En psychanalyse, l’enfant porte la responsabilité de l’inceste paternel

Lorsqu’un père a des comportements incestueux envers son enfant, la psychanalyse considère que l’enfant en est responsable, soit parce qu’il séduirait son père, soit parce qu’il ne le repousserait pas.

Comment peut-on faire porter une telle responsabilité à un enfant ? D’abord, un enfant n’a ni la force physique ni la maturité psychique pour repousser son père. Ensuite, la séduction d’un enfant n’a rien à voir avec la sexualité d’un adulte. Et même si l’enfant avait un comportement hyper-sexualisé, ce qui reste à prouver, un père avec une bonne capacité parentale devrait protéger son enfant, lui dire « non », au lieu de profiter pour en abuser.

L’interprétation psychanalytique de l’inceste a pour conséquence de minimiser les incestes paternels et de protéger les pères incestueux. Face à une telle conception, on peut se demander si la psychanalyse n’est pas en elle-même une production d’un Syndrome de Stockholm sociétal. Pour plus d’informations :

La psychothérapie féministe (voir le Syndrome de Stockholm sociétal, dans le paragraphe  « pathologies sociétales ») 

Alice Miller : le complexe psychanalytique de l’Œdipe projette sur l’enfant les désirs de l’adulte (la psychothérapeute Alice Miller fut une pionnière de la psychotraumatologie)

La psychanalyse dévoilée : autisme et théorie sexuelle (à propos de documentaires de Sophie Robert, réalisatrice et productrice qui a donné la parole à plusieurs psychanalystes renommé)

Françoise Dolto et l’inceste

La célèbre pédiatre et psychanalyste Françoise Dolto (spécialisée dans la psychanalyse des enfants) a peut-être elle-même vécu dans un contexte de Syndrome de Stockholm familial en raison d’une histoire d’inceste dans sa famille : « parce que ma sœur est morte et que c’est moi qui aurais dû mourir selon elleMa sœur était blonde aux yeux bleus,  comme le père de ma mère, et elle aurait dû vivre parce que, pour ma mère, elle était la fille de l’inceste ». (Autoportrait d’une psychanalyste – 1934-1988, éd. du Seuil, 1989, p.18). »  Françoise Dolto : portrait

La phrase « Ma sœur était blonde aux yeux bleus,  comme le père de ma mère (…)  elle était la fille de l’inceste » fait penser que la sœur aînée de Françoise Dolto serait née d’un inceste entre sa mère et son grand-père maternel.

Et la phrase « parce que ma sœur est morte et que c’est moi qui aurais dû mourir selon elle » fait penser que sa mère aurait aimé beaucoup plus sa fille née de l’inceste que Françoise Dolto née hors-inceste, allant même jusqu’à dire qu’elle aurait dû mourir à la place de sa sœur. Cet amour fixé sur l’enfant de l’inceste (l’enfant de l’agresseur) fait penser à un Syndrome de Stockholm.

La conception de l’inceste de Françoise Dolto fait elle aussi penser à un Syndrome de Stockholm. Nous avons à disposition plusieurs entretiens dans lesquels Françoise Dolto s’exprime sur ce thème de l’inceste. A la lumière de son histoire personnelle et familiale, ces entretiens sur l’inceste s’éclairent. Il est possible de percevoir dans ses mots le contexte dans lequel elle a vécu, la souffrance qu’elle a peut-être ressentie face à l’amour exclusif de sa mère pour le fruit de l’inceste et le rejet dont elle-même a été victime.

Un entretien avec Françoise Dolto a été publié dans « Le viol du silence » d’Eva Thomas, ainsi que dans « Le livre noir de la psychanalyse », avec une référence à la revue « Choisir » de 1979. Il s’agit d’un entretien dans lequel Françoise Dolto est interrogée par la revue « Choisir » (en novembre 1979) sur le thème de l’inceste. Les descendants de Françoise Dolto n’ont pas exprimé de désaccords au sujet de ce texte.

Voici quelques extraits de cet entretien :

« Choisir – Mais enfin, il y a bien des cas de viol ?

F.Dolto – Il n’y a pas de viol du tout. Elles sont consentantes.

Choisir – Quand une fille vient vous voir et qu’elle vous raconte que, dans son enfance, son père a coïté avec elle et qu’elle a ressenti cela comme un viol, que lui répondez-vous ?

F.Dolto – Elle ne l’a pas ressenti comme un viol. Elle a simplement compris que son père l’aimait et qu’il se consolait avec elle, parce que sa femme ne voulait pas faire l’amour avec lui. 

(…)

Choisir – D’après vous, il n’y a pas de père vicieux et pervers ?

F.Dolto – Il suffit que la fille refuse de coucher avec lui, en disant que cela ne se fait pas, pour qu’il la laisse tranquille.

Choisir – Il peut insister ?

F.Dolto – Pas du tout, parce qu’il sait que l’enfant sait que c’est défendu. Et puis le père incestueux a tout de même peur que sa fille en parle. En général la fille ne dit rien, enfin pas tout de suite. »

D’autres entretiens avec Françoise Dolto ont été publiés dans l’ouvrage : L’enfant, le juge et la psychanalyste ; entretien entre F. Dolto et A. Ruffo, Gallimard, 1999.

Voici quelques extraits de ce livre :

page 11 (préface) :

La juge : « Ce jour là, Françoise Dolto nous a parlé avec l’assurance que lui donnait sa longue expérience clinique de psychanalyste, son respect des enfants. »

page 33

La juge : […] ce que je veux dire c’est qu’il arrive souvent avec des enfants de douze, treize ans, qu’on nous dise: « Cet enfant a des troubles de comportement », parce qu’il a vécu un inceste, parce qu’il a été rejeté, parce qu’il a été méprisé. Mais moi je refuse de lui accorder la protection pour ses troubles.

F. Dolto : mais vous avez tout à fait raison parce que l’important c’est : puisqu’il a survécu, qu’est-ce qu’il y a eu de suffisant pour y prendre son pied ? Si un être est vraiment traumatisé, il tombe malade; si un être n’a pas de quoi vivre, il ne continue pas.

page34

F. Dolto : Si les enfants savaient que la loi interdit les privautés sensuelles entre adultes et enfants, et bien, à partir du moment où un adulte le lui demande, s’il accepte, c’est qu’il est complice, il n’a pas à se plaindre. Mais il peut avoir, sans se plaindre, à dire : « mais ça m’a fait très mal. – Oui. Pourquoi t’es-tu laissé faire puisque tu savais que ce n’était pas permis… »

À partir du moment où l’enfant est au courant, très jeune de la loi, il est complice et on peut l’aider beaucoup mieux.

La juge : Je comprends très bien. À ce moment-là, on ne lui donne pas un rôle de victime.

page 53

La juge : Oui. Les enfants se sentent tellement coupables! C’est leur donner la permission de grandir de leur dire qu’ils ne sont pas responsables de leurs parents.

F. Dolto : Ils sont responsables de laisser les parents commettre un acte qui les avilit dans leur relation à leurs enfants.

page 81

La Juge : Mais quand le père nie et que la mère est complice, que la mère refuse ou est incapable de protéger son enfant, qu’il faut le retirer du milieu familial, qu’arrive t-il de cette relation avec le père ?

F. Dolto : Ça dépend de chaque enfant, et je crois que ça dépendra de la relation maturante qu’il va rencontrer avec la famille dans laquelle il sera placé, ou avec l’éducateur avec qui il pourra parler et qui pourra justement lui faire comprendre que l’excitation dans laquelle était son père, peut-être sans l’avoir cherché, l’enfant en était complice. Parce que je crois que ces enfants sont plus ou moins complices de ce qui se passe…Il faudra leur dire très tôt…qu’ils ont un devoir de se dérober à ça pour que leurs parents restent des parents pour eux…

page 83

F. Dolto : Les enfants fabulent beaucoup, oui, c’est vrai. vous voulez dire: est-ce qu’ils fabulent sur les agressions dont ils sont l’objet ?

La Juge : Oui, par exemple, un enfant dit : « Papa a fait ceci ou cela avec moi. »

F. Dolto : Oui, justement, et les enfants ne pourraient plus le faire s’ils avaient été informés avant. « Et là pourquoi as-tu laissé faire puisque tu savais que tu ne devais pas, pourquoi l’as-tu laissé faire ? Ton rôle d’enfant, c’était de l’empêcher. »

divan psychanalyse

Source : « Françoise Dolto et la responsabilité des enfants envers leurs parents », un document publié sur Facebook le 14 septembre 2011 par Aude Fiévet, membre fondatrice et Vice Présidente de l’association Le Monde à travers un Regard (association de lutte contre l’inceste et la pédocriminalité).

Et voici les PDFs des textes cités ci-dessus :

entretien complet de Françoise Dolto dans le dossier « Les enfants en morceaux » publié dans le numéro 44 (septembre-octobre-novembre 1979) de la revue « Choisir  la cause des femmes »: http://www.philap.fr/HTML/inconscient-sexuel/Annexes/dolto_interview_choisir_1979.pdf L’entretien de Françoise Dolto débute à la 8ème page de ce dossier (pp. 20-22 de la revue). Cet entretien est suivi d’un commentaire critique de Béatrice Jade, l’une des 3 responsables de ce dossier, qui s’étonne que l’on puisse tenir de tels propos sur les enfants en 1979. Il est vrai qu’à la même époque l’on découvrait peu à peu les travaux d’Alice Miller qui fut une pionnière de la psychotraumatologie, de la prise en compte de la parole des victimes et de la lutte contre la maltraitance des enfants.

extraits de l’ouvrage « L’enfant, le juge et la psychanalyste » (Paris, Gallimard, 1999, 128 pages)  : http://esteve.freixa.pagesperso-orange.fr/dolto_enfant_juge_psychanalyste.pdf

Ces PDFs ont été transmis sur Twitter par la juriste Azur Schmitt également autrice du blog « La correctionnalisation du viol, la négation d’un crime – En finir avec la correctionnalisation du viol ».

La psychanalyse dévoilée : autisme et théorie sexuelle

Sophie Robert est productrice, réalisatrice et auteure d’une série de documentaires critiques sur la psychanalyse. Voici les deux premiers volets de cette série :

– « Le mur ou la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme », un film consacré à la conception psychanalytique de l’autisme (sorti en septembre 2011) ;

– « La théorie sexuelle », un film consacré aux théories sexuelles psychanalytiques (sorti en septembre 2012).

« Sophie Robert (…) critique la vision freudienne de la femme comme « sexuellement psychogène ». Depuis quatre ans, elle enquête en anthropologue sur les pratiques des psychanalystes « orthodoxes », finalement assez peu connues du grand public et qu’elle juge « dogmatiques » : « Je pensais faire un travail plus nuancé au début. Mon but était de dresser un état des lieux de la psychanalyse, de leur demander : que prenez-vous et que laissez-vous de Freud et Lacan ? J’ai découvert qu’il y avait des dogmes qui ne faisaient pas débat, comme l’idée que toutes les femmes sont psychotiques à la naissance de leur enfant, qui est un substitut du phallus… » » (Autisme : « Le Mur », docu qui dérange des psys français)

Dans les deux documentaires, Sophie Robert donne la parole à plusieurs psychanalystes renommés qui s’expriment librement sur leur conception de l’autisme et de la sexualité. Leurs propos dévoilent progressivement une idéologie fortement patriarcale, avec son cortège de dogmes anti-femmes, anti-mères, pro-pédophiles et son inversion de la violence (violence du père projetée sur la mère).

Un exemple de cette idéologie patriarcale avec une phrase de la psychanalyse Jacqueline Schaeffer (extrait du film « Le mur ») : « l’inceste paternel ça fait pas tellement de dégâts, ça rend juste les filles un peu débiles, mais l’inceste maternel, ça fait de la psychose. » (Psychanalyse : des théories sexuelles machistes et dangereuses)

Voici une vidéo contenant l’extrait en question: Jacqueline Schaeffer: l’inceste paternel, ça rend les filles un peu débiles

Le mur ou la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme

Dès la sortie du film « Le mur » en septembre 2011, Sophie Robert a été confrontée à une forte réaction de la part de 3 psychanalystes qu’elle avait interviewés dans le film.

Ces derniers ont saisi la justice pour faire interdire le film. La censure a eu pour effet de créer un important mouvement de solidarité autour du film et de la cause de l’autisme.

« Dans ce documentaire, 11 psychanalystes renommés dévoilent leurs vision de l’autisme, qui serait selon eux la conséquence d’une mauvaise relation maternelle. Le traitement : attendre que l’enfant ait le désir de sortir de lui-même du monde dans lequel il s’est réfugié. (…) Le buzz provoqué par ce film a joué beaucoup dans le fait que l’autisme est la Grande Cause Nationale cette année. Il a également ouvert les yeux à plusieurs journalistes, qui avaient une image faussée de la prise en charge de l’autisme en France. Pour la première fois les parents ont un réel espoir de changement. » (Septembre 2011 : le mur dressé par les psychanalystes, dévoilé au grand public.)

Le 16 janvier 2014, la censure a enfin été levée. « La liberté d’expression et d’accès à l’information sur l’efficacité des thérapies dans l’autisme a prévalu. Après deux ans de bataille judiciaire, la Cour d’Appel de Douai a donné raison à Sophie Robert et à Autistes Sans Frontières le 16 janvier 2014 contre les censeurs. La censure contre le documentaire « Le Mur : la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme » est levée. » (Victoire ! La censure contre le documentaire Le Mur est enfin levée )

Voici un lien qui donne un accès gratuit aux 10 premières minutes du film, avec la possibilité de l’acheter : LE MUR ou la psychanalyse a l’épreuve de l’autisme

Et voici un extrait du film avec le passage sur le fameux crocodile utilisé par les psychanalystes pour symboliser « le ventre de la mère » et « les dents de la mère » : Le Mur – passage du crocodile

En raison de son importance, cet extrait de la mère crocodile est intégralement retranscrit en fin d’article.

La théorie sexuelle

Dans le second film, « La théorie sexuelle », des psychanalystes renommés exposent les théories sexuelles de la psychanalyse.

Ce film sorti en septembre 2012 n’a pas créé la même levée de boucliers de la part des psychanalystes.

« On avait déjà eu un bel aperçu de ces théories dans son premier film dédié à l’autisme avec des phrases choc, comme celle de la psychanalyste Jacqueline Schaeffer : l’inceste paternel ça fait pas tellement de dégâts, ça rend juste les filles un peu débiles, mais l’inceste maternel, ça fait de la psychose. (…) Dire que les professionnels (psychologues, psychothérapeutes, sexologues, etc.) d’orientation psychanalytique sont censés nous aider à résoudre nos problèmes psychologiques… Et qu’ils sont la majorité ! Bon, c’est logique, puisque les formations universitaires et professionnelles sont majoritairement axées sur l’approche psychanalytique du traitement des troubles psychologiques et mentaux. Après avoir vu ce teaser, on peut se demander comment sont pris en charge les enfants victimes d’abus sexuels, les victimes d’inceste. »  (Psychanalyse : des théories sexuelles machistes et dangereuses)

Voici le teaser du documentaire : La théorie sexuelle (teaser)

Et le même teaser avec sous-titrages anglais : Teaser Théorie Sexuelle version sous titrée anglais

En raison de son importance, ce teaser est intégralement retranscrit ci-dessous.

Transcription intégrale du teaser « La théorie sexuelle »

Le teaser

Titre : La psychanalyse dévoilée

Théorie sexuelle - sophie robert

Chapitre 1 : La théorie sexuelle (extrait)

Gérard Pommier (psychanalyste) : Y a pas de norme du désir sexuel pour l’être humain. C’est même un mystère de savoir comment il se fait que l’espèce humaine a pu se perpétuer, tellement c’est pas naturel.

Interviewer : Y a pas d’instinct sexuel chez les humains ?

Esthela Solano-Suarez (psychanalyste) : Non, c’est ce qui nous différencie des animaux. Ce que Lacan a avancé, c’est que pour les êtres qui sont les êtres assujettis au langage, il n’y a pas de rapport sexuel.

Jacqueline Schaeffer (psychanalyste) : Le refoulement, c’est quelque chose qui est tout à fait important, parce que la sexualité humaine, elle est de l’ordre de l’excès. On pourrait pas se laisser envahir par les pulsions sexuelles et le Moi, si vous voulez, est obligé de se défendre de ces pulsions sexuelles.

Jean-Michel Hirt (psychanalyste) : Il y a une répression du sexuel qui est une répression de ce qu’on peut appeler la barbarie du sexuel, la sauvagerie du sexuel. Enfin tout ce qui fait que le sexuel, pour Freud, les pulsions sexuelles, sont quand même des pulsions qui sont de l’ordre du cannibalisme, de l’inceste, du meurtre.

Jean-Pierre Winter (psychanalyste) : Disons, à l’horizon de la jouissance humaine, de ce qui fait jouir un être humain depuis la naissance, il y a une part de cette jouissance qui est fondamentalement nocive et qui cherche à se satisfaire.

Jacqueline Schaeffer (psychanalyste) : Un bon refoulement, c’est nécessaire.

Marie-Christine Laznik (psychanalyste) : Je me suis aperçue que énormément de jeunes femmes qui n’arrivaient pas à se trouver un conjoint stable étaient phalliquement lourdes. Alors la première lourdeur d’une femme, c’est d’être complètement autonome financièrement, d’avoir besoin en rien d’un homme. Donc déjà sur le plan portefeuille et sa carrière d’homme, il n’a aucun poids phallique.

Interviewer : Ca veut dire que gagner de l’argent, avoir une carrière, c’est être phallique ?

Marie-Christine Laznik (psychanalyste) : Ah ça, c’est phallique, oui. C’est même la définition de la phallicité.

Jacqueline Schaeffer (psychanalyste) : Plus la femme sera soumise, plus l’homme sera fort, plus l’homme sera viril.

Interviewer : Une femme ne peut pas être femme et mener une carrière et gagner de l’argent ? Automatiquement, il y a un hiatus entre les deux ?

Marie-Christine Laznik (psychanalyste) : En tout cas, elle devient une femme à phallicité lourde, pesante. Si elle est belle, c’est pire.Parce que la beauté, c’est phallique aussi.

Esthela Solano-Suarez (psychanalyste) : Le féminin, on a pas d’inscription dans l’inconscient. L’inconscient, on a ses productions, est plutôt une machine qui tourne autour du phallus, une machine phallique.

Jean-Michel Hirt (psychanalyste) : D’une certaine façon, le phallus représente l’acte sexuel dans sa réalisation potentielle. A savoir, pour qu’il y ait acte sexuel, il faut une érection, donc un pénis dressé. On ne représente pas le sexe féminin, puisque de toute façon, il n’est pas visible.

Interviewer : Mais la vulve, c’est pas quelque chose d’invisible.

Jean-Michel Hirt (psychanalyste) : c’est pas quelque chose d’invisible, mais c’est pas quelque chose qui en même temps est proéminent, comme le sexe masculin. C’est d’abord ce que l’on voit, que l’on désire. Et ce que l’on ne voit pas n’est pas vécu comme quelque chose de désirable.

Guidino Gosselin (psychanalyste) : Quand l’enfant découvre le sexe de sa mère, il voit un trou. Parce que le sexe féminin est le seul sexe qui n’a pas de signifiant pour le désigner. Quand vous désignez les lèvres, le vagin, ce n’est pas le sexe. Le sexe, c’est un trou, c’est un vide. Donc c’est le seul organe, je vais dire, qui n’a pas de signifiant propre. Y a le tour, comme le pot,excusez-moi, la métaphore. Le pot entoure un vide.

Interviewer : Mais la vulve, c’est un signifiant !

Guidino Gosselin (psychanalyste) : C’est un signifiant, mais ça n’est pas le sexe. Le sexe, eh bien, c’est le vide, c’est le vide.

Jean-Pierre Winter (psychanalyste) : Y a rien de plus authentiquement femme qu’une femme qui s’approche au plus près du masculin. Parce que, effectivement, le corps de la femme est phallique.

Gérard Pommier (psychanalyste) : La jouissance fémininereste tout au long de la vie, à titre de déclencheur ou même à titre complet, clitoridienne., c’est-à-dire phallique.

Esthela Solano-Suarez (psychanalyste) : La mascarade féminine, c’est l’usage du semblant. C’est-à-dire, c’est tout ce qui fait … les talons …

Interviewer : Le semblant de féminité !

Esthela Solano-Suarez (psychanalyste) : Le semblant de la féminité, n’est-ce pas ?

Interviewer : ça suppose que la féminité, c’est du faux !

Esthela Solano-Suarez (psychanalyste) : La féminité, c’est que du semblant.

Interviewer : Attendez, c’est très important ce que vous dites-là, parce que dans le langage courant, on peut dire « elles savent mettre en valeur leurs atouts sexuels, leurs atouts féminins ». Vous vous dites, ces atouts-là, c’est justement un masque.

Esthela Solano-Suarez (psychanalyste) : oui, oui.

Interviewer : C’est pour masquer une absence, c’est pour masquer ce qui n’existe pas.

Esthela Solano-Suarez (psychanalyste) : Voilà. C’est pour masquer la femme qui n’existe pas.

Gérard Pommier (psychanalyste) : Les filles sont d’abord des garçons. Y a pas d’essence du féminin. Je veux dire par là que les femmes vont voir dans les magazines qu’est-ce que c’est qu’une femme. C’est ce qui fait le succès des magazines féminins. C’est qu’il faut voir quels sont les repères.

Interviewer : Mais du côté féminin, vous ne pensez pas qu’une femme peut désirer simplement sexuellement un homme, avec son sexe de femme ?

Esthela Solano-Suarez (psychanalyste) : Oui, quand elles font l’homme.

Interviewer : Alors s’il n’y a pas de féminin dans l’inconscient, est-ce que la femme existe ?

Claude Parchliniak (psychanalyste) : Ben non, justement, c’est pour ça qu’elle n’existe pas. Enfin : les femmes existent, mais pas la femme, sauf dans la psychose.

Interviewer : La femme existe dans la psychose ?

Claude Parchliniak (psychanalyste) : On peut trouver la femme dans la psychose, oui.

Interviewer : Est-ce que c’est pas paradoxal pour une femme d’essayer d’aller mieux, tout en ayant à admettre que la femme n’existe pas ?

Esthela Solano-Suarez (psychanalyste) : La femme n’existe pas au sens de l’universel.

Interviewer : Mais y a un universel de l’homme ?

Esthela Solano-Suarez (psychanalyste) : Oui. Oui, oui.

Interviewer : Est-ce qu’il n’y a pas des cas où la vraie femme existe ?

Claude Parchliniak (psychanalyste) : C’est surtout dans les excès, puisque la vraie femme, comme Lacan en parle, c’est Médée qui détruit, qui tue ses enfants.

Interviewer : En quoi ces comportements sont des témoignages d’une vraie femme, de quelque chose d’authentiquement féminin ?

Claude Parchliniak (psychanalyste) : C’est-à-dire que la trahison déclenche la rupture avec le lien phallique, précisément à l’ordre phallique, et produit un déchaînement. Et pour les femmes, c’est du côté du « sans limite ».Elles passent hors la loi.

Interviewer : Hors la loi phallique ?

Claude Parchliniak (psychanalyste) : Hors la loi phallique.

Interviewer : Donc en cela, elles sont authentiquement femmes ?

Claude Parchliniak (psychanalyste) : Elles sont hors la loi et ce déchaînement, évidemment, conduit au pire. Donc la vraie femme, c’est pas recommandable.

Guidino Gosselin (psychanalyste) : Le pédophile, lui, va essayer de montrer que la différence sexuelle, le manque, n’existent pas. C’est ainsi qu’il va rechercher, il va tomber amoureux… dire ça, c’est quelque chose d’épouvantable, mais la pédophilie, c’est aussi … faut essayer d’entendre… je sais que ça à quelque chose de choquant, d’entendre qu’un pédophile est quelqu’un qui puisse être amoureux d’un enfant.

Interviewer : Pourquoi est-ce que Lacan a dit que seule la perversion permet le rapport sexuel ?

Esthela Solano-Suarez (psychanalyste) : La perversion, c’est écrit en deux mots : père – version. C’est-à-dire que c’est une version fantasmatique de la jouissance du père.

Guidino Gosselin (psychanalyste) : Le pédophile, lui, il veut être un bon père. C’est-à-dire un père non seulement qui aime l’enfant, qui fait preuve d’amour avec l’enfant, mais qui veut aussi que l’enfant puisse jouir, il veut reconnaître le droit à la jouissance de l’enfant.

Esthela Solano-Suarez (psychanalyste) : La « père-version » est quelque chose qui vient se substituer au niveau de l’ab-sence du sens sexuel qui ne s’inscrit pas dans l’inconscient.

Guidino Gosselin (psychanalyste) : Justement, on refoule, je crois, la vindicte… c’est par rapport à notre pédophilie que nous avons tous. Tous nos sentiments, toutes nos pulsions, mais nous l’avons refoulées… On ne peut pas être bon éducateur, excusez-moi, sans être quelque part… avoir un amour pour les enfants. On a tous des fantasmes et des rêves quelque part pervers. »

Transcription intégrale de l’extrait de la « mère crocodile » (film « Le mur »)

L’extrait de la « mère crocodile »

Crocodile 2

Tiré du film :
« Le mur ou la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme »

Dr. Geneviève Loison (psychanalyste lacanienne, pédopsychiatre référente, Lille) : C’est le crocodile (elle montre un crocodile en plastique). Voilà le crocodile. Alors le crocodile, il nous indique tout de suite de quoi il s’agit. Ils jouent avec. Quand ils mettent la main dedans, je suis inquiète, ou un objet dedans. Quand ils se mettent dessus, quand ils tapent dessus, je suis rassurée.

Interviewer : Pourquoi, qu’est-ce qu’il lui fait le crocodile ? Qu’est-ce que ça veut dire le crocodile ?

Dr. Geneviève Loison : Le crocodile, c’est le ventre de la mère, les dents de la mère

Interviewer : C’est ce que Lacan appelle, la mère crocodile ?

Dr. Geneviève Loison : Oui, alors tout le but de notre travail, c’est de lui interdire de manger, voilà, j’ai mis une barre (elle a mis un crayon en travers de la gueule du crocodile).

Interviewer : De manger l’enfant ?

Dr. Geneviève Loison : Voilà (elle acquiesce), voilà, voilà et alors l’enfant, quand il commence à sortir de ça, il met la main. Parfois, il met une figurine dedans.

Interviewer : Et ce crayon, il représente quoi ?

Dr. Geneviève Loison : Ça c’est… voilà, tu ne peux plus (elle replace le crayon en travers de la gueule du crocodile), c’est la barre.

Interviewer : C’est le phallus paternel ?

Dr. Geneviève Loison : Voilà (elle acquiesce) ! Tu ne peux plus !

Interviewer : C’est la loi du père ?

Dr. Geneviève Loison : Oui.

Interviewer : Qui barre l’enfant à sa mère.

Dr. Geneviève Loison : Voilà (elle acquiesce).

Interviewer : Et qui interdit à la mère de détruire l’enfant.

Dr. Geneviève Loison : Voilà (elle acquiesce). Et de le dévorer.

Interviewer : Est-ce que ça concerne aussi les autistes ?

Dr. Geneviève Loison : Eh oui, eh oui. Les autistes, c’est une question de stade. Voyez, on prend les enfants à un stade parfois … les autistes, c’est eux souvent, ils nous mettent l’enfant là-dedans (elle montre une petite peluche tortue avec une ouverture à l’arrière), ils se mettent là-dedans. Là, on est assez inquiets.

La tortue

La tortue avec son ouverture à l’arrière

Alice Miller : le complexe psychanalytique de l’Œdipe projette sur l’enfant les désirs de l’adulte

Alice Miller est une psychothérapeute suisse (1923-2010), docteure en philosophie, psychologie et sociologie, chercheure sur l’enfance, qui s’est fait connaître internationalement par ses ouvrages  sur l’enfance maltraitée. Elle est auteure de 13 livres, traduits en trente langues.

Alice Miller est une pionnière de la psychotraumatologie. Elle fut parmi les première-ier-s à prendre en compte la parole des victimes et à considérer la pathologie comme la conséquence de maltraitances subies dans l’enfance.

Dans un premier temps psychanalyste, ses travaux sur l’enfance maltraitée l’ont amenée peu à peu à s’opposer à cette méthode psychothérapique, puis à rompre avec elle en raison de profonds désaccords.

Pour Alice Miller, Freud et la psychanalyse ont caché l’origine réelle des maladies psychologiques des adultes et des enfants qui résiderait principalement dans l’enfance et dans les abus subis par les enfants mais niés. Elle reproche à la psychanalyse de manipuler les patients pour les laisser dans l’ignorance et les amener à pardonner à leurs parents, refoulant ainsi les maltraitances subies dans leur enfance

C’est dans son ouvrage « L’enfant sous terreur (1986) » qu’Alice Miller expose sa critique de la psychanalyse. Dans un chapitre sur la sexualité infantile, elle dénonce le complexe d’Œdipe et sa mécanique qui consiste à projeter sur l’enfant les désirs des adultes, afin de masquer les abus des parents.

Selon Alice Miller, Freud avait découvert dans un premier temps que tous ses patients avaient subi des abus sexuels dans leur enfance. Cette constatation lui fut insupportable. Il renonça alors à sa théorie de la séduction et créa la psychanalyse dans le but de masquer la cause réelle et non fantasmée de ces abus. Avec son complexe d’Œdipe, Freud réussi à inverser la situation en faisant croire que c’est l’enfant qui désire sexuellement son père ou sa mère. Avec cette inversion, l’enfant devient la victime des projections des adultes. Faisant cela, Freud protégeait les parents et muselait les enfants victimes.

Le fils d’Alice Miller a publié en mars 2014 un livre : « Le vrai « drame de l’enfant doué ». La tragédie d’Alice Miller, l’effet des traumatismes de guerre dans la famille ». Martin Miller est psychothérapeute. Dans son ouvrage, il révèle le parcours de sa mère, cette femme remarquable qui osa prendre le contre-pied de l’idée dominante de l’époque, allant jusqu’à rompre avec sa famille d’origine : la psychanalyse.

Le mythe d’Œdipe

Freud a transformé le mythe d’Œdipe en une histoire où l’enfant serait attiré sexuellement par le parent de l’autre sexe et devrait éliminer l’autre parent pour prendre sa place dans le lit.

Or, dans le mythe d’Œdipe, le héros n’est pas un enfant, mais un adulte. D’autre part, Œdipe adulte ne sait pas que l’homme qu’il tue est son père et que la femme qu’il épouse est sa mère. Ce récit n’a donc rien à voir avec ce qu’en a fait Freud.

« La ville de Thèbes, qui avait été fondée par Cadmos, époux d’Harmonie, avait pour roi Laïos, leur descendant. Il avait épousé Jocaste, mais le couple demeurait stérile. Il consulta secrètement l’oracle d’Apollon à Delphes qui lui déclara que tout enfant né de Jocaste serait l’instrument de sa mort. Aussi, lorsqu’elle eut un fils, il l’exposa sur le mont Cythéron. Un berger le trouva et l’emmena dans son pays, à Corinthe, auprès du roi Polybos, qui l’adopta et l’appela Œdipe.

Par la suite, Œdipe, adulte, consulta également l’oracle qui lui annonça qu’il tuerait son père et épouserait sa mère.

Décidé à éviter ce destin, il ne retourna pas à Corynthe et partit à l’aventure. Sur la route de Thèbes, il se prit de querelle avec un voyageur et le tua. C’était le roi Laïos qui se rendait à Delphes pour demander à l’oracle comment débarrasser sa ville de la Sphinx. Ce monstre avait une tête de femme, un corps de lion, une queue de serpent et les ailes de l’aigle. Elle posait à tous les voyageurs une devinette et dévorait ceux qui ne pouvaient répondre ; et comme aucun n’y parvenait… Quand Œdipe se présenta, elle lui demanda, comme aux autres : « Peux-tu me nommer l’être unique qui marche tantôt à deux pattes, tantôt à trois, tantôt à quatre et qui est le plus faible quand il a le plus de pattes? » Œdipe trouva la réponse : « L’homme, parce qu’il marche à quatre pattes quand il est enfant, sur deux pieds quand il est adulte et s’appuie sur un bâton quand il est vieux ». La Sphinx, vaincue, se tua et les Thébains, reconnaissants, prirent Œdipe pour roi et il épousa Jocaste.

Ils eurent deux fils, Polinyce et Etéocle et deux filles, Antigone et Ismène, qui avaient atteint l’âge adulte lorsque la peste ravagea Thèbes. Le devin Thirésias, appelé en consultation, déclara que la peste ne cesserait que lorsque le meurtrier du roi Laïos serait puni. Alors, peu à peu, la vérité se découvrit et Œdipe comprit ce qui était advenu. Jocaste se suicida et Œdipe se creva les yeux. » (source : Le mythe d’Œdipe)

Alice Miller, bref portrait

« Psychanalyste suisse, Alice Miller lutte depuis vingt-cinq ans contre les châtiments corporels – claques, fessées – infligés aux enfants. Un combat repris par le Conseil de l’Europe, qui se mobilise pour leur interdiction. Les enfants humiliés et maltraités ne deviennent pas des monstres, mais tous les monstres ont été des enfants humiliés et maltraités. Devenu une évidence, ce constat n’allait pas de soi quand Alice Miller le formula au début des années 1980.

Petite femme brune au regard pénétrant, Alice Miller marque un avant et un après dans l’existence de ceux qui la rencontrent ou la lisent. Elle-même brimée par des parents meurtris par leur propre éducation, elle trouve refuge dans la peinture (www.alice-miller.com/gallery) et prend conscience de la charge d’angoisse imprimée dans son psychisme par son enfance. Après quelques années d’intense production créatrice, elle se met à écrire pour partager les fruits de sa réflexion. » (source : Alice Miller – Aux côtés des enfants maltraités)

Pour plus d’informations, voici le site qui lui est consacré : Alice Miller.

L’enfant sous terreur (1986), le livre dans lequel Alice Miller critique la psychanalyse

Dans son livre « L’enfant sous terreur », Alice Miller exprime ses critiques envers la psychanalyse.

« Elle parle dans ce livre du commandement intériorisé dès notre plus jeune âge par la plupart d’entre nous : « Tu ne t’apercevras de rien » qui est le titre original du livre.

Elle critique la psychanalyse et explique dans ce livre en quoi Freud et la psychanalyse ont tort et ont caché l’origine réelle des maladies psychologiques des adultes et des enfants, qui résident principalement dans l’enfance et dans les abus subis par les enfants mais niés.

Selon Alice Miller, la psychanalyse vise à culpabiliser le patient pour « épargner » les parents, à le faire s’accuser d’avoir des fantasmes là où il a été abusé dans son enfance ; en d’autres termes, la psychanalyse veut rendre le patient responsable de ce qu’il a subi, notamment par ses parents.

Elle reproche à Freud d’avoir inventé la théorie des « pulsions » perverses pour éviter de voir les traumatismes réels subis dans l’enfance et d’avoir à accuser les parents de maltraiter leurs enfants ; la psychanalyse accuse ainsi les hypothétiques pulsions de l’enfant et non les abus réels d’être principalement à l’origine des souffrances endurées dans l’enfance et dans la vie adulte.

Elle reproche à la psychanalyse de ne pas comprendre que les symptômes et les maladies sont le seul langage que le patient a pour exprimer ses traumatismes et que les symptômes, traumatismes et maladies ne peuvent pas être « inventés » ou dus à seulement des fantasmes, mais qu’ils cachent et montrent à la fois de réels abus subis par le patient dont lui-même peut ne pas avoir conscience.

Certains psychanalystes veulent interpréter les récits de leurs patients pour qu’ils correspondent à ce qu’ils ont appris (notamment la théorie des pulsions), que c’étaient des fantasmes et non des traumatismes, ce qui empêche le patient de prendre conscience de ce qu’il a subi.

Donc, d’après Alice Miller, la psychanalyse et surtout ses théories fondatrices ne sont en réalité que la répétition de l’événement traumatique qui a conduit au refoulement des causes des souffrances de la maladie du patient; en somme, un nouveau traumatisme passé inaperçu et présenté comme une thérapie, une méthode de soins, de guérison.

Elle dit qu’en réalité, Freud n’a fait que reprendre le point de vue dominant de l’époque, que l’enfant était animé de pulsions destructrices, mauvaises et que les parents étaient innocents dans les troubles psychologiques de l’enfant, et que c’est grâce à cette explication que la psychanalyse a connu un tel succès : on protège les parents qui sont présentés comme idéaux, c’est en fait la manière dont l’enfant voit ses parents depuis tout petit, ce qu’on le force à croire en dépit des faits. La psychanalyse ne serait que la représentation des parents innocents et le patient « l’enfant méchant animé de pulsions destructrices », notamment la « pulsion de mort ».

Elle explique aussi que Freud a inventé la psychanalyse pour nier ce qu’il avait découvert peu avant, mais qui était insupportable pour lui, car étant seul avec cette découverte que tous ses patients avaient subi des abus (sexuels) dans leur enfance; mais c’était tellement en contradiction avec les croyances de l’époque qu’il « dut » se résigner à nier sa découverte et créa la psychanalyse qui adopte le point de vue contraire, que la plupart des patients et des enfants fantasment sur des abus qui n’ont pas existé.

L’avocat de l’enfant (deuxième partie, chapitre 3) est pour elle ce que doit être un psy, entendre, aider et comprendre l’enfant, sans le rendre responsable ou coupable, même seulement en partie, de ce qu’il a subi. Mais elle déplore aussi que les psys sont en général, même sans le savoir, du côté des parents qui accusent l’enfant10.

Elle consacre un chapitre sur la notion de sexualité infantile. Elle réfute la vision de Freud qui n’est là selon elle, encore une fois, que pour masquer les abus des parents. En effet, selon Freud, l’enfant désirerait son père ou sa mère sexuellement; ce n’est pas là ce que désire l’enfant, mais la projection des désirs des parents sur l’enfant. L’enfant est donc la victime des projections de l’adulte et non l’auteur de ces projections, comme Freud l’a dit pour protéger les parents, pour ne pas voir la cause réelle et non fantasmée de ces abus.

Le mythe d’Œdipe est ensuite abordé et elle voit encore une fois de plus comment la psychanalyse a interprété cette histoire en oubliant le rôle et la responsabilité des parents qui abandonnent l’enfant au début de l’histoire pour rejeter entièrement la faute sur l’enfant victime que l’on fait culpabiliser. L’enfant se retrouve une fois de plus dans la psychanalyse le bouc émissaire : « Il est toujours allé de soi que les enfants devaient porter la responsabilité de ce qu’on leur faisait », dit Alice Miller (troisième partie, chapitre 3).

Dans le chapitre « Quatre-vingt-dix ans de théories des pulsions », elle critique les « dogmes » et les croyances de la psychanalyse qui empêchent de tenir compte des découvertes récentes au sujet de l’enfance, surtout de la cruauté qui se cache derrière la sévérité avec laquelle on traite les enfants, que les adeptes de la théorie des pulsions nient, s’en tenant à ce qu’on leur a appris et qui date d’un siècle en arrière sans tenir compte de l’évolution de mentalités qui a permis de découvrir de nouveaux aspects des maltraitances faites aux enfants. » (source : Alice Miller)

L’ouvrage de Martin Miller, le fils d’Alice Miller

Le 16 mars 2014, Le Nouvel Obs publiait un article à l’occasion de la publication du livre du fils d’Alice Miller : Alice Miller, la psy qui dénonçait la « pédagogie noire »… vue par son fils

Voici la fiche de ce livre : Le vrai « drame de l’enfant doué » – La tragédie d’Alice Miller, l’effet des traumatismes de guerre dans la famille

Extraits de l’article du Nouvel Obs :

« Alice Miller est célèbre pour avoir montré que les parents pouvaient détruire leurs enfants. Son fils lui consacre aujourd’hui un livre de souvenirs troublant. (…) 

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Martin Miller a longtemps hésité avant d’écrire sur sa mère, Alice Miller (1923-2010), théoricienne de la «pédagogie noire» (voir extraits ci-dessous), auteur d’une douzaine d’ouvrages de renommée planétaire parmi lesquels «le Drame de l’enfant doué», paru aux PUF en 1983 (parler d’«enfant docile» serait plus juste).

(…) Devenu analyste lui aussi, le fils suivait de loin, sur Internet, les publications de sa mère sur la nécessité de «lever les refoulements de l’enfance». 

(…) Avec cet ouvrage, ma mère avait capté l’air du temps d’alors. Pour la première fois, un auteur psychologue osait attaquer de front les parents dans leur comportement d’éducateurs. Elle le faisait en introduisant radicalement la perspective de l’enfant dans la psychologie. L’exploitation émotionnelle des enfants par les parents était dénoncée et les parents rendus responsables des maladies psychiques répandues dans la société. Ma mère revendiquait pour chaque enfant le droit de pouvoir développer son originalité.

En même temps, elle révolutionna la façon de travailler des psychothérapeutes. D’après elle, celui qui suivait une thérapie avait le droit d’apprendre comment ses parents s’étaient comportés envers lui. Le but de la thérapie était de découvrir cette vérité pour soi et de revendiquer le droit à un développement de son propre vrai soi. Un adulte ne doit pas demeurer dans la dépendance et dans une attitude conformiste envers ses parents, mais il a le droit de développer son potentiel de façon autonome. Voilà pour Le Drame de l’enfant doué. Et le miracle eut lieu: le livre devint un best-seller et Alice Miller une star.

(…) À cette époque, nous maintenions notre relation intime. Je suppose que, dans ces temps turbulents, elle y trouvait réellement un peu de protection et de sécurité. Elle me laissa de nouveau partager ses pensées pour son livre suivant: Am Anfang war Erziehung (1), écrit en 1980, était une suite du premier ouvrage. Elle y développait principalement des explications sur les mécanismes éducatifs destructeurs de la «pédagogie noire», terme créé par Katharina Rutschky (1941-2010). Ce fut de nouveau un gros succès. Elle y mettait les idéologies éducatives en cours en relation avec le déni du soi et analysait le comportement éducatif répressif comme cause de souffrance psychique. Il s’agissait de la psycho-dynamique des mécanismes éducatifs destructeurs.

Avec une extrême pertinence, ma mère esquissait la façon dont une idéologie éducative s’est établie au cours de l’histoire. Elle consiste en ce que les parents, au fil du développement d’une relation parent-enfant, demandent de plus en plus comment pouvoir «venir à bout» de leurs enfants, et elle dénonce ces mécanismes éducatifs comme un pur instrument de pouvoir. Au cours de l’histoire, l’enfant devient pour ses parents un ennemi qu’il s’agit de combattre au moyen de l’éducation.

La «pédagogie noire» a toujours œuvré à inventer de nouvelles méthodes de terreur éducative pour limiter la vitalité de l’enfant. Ma mère critiquait cela vertement et démontrait comment ce vécu éducatif conduisait chez l’adulte à des déformations névrotiques. À l’appui de sa théorie, elle retraçait les destinées d’Adolf Hitler, de la toxicomane Christiane F. et du meurtrier en série Jürgen Bartsch, et montrait comment, par des mécanismes d’éducation destructeurs, on pouvait être amené à faire agir son vécu éducatif de façon destructive comme modèle comportemental envers soi ou envers autrui.

À la fin de son livre, elle faisait remarquer que le comportement éducatif destructeur des parents devait absolument être abordé dans les psychothérapies et faire l’objet d’un travail. Elle s’engageait ainsi dans un tout nouveau terrain de la psychothérapie. Cette thématique ne quittera plus ma mère pendant toute sa carrière d’auteur.

Dans son troisième ouvrage, Du sollst nicht merken (2), paru en 1981, il est question du comportement pathogène du sujet qui ne doit pas remarquer la blessure que lui ont causée ses parents. Le titre allemand (Tu ne remarqueras rien!) reprend le commandement des parents qui sont bien les responsables de cette souffrance et qui, en tant que coupables, ont un réel intérêt à ce que leur enfant, la victime, ne s’aperçoive jamais de ce qu’on lui a fait.

Alice Miller formule ici sa vision psychothérapeutique: le but de la thérapie est que le patient découvre sa propre «vérité», sa propre biographie et qu’il identifie clairement ses parents à leurs actes. Dans ce processus, le thérapeute est le témoin lucide qui soutient le patient dans cet effort. Car, si le patient peut reconnaître et faire le deuil de la souffrance refoulée de son enfance suppliciée, il sera libéré et pourra vivre son vrai soi et se réaliser.

La particularité de l’approche théorique de ma mère c’est qu’elle était radicalement développée dans la perspective de l’enfant. Le plus souvent, les adultes écrivent leur point de vue sur les enfants mais ils ont de la peine à se glisser dans leur état émotionnel. Alice Miller se comprenait comme l’avocate de l’enfant et lui donnait pour la première fois une voix dans sa relation avec ses parents.

Elle s’élevait avec véhémence contre l’attitude qui avait cours qui voulait que le thérapeute fasse comprendre à son client, dans de longues séances de thérapie, qu’il devait adopter une position de pardon vis-à-vis du comportement parental. Elle était au contraire persuadée que le client avait le droit de découvrir dans la thérapie l’histoire de ses souffrances et ceux qui en étaient la cause, de se délivrer avec le soutien loyal du thérapeute de l’aliénation permanente, de découvrir ses propres possibilités et de les vivre enfin dans la vie réelle.

(…) À cette époque, elle reprit aussi le combat contre son ancienne famille: la psychanalyse. En dénonçant comme trompeur et lâche le renoncement de Freud à sa théorie de la séduction et son nouvel intérêt pour le complexe d’Œdipe, elle jeta le gant aux psychanalystes. Elle leur reprocha de laisser le patient dans son ignorance et de manipuler l’analysant lors d’une thérapie pour l’amener à pardonner à ses parents et à renoncer à sa perspective en tant qu’enfant. L’analysant est ainsi tenu, pendant l’analyse, de refouler son histoire subie et de rester pour toujours enfermé dans sa prison.

Au sujet de cette critique, ma mère se brouilla définitivement avec ses anciens collègues et amis psychanalystes à Zurich. Je voudrais encore une fois citer ici Alexander Moser:

« Pendant des années, votre mère fut un membre important de notre cercle de discussion. Nous avons tous profité de ses contributions créatives et profondes. Elle aussi se sentait très bien dans notre groupe. Mais le succès de ses livres l’a considérablement changée. Elle ressentait de moins en moins la critique amicale et bienveillante comme étant positivement stimulante mais de plus en plus comme un obstacle et une entrave au développement de ses propres idées. C’est ainsi qu’à notre grand regret elle s’est retranchée de plus en plus et qu’elle a fini par rompre totalement le contact. »

Évidemment, ma mère voyait cela d’un autre œil. Dès la parution de son premier livre, elle avait abandonné sa pratique psychanalytique et son enseignement au Séminaire; en 1988, elle quitta définitivement la Société suisse de psychanalyse et se consacra entièrement à la lutte contre la «pédagogie noire». »