproductives (grossesses forcées)

Les coercitions reproductives les plus courantes pour contraindre une femme à une grossesse sont le viol et le refus du préservatif (ou condom). Les hommes refusent souvent le préservatif sous prétexte d’un manque de sensation, mais en réalité, le refus du préservatif est souvent fondé sur le fait qu’ils éprouvent une excitation beaucoup plus grande lorsqu’ils savent qu’ils peuvent inséminer une femme. Ce refus du préservatif est donc un acte de domination pure de la part d’un homme, un acte de prise de pouvoir sur l’utérus d’une femme pour contraindre cette femme à procréer pour lui.

Parmi les coercitions reproductives pour une grossesse forcée, on trouve également le stealthing (retrait du préservatif à l’insu de la femme), le sabotage de la contraception (perçage du préservatif, destruction des pilules contraceptives, etc.) et l’entrave à l’avortement.

«  Le stealthing et la coercition reproductive (…) des pratiques inquiétantes qui méritent d’être documentées (…) le retrait du condom lors des relations sexuelles, à l’insu du [ou de la] partenaire qui se fait pénétrer, communément appelé le stealthing, n’est ni une légende urbaine, ni un phénomène isolé (HuffPost, mai 2017 ; Journal de Montréal, mai 2017 ; Journal de Québec, mai 2017).

(…) Ce qui caractérise le stealthing, c’est l’absence de consentement à une relation sexuelle sans condom.

(..) Dans le cadre de nos travaux de recherche actuels, nous concevons le stealthing qui se produit entre partenaires hétérosexuels comme la pointe de l’iceberg d’un phénomène plus large: la coercition reproductive.

À l’intersection des domaines des violences faites aux femmes et de la santé reproductive, la coercition reproductive fait référence à des comportements qui interfèrent avec la contraception et la planification des naissances et réduisent l’autonomie reproductive féminine

(…) Outre le stealthing, comment se manifeste la coercition reproductive ? (…) La première forme réfère au sabotage contraceptif (…) p.ex., en retirant le condom lors de la relation sexuelle, en perçant un trou dans le condom ou en détruisant les pilules contraceptives (…).

La seconde forme renvoie aux pressions relatives à la grossesse (…) [l’homme] menace de rompre la relation si [la femme] (…) ne devient pas enceinte (p.ex., menacer d’infidélité, etc.), ou de la blesser physiquement si elle utilise (ou non) la contraception afin de contrôler la survenue d’une grossesse.

La troisième forme de coercition reproductive, la coercition durant la grossesse (…) afin de décider seul de l’issue de la grossesse (p.ex., en empêchant la partenaire d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse) (Chamberlain & Levenson, 2012; Clark et al., 2014; Miller et al., 2010a; Miller & Silverman, 2010; Moore, Frohwirth, & Miller, 2010; Silverman et al., 2010). » (L3S, 2017)

Voici un excellent diaporama avec 9 signes de coercition reproductive (grossesses forcées) que l’on peut observer, sachant qu’il y a en plus le viol, les pressions sociétales pour être enceinte et les entraves à l’avortement : The 9 Signs Of Reproductive Coercion

1) « Told you not to use any birth control (like the pill, shot, ring, etc.) ». Traduction : Il vous a dit de n’utiliser aucune contraception (comme la pilule, le contraceptif en injection, l’anneau vaginal, etc.).

2) « Said he would leave you if you didn’t get pregnant ». Traduction : Il a dit qu’il vous quitterait si vous ne deveniez pas enceinte.

3) « Told you he would have a baby with someone else if you didn’t get pregnant ». Traduction : Il a dit qu’il aurait un bébé avec quelqu’un d’autre si vous ne deveniez pas enceinte.

4) « Taken your birth control (like pills) away from you or kept you from going to the clinic to get birth control ». Traduction : Il vous a enlevé votre contraception (comme les pilules) et il vous a empêché d’aller à la clinique pour obtenir une contraception.

5) « Made you have sex without a condom so you would get pregnant ». Traduction : Il a fait en sorte que vous ayez du sexe sans condom afin que vous deveniez enceinte.

6) « Hurt you physically because you did not agree to get pregnant ». Traduction : Il vous a blessé physiquement parce que vous n’étiez pas d’accord de devenir enceinte.

7) « Taken off the condom while you were having sex, so you would get pregnant ». Traduction : Il a retiré le condom pendant que vous aviez du sexe, afin que vous deveniez enceinte.

8) « Put holes in the condom so you would get pregnant ». Traduction : Il a fait des trous dans le condom, afin que vous deveniez enceinte.

9) « Broken the condom on purpose while you were having sex so you would get pregnant ». Traduction : Il a cassé le condom volontairement pendant que vous aviez du sexe, afin que vous deveniez enceinte.

Ce diaporama est tiré de l’article « What Women Need To Know About Reproductive Coercion » publié par Huffpost (Almendrala, 2016), à recommander pour celles et ceux qui lisent l’anglais.

« What Women Need To Know About Reproductive Coercion »
(Ce que les femmes doivent savoir à propos de la coercition reproductive)

Source image :
article Huffpost du 15 octobre 2016 (Almendrala, 2016)

GPA (gestation pour autrui ou mères porteuses)

Avec la GPA (gestation pour autrui ou mères porteuses), on en arrive aujourd’hui à un véritable commerce des ventres des femmes et des bébés qu’elles procréent.

GPA (gestation pour autrui)

Source image :
«Une tribune estime la GPA « contraire aux droits de la personne humaine » »
(L’Express Société, 19 janvier 2018)

La GPA est l’ultime tentative de nos sociétés patriarcales pour s’approprier ouvertement les ventres des femmes jusqu’à en faire un commerce. La GPA aggrave donc considérablement l’exploitation reproductive des femmes. D’autant que la GPA entraîne une double exploitation des femmes : celle de la mère porteuse et celle de la donneuse d’ovocytes, soit 2 processus extrêmement lourds pour les femmes. Si la GPA se généralisait, il y aurait d’ailleurs très vite déclenchement d’un trafic d’ovocytes et d’un trafic de mères porteuses dont les femmes de milieux et pays défavorisés seraient les principales victimes, car les autres femmes refuseraient sans doute une telle exploitation. Voici un ouvrage remarquable sur ce thème :

« Basé sur une enquête ethnographique rigoureuse menée auprès de #mèresporteuses indiennes, de parents d’intention et de personnel médical, le livre montre les sombres connexions entre la pauvreté et la #GPA. » (Le CoRP, 2018)

(Saravanan, 2018)

Descriptif de l’éditeur : « Applies a reproductive justice approach to ‘transnational feminism’ in an attempt to build a global feminist solidarity
Provides ethnographical insights from the author’s empirical research in India
Introduces ‘humanitarian feminism’ as a concept identifying humane thresholds that are crossed in asserting individual reproductive rights 
» (Springer, 2018)

La GPA est l’ultime tentative de nos sociétés patriarcales pour s’approprier ouvertement les ventres des femmes jusqu’à en faire un commerce. La GPA aggrave donc considérablement l’exploitation reproductive des femmes. D’autant que la GPA entraîne une double exploitation des femmes : celle de la mère porteuse et celle de la donneuse d’ovocytes, soit 2 processus extrêmement lourds pour les femmes. Si la GPA se généralisait, il y aurait d’ailleurs très vite déclenchement d’un trafic d’ovocytes et d’un trafic de mères porteuses dont les femmes de milieux et pays défavorisés seraient les principales victimes, car les autres femmes refuseraient sans doute une telle exploitation.

Les partisans de la GPA tentent de faire croire qu’il est naturel que les femmes offrent généreusement, au péril de leur vie et de leur santé, leurs ovocytes (donneuses d’ovocytes), leur corps et leur vie pendant 9 mois (mères porteuses), pour que d’autres (souvent des hommes) puissent se reproduire. Or la grossesse et l’accouchement sont des expériences éprouvantes pour le corps des femmes, avec risque élevé de complications et de séquelles, voire risque de mort. Lorsque l’accouchement se fait par césarienne, les femmes subissent une opération chirurgicale importante (ouverture du ventre), ce qui représente des risques supplémentaires importants, avec un temps de récupération et de cicatrisation souvent très long et une grande cicatrice sur le ventre. Mais tout cela est bien évidemment minimisé, comme si la césarienne n’était qu’une simple petite formalité. De cette façon, les femmes acceptent ces lourdes et dangereuses épreuves sans jamais oser se plaindre.

« Le risque de mortalité après une césarienne peut être multiplié par un facteur variant de 2 à 10 par rapport à un accouchement par voie basse. Un pourcentage important, de l’ordre de 20 à 45%, des décès d’une femme enceinte qui accouche, peut être favorisé par une césarienne. Plus le taux de césariennes est élevé, plus les risques de complications maternelles graves sont importants : hémorragies tardives plus importantes, infection de la cicatrice, baisse de la fertilité, apparition d’un utérus cicatriciel rendant plus difficile l’arrivée d’un autre enfant, augmentation du taux d’infections nosocomiales de 5 à 10%, etc. » (Le Journal des Femmes, 2018)

PMA (insémination artificielle)

Pendant ce temps-là, les femmes seules et les couples lesbiens se heurtent à des obstacles inexplicables pour obtenir une PMA (insémination artificielle), alors qu’il n’y a aucune exploitation ni marchandisation du corps dans ce cas.

La PMA est comparable à une insémination naturelle (injection de sperme dans le vagin) telle qu’elle existe depuis la nuit des temps, faite par des hommes qui copulent l’espace d’un soir puis s’en vont. La PMA est si proche d’une insémination naturelle que certaines femmes qui souhaitent être enceintes font elles-mêmes des auto-inséminations (inséminations artificielles « maisons ») avec un échantillon de sperme et un matériel très simple :

« Les instruments nécessaires pour réaliser l’insémination artificielle à la maison peuvent s’acheter en pharmacie. Voici leur liste:

Seringue stérile de 2 à 5 ml sans aiguille. Celles qui ont une canule incorporée sont les plus recommandées car elles augmentent leur longueur.

Gants en latex.

Récipient stérile pour l’échantillon de sperme.

Sérum physiologique qui facilite l’aspiration du sperme. » (PMAfertilité, 2017)

Bien sûr, avec la PMA, le père ne sera pas là pour l’enfant. Mais il en va de même pour la GPA : les 2 mères (mère porteuse et donneuse des ovocytes) ne seront pas là, elles non plus, pour l’enfant. Par conséquent, il est plus que douteux d’invoquer des questions de filiation et de parentalité pour la PMA et d’ignorer ces questions pour la GPA.

Don d’ovocytes

Un don d’ovocytes (gamètes femelles) n’a strictement rien à voir avec un don de sperme ou de spermatozoïdes (gamètes mâles).

Les femmes ont un nombre limité d’ovocytes (environ 400’000) fabriqués avant la naissance au 7ème mois de vie embryonnaire. Il n’y a plus aucune production d’ovocytes par la suite. Une femme aura environ 400 ovulations dans toute sa vie. Les ovulations ont lieu de la puberté à la ménopause (période de fertilité). Au cours de chaque cycle menstruel, plusieurs centaines d’ovocytes (env. 600) démarrent leur croissance. Mais lors de la ponte ovulaire, il ne reste plus qu’un seul ovocyte qui entame alors un processus de maturation pour devenir un ovule. Donc un ovule est un ovocyte libéré au moment de l’ovulation et arrivé à maturité (prêt à être fécondé).

Les ovocytes ne peuvent être extraits qu’au moyen d’une ponction, soit une opération chirurgicale avec anesthésie partielle ou totale, précédée de nombreux examens médicaux et d’un traitement pour stimuler l’ovulation.

« Pendant le processus de sélection, on effectue un bilan médical, un examen gynécologique, une analyse sanguine et des échographies. On procède également à (…) une cytologie vaginale, une analyse bactériologique des sécrétions vaginales et du col de l’utérus, et des tests de dépistage du SIDA, de l’hépatite B et C, syphilis, thalassémie et hémophilie. On effectue également un caryotype afin de déceler les éventuelles anomalies génétiques. Si les examens sont normaux, la donneuse est acceptée. Environ 25 % des personnes examinées sont acceptées. (…)

La procédure du don d’ovules – La donneuse acceptée entame un traitement hormonal (injections tous les jours) sous contrôle gynécologique. Ce traitement est destiné à stimuler la maturation des ovules dans les ovaires. Le début du traitement correspond au début du cycle d’ovulation, c’est-à-dire au commencement des règles.

Les contrôles sont effectués grâce à des échographies et des analyses sanguines pour que le gynécologue vérifie que les ovaires répondent bien au traitement. Après vérification de la réponse ovarienne, on fixe la date d’extraction des ovules. Pour extraire les ovules, il faut réaliser une ponction des follicules qui ont mûri dans les ovaires. » (Instituto de reproducción CEFER, 2013),

Le don d’ovocytes est un geste médical et comme tout geste médical, il y a un risque de complications et de séquelles. Donc faire un don d’ovocytes signifie pour les femmes de prendre un risque pour leur santé voire leur vie.

Ponction folliculaire ou ovocytaire (ou ponction d’ovocytes)

Source image : « La ponction ovocytaire »

« Les effets secondaires de la ponctionLors de la ponction, les ovaires sont très gros en raison du grand nombre de follicules. La ponction en elle-même ne diminue pas significativement la taille des ovaires et provoque parfois un petit saignement à l’intérieur de l’abdomen.

Il est donc très habituel de ressentir, dans les jours qui suivent la ponction, un ballonnement abdominal un peu douloureux. (…) Ceci est plus rare dans le cas d’une ponction sur cycle naturel étant donné qu’un seul ovocyte est ponctionné et que la canule ne « pique » l’ovaire qu’une seule fois.

Les autres signes couramment observés sont les nausées, et des pertes de sang, secondaires à la pénétration de la paroi vaginale par l’aiguille lors de la ponction.

Avec des ovaires gros et sensibles, plus vous vous agiterez, plus vous aurez mal au ventre, et le repos allongé est la seule méthode efficace pour vous soulager.

En revanche, il faut s’inquiéter de signes évoquant une complication, en particulier une hyperstimulation ovarienne sévère ou une infection (voir complications). Ces signes sont principalement des douleurs abdominales importantes et cédant mal aux antalgiques, un gonflement important de l’abdomen et une prise de poids rapide supérieure à 3 kilos, de la fièvre ou de gros troubles du transit intestinal. Dans ce cas, il est indispensable de prévenir rapidement votre gynécologue. » (Fiv.fr, 2018).

La donneuse se confronte à ce lourd processus médical contraignant et risqué pour quelques ovocytes à peine, car une ponction ne permet de récolter que très peu d’ovocytes : « Le plus souvent, après stimulation ovarienne, on recueille entre 5 et 10 ovocytes » (Fiv.fr, 2018). Ce qui signifie que les ovocytes constituent un bien d’une très grande valeur qui peut déclencher rapidement un trafic à grande échelle.

Don de sperme

Un don de sperme est le don d’un fluide organique produit au moyen d’une éjaculation (avec orgasme, donc avec un plaisir intense). L’expulsion d’un fluide organique fait partie des fonctions éliminatoires de base de l’organisme, au même titre que la fonction urinaire (la prostate joue d’ailleurs un rôle actif tant au moment d’uriner et que d’éjaculer). D’autre part, une simple éjaculation permet de récolter un nombre considérable de spermatozoïdes puisque les hommes fabriquent en permanence des centaines de millions de spermatozoïdes : une éjaculation libère entre 2 et 5 ml de sperme avec une concentration en spermatozoïdes de 50 à 200 millions/ml.

Donc lorsqu’ils font un don de sperme, les hommes ne font qu’évacuer un fluide organique, avec un plaisir orgasmique en prime (masturbation dans une salle avec des films X). Cela n’a rien de comparable avec un don d’ovocytes. Si pour donner leurs spermatozoïdes les hommes devaient faire une ponction dans les testicules (pour extraire les spermatozoïdes) ou dans la prostate (pour extraire le sperme / soit le produit fini ou liquide éjaculable), la grande majorité des hommes seraient trop effrayés et il y aurait peu de donneurs.

Plusieurs centaines de GPA pour un seul homme

La GPA offre aux hommes une opportunité inespérée d’exploiter le ventre des femmes et cette exploitation est souvent validée par la justice. Dans ce registre, voici une histoire qui risque fort de faire des émules, puisque la justice vient de donner raison à cet homme.

Mitsutoki Shigeta est un homme de 28 ans (fils d’un milliardaire japonais) dont le but est d’avoir plusieurs centaines d’enfants au moyen de la GPA. Il a utilisé des mères porteuses en Thaïlande, pays où la GPA était légale. Mais en 2014, la police a découvert 9 bébés et 8 femmes enceintes dans son appartement de Bangkok. L’affaire a été nommée « l’usine à bébés ». Les bébés ont été remis aux services sociaux et l’homme a été poursuivi pour trafic d’êtres humains et exploitation d’enfants. Suite à cela, Mitsutoki Shigeta a pris la fuite vers le Japon avec un bébé et a entrepris des procédures pour « récupérer » ses enfants. En 2015, la Thaïlande a interdit la GPA commerciale aux étrangers. Pourtant, le 20 février 2018, la justice a décidé que cet homme est le père biologique légal des enfants et qu’il avait tous les droits parentaux sur eux. Il peut donc « récupérer » tous ces enfants. Aujourd’hui, il en aurait déjà 19 (Brut, 2018c).

L’usine à bébés de Mitsutoki Shigeta

Source image : Brut, 2018c

Capture d’écran de la vidéo

Pour beaucoup, cette histoire se termine par un merveilleux happy end (il « récupère » SES 19 bébés), en occultant bien sûr les 19 femmes exploitées pour produire SES bébés et les centaines d’autres femmes que cet homme exploitera s’il poursuit ailleurs qu’en Thaïlande son projet d’avoir plusieurs centaines de bébés par GPA.

Cette occultation est typique de l’exploitation reproductive des femmes.

« Usine à bébés » ou « fabrique de bébés »

La simple utilisation des termes « usine à bébés » ou « fabrique à bébés » pour la GPA est déjà une occultation que ce sont des femmes (des êtres humains) qui produisent ces bébés (des êtres humains). Ces termes passent inconsciemment le message que ces bébés sont des objets (chosification) « pondus » par des machines (utérus artificiels).

C’est exactement ce que recherchent les partisans de la GPA : déshumaniser la procréation de ces bébés afin de faire croire que la GPA ne pose aucun problème d’exploitation d’êtres humains. Or ce sont des femmes qui, au péril de leur vie et de leur santé, « pondent » ces bébés pour autrui, comme des animaux d’élevage, selon le modèle de la ferme de la célèbre féministe américaine Andrea Dworkin (2012).

Don d’organe

Les partisans de la GPA tentent de faire légaliser cette pratique en utilisant l’argument que la GPA serait l’équivalent d’un don d’organe, comme si donner un organe, ce n’était rien, juste une petite chose anodine que l’on fait comme ça, et hop, c’est oublié, on passe à autre chose.

Or, on ne donne pas ses organes comme cela ! Un don d’organe de son vivant est un sacrifice gigantesque au péril de sa vie et de sa santé (complications, séquelles, etc.). C’est pourquoi la majorité des prélèvements d’organes se fait sur des personnes mortes. Autrement dit, le don d’organe est fait par des personnes qui ne présentent plus aucun risque vital puisqu’elles sont décédées.

Un don d’organe de son vivant n’existe que pour sauver la vie d’un être très proche. A part cela, personne ne donne de son vivant un organe à autrui, hormis les personnes en grande précarité qui sont contraintes pour survivre de vendre leurs organes au péril de leur vie et de leur santé. Mais dans ce cas, on ne peut parler de « don » puisqu’il s’agit d’une exploitation très grave de populations précarisées dans le but de leur prendre leurs organes (au péril de leur vie) pour en faire un commerce en les revendant très cher.

Autrement dit, donner de son vivant ses organes à autrui est une violence inimaginable faite exclusivement dans le cadre d’une grave exploitation d’êtres humains. Alors comment ose-t-on exiger cela de la part des femmes et de plus pour le simple plaisir d’autrui, pour le simple fait de « pour pouvoir se reproduire, pouvoir faire du semblable à eux-mêmes [les hommes] » selon les termes de l’anthropologue Françoise Héritier (Ina.fr, 2017) ?

Le désir de vouloir se reproduire ne justifie en rien un tel sacrifice de la part des femmes, la grossesse de 9 mois et l’accouchement se faisant comme le don d’organe de leur vivant au péril de la vie et de la santé des femmes (complications, séquelles, morts en couche, etc.). Combien d’hommes accepteraient un tel sacrifice pour permettre à autrui de se reproduire ?

Enfin, lorsque les partisans de la GPA parlent de « don d’organe », s’ils font référence à l’enfant à naître qui est ensuite « donné » à autrui, il est important de préciser qu’un bébé n’est pas un organe.

Le droit à se reproduire

Pour légaliser la GPA, ses partisans invoquent un soi-disant « droit à se reproduire ». Or, il n’existe aucun droit à se reproduire. Ce droit n’existe pas. Les droits humains sont des droits protecteurs pour la personne. Ils ne sont en aucun cas des droits sur autrui.

Les droits parentaux sont les seuls « droits sur autrui » existants.
Et ces droits sont en réalité des devoirs envers les enfants.
Ils ne sont en aucun cas des droits à utiliser les enfants pour quoi que ce soit.

Prétendre avoir un « droit à se reproduire dans le corps d’autrui », c’est s’arroger un droit sur autrui, soit exactement le contraire des droits humains. Dans le même registre, les hommes prétendent souvent qu’il existerait un « droit à avoir du sexe », afin de justifier l’utilisation de femmes dans la prostitution ou l’assistanat sexuel.

En matière de droits humains, le « droit à avoir quelque chose » ne peut exister si cette « chose » est un être humain. Sinon, c’est de l’exploitation d’êtres humains, de l’esclavage. Par conséquent, sachant que la reproduction exige l’utilisation d’une femme et qu’une femme n’est ni un produit alimentaire ni un bien immobilier, le droit à se reproduire n’existe pas. Une femme est un être humain avec des droits et ceux d’autrui ne peuvent en aucun cas empiéter sur ces droits humains. Il en va de même pour le sexe.

C’est pourquoi, les droits sexuels et reproductifs promulgués par les textes internationaux ne donnent absolument pas de droits sur autrui. Ces droits visent au contraire le respect des droits d’autrui et protègent contre l’exploitation sexuelle et reproductive. Autrement dit, les droits sexuels et reproductifs sont des droits protecteurs pour les femmes, afin de les protéger des violences sexuelles et reproductives. Ces droits ont été créés en raison d’un contexte de domination masculine qui a permis depuis des millénaires aux hommes d’exploiter les femmes pour le sexe et la reproduction. Donc les droits sexuels et reproductifs ne sont en aucun cas des droits pour les hommes à accéder à des femmes pour le sexe ou la reproduction (droits sur autrui). Ils sont exactement le contraire.

Depuis la nuit des temps, ce sont les hommes qui se sont accordés par eux-mêmes des droits à avoir du sexe et des droits à se reproduire, afin de s’approprier le ventre des femmes. Ces « droits patriarcaux » ont toujours été présentés comme des « droits naturels », coulant de source, faisant partie de l’ordre des choses. Mais depuis quelques décennies, les femmes s’élèvent contre l’exploitation de leur corps. En réaction à la révolte des femmes, les hommes tentent de faire entrer ces droits patriarcaux dans la loi pour qu’ils puissent en toute légalité, de façon très officielle, contraindre les femmes au sexe et à la reproduction, en s’appuyant sur le droit international, régional (européen, etc.) et national. Ces « droits patriarcaux auto-proclamés » (droit à avoir du sexe et droit à se reproduire) doivent absolument être dénoncés, sinon la domination masculine ne fera qu’empirer et ne sera jamais abolie.

La définition adoptée par l’OMS en 2006 précise très clairement que les droits sexuels font partie des droits humains et que ces derniers impliquent le respect des droits d’autrui (les droits reproductifs font partie des droits sexuels) : « Les droits sexuels comme faisant « partie des droits de la personne qui sont d’ores et déjà reconnus dans les lois nationales, les documents internationaux relatifs aux droits de la personne et d’autres documents adoptés par consensus. (…) L’exercice responsable des droits humains veut que toute personne se doit de respecter les droits d’autrui. ». (Ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, 2015). Ce texte inclut aussi la santé reproductive (ou droits reproductifs) qui sont eux aussi des droits protecteurs pour les femmes.

Pour les droits humains liés à la reproduction, le collectif CORP (Collectif pour le Respect de la Personne) présente sur son site un excellent ouvrage intitulé « Surrogacy, A Human Rights Violation », en français : « La GPA, une violation des droits humains » (CORP, 2017). L’autrice de cet ouvrage est Renate Klein, chercheuse en biologie et en sciences sociales depuis plus de 30 ans, également professeure à l’Université de Melbourne (Australie). La Dre Renate Klein a déjà publié plusieurs ouvrages sur les technologies de la reproduction humaine et les théories féministes.

« Surrogacy, A Human Rights Violation »
(La GPA, une violation des droits humains)

Publié le 1er août 2017 chez Spinifex (Melbourne, Australie),
une maison d’édition indépendante féministe

Pour résumer, les droits sexuels et reproductifs font partie intégrante des droits humains qui servent à protéger les êtres humains de toute violence, de toute exploitation par autrui. Ces droits figurent parmi les objectifs importants des ODDs (Objectifs de Développement Durable) adoptés par les Nations Unies en septembre 2015. Constitués de 17 objectifs, les ODDs sont « un ensemble d’objectifs de développement durable pour éradiquer la pauvreté, protéger la planète et garantir la prospérité pour tous » (Nations Unies, 2015).

Les droits sexuels et reproductifs sont répertoriés dans 3 objectifs des ODDs : bonne santé et bien-être (objectif 3), éducation de qualité (objectif 4 ) et égalité entre les sexes (objectif 5) :

ODDs (Objectifs de Développement Durable)
adoptés par les Nations Unies en septembre 2015

Surpopulation et natalité

L’humanité n’est pas en risque d’extinction. Il y a au contraire un problème de surpopulation mondiale, avec une démographie galopante : « Nous serions plus de 7,6 milliards d’êtres humains sur Terre et deux milliards de plus en 2050. Quel est l’impact de la surpopulation sur l’environnement et les ressources mondiales ? (…) si la croissance des pays émergents poursuit son ascension et si les pays développés ne restreignent pas la pollution qu’ils engendrent, alors, la surpopulation mondiale aura une conséquence désastreuse sur l’environnement de notre planète. » (Futura Sciences, 2017)

Cette surpopulation mondiale résulte forcément d’un excédent de naissances par rapport aux décès, avec une densité de population différente en fonction des régions du monde et des phénomènes migratoires pour des raisons de guerres ou de problèmes économiques, par exemple :

« Si la population mondiale continue d’augmenter, c’est en raison de l’excédent des naissances sur les décès – les premières sont près de trois fois plus nombreuses que les seconds. » (Pison, 2017)

A plus long terme, si nous conservons nos modèles actuels, quoi que nous fassions, l’espèce est de toute façon menacée d‘extinction à terme, soit par implosion (pas assez de fertilité), soit par explosion (trop de fertilité).

« Si la famille de très petite taille devient un modèle dominant de façon durable, avec une fécondité moyenne inférieure à deux enfants par femme, la population mondiale, après avoir atteint le niveau maximum de dix milliards d’habitants, diminuerait inexorablement jusqu’à l’extinction à terme.

Mais un autre scénario est possible dans lequel la fécondité remonterait dans les pays où elle est très basse pour se stabiliser à l’échelle mondiale au-dessus de deux enfants. La conséquence en serait une croissance ininterrompue, et à nouveau la disparition de l’espèce à terme, mais cette fois par surnombre. Si l’on ne se résout pas aux scénarios catastrophes de fin de l’humanité, par implosion ou explosion, il faut imaginer un scénario de retour à terme à l’équilibre. » (Pison, 2017)

Avec le système économique actuel basé sur la croissance, il est clair qu’une baisse de la natalité créerait son effondrement : « Une natalité dynamique est cruciale en termes de solidarité nationale, car le renouvellement des jeunes générations permet de contribuer au financement des retraites des plus âgés. (…) Le fait que l’âge moyen à la maternité ne cesse de reculer, pour atteindre aujourd’hui 30,6 ans, joue un rôle déterminant. » (Le Monde, 2018).

Néanmoins, une baisse de la natalité est parfaitement logique dans la société actuelle qui n’est pas organisée pour recevoir autant de monde (pas d’emploi, ni de logement, chômage, précarité, etc.). Dans un tel contexte, procréer plus est absurde. C’est d’un changement de société dont nous avons besoin. Et ce sont les femmes qui peuvent initier ce processus en refusant de continuer à être exploitées pour leur utérus.

En Europe, l’on nous fait croire que si la natalité de nos pays continuait à baisser, notre système économique s’effondrerait, car il n’y aurait plus de croissance démographique. Alors, premièrement, la natalité en Europe ne baisse pas, elle ne cesse de croître. D’autre part, la natalité n’est pas un facteur suffisant pour évaluer la croissance démographique d’une région ou d’un pays, puisqu’il y a également l’arrivée de nouvelles personnes, avec leurs enfants, par exemple les migrants. C’est pourquoi l’Europe constate une croissance constante de sa population (1,5 million de personnes supplémentaires en 2016) grâce à l’arrivée des migrants.

« Une croissance continue de la population de l’UE-28 – La situation démographique actuelle de l’UE-28 est caractérisée par une croissance continue de sa population. (…) L’évolution de la population (positive, avec 1,5 million d’habitants supplémentaires) était donc due au solde migratoire. Le 1er janvier 2017, la population de l’UE-28 était estimée à 511,8 millions d’habitants, soit 1,5 million de personnes de plus que l’année précédente. » (Eurostat, 2017).

En France, depuis janviers 2018, le gouvernement revient sur cette question de natalité et de fertilité : « Une mission parlementaire réfléchit à la refonte des aides aux familles. Une tâche compliquée par la baisse de la natalité et de la fécondité. » (Godeluck, 2018).

A cette occasion, Guillaume Chiche, député LREM co-rapporteur de la mission parlementaire sur la politique familiale déclarait que faire baisser l’âge de la première maternité devait être une priorité. Pour ce député, la première maternité devrait idéalement se faire à 25 ans au lieu des 30,6 ans actuel, afin que les femmes procréent plus.

Guillaume Chiche : « La chute de la natalité est due à des facteurs multiples, et notamment à la situation économique. La politique familiale seule ne réglera donc pas tout, mais elle constitue un levier d’action important. Baisser l’âge de la première maternité doit par exemple être une priorité. En moyenne aujourd’hui, les mères ont 30,6 ans lors de la première naissance et cet âge est en constant recul depuis dix ans. L’une des conséquences est que ces femmes sont moins susceptibles d’avoir une famille nombreuse, la fécondité baissant après 35 ans.  (…) si l’on joue, par exemple, sur l’accès aux modes de garde. Ils sont aujourd’hui hors de portée des femmes de 25 ans. » (Lucas, 2018)

Démographie française au 1er janvier 2018

Source image : « Démographie : la natalité baisse (encore) en France »

Mais de quel droit ce député veut-il contraindre les femmes à procréer plus tôt et plus souvent, comme si elles étaient des animaux de ferme, selon le modèle de la ferme de la féministe Andrea Dworkin (Dworkin, 2012, pp. 174-186) ? Avoir des enfants plus tard est un choix de vie des femmes que la société doit prendre en compte en créant de nouveaux modèles de société au lieu de contraindre les femmes à procréer.

La baisse continue de la natalité en France depuis 3 ans semble incompréhensible pour le gouvernement. Pourtant les féministes n’ont cessé de dénoncer les violences que subissent les femmes autour du processus de procréation. La précarisation des femmes et les lois familles qui contraignent les femmes à rester près du père des enfants en raison de résidences alternées imposées sont sans doute des facteurs importants dans cette baisse de la natalité, de même que la non protection des femmes et des enfants victimes d’hommes violents. En effet, aujourd’hui, les femmes savent que la violence conjugale commence souvent lorsqu’elles sont enceintes (dans 40 % des cas de violence conjugale), car l’homme violent sait qu’il a des droits sur l’enfant à naître et que la femme ne peut plus fuir sa violence puisque la société ne protège pas les femmes violentées et leurs enfants. Il est parfaitement normal que dans un tel contexte les femmes ne veuillent plus procréer. Grâce aux luttes féministes, les femmes sont aujourd’hui mieux informées sur ces violences, ce qui leur permet de sortir peu à peu de l’emprise patriarcale et de reprendre le contrôle de leur corps, de leur utérus.

En revanche, si l’on donne aux femmes l’égalité, la PMA pour toutes et que l’on met fin aux violences machistes systémiques (Kuhni, 2018), etc. peut-être auront-elles à nouveau envie de procréer, lorsque c’est leur choix, bien évidemment.

Pour l’instant, les femmes n’ont pas conscience du pouvoir énorme que leur donne ce système économique entièrement basé sur leurs ventres. Sinon, elles auraient déjà utilisé ce pouvoir pour obtenir l’égalité des droits et la fin des violences à leur égard. Le jour où les femmes auront conscience du pouvoir gigantesque que leur donne leur utérus, elles aboliront rapidement la domination masculine, par exemple, en faisant des grèves d’utérus de quelques semaines ou quelques mois, jusqu’à ce qu’elles soient entendues. Les femmes accéderaient enfin à l’égalité et les violences machistes systémiques (Kuhni, 2018) n’auraient plus lieu d’être puisque les femmes auraient repris le pouvoir sur leurs utérus.

La pression sociétale pour que les femmes utilisent leur utérus (« culture des incubatrices »)

Dans nos sociétés patriarcales, depuis des millénaires, les femmes sont vues comme des incubatrices à la disposition des hommes et de la société, ce qui constitue clairement une exploitation reproductive. Cette « culture des incubatrices » s’est considérablement aggravée ces dernières années du fait qu’il est très facile aujourd’hui pour les hommes d’effacer les mères une fois qu’elles ont procréé (GPA, garde aux pères sans consentement de la mère, etc.). Autrement dit, de nos jours, on considère très souvent qu’une fois le bébé né, on n’a plus besoin des mères. Le texte visionnaire de la féministe américaine Andrea Dworkin sur le modèle de la ferme préfigure l’arrivée de cette nouvelle ère de l’intensification de l’exploitation reproductive des femmes (Dworkin, 2012).

Dans le cadre du couple, on trouve le sacro-saint « devoir conjugal » imposé depuis des millénaires aux femmes mariées et maintenant également à celles qui sont en couple. Ce « devoir conjugal » est en réalité un « viol conjugal » puisqu’il s’agit d’une contrainte au sexe, non de sexe consenti, que beaucoup de femmes nomment : « passer à la casserole » . La dessinatrice Marine Spaak a fait une BD remarquable sur ce thème. Intitulée « Passer à la casserole », cette BD est l’illustration d’une analyse sur le viol conjugal réalisée en décembre 2017 par la chercheuse Amandine Michez.

« Passer à la casserole » (Marine Spaak)

Source image :
« Passer à la casserole » : la BD qui brise le tabou du viol conjugal

« (…) dans le premier clip télé consacré au viol conjugal et réalisé par Collectif féministe contre le viol (CFCV) : on y découvrait une femme assise sur son lit, pendant que résonnait une voix d’homme en fond sonore : « Une femme elle doit répondre à toutes les envies de son mari. C’est ça le devoir conjugal. Et puis elle ne peut rien dire, avec les enfants qui dorment à côté. Où elle irait se plaindre ? « J’ai été violée par mon mari. » T’imagines ? […] Et le sexe, c’est humain. Alors c’est où il veut quand il veut. » Dans sa BD, Marine Spaak insiste fermement : « un rapport forcé est un rapport forcé. (…) C’est un viol conjugal. Et ça n’a RIEN de normal. » » (Elle, 2018).

Une fois de plus, ce « devoir conjugal » ou plutôt « viol conjugal » n’est autre qu’un « devoir de procréer », sachant que le mariage a notamment pour fonction de permettre aux hommes à s’approprier les utérus. Mais les femmes ne doivent surtout pas savoir que ce sont leurs utérus qui sont visés par cette contrainte au sexe, sinon elles auraient l’impression d’être exploitées. C’est pourquoi le « devoir conjugal » a été déguisé en « obligation de sexe » que les femmes mariées devaient de façon incontournable à leur mari. Comme l’insémination d’un utérus passe par la copulation, cette obligation de sexe remplit parfaitement sa fonction : il contraint les femmes mariées à avoir du sexe à tout moment afin que leurs utérus soient inséminables à volonté par les hommes. Et si les femmes ne procréent pas, cela se passe en général très mal pour elles, car il est inimaginable pour les hommes mariés de ne pas avoir accès à l’utérus de leur femme. Dans beaucoup de sociétés, les femmes mariées qui ne procréent pas sont même répudiées, ce qui montre à quel point les hommes ciblent les utérus lorsqu’ils se marient et non les femmes elles-mêmes, en tant que femmes.

De façon générale, dans nos sociétés dites développées, les femmes qui ne veulent pas d’enfants sont fortement stigmatisées, discriminées, considérées comme égoïstes, immatures, frustrées, ayant des problèmes psychologiques, etc. Aujourd’hui, toujours plus de femmes dénoncent cette violence à leur égard : « Exaspérées par une société qui les stigmatise, des femmes revendiquent leur choix de ne pas avoir d’enfants, jamais. Elles témoignent. » (Dupont, 2018).

Le plus dramatique dans tout cela, c’est que simultanément aux pressions exercées sur les femmes pour qu’elles procréent, la société a mis en place des discriminations du fait qu’elles procréent. Ce sont les classiques ordres contradictoires de la violence machiste systémique (Kuhni, 2018). Par exemple, dans le cadre professionnel, on va reprocher aux femmes le risque d’être enceinte pour les payer moins ou ne pas les engager. Ces discriminations servent à renforcer le pouvoir des hommes (domination masculine) en mettant les femmes dans la précarité et en les rendant ainsi totalement dépendantes des hommes.

Dans le même registre des pressions sociétales sur les utérus, les femmes qui demandent la stérilisation volontaire ont toutes les peines du monde à l’obtenir, alors qu’il s’agit d’une méthode de contraception permanente et fiable (ligature des trompes) que beaucoup de femmes de tous âges souhaitent. Mais bien évidemment, l’utérus d’une femme stérilisée n’est plus exploitable par la société patriarcale, on va donc empêcher coûte que coûte cette femme de se faire stériliser afin de ne pas perdre un utérus. Par contre, les hommes qui demandent à être stérilisés l’obtiennent très facilement (vasectomie) puisqu’ils ne sont pas des incubateurs et que ce sont eux les décideurs en matière de reproduction. Alors bien sûr, la vasectomie est réversible et la ligature des trompes définitive, mais les femmes ont le droit de décider si elles veulent procréer ou non. C’est leur choix, leur liberté, cela fait partie des droits sexuels et reproductifs édictés par l’OMS.

Et si les femmes choisissent d’enfanter, elles doivent pouvoir décider elles-mêmes à quel moment le faire et avec qui.

Le retour en force des lobbies anti-IVG

Dans le monde entier, on constate également un retour en force de puissants lobbies anti-IVG qui tentent par tous les moyens d’empêcher les femmes d’avorter ou de créer des lois interdisant l’avortement.

ARTE a diffusé le 6 mars 2018 un documentaire éloquent sur ce thème. Ce documentaire s’intitule « Avortement, les croisés contre-attaquent » (96 min.).

« A voir, ce documentaire glaçant de @ARTEfr sur Les stratégies des militant•e•s anti-IVG en Europe. (…) Il est préoccupant de constater qu’en 2018 le droit des femmes et des personnes qui détiennent un utérus à disposer librement de leurs corps est encore et toujours menacé. » (FéministesVsCyberH, 2018)

« Culpabilisation, moralisation et jugements : le parcours est semé d’embûches lorsque l’on souhaite avoir recours à une #IVG en Hongrie. » (ARTE, 2018a)

Voici le lien sur ce documentaire : ARTE, 2018b (vidéo disponible du 6 mars au 5 mai 2018).

 

Captures d’écran de la vidéo

Descriptif sur la page du documentaire : « Partout en Europe, de nouveaux militants, très organisés, mènent une redoutable croisade contre l’avortement et la liberté des femmes à disposer de leur corps. Une passionnante – et inquiétante – enquête dans ces réseaux d’influence.

Plus de quatre décennies après la loi Veil (1975), le droit à l’avortement subit une offensive concertée en Europe, menée par une nouvelle génération de militants, maîtres en communication et en pétitions. Dans les pays de l’Est, de la Pologne à la Hongrie, il a reculé sous l’égide de gouvernements ultraconservateurs, tandis qu’en Italie, sous l’influence de l’Église, 70 % de gynécologues « objecteurs de conscience » refusent désormais de pratiquer l’IVG – légale depuis quarante ans –, privant les femmes de la liberté à disposer de leur corps. En France, une petite légion d’activistes pro-life, avec à sa tête un jeune publicitaire, porte le combat sur le terrain culturel auprès des 15-35 ans, au travers des médias et des réseaux sociaux. Entre séduction et désinformation, leur campagne mêle conservatisme et style pop, reprenant pour mieux les détourner la terminologie des féministes. Fédérés et remarquablement organisés, ces soldats antiavortement exercent en outre un puissant lobbying à Bruxelles. Qui se cache derrière ces croisés modernes, qui mutualise leurs pernicieuses méthodes de persuasion et invoque les atteintes aux droits de l’homme et la liberté de choix (de vivre) dans leur guerre contre l’IVG ?

Inquiétante carte d’Europe

Au fil d’une rigoureuse investigation qui donne la parole à ces activistes comme aux femmes victimes de leur offensive, Alexandra Jousset et Andrea Rawlins-Gaston remontent ces réseaux pour dessiner une inquiétante carte d’Europe. Un état des lieux d’autant plus glaçant que ces croisés assument avec affabilité leur terrorisme psychologique, comme lors de cette séquence où des catholiques en Italie enterrent solennellement des fœtus collectés dans les hôpitaux. Le film met aussi au jour les circuits de financement de ces mouvements pro-life, très discrètement parrainés par de riches fondations américaines, liées à l’ultradroite et aux milieux évangélistes, comme par quelques oligarques russes, fondamentalistes orthodoxes. « Vous devrez rester vigilantes votre vie durant« , prophétisait Simone de Beauvoir, s’adressant aux femmes il y a 70 ans. Dont acte. » (ARTE, 2018b)

Les sanctions pour les femmes qui avortent (ou font des fausses couches)

Certains pays où les lobbies anti-IVG sont fermement installés n’hésitent pas à sanctionner très sévèrement les femmes qui avortent. Cette dictature sur les utérus va si loin que même les femmes qui font des fausses couches se retrouvent condamnées parfois à 30 ans d’emprisonnement.

Voici un reportage poignant intitulé « Salvador, 30 ans pour une fausse couche » avec interview de deux femmes condamnées à 30 ans d’emprisonnement pour avoir fait des fausses couches. Les 2 femmes interviewées dans le reportage sont :

Teodora del Carmen Vasquez de Saldana (34 ans – condamnée à 30 ans, incarcérée depuis 10 ans) qui sera libérée quelques jours plus tard ;

Alba Lorena Rodriguez Santos (29 ans – condamnée à 30 ans, incarcérée depuis 9 ans) enceinte suite à un viol collectif par 3 hommes.

Ces femmes sont impressionnantes de courage.

« Le Salvador fait partie des cinq pays du monde où l’avortement est totalement interdit, même en cas de viol, de danger pour la vie de la mère ou de malformation du fœtus.

Au Salvador, celles qui avortent finissent derrière les barreaux et certaines femmes victimes de fausses couches sont accusées d’homicide aggravé. Elles purgent des peines allant jusqu’à 30 ans de prison. » (Van Laer, 2018)

Salvador, 30 ans pour une fausse couche

Teodora del Carmen Vasquez de Saldana

Alba Lorena Rodriguez Santos

Source : Van Laer, 2018

Captures de la vidéo

Quelques jours après ce reportage, Teodora Vasquez a été libérée après avoir passé 10 ans et 7 mois en prison pour une fausse couche. Voici son histoire. » (Brut, 2018a ; Brut, 2018b)

Un autre article avec reportage (vidéo) à propos de la libération de Teodora Vasquez:

« Le Salvador possède l’une des législations anti-avortement les plus répressives au monde. Cette législation amène des situations extrêmes, comme celle de Teodora Vasquez : cette salvadorienne de 34 ans vient d’être libérée après avoir passé 11 ans derrière les barreaux pour une fausse couche » (Terriennes, 2018).

Avortements sélectifs (avortement des embryons féminins)

La situation est absurde. D’un côté, le patriarcat empêche les femmes d’avorter pour exploiter au maximum leurs utérus. Et de l’autre côté, dans certains pays, le patriarcat contraint les femmes à avorter les embryons féminins (avortements sélectifs), ce qui a pour conséquence un manque d’utérus pour procréer.

Alors pourquoi faire des avortements sélectifs pour d’éliminer les filles avant la naissance ? Parce que la société patriarcale crée tant de discriminations à l’égard des femmes et des filles que, dans certains pays, les parents ne veulent plus avoir de filles. Pour eux, un garçon est un investissement, alors qu’une fille est une perte.

Or ce sont les filles qui ont les utérus et sans ces utérus, l’humanité ne peut survivre. Donc en avortant les embryons féminins, la société se prive des ventres nécessaires pour sa survie. Il n’y a plus assez d’utérus pour procréer les précieux fils que les hommes veulent lorsqu’ils souhaitent se reproduire et « pouvoir faire du semblable à eux-mêmes » selon les termes de Françoise Héritier (Ina.fr, 2017).

L’Arménie, la Chine et l’Azerbaïdjan sont les pays où l’on pratique le plus d’avortements sélectifs :

« « Dans dix ou vingt ans, nous serons face à un déficit de femmes qui, combiné à un déclin dramatique du taux de fécondité, aboutira à une crise démographique sérieuse », s’inquiète Garik Haïrapetian, le représentant de l’Arménie au FNUAP. (…) « D’ici 2060, 100.000 mères potentielles ne seront pas nées en Arménie. (…) les Nations unies (…) attribuent ce déficit de femmes aux « structures patriarcales » qui prévalent dans les deux pays, (…) »Nous devons nous attaquer à l’origine du problème, la mentalité patriarcale et la pauvreté très répandue, et non à ses conséquences » (…) « si les hommes et les femmes avaient les mêmes opportunités, si les femmes pouvaient aussi bien réussir que les hommes et être aussi indépendantes qu’eux financièrement, aucun parent n’aurait à choisir entre avoir un garçon ou une fille ».  » (L’Obs, 2018)

« Après la Chine et l’Azerbaïdjan, l’Arménie est le troisième pays au monde à pratiquer le plus d’avortements ciblés sur les embryons féminins. (…) Les garçons sont (…) considérés comme un investissement et les filles comme une perte. (…) Une situation alarmante pour Garik Hayrapetyan, directeur du FNUAP-Arménie : « D’après nos informations, 100 000 filles ou futures mères ne naîtront pas d’ici 2080 si la situation actuelle ne change pas. » » (Brut, 2018d)

Les violences obstétricales et gynécologiques

Les violences obstétricales et gynécologiques font partie de l’appropriation du ventre des femmes par les hommes. Les femmes sont infantilisées, pas libres de leurs choix (contraception, stérilisation, etc.) et l’on contrôle leur appareil reproducteur comme on contrôle une voiture.

Dans un tel système, il faut que les femmes se taisent, qu’elles souffrent en silence, qu’elles accouchent et vivent leur grossesse sans se plaindre, comme si tout était merveilleux, facile et que faire un enfant n’était pas plus difficile que de boire ou manger. Comme dans tout système de violence, on trouve même une inversion : ce sont les hommes qui vont se plaindre que l’accouchement était tellement difficile, insupportable, etc. pour eux, alors que les femmes doivent sourire et donner l’impression d’avoir accouché comme si ce n’était qu’une petite formalité.

Marie-Hélène Lahaye est une féministe, juriste militante pour un accouchement respectueux des femmes et lanceuse d’alerte belge qui tient depuis 2013 le blog « Marie accouche là » sur les violences obstétricales. Elle est l’autrice du livre « Accouchement : les femmes méritent mieux » publié le 4 janvier 2018 aux éditions Michalon (Marie accouche là, 2018).

Source image : « Accouchement : les femmes méritent mieux »

« Depuis les années 1960, l’hôpital est devenu le lieu de l’accouchement. Disparues les terreurs d’antan et les souffrances d’un autre âge : la péridurale y est aujourd’hui reine pour supprimer les douleurs.

Pourtant, dès que l’on questionne les femmes sur leur expérience, nombreuses sont celles qui font part de vexations, d’intimidations, de coercitions, voire de brutalités et de violences. Ce qui devait être un heureux événement se transforme en cauchemar sous la pression des médecins qui suivent les protocoles hospitaliers.

« On m’a volé mon accouchement. » Le refus d’entendre les femmes et la domination que les soignants exercent sur elles est à l’origine de traumatismes physiques et psychiques considérables. Un grand nombre des dépressions post-partum ou des syndromes de stress post-traumatique trouvent probablement là leur cause. Restée longtemps cachée, cette violence commence à apparaître au grand jour, alors que la parole des femmes se libère enfin.

L’obstétrique est profondément misogyne. Elle considère les femmes comme faibles, malades, dangereuses, dont le corps serait inadapté pour mettre les enfants au monde. L’accouchement est ainsi resté l’un des derniers bastions de la domination masculine.

Rendre les femmes maîtresses de leur accouchement exige, ni plus ni moins, une révolution. En analysant les pratiques autour de l’accouchement à travers la littérature scientifique, les recommandations des instances de santé et les travaux d’historiens et d’anthropologues, Marie-Hélène Lahaye signe un document majeur, livre-clé dans la réorientation des politiques à mener autour des droits des femmes. » (Michalon, 2018)

Quant à la journaliste Mélanie Déchalotte, elle travaille depuis plusieurs années à dénoncer les violences gynécologiques et obstétricales. Elle est à l’origine du documentaire qui a permis en 2015 de briser le tabou des violences gynécologiques. Ce documentaire intitulé « Collection témoignage : maltraitances gynécologiques » a été diffusé le 28 septembre 2015 sur France Culture. Mélanie Déchalotte est également l’autrice de l’ouvrage « Le Livre Noir de la gynécologie » paru le 5 octobre 2017 (Déchalotte, 2018).

Source image : « Le livre noir de la gynécologie »

Voici une remarquable interview de Mélanie Déchalotte (11 min. 45) sur TV5Monde à propos de ce livre : « Le livre noir de la Gynécologie: Des violences faites aux femmes avec Mélanie Déchalotte » (TV5Monde, 2017).

Au cours de cette interview à recommander et à diffuser le plus possible, Mélanie Déchalotte parle des violences gynécologiques et obstétricales, ainsi que des conséquences post-traumatiques qui sont les mêmes que celles des violences sexuelles. L’interview permet de prendre conscience que les violences gynécologiques, obstétricales et sexuelles sont toutes du même ordre et qu’elles servent à déposséder les femmes de leurs organes reproducteurs, afin de les mettre à disposition des hommes pour qu’ils puissent les exploiter pour eux-mêmes.

Descriptif de la vidéo de TV5Monde : « Paternalisme, sexisme, examens brutaux, paroles déplacées ou culpabilisantes, humiliations, absence de consentement, épisiotomies superflues, déclenchements abusifs d’accouchement (…) La journaliste Mélanie Déchalotte propose avec « Le livre noir de la gynécologie » aux Éditions First, une relecture plus éthique et humaniste des pratiques qui accompagnent les femmes leur vie durant, de la puberté à la ménopause… » (TV5Monde, 2017)

Mutilations génitales féminines

Les mutilations de l’appareil génital féminin sont de 2 ordres : celles à visée sexuelle et celles à visée reproductive.

Les mutilations sexuelles féminines (MSF)

Les mutilations sexuelles féminines (OMS, 2018) servent à rendre les rapports sexuels douloureux pour les femmes et à entraver leur plaisir sexuel, dans le but que les femmes ne trompent pas leur mari. Les femmes mutilées ont également l’obligation d’être vierges avant le mariage, alors que les maris, souvent polygames, ont la plupart du temps déjà eu plusieurs partenaires pour le sexe. Par ce moyen, les femmes sont réduites à l’état de reproductrices appartenant à un seul homme. Le sexe se résume alors souvent en un acte purement reproducteur, reléguant ouvertement les femmes au modèle de la ferme décrit par la féministe américaine Andrea Dworkin (Dworkin, 2012).

Les mutilations sexuelles féminines (MSF) sont comparables à une castration pour un homme, sauf que les organes reproducteurs des femmes et des filles restent intacts, à condition que les complications et séquelles ne les détruisent pas. Seul le plaisir sexuel est entravé, voire substitué par la douleur.

Le Dr. Mukwege est connu internationalement en tant que grand spécialiste pour « réparer » les femmes excisées ou mutilées lors de viols de guerre. Il exerce au Congo, dans son hôpital de Panzi : « Depuis 1999, il a soigné plus de 50 000 femmes mutilées et excisées. Denis Mukwege, né en 1955 dans le Sud-Kivu en République démocratique du Congo, est un gynécologue et militant des droits humains qui dénonce le recours au viol comme arme de guerre et les mutilations génitales faites aux femmes. Surnommé « l’homme qui répare les femmes », il est aujourd’hui une figure de la lutte contre les violences faites aux femmes. » (Brut, 2018f). En effet, le clitoris est un organe de taille beaucoup plus grande qu’on ne le croit, puisqu’il mesure de 8 à 10 centimètres de long et de 3 à 6 centimètres de large (Kuhni, 2017). Par conséquent, lorsqu’il n’y a pas eu ablation totale du clitoris, il est possible de le reconstituer en utilisant la partie toujours présente du clitoris. C’est ce qui a permis au Dr. Mukwege de « réparer » de nombreuses femmes excisées.

Les mutilations sexuelles féminines (MSF) sont pratiquées sur les filles (souvent des bébés ou des filles très jeunes) et les femmes. Les mutilations les plus courantes sont :

– la clitoridectomie (ablation totale ou partielle du clitoris et/ou du capuchon du clitoris) ;

– l’excision (ablation totale ou partielle du clitoris, avec ablation totale ou partielle des petites lèvres, avec ou sans excision des grandes lèvres) ;

– l’infibulation (fermeture de la vulve en cousant les grandes lèvres et/ou les petites lèves, avec ou sans excision du clitoris), le résultat est un très fort rétrécissement de l’orifice vaginal, donc il ne reste plus qu’une petite ouverture au bas de la vulve.

Les conséquences des mutilations sexuelles féminines (MSF) sont nombreuses et graves pour la santé, avec parfois un risque mortel.

« 1. Les conséquences immédiates

La vulve est une région du corps très vascularisée et très innervée, particulièrement au niveau du clitoris.

La section du clitoris et des petites lèvres entraîne une douleur très intense, intolérable, accompagnée de peur, d’angoisse et parfois d’un grave état de choc.

Un saignement éventuellement hémorragique peut entraîner la mort.

L’émission d’urines sur la plaie occasionne des brûlures et parfois une rétention d’urines réflexe.

2. Les conséquences ultérieures

Pratiquées dans des conditions d’hygiène souvent précaires, l’excision et l’infibulation sont à l’origine d’infections multiples, vulvaires, urinaires et gynécologiques, ces dernières pouvant entraîner une stérilité.

La diffusion des infections peut s’étendre et générer des septicémies qui, sans traitement adéquat, peuvent évoluer vers la mort. On peut également évoquer le tétanos et le SIDA.

Excision et Infibulation occasionnent des complications obstétricales. Sans aide appropriée, la femme infibulée et l’enfant qu’elle porte sont menacés de mort au moment de l’accouchement. Des soins attentifs ne permettent pas toujours de prévenir les déchirures du périnée, très fréquentes chez les femmes excisées. Malgré les épisiotomies, les femmes excisées ont des déchirures périnéales trois fois plus fréquentes que les autres à leur premier accouchement et encore plus par la suite…

Plusieurs études africaines rapportent des souffrances fœtales plus nombreuses chez les enfants nés de femmes mutilées.

Le gland clitoridien est la partie la plus sensible des organes génitaux externes de la femme. On y retrouve les corpuscules tactiles spécifiques de Krause-Finger dits de la volupté. Ils n’existent nulle part ailleurs et la blessure ou l’ablation partielle ou totale du clitoris entraînent inévitablement une altération de la sensibilité sexuelle.

Il existe bien d’autres complications des mutilations sexuelles féminines. On citera encore : les fistules vésico-vaginales ou recto-vaginales : un accouchement qui dure trop longtemps chez une femme, a fortiori mutilée, peut entraîner la nécrose (mort) des tissus séparant la vessie ou le rectum du vagin. Un passage sera ainsi créé entre la vessie et le vagin ou entre le rectum et le vagin. La jeune femme ne pourra plus retenir ses urines ni ses selles qu’elle perdra en permanence. On peut réparer de telles fistules en milieu chirurgical. Mais, en Afrique, il n’est pas toujours possible à une villageoise d’accéder à un hôpital, de surcroît à un service spécialisé. Devenue incontinente, la jeune femme sera progressivement mise à l’écart par sa famille et par son village. Elle tentera parfois de se suicider.

De nombreux auteurs rapportent des complications psychiatriques, des angoisses, et notamment des dépressions. » (Fédération GAMS, 2016).

Les mutilations reproductives

Les mutilations reproductives servent à détruire la capacité reproductrice d’un peuple en détruisant l’appareil reproducteur des femmes et des filles, ce qui confirme que les utérus sont la richesse d’une nation ou d’une population, le bien le plus précieux pour les hommes.

Le président Rodrigo Duterte demande aux soldats
de tirer dans le vagin des femmes rebelles

Un exemple récent : en février 2018, le président philippin Rodrigo Duterte a appelé à tirer dans le vagin des femmes rebelles, détruisant ainsi la capacité de reproduction de cette population.

« Le président des Philippines, Rodrigo Duterte, a ordonné à ses soldats de «tirer dans le vagin des rebelles (…) «Dites aux soldats qu’il y a un nouvel ordre qui vient du maire. Nous ne vous tuerons pas. Nous tirerons dans vos vagins» a-t-[il]dit à un public exclusivement masculin en parlant des femmes rebelles. » (CNEWS Matin, 2018).

Les mutilations reproductives sont souvent perpétrées pendant les viols de guerre les hommes mutilent les organes génitaux des femmes et des filles (les violeurs leur plantent des couteaux dans le vagin, etc.), afin de détruire leur capacité de reproduction. Dans ces cultures, les femmes et les filles violées et mutilées génitalement sont souvent exclues de leur foyer, parce qu’elles ne peuvent plus reproduire et qu’elles ne sont plus vierges. Pour les hommes, la virginité est la garantie qu’ils sont bien les pères biologiques des enfants. Par conséquent, pour la famille, les filles non vierges sont une perte économique, car elles ne peuvent plus être mariées.

Dans son hôpital de Panzi, au Congo, le Dr. Mukwege opère également ces femmes et ces filles dont l’appareil génital a été détruit lors de viols (parfois des bébés).

« Pour Denis Mukwege, qui a opéré ces femmes dont l’appareil génital avait été détruit lors de viols barbares (…) Dans son hôpital de Panzi, il fait face à la terreur : viols collectifs, souvent avec objets contondants, avortements à mains nues, utérus et seins sectionnés… Outre le traumatisme, les dégâts physiques occasionnent des plaies purulentes, des incontinences, une stérilité qui condamnent ces femmes à vivre dans la misère et l’isolement. (…) le viol répond toujours à une « stratégie », celle de détruire les femmes. Vous « réparez » également des petites filles, voire des bébés, après des viols avec objets contondants. (…) Celle dont l’appareil génital a été détruit lors d’un viol est rejetée par sa famille, son mari. Elle est incontinente, ne peut plus enfanter et se retrouve au ban de la société. » (Mongibeaux, 2016)

Hôpital de Panzi

Source image : site de l’Hôpital de Panzi

Bibliographie

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ARTE. (2018a). Culpabilisation, moralisation et jugements : le parcours est semé d’embûches lorsque l’on souhaite avoir recours à une #IVG en Hongrie [vidéo]. Twitter [en ligne]. 7 mars 2018, 11h55 [consulté le 12 mars 2018]. Disponible à l’adresse : https://twitter.com/ARTEfr/status/971474315098120198

ARTE [documentaire]. (2018b). Avortement, les croisés contre-attaquent [en ligne]. 6 mars 2018 [consulté le 12 mars 2018]. Disponible jusqu’au 4 mai 2018 à l’adresse: https://www.arte.tv/fr/videos/075221-000-A/avortement-les-croises-contre-attaquent/

Birnbaum, Jean, Chemin, Anne. (2017). L’ethnologue et anthropologue Françoise Héritier est morte, Le Monde Disparitions [en ligne]. 5 novembre 2017 [consulté le 13 février 2018]. Disponible à l’adresse : http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2017/11/15/l-ethnologue-et-anthropologue-francoise-heritier-est-morte_5215270_3382.html

Brut. (2017a). « Non, les femmes ne sont encore pas exactement libres comme les hommes » Françoise Héritier, icône féministe, est morte à l’âge de 84 ans.[vidéo]. Facebook [en ligne]. 15 novembre 2017, 09h04 [consulté le 16 février 2018]. Disponible à l’adresse : https://www.facebook.com/brutofficiel/videos/1934369383479366/

Brut. (2017b). Mort de Françoise Héritier, anthropologue et icône féministe [vidéo]. Youtube [en ligne]. 15 novembre 2017 [consulté le 16 février 2018]. Disponible à l’adresse : https://www.youtube.com/watch?v=v4icrup8H08

Brut. (2018a). Elle a passé plus de 10 ans en prison après avoir été condamnée pour une fausse couche. Teodora Vasquez vient d’être libérée. Voici son histoire [vidéo]. Facebook [en ligne]. 16 février 2018, 08h01 [consulté le 16 février 2018]. Disponible à l’adresse : https://www.facebook.com/brutofficiel/videos/1980105238905780/

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Brut [vidéo]. (2018d). En Arménie, être enceinte d’une fille est très souvent synonyme d’avortement, France Info [en ligne]. 26 février 2018 [consulté le 1er mars 2018]. Disponible à l’adresse : https://www.francetvinfo.fr/sante/grossesse/en-armenie-etre-enceinte-d-une-fille-est-tres-souvent-synonyme-d-avortement_2630120.html

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Un prix littéraire pour récompenser les thrillers sans violences faites aux femmes

Le 25 janvier 2018, The Bookseller (Wood, 2018) annonçait que la scénariste anglaise Bridget Lawless avait créé un prix littéraire destiné à lutter contre les violences faites aux femmes.

Intitulé Staunch Book Prize, ce prix littéraire récompense « un thriller dans lequel aucune femme n’est battue, traquée, exploitée sexuellement, violée ou assassinée. » (Besnier, 2018).

Deux liens concernant ce prix littéraire :

– compte Twitter de Bridget Lawless pour le Staunch Book Prize : Bridget Lawless

– page Facebook du prix littéraire : Staunch Book Prize

Bridget Lawless

Créatrice du prix littéraire Staunch Book Prize

Voici l’intégralité de l’article publié par ActuaLitté. D’autres articles sont disponibles dans la bibliographie ci-dessous (articles en anglais et en français) .

« Un prix polar pour lutter contre les violences faites aux femmes

Une scénariste anglaise, Bridget Lawless, a fondé le prix Staunch Book Prize, doté d’une valeur de 2 000 £, pour récompenser un thriller dans lequel aucune femme n’est battue, traquée, exploitée sexuellement, violée ou assassinée. »

« La libération de la parole autour des violences sexuelles et du harcèlement depuis l’affaire Weinstein ne cesse de nous faire s’interroger sur le rôle de l’art et de la littérature en général. Objets de représentations, que nous disent-ils de nous et quels sont leur pouvoir ?

Bridget Lawless, elle, a tranché : « tellement fatiguée des représentations interminables de la violence faite aux femmes », elle finance elle-même, pour le moment, un nouveau prix, le Staunch Book Prize, afin de récompenser les thrillers dans lesquels aucune violence n’est faite aux femmes.

Elle a lancé en parallèle une campagne de financement participatif pour les coûts de fonctionnement. Elle juge du prix avec l’humoriste et auteure anglaise Doon Mackichan.

La scénariste a confié à The Bookseller s’être lancée dans cette entreprise en partie à cause de l’affaire Weinstein et du mouvement #metoo. Mais c’est aussi parce qu’elle se dit consternée par les abus et la violence infligés aux personnages féminins dans les thrillers : « formulés et décrits avec tant de désinvolture et tellement banalisés qu’ils font des femmes des victimes « naturelles » de violence fictive, d’agression sexuelle et de meurtre. »

Selon elle, cette attitude vis-à-vis des femmes les affecte « à la fois directement et indirectement, et reflète une attitude dominante à l’égard des femmes – aussi impuissantes, victimes et proies. » De fait, à la lumière des suites de l’affaire Weinstein, « il est finalement clair que cette attitude s’étend à la vie réelle pour beaucoup d’hommes et de comment ils voient et traitent les femmes » explique-t-elle.

Pourquoi un prix ? Parce que « la fiction peut faire un travail fantastique pour montrer ce qui peut arriver quand les femmes se lèvent et dénoncent l’injustice et refusent d’être victimisées. » Indique-t-elle, « je veux trouver les écrivains qui ont fait quelque chose de différent. »

Et pourquoi les thrillers ? A cause de l’importance du genre et parce qu’ils fournissent souvent matière à des adaptations, répond la scénariste anglaise.

Bridget Lawless entend montrer qu’une « grande matière est disponible non seulement aux lecteurs, mais aussi aux producteurs et aux réalisateurs pour l’écran, et, très important, pour les acteurs féminins et masculins qui pourraient avoir un plus grand choix de rôles dans lesquels ils ne sont ni des victimes ni des prédateurs sexuels ».

Ainsi, on pense à La fille du train, film américain réalisé par Tate Taylor en 2016 et adapté du roman éponyme de Paula Hawkins… Mais ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.

Le Staunch Book Prize est donc ouvert aux auteurs féminins et masculins, de toute nationalité, âgés de plus de 18 ans, ainsi qu’aux ouvrages imprimés ou numériques, traditionnels ou autoédités… Les inscriptions ouvriront le 22 février pour se terminer le 15 juillet à minuit. Les romans présélectionnés seront annoncés en septembre et le prix sera dévoilé le 25 novembre lors de la Journée internationale contre les violences faites aux femmes. » (Besnier, 2018).

Le « test de Bechdel » et la représentation des femmes dans le cinéma

Le domaine de l’art et la culture influence considérablement les stéréotypes sexistes. C’est pourquoi Alison Bechdel, une dessinatrice de bande dessinée, a eu l’idée en 1985 de créer une cote féministe spécialement pour le cinéma. Il s’agit du « test de Bechdel » qui évalue si les personnages féminins d’un film jouent un rôle actif et si leur personnage est bien étoffé et bien construit. Pour avoir une cote « A » (la meilleure), le film doit remplir 3 conditions du « test de Bechdel ». Pour plus de précisions, se reporter à l’article « Le « test de Bechdel » ou la représentation des femmes dans le cinéma » (Kuhni, 2013). 

Le « test de Bechdel » a pour objectif de changer les représentations des femmes dans le cinéma où, en plus des scenarii d’une extrême violence envers elles, les femmes sont souvent représentées comme des écervelées et reléguées au second plan. Ces représentations sexistes constituent un sérieux frein à l’égalité et un encouragement à la perpétuation de la violence machiste systémique envers les femmes (Kuhni, 2018).

Dans sa démarche de créer un prix littéraire, la scénariste anglaise Bridget Lawless a justement choisi le thriller parce que les thrillers font souvent l’objet d’adaptations au cinéma avec pour conséquence d’impacter une population très large. D’où l’importance de l’existence de ce prix littéraire Staunch Book Prize et du « test de Bechdel ».

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