Naître fille, c’est vivre des discriminations sans fin

A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes du 8 mars 2016, la Fédération Internationale des Droits Humains (FIDH) a publié un spot poignant à propos des discriminations faites aux femmes et aux filles.

On y voit des filles courir avec force et détermination, en lignes, comme s’il s’agissait d’une course. Peu à peu, des filles disparaissent de ces lignes pour être emportées par des avortements sélectifs, des mutilations sexuelles, l’absence de scolarisation, des mariages forcés, des avortements clandestins, des violences physiques, des violences conjugales, des inégalités (droits, salaires, perspectives, etc.).

A la fin, le spot renvoie à la version française de la pétition #BeingBornAGirl.

Le spot : Naître fille, c’est devoir surmonter beaucoup d’obstacles

Description du spot : « Les femmes et les filles font face à une série de discriminations tout au long de leur vie, qui compromettent fortement leurs perspectives d’avenir. À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, la FIDH illustre ce sombre constat au travers d’une vidéo. La FIDH rappelle que ce combat ne doit pas être celui d’une seule journée et appelle à se mobiliser au quotidien pour faire progresser les droits de femmes. »

Transcription complète de la vidéo

« Naître fille implique de surmonter beaucoup d’obstacles.

Cela commence dès la ligne de départ.

Les avortements sélectifs fondés sur le sexe sont fréquents dans certains pays comme l’Inde.

Les filles sont trop souvent considérées comme un fardeau financier.

FIDH - Naître fille - 8 mars 2016 4

Capture d’écran du spot

La discrimination contre les femmes commence avant même la naissance.

Les mutilations sexuelles sont le lot de 200 millions de filles dans 30 pays.

Ces pratiques conduisent souvent à de graves infections et parfois à la mort.

Il est temps d’aller à l’école… mais seulement pour certaines.

En Afghanistan, 90% des femmes ne savent ni lire, ni écrire, ce qui réduit drastiquement leurs perspectives d’avenir.

63 millions de filles dans le monde ne reçoivent pas d’éducation.

Bien avant l’âge adulte, 700 millions de filles sont mariées de force, souvent à des hommes beaucoup plus âgés.

FIDH - Naître fille - 8 mars 2016

Capture d’écran du spot

De nombreuses femmes ne sont pas en mesure de décider si et quand elles veulent avoir des enfants.

Chaque année, 22 millions de femmes et de filles doivent recourir à un avortement clandestin, mettant ainsi leur santé et leur vie en danger.

Dans certains pays comme le Sénégal, elles risquent pour cela la prison.

Celles qui parviennent à l’âge adulte sont confrontées à de profondes discriminations, menant à la violence.

Beaucoup trop souvent, elles ne sont même pas en sécurité dans leur propre foyer. Elles sont battues et maltraitées par leur partenaire.

FIDH - Naître fille - 8 mars 2016 5

Capture d’écran du spot

En France, une femme meurt tous les 2,7 jours sous les coups de son conjoint.

Et les plus chanceuses doivent sans cesse lutter pour l’égalité salariale, pour l’égalité des droits et l’égalité des chances.

Naître fille implique de surmonter beaucoup d’obstacles.

8 mars. La lutte pour les droits des femmes ne doit pas être le combat d’une seule journée.

Signez notre pétition pour faire avancer les droits des femmes #BeingBornAGirl

Le FIDH se mobilise au quotidien. Partager cette vidéo, c’est nous aider à agir.

#BeingBornAGirl »

La pétition

A la fin du spot, vous pouvez cliquer directement sur le lien de la pétition. Cette dernière contient aussi le spot ci-dessus.

Voici ce lien : Pour que naître fille ne soit plus un obstacle

Et voici le texte de la pétition #BeingBornAGirl :

« Le 8 mars, le monde entier célébrait les droits des femmes. Une journée sur 365. Une seule journée dans un monde où, de leur naissance à leur mort, les femmes subissent pourtant discriminations et violences à chaque étape de leur vie. Pour que naître fille ne soit plus un obstacle, la lutte pour les droits des femmes ne doit pas être le combat d’une seule journée.

Ensemble, nous pouvons agir.

La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en 1979 et ratifiée par la quasi-totalité des États du monde est l’instrument universel de référence de lutte contre toutes les discriminations faites aux femmes.

Grâce à ce texte, des défenseurs des droits des femmes ont pu obtenir d’importantes avancées dans leurs pays : augmentation de la représentation des femmes dans les instances politiques, âge minimum au mariage, accès au planning familial, abolition de lois discriminatoires, interdiction des mutilations génitales féminines.

Le combat est loin d’être gagné. Beaucoup reste à faire pour l’application concrète de la CEDAW. De trop nombreux États ont émis des réserves sur la base d’une incompatibilité avec leurs traditions, religions ou cultures nationales, qui remettent en cause la possibilité pour les femmes de jouir des droits énoncés dans cette Convention. Et aucun des États ne respecte pleinement ses engagements. Femmes et filles continuent donc de faire face à une série de discriminations qui compromettent fortement leur présent et leur avenir.

Agissons ensemble pour que naître fille ne soit plus un obstacle. #BeingBornAgirl

Pour que la lutte pour les droits des femmes ne soit pas le combat d’une seule journée :

j’adhère sans réserve à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et j’exige de tous les États son application !

Signer cette pétition, c’est nous aider dans notre combat pour faire avancer les droits des femmes dans le monde. »

Les monologues sur le féminicide : Ferite a Morte (Blessées à mort)

Ferite a Morte (Blessées à Mort) est un célèbre projet théâtral contre la violence de genre et le féminicide. Il s’agit d’une série de monologues écrits par Serena Dandini (présentatrice TV et auteure) avec la collaboration de Maura Misiti (chercheuse au CNR) et publié en italien sous la forme d’un livre (Ferite a Morte, chez Rizzoli). Toutes ces histoires sont inspirées de faits réellement advenus.

Ces monologues sur le féminicide sont conçus sur le modèle de la Spoon River Anthology d’Edgar Lee Master dont l’originalité consistait dans le fait de redonner la parole aux défunts.

Ces textes poignants de femmes tuées par un mari, un compagnon, un amant ou un ex sont lus sur scène par des personnalités féminines du monde entier. Les représentations ont démarré en Italie de 2012 à 2013, avant d’entamer une tournée Internationale en automne 2013. Depuis le début, ces lectures rencontrent un grand succès.

Le but de ces monologues sur le féminicide est de sensibiliser l’opinion publique à la violence conjugale ou domestique et de demander aux gouvernements de mettre en place des mesures pour prévenir ces violences faites aux femmes.

Les lectures sur scène

Une chaîne Youtube contient l’ensemble des lectures sur scène de ces monologues par des personnalités féminines.

Voici cette chaîne : Ferite A Morte (Blessée à mort)

N’hésitez pas à visualiser le plus possible de ces vidéos. Ces textes donnant la parole à des femmes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint sont lus par des femmes. Le résultat est impressionnant, d’une grande puissance.

Le monologue lu par Christiane Taubira est exactement le scénario-type des violences conjugales post-séparations qui aboutissent aux infanticides paternels (ils tuent les enfants pour punir la mère).

Espérons que cette lecture par Christiane Taubira, Garde des Sceaux et ministre de la Justice, est le signe que le gouvernement français va enfin prendre au sérieux les violences masculines post-séparation et intégrer des garde-fous dans la loi famille (APIE). Deux articles sur ce thème : Se séparer d’un conjoint violent : danger permanent pour les enfants et leur mère et Manifeste des mères survivantes au meurtre de leur(s) enfant(s) par leur ex-conjoint et père biologique

Voici quelques vidéos (lectures sur scène) :

La Reine Noor de Jordanie lit le monologue « Lotus Flower », lors de la représentation du 3 décembre 2013 à Londres, à la  « Trust Women Conference » :

blessée à mort - reine de Jordanie

Vidéo : Queen Noor of Jordan – Wounded to Death (Ferite a Morte) @ The Trust Women Conference London

 

Christiane Taubira (Garde des Sceaux, ministre de la Justice) lit le monologue « Tout en ordre », lors de la représentation du 14 mai 2014 à Paris, à la Bibliothèque Nationale de France :

blessée à mort - taubira

Vidéo : Christiane Taubira | Blessées à Mort (Ferite a Morte) @ Bibliothèque nationale de France, Paris

 « Il en faut beaucoup, de la force, pour enlever la vie avec un cutter (…) quand je pense qu’il ne voulait jamais couper le pain, parce qu’il avait mal aux poignets (…) et pourtant, les enfants, ils les a égorgés avec une force inouïe (…) il a dit qu’il devait le faire pour me punir (…) et pourtant, il n’a pas versé une larme, il a dit que c’était une bonne chose à faire, un point c’est tout (…) même si je respire, je fume des cigarettes, depuis ce jour, je suis morte ! »

 

Najat Vallaud-Belkacem (Ministre des Droits des femmes, de la Ville, de la Jeunesse et des Sports) lit le monologue « Petites mariées » lors de la représentation du 14 mai 2014 à Paris, à la Bibliothèque Nationale de France :

blessée à mort - najat

Vidéo : Najat Vallaud-Belkacem | Blessées à Mort (Ferite a Morte) @ Bibliothèque nationale de France, Paris

 « Je suis morte en couche, j’avais seulement 9 ans quand mon mari m’a mise enceinte » »

 

Esther Mamarbachim (présentatrice à la RTS)  lit le monologue « Lune de miel » lors de la représentation du 26 mars 2014 à Genève (Palais des Nations):

blessée à mort - présentatrice suisse

Vidéo : Esther Mamarbachi | Wounded to Death (Ferite a Morte) @ Palais des Nations UN Geneva

Monologue d’une femme tuée par son conjoint qui lui disait: « TU ES A MOI ET A PERSONNE D’AUTRE
« Il y a une erreur sur le formulaire, ici c’est écrit décédée le 3 juin 2009, présence sur le corps de traces évidentes, etc. etc. mort provoquée par 8 coups de couteau, etc. etc. le coup fatal a été porté dans la région du etc. etc. mais on y est pas du tout, dites-le aux criminologues, il faut refaire l’enquête, (…) heure du décès 14h30, non alors là vraiment pas, moi je suis morte avant ça, bien avant ça, pour être précis 6 ans et 1 mois avant ça, en fait, tout de suite après le mariage, en plein pendant le voyage de noce »

 

Liens et publications

Le site officiel italien : Ferite a Morte

« Ferite a morte / Blessées à mort est un projet théâtral écrit et mis en scène par Serena Dandini, visage bien connu des téléspectateurs italiens, en collaboration avec Maura Misito, chercheuse au CNR. Il s’agit d’un recueil de monologues qui, de manière tout à fait inédite, donnent voix à ces femmes assassinées le plus souvent de la main de leur mari, de leur fiancé ou de leur ex. Celles-ci racontent elles-mêmes leurs histoires, toujours dramatiques, mais avec parfois quelques pointes d’ironie. Ce sont des femmes qui proviennent du monde entier, qui s’inscrivent dans des contextes culturels et sociaux très différents les uns des autres, mais qui ont en commun le même destin tragique. Bien que les faits ne soient pas reconnaissables, toutes ces histoires sont inspirées de faits réellement advenus. » (source : Le projet  – une page du site officiel de Ferite a Morte)

La page du site de Najat Vallaud-Belkacem à propos de cette action : Formidable initiative « Ferite a Morte » (Blessées à mort) à la BNF

Un communiqué de presse de l’association Ferite a Morte du 12 mars 2014 à l’occasion de la représentation à l’ONU à Genève : Communiqué de presse « Blessées à mort » – Les monologues sur le féminicide retournent aux Nations Unies

« Les monologues sur le féminicide retournent aux Nations Unies (…) Après New York où le spectacle a été choisi par UN Women et la Mission Italienne à l’ONU pour célébrer la Journée Internationale pour l’Elimination de la violence à l’égard des Femmes le 25 novembre au siège des Nations Unies et après les représentations à Washington (à l’OAS, Organisation des Etats Américains), à Bruxelles (en théâtre) et à Londres (dans le cadre de la Trust Women Conference organisée par la Thomson Reuters Foundation), «Blessées à Mort», le projet théâtral sur le féminicide écrit par Serena Dandini en collaboration avec Maura Misiti, a repris sa tournée internationale. Cette fois, il fait étape au Palais des Nations Unies de Genève, dans le cadre des travaux de la 25ème session du Conseil pour les droits humains de l’ONU.

Serena Dandini a redonné voix aux victimes du monde entier grâce à une série de monologues dont les lectures sur les scènes d’une quinzaine de théâtres italiens ont récolté un franc succès en 2012 et 2013, avant le début d’une tournée internationale tout aussi réussie au cours de l’automne 2013. « Blessées à Mort » (qui existe également sous la forme d’un livre publié en italien chez Rizzoli) est un recueil de monologues écrits par Serena Dandini avec la collaboration de Maura Misiti, chercheuse au CNR, et conçus sur le modèle de la Spoon River Anthology d’Edgar Lee Master dont l’originalité consistait dans le fait de redonner la parole aux défunts. De la même manière, les monologues de Blessées à Mort, puisant dans les faits divers et les enquêtes judiciaires, sont les récits posthumes et imaginaires à la première personne de femmes qui ont perdu la vie suite à des actes de violence infligés le plus souvent par un mari, un compagnon, un amant ou un ex.

Le spectacle, porté par des personnalités féminines bien connues du grand public, se veut une occasion de réflexion et une tentative d’interpeler l’opinion publique, les médias et les institutions.

(…) “Tous les monologues de ‘Blessées à Mort’, explique Serena Dandini, nous parlent de délits annoncés, d’homicides de femmes commis par des hommes qui auraient du les aimer et les protéger. Ce n’est pas un hasard si les coupables sont bien souvent des maris, des fiancés ou des ex. C’est un massacre familial qui, à une allure impressionnante, continue tristement à remplir les pages des faits divers dans nos quotidiens. Derrière les volets fermés des maisons se cache une souffrance silencieuse et l’homicide n’est jamais que la pointe de l’iceberg d’un parcours semé d’abus et de douleur qui répond au nom de violence domestique. Voilà pourquoi nous pensons qu’il ne faut pas arrêter d’en parler mais qu’il est nécessaire au contraire de chercher, y compris par le biais du théâtre, à sensibiliser au maximum l’opinion publique. »

Un article du 15 février 2014 à propos de la représentation à Luxembourg : Ferite a Morte / Blessées à mort, de et avec Serena Dandini, le 24 mars à Luxembourg

« Ferite a morte / Blessées à mort”, le célèbre projet de théâtre contre la violence de genre et le féminicide, écrit et mis en scène par Serena Dandini, et produit par Mismaonda, sera représenté à Luxembourg, le 24 mars 2014, 20h00, à l’Auditorium du Conservatoire de la Ville.

Représenté avec un grand succès depuis 2012 en Italie, et après une tournée internationale prestigieuse qui l’a conduit à Bruxelles, New York, Washington et Londres, “Blessées à Mort” sera à Luxembourg pour la première étape de sa tournée 2014.

(…) “Ferite a morte / Blessées à mort” est un projet théâtral écrit et mis en scène par Serena Dandini, journaliste et écrivaine italienne, en collaboration avec la chercheuse Maura Misiti. Il se compose d’une série de monologues (tirés du livre Ferite a morte, publié par Rizzoli) qui, de manière tout à fait inédite, donnent voix à des femmes ou à des jeunes filles tuées par la main d’un homme, le plus souvent un mari, un fiancé ou un ex. Dans ces textes, inspirés par des faits réellement survenus, les protagonistes, très diverses par origine, âge et situation personnelle, racontent elles-mêmes leurs histoires, toujours dramatiques, mais avec parfois quelques pointes d’ironie. »

Se séparer d’un conjoint violent : danger permanent pour les enfants et leur mère

En 2011, La revue internationale de l’éducation familiale publiait un article de Patrizia Romito (professeure de psychologie sociale à l’université de Trieste, Italie) : Les violences conjugales post-séparation et le devenir des femmes et des enfants

La lecture de cet article (retranscrit dans son intégralité ci-dessous) est fondamentale, car il faut impérativement que le gouvernement français intègre des garde-fous contre la violence conjugale dans sa nouvelle loi famille (proposition de loi APIE – autorité parentale et intérêt de l’enfant). Cette proposition de loi doit être examinée à l’Assemblée Nationale dès le 19 mai 2014.

Depuis 2002, l’association SOS Papa a réussi à faire exclure les violences conjugales de la loi famille, sous prétexte qu’« un mari violent peut être un bon père ». Or, selon Patrizia Romito (voir article ci-dessous) « entre 40 et 60% des maris violents sont aussi des pères violents (Edleson, 1999 ; Unicef, 2003) ». Donc cette affirmation de SOS Papa est d’une dangerosité extrême pour les enfants et leur mère. Mais n’ayant consulté quasiment que les associations de pères et non les spécialistes, les députés de l’époque n’ont pas été choqués de cela. La loi de 2002 a d’ailleurs été surnommée « loi SOS Papa », parce qu’elle reprenait quasiment toutes les demandes de SOS Papa, ignorant les avis des spécialistes de la violence conjugale et des médecins (psychiatres, pédopsychiatres, etc.) qui demandaient pourtant à être entendus.

A cause de la « loi SOS Papa », depuis 2002, les mères et les enfants confrontés à des hommes violents vivent des situations dramatiques. Après la séparation, ces hommes violents continuent d’exercer en permanence leur violence, allant parfois jusqu’au meurtre ou l’assassinat des enfants et/ou de leur mère pour se venger de la mère qui a osé les quitter.

Donc la loi famille de 2014 doit absolument prendre en compte les violences conjugales qui s’amplifient fréquemment après la séparation. En 2014, comme en 2002, c’est encore majoritairement les associations de pères qui sont entendues par le gouvernement. Malgré leur demande, les médecins (psychiatres, pédopsychiatres, etc.) n’ont pas été entendus (comme en 2002). Comment est-ce possible pour une loi qui prétend s’occuper de l’intérêt de l’enfant, donc de sa santé ? Pour les députés, l’intérêt de l’enfant est-il véritablement sa santé ? Ou est-ce l’intérêt des pères dont il est question dans cette loi, comme dans celle de 2002.

Patrizia Romito est l’auteure de
Un silence de mortes : La violence masculine occultée

(lien ci-dessus: article de Sisyphe, avec extrait de l’introduction d’Un silence de mortes – La violence masculine occultée, de Patrizia Romito, Ed. Syllepse, Paris, 2006, pp. 15-25)

A propos du danger de la séparation dans un contexte de violence conjugale, 6 mères survivantes du meurtre de leurs enfants par leur ex-conjoint ont adressé un manifeste au gouvernement du Québec, afin de développer des mesures pour prévenir et accompagner les mères confrontées à ce type de situation : Manifeste des mères survivantes au meurtre de leur(s) enfant(s) par leur ex-conjoint et père biologique

L’article de Patrizia Romito

Les violences conjugales post-séparation et le devenir des femmes et des enfants (La revue internationale de l’éducation familiale, n°29, 2011, p. 87-106)

« L’article présente une analyse des connaissances sur le thème des violences conjugales après une séparation ou un divorce et de l’impact de ces violences sur la vie des femmes et des enfants. L’argumentation s’appuie sur une base de données internationale très riche qui montre la fréquence et la gravité de ces violences. Des recherches menées dans différents pays montrent aussi que ces violences restent peu visibles et que cette invisibilité est un obstacle majeur dans la protection des femmes et des enfants. Le texte analyse différents mécanismes d’occultation, comme le mythe des « fausses dénonciations » et discute de leur impact sur la perception sociale des violences conjugales post-séparation et sur la vie des victimes.

Mots-clés : violences conjugales, séparation, garde des enfants, inceste, fausses dénonciations

Introduction

La première étude que j’ai conduite en 1995 sur les violences envers les femmes consistait en une série d’interviews de femmes victimes de violences conjugales ainsi que de médecins, psychologues et assistant-e-s sociales qui, par leur profession, avaient l’occasion de rencontrer des femmes maltraitées. Ce qui m’avait le plus frappée était la question qu’un certain nombre des professionnels posaient d’un air souvent excédé :

« Mais pourquoi ne le quitte-t-elle pas ?». Cette question non seulement renversait la responsabilité de la situation sur la victime mais révélait aussi une grande méconnaissance des mécanismes des violences conjugales. En fait, les femmes interviewées dans la même étude et qui avaient quitté avec beaucoup de difficultés un partenaire violent relataient toutes des violences, souvent très graves, dont elles avaient été victimes après la séparation (Romito, 1996, 2001). De plus, au cours des mêmes années, une analyse des cas de meurtres parmi des partenaires intimes en Italie montrait que dans la plupart des cas il s’agissait de femmes tuées par des ex-conjoints, maris, concubins ou « fiancés » durant ou après une séparation (Quaglia, 2005). Donc les violences conjugales post-séparation existaient vraiment et représentaient, alors comme maintenant, une des raisons pour lesquelles une femme maltraitée hésite à se séparer du conjoint violent, mais elles semblaient à l’époque être peu visibles, du moins chez les professionnel-le-s censés intervenir auprès des femmes.

Ces violences sont-elles aujourd’hui plus visibles, plus reconnues en tant que telles ? On en entend beaucoup parler autour des conflits pour la garde des enfants ou des droits de visite après la séparation du couple parental mais souvent, comme nous le verrons par la suite, pour accuser les femmes de les inventer. Donc on évoque ces violences, mais plutôt pour les nier. On les mentionne, surtout au niveau médiatique, quand un homme tue son ex-femme et parfois ses enfants. Dans ces cas, la violence est évidente, indiscutable. Mais le meurtre n’est que très rarement présenté comme la suite des violences qui avaient eu lieu pendant la vie commune. Au contraire, il est présenté comme un phénomène totalement différent, séparé de la violence conjugale et dû à un surcroît de  « passion » ou de douleur, au point que l’homme violent est parfois dépeint comme la véritable victime (Houel, Mercader, & Sobota, 2003 ; Romito, 2006).

Dans cet article, je montrerai que les violences conjugales post-séparation restent peu visibles et mal comprises aujourd’hui encore et que cela peut avoir des conséquences très graves pour les personnes impliquées. Je le ferai à l’aide d’un ensemble, désormais riche, de recherches conduites dans différents pays. En fait, malgré les différences d’histoire, de culture, de lois et de pratiques sociales de ces pays, les tendances relevées sont très semblables, ce qui rend possible l’utilisation de ces données variées pour une meilleure compréhension du phénomène. 

Fréquence des violences conjugales post-séparation

De nombreuses recherches montrent qu’après une séparation ou durant la période qui l’entoure, les femmes courent un risque de violences conjugales très élevé. D’après l’enquête nationale Enveff, en France (Jaspard et al., 2003), parmi les femmes ayant eu par le passé au moins une relation de couple et qui ont été en contact avec leur ex-conjoint au cours des douze derniers mois, 16,7% ont subi des violences physiques ou sexuelles de sa part et ceci malgré le fait que dans la plupart des cas ces relations aient été épisodiques. De plus, dans le sous-groupe de femmes qui avaient eu des enfants avec cet ex-conjoint, neuf sur dix avaient subi des agressions verbales – insultes et menaces – ou physiques (Jaspard et al., 2003). Selon les données nationales canadiennes (Hotton, 2001), parmi les femmes qui, dans les cinq ans précédant la recherche, avaient été en contact avec un ex-conjoint, 39% avaient été agressées par lui. Il s’agissait souvent de violences graves : un tiers des femmes agressées avait risqué d’être étranglé ; plus d’un tiers avait subi des viols ou des tentatives de viol. En outre, dans la moitié des cas, ces violences avaient eu lieu très fréquemment (plus de 10 fois) ; dans plus de la moitié des cas, les femmes avaient subi des blessures et avaient eu peur d’être tuées. Les abus psychologiques – insultes, comportements de contrôle, destruction d’objets et agressions ou menaces à des proches – touchaient presque toutes ces femmes. Quand les femmes avaient des enfants, ces derniers avaient assisté aux violences dans presque deux tiers des cas (72,4%), souvent à l’occasion de violences si graves que leur mère avait craint d’être tuée (Hotton, 2001).

Il n’est pas aisé, à partir des données disponibles, de savoir dans quelle mesure les violences après la séparation sont la continuation des violences précédentes ou bien si elles sont déclenchées par le stress lié à la séparation. Considérons les femmes qui, au Canada, subissent des violences conjugales après la séparation : pour 61% d’entre elles il s’agit de la continuation (37%) ou de l’aggravation (24%) des violences précédentes ; dans 39% des cas, ces violences ont commencé après la séparation (Hotton, 2001). L’enquête nationale menée en Grande-Bretagne prend en considération les femmes qui avaient subi des violences conjugales pendant la vie commune : pour 37% d’entre elles, la violence continue après la séparation et, pour quelques-unes, les violences les plus graves sont arrivées précisément après la séparation (Walby & Allen, 2004)1. Après une analyse de ces recherches, Brownridge (2006) conclut que, comparée à une femme mariée, une femme séparée a une probabilité de subir des violences conjugales 30 fois plus élevée et une femme divorcée 9 fois plus élevée.  

Les enfants dans les violences post-séparation

D’après les résultats de nombreuses études, entre 40 et 60% des maris violents sont aussi des pères violents (Edleson, 1999 ; Unicef, 2003)2 ; l’un des principaux facteurs de risque d’agressions sexuelles de la part du père est la violence conjugale contre la mère (Fleming, Mullen, & Bammer, 1997 ; Humphreys, Houghton, & Ellis, 2008). Dans une étude faite en Italie, sur un échantillon de 773 adolescentes et adolescents, quand le père inflige des violences physiques à la mère, dans 44% des cas il est aussi physiquement violent envers les enfants et, dans 62% des cas, il est psychologiquement violent : il insulte, dénigre et menace (Paci, Beltramini, & Romito, 2010). Les violences post-séparation visent donc aussi les enfants, non seulement comme « témoins » des agressions envers leur mère, mais aussi directement. En Grande-Bretagne, Radford, Hester, Humphries et Woodfield (1997) ont observé pendant plusieurs années 53 femmes séparées d’un mari violent : 50 d’entre elles ont été agressées à répétition au cours des rencontres avec leur ex-partenaire pour « échanger » les enfants et la moitié de ces enfants ont subi des violences physiques ou des abus sexuels du père pendant les visites. Dans une étude en Australie, 40 femmes qui négociaient les arrangements de « child contact » avec un ex-partenaire violent ont été interrogées : dans 25 cas, les enfants avaient assisté aux violences du père envers la mère et, dans 13 cas, ils avaient été   maltraités physiquement par lui (Kaye, Stubbs, & Tolmie 2003 ; voir Flood, 2010). Ces résultats sont confirmés par de nombreuses études réalisées dans différents pays (Eriksson, Hester, Keskinen, & Pringle, 2005 ; Radford & Hester, 2006 ; Radford, Sayer, & Amica, 1999).

Dans plusieurs pays, des centres de contact ou de visites ont été créés pour essayer de résoudre ces problèmes, du moins en partie. Dans les cas d’un conjoint violent qui n’aurait pas la garde des enfants – presque toujours le père – les visites entre père et enfant sont organisées dans un endroit neutre – une école, un centre de quartier – parfois sous la supervision d’un éducateur ou d’un travailleur social qui doit vérifier que le père ne profite pas des rencontres pour agresser physiquement ou verbalement son ex-conjointe ou les enfants. Toutefois, l’instauration d’un tel système pose de nombreuses difficultés. D’abord, ces services coûtent cher et dans la plupart des pays ils ne sont pas suffisamment nombreux pour répondre aux besoins ; et puis, souvent les travailleurs préposés n’ont pas les moyens pour surveiller ces hommes et les empêcher de nuire (Eriksson, Hester, Keskinen, & Pringle, 2005 ; Furniss, 1998 ; Harrison, 2008).

1 Les contradictions entre les données provenant de différentes recherches sont dues en partie aux différences dans la méthode et, en partie, aux différences réelles parmi les échantillons de femmes concernées.

2 Certains auteurs incluent aussi dans les violences du père celles envers la conjointe enceinte qui peuvent entraîner des pathologies de la grossesse, des avortements et une moins bonne santé du bébé à la naissance (Sarkar, 2008).

La violence létale : les meurtres des femmes et des enfants

Partout dans le monde, la très grande majorité de victimes d’homicide parmi des « partenaires intimes » sont des femmes ; une autre différence de genre est que, dans la plupart des cas, les hommes tuent après avoir infligé pendant des années des violences conjugales alors que les femmes tuent après les avoir subies (Campbell et al., 2003). Une analyse des données statistiques relatives à ces homicides en Amérique du Nord montre que les femmes séparées courent un risque cinq fois plus élevé d’être tuées que les autres femmes : en termes épidémiologiques, la séparation est donc un puissant facteur de risque de fémicide (Brownridge, 2006). En Italie, nous ne disposons pas de données nationales fiables à ce propos ; mais, d’après une étude de la presse, 18 femmes ont été tuées par un homme pendant le mois de juillet 2010, un mois particulièrement sanglant : dans 16 cas sur 18, le meurtre a eu lieu après une séparation voulue par la femme et refusée par l’homme. Les victimes étaient dans la majorité des cas les ex-conjointes, mais aussi leurs enfants, leur mère ou leur sœur.

Comme pour les autres formes de violence post-séparation, les enfants peuvent également être visés par les meurtres. En Grande-Bretagne, une étude a analysé les cas de 29 enfants tués par leur père après la séparation du couple parental (Saunders, 2004). Ces homicides avaient eu lieu dans le contexte de négociations très conflictuelles entre les parents pour la garde des enfants ou le droit de visite. Dans presque tous les cas, les mères avaient subi des violences conjugales, parfois gravissimes. Malgré cela, le Tribunal les avait obligées à accepter les contacts entre le père et les enfants.

La nature des violences conjugales après la séparation

Hormis pour les cas d’agressions, relativement rares, qui surgissent exclusivement à la suite d’une séparation et après une vie commune dépourvue de violence, il semble bien que les violences conjugales post-séparation soient de la même nature que les violences conjugales, telles qu’elles ont été décrites et conceptualisées par Pence et Paymar (1993). Il s’agit d’un ensemble de comportements, caractérisé par la volonté de domination et de contrôle d’un partenaire sur l’autre, qui peuvent inclure brutalités physiques et sexuelles, abus psychologiques, menaces, contrôles, grande jalousie, isolement de la femme ainsi que l’utilisation des enfants à ces fins, par exemple, en les contraignant à espionner leur mère ou en menaçant la conjointe de lui enlever les enfants – et même de les tuer – en cas de séparation.

Les motivations à ces violences peuvent être regroupées en trois catégories susceptibles de coexister et se superposer : représailles et vengeances, rétablissement de la situation de pouvoir et de contrôle et tentative de forcer une réconciliation. Les hommes qui pensent que la femme et les enfants leur appartiennent – une conviction que souvent sous-entendent les violences conjugales – voient la séparation comme une trahison et un attentat à leurs droits qui justifient la vengeance et la punition de la femme allant jusqu’au meurtre de celle-ci ou des enfants (Brownridge, 2006). C’est d’ailleurs ce qu’un certain nombre d’entre eux affirment explicitement. Voici des exemples tirés de journaux italiens :

A.M. égorge sa fille de 8 ans et dit le faire comme « punition contre son ex-femme » (janvier 2000). M.G. étrangle ses deux fils (septembre 2002) après avoir écrit à son ex-épouse : « J’espère que toute ta vie sera un cauchemar et que tu vivras assez longtemps pour souffrir de tes remords ». Et R.G. tue ses deux fils à coups de couteau (avril 2004) en hurlant à sa femme : « Je te les ai tués, comme ça tu sauras ce que c’est que de souffrir » (Romito, 2006).

La souffrance de ces hommes est évidente, ainsi que leurs sentiments d’impuissance et l’incapacité de faire face à la séparation. Mais alors que ces sentiments, cette douleur sont mis en exergue par les journalistes, les éléments de possession, contrôle et vengeance ne sont jamais discutés et, à terme, c’est plutôt l’homme qui apparaît comme la véritable victime surtout s’il finit par se suicider (Houel et al., 2003). Dans tous ces articles sont évoqués globalement des « conflits conjugaux », sans la moindre référence explicite à la violence exercée précédemment par ces hommes, violence qui avait provoqué chez leur femme son « abandon » et sa fuite

Les conflits pour la garde des enfants

Comme nous l’avons vu, la violence post-séparation est très fréquente quand le couple a des enfants. Parfois ces derniers sont directement concernés, d’ailleurs les conflits liés à la garde et les rencontres entre ex-conjoints, rendues nécessaires pour s’« échanger » les enfants, deviennent souvent l’occasion d’autres violences envers les femmes (Radford & Hester, 2006). À la lumière de ces données, il est légitime de se demander comment il se fait que les institutions – surtout les services sociaux et les tribunaux – ne protègent pas mieux les victimes de ces violences.

Pour répondre à cette question, il faut placer ces situations dans leur contexte social et historique. Jusqu’à la fin du 19ème siècle, dans les pays occidentaux, les enfants étaient la propriété du père et restaient avec lui en cas de divorce. Cette praxis représentait d’ailleurs un solide instrument de dissuasion à l’encontre des femmes qui auraient songé à quitter leur mari, même si celui-ci était violent (Smart & Sevenhuijsen, 1989). À partir de la moitié du 20ème siècle, on voit apparaître la thèse de la « préférence maternelle » (tender years doctrine) selon laquelle les enfants en bas-âge ont besoin de leur mère. Les pratiques concernant la garde parentale après divorce ont donc commencé à se modifier et on confia de plus en plus souvent la garde des enfants aux mères. Jusqu’à très récemment, dans les pays industrialisés où l’on a enregistré une augmentation des divorces, dans la majorité des cas demandés par les femmes, la tendance générale a été de confier les enfants à leur mère après commun accord des deux parents, fréquemment avec un éloignement matériel et psychologique des pères. Cet éloignement soulève de nombreux problèmes, entre autres économiques : lorsque des pères n’ayant pas la garde ne paient pas la pension alimentaire pour leurs enfants, nombre de mères sont obligées de recevoir une aide économique de l’État, avec des coûts importants pour la collectivité. S’ajoutent à cela des préoccupations relatives d’une part aux potentielles conséquences psychologiques pour l’enfant de grandir en l’absence de père, de l’autre sur l’idée que cette absence et la relative autonomie des mères puissent saper les fondements de la famille traditionnelle basée sur l’autorité masculine (Kurki-Suonio, 2000 ; Smart & Sevenhuijsen, 1989). Par ailleurs, dans les années 70, principalement dans les pays de langue anglaise et du nord de l’Europe, apparaît un nouveau discours fondé sur l’égalité entre les sexes et sur l’idée ou le vœu que les parents sont l’un autant que l’autre capables d’élever leurs enfants après le divorce (Eriksson et al., 2005).

Dans ce contexte, la garde conjointe ou alternée des enfants attribuée aux deux parents et le partage des responsabilités après le divorce, selon des formules qui varient d’un pays à l’autre, sont présentés comme le remède permettant que les pères soient plus concernés, tant sur le plan psychologique qu’économique, et assurant le respect du principe de l’égalité entre les genres. Entre 1979 et 1989, l’État de Californie, la Suède, la Finlande et la Grande-Bretagne ont privilégié l’option de la garde conjointe, indépendamment de l’implication réelle du père avant le divorce (Kurki-Suonio, 2000). Depuis, d’autres pays européens, dont la France et l’Italie, ont fait passer des lois semblables. Il faut noter que lorsque l’on parle de garde conjointe, on entend par là une garde légale et non pas une garde matérielle; ceci peut signifier que la mère continue à s’occuper quotidiennement des enfants mais que le père aura le droit d’intervenir et d’interférer dans la vie de tous les jours des enfants et de son ex-femme. Cette ingérence, toujours source potentielle de conflits, peut devenir tragique lorsque la mère se trouve face à un homme dominateur et violent (Brownridge, 2006 ; Radford & Hester, 2006).

Des recherches menées dans différents pays montrent que les cas de conflits pour la garde des enfants sont malgré tout assez rares : il n’y a conflit pour la garde parentale que dans à peine plus de 10 % des divorces, les enfants étant alors confiés au père dans la moitié des cas (Flood, 2010 ; Rhoades, 2002). Dans ces situations, il y a souvent des violences conjugales avant et après la séparation et parfois aussi des violences du père envers les enfants. Mais ces violences sont rarement perpétrées devant témoins : leur existence peut être difficile à démontrer puisque les violences reposent surtout sur les déclarations des femmes et des enfants ou sur les séquelles de santé sur les victimes. Cependant, même lorsqu’il y a des preuves objectives de violences de la part de l’homme (témoignages indépendants, blessures, condamnations), les services sociaux peuvent donner un avis favorable aux contacts entre le père et les enfants et le tribunal peut trancher dans ce sens (Kaspiew, 2005 ; Kaye et al., 2003 ; Radford & Hester, 2006). Comment cela est-il possible ? Les raisons qui fondent ces décisions relèvent d’un mélange d’éléments divers : d’une part, l’on soutient que les enfants souffriraient d’être privés d’une relation avec leur père même s’il est violent ; de l’autre, l’on affirme qu’un père a des droits sur ses enfants et que ces droits doivent être respectés même s’il est violent. Voici, à titre d’exemple, un de ces cas : 

À San Francisco, Kevin S. a tué son fils de 8 ans qui avait passé l’après-midi avec lui. Les conjoints étaient séparés depuis peu après un parcours conjugal jalonné de violences de l’homme sur sa femme. Quelques semaines avant le meurtre, la femme avait déposé une demande de protection d’urgence car son ex-mari l’avait agressée et elle craignait autant pour elle que pour l’enfant. Le tribunal avait cependant rejeté sa demande : la violence « domestique » n’apparaissait pas comme assez grave et, plus que tout, la procédure aurait eu pour effet d’empêcher Kevin de voir son fils. Or, c’était exactement ce que la mère demandait mais le magistrat trouvait cela inacceptable. Le fait qu’il y ait eu conflit pour l’attribution de la garde de l’enfant constitua un argument supplémentaire pour que la mesure de protection ne lui soit pas accordée. D’après le juge responsable de cette décision, une telle procédure pouvait « briser une famille » (extrait d’un article de presse de Van Derbeken, 2003).

Ici, deux observations : ce qui briserait une famille, c’est une mesure de protection de la mère et de l’enfant, ce n’est pas la violence du père ; le risque de briser une famille est considéré comme plus grave que le meurtre éventuel d’une femme ou d’un enfant. Dans d’autres cas, le tribunal a forcé des femmes qui avaient changé de ville et s’étaient réfugiées dans un lieu tenu secret à quitter le nouveau domicile ou à faire connaître cette nouvelle adresse afin de faciliter les contacts père-enfants ; d’autres juges ont considéré les inquiétudes maternelles comme une forme d’abus psychologique envers les enfants (Radford & Hester, 2006 ; Rhoades, 2002).

Les femmes en arrivent ainsi à se trouver contraintes à une situation impossible. Pas crues quand elles dénoncent les violences post-séparation1, leurs peurs raisonnables sont considérées comme exagérées ; leur opposition aux contacts entre le père et les enfants est vue comme une manifestation d’hostilité envers lui ou comme une vengeance. Par conséquent, il arrive que des mères soient punies – par des amendes, la prison ou la perte de la garde – pour avoir essayé de se protéger et de protéger les enfants. C’est ce que Radford et Hester (2006) décrivent, à partir de la Grande-Bretagne, comme « La vie sur les trois planètes » : des planètes avec des histoires et des logiques différentes et qui ne communiquent pas entre elles. Sur la Planète A, la violence conjugale est considérée comme un crime « sexué » (gendered) de l’homme sur la femme et la police et le tribunal peuvent intervenir pour protéger cette dernière (arrestation de l’homme ou ordre de protection). La Planète B correspond aux Services de protection de l’enfant, dont l’approche est « gender neutral ». Sur cette planète, on parle de familles abusives plus que de violences conjugales. C’est à la mère qu’il revient de protéger les enfants en s’éloignant de l’homme violent : si elle ne le fait pas, elle manque à son devoir de protection (failure to protect) et par conséquent elle peut perdre la garde des enfants. Mais si elle se sépare, elle finit dans l’orbite de la Planète C, à savoir les services chargés d’assurer les contacts entre père et enfants après la séparation qui sont motivés par le principe de la « responsabilité parentale » et par le souci de ne pas priver les pères de leurs droits. Sur cette Planète, la femme peut être contrainte à consentir aux visites entre les enfants et ce même père violent, sous peine d’être punie par une perte de la garde des enfants. Sur la Planète C, la violence de l’homme est ignorée tant que c’est possible à la faveur d’un discours selon lequel il n’y a pas de contradiction entre le fait d’être un ex-conjoint violent et un bon père ou, du moins, un père « suffisamment bon » (Radford & Hester, 2006, p. 791). De surcroît, il semble pris pour acquis que, pour le bien de l’enfant – son développement, sa sérénité, son bonheur – il soit préférable d’avoir des contacts avec un père violent que de ne pas en avoir du tout. Cependant, il n’y a aucune preuve scientifique de ce théorème (Eriksson et al., 2005 ; Jaffee, Moffitt, Caspi, & Taylor, 2003). Au contraire, toutes les études soulignent les effets négatifs, voire désastreux, d’être en contact avec un homme violent : les enfants présentent des problèmes de comportement et de santé mentale et apprennent des modèles d’interaction violente ce qui, surtout pour les petits garçons, augmente la probabilité que, devenus adolescents et adultes, ils soient violents avec leur compagne (Kitzmann, Gaylord, Holt, & Kenny, 2003 ; Jaffee et al., 2003).

Il est clair que, dans ce contexte complexe, quand il y a conflit pour la garde des enfants, il ne s’agit pas seulement d’un homme et d’une femme qui s’affrontent, chacun et chacune avec son histoire et ses motivations. Des idéologies et des valeurs s’affrontent aussi. L’idéologie qui ressort le plus clairement est une idéologie d’origine patriarcale, qui reconnaît aux pères, comme cela était accepté et même inscrit dans les lois il y a deux siècles, des droits sur les enfants, indépendamment de leurs comportements. La violence déjà manifestée par certains de ces pères à l’égard de leur femme et parfois même de leurs enfants ne semble pas constituer un obstacle insurmontable à ce que ces derniers leur soient confiés, avec souvent, comme nous l’avons vu, des conséquences tragiques.

1 46% des personnes interrogées dans une enquête nationale en Australie croient que les femmes séparées inventent les violences conjugales pour se venger de  l’ex-conjoint (Flood, 2010). 

La négation des violences post-séparation  

La psychiatre Judith Hermann (1992) a puissamment décrit le « système négationniste » mis en œuvre pour éviter de voir les violences sexuelles et devoir prendre une position en faveur des victimes. Albert Bandura (1999) a développé le concept de désengagement moral, rendu possible par différentes stratégies – telles que la culpabilisation des victimes, l’utilisation des euphémismes, la division et la dilution des responsabilités, la négligence ou la falsification des conséquences – qui sont activées dans le but de justifier l’inaction, jusqu’à la complicité, face à des injustices. Les situations décrites dans les paragraphes précédents montrent qu’il y a bien négation des violences conjugales et paternelles post-séparation. Ce déni se fait à l’aide de ces stratégies mais s’appuie aussi sur des « théories » ou plutôt sur des mythes puissants et très répandus.

Un de ces mythes concerne les « fausses plaintes d’abus sur les enfants en phase de séparation » où l’on affirme que, autour de la séparation du couple, il existerait un nombre élevé de plaintes pour violence du père envers les enfants, formulées par les mères, et que ces plaintes seraient presque toujours fausses, motivées par un désir de vengeance. Toutefois, les données disponibles contredisent cette thèse.

Aux États-Unis, Thoennes et Tjaden (1990) ont analysé 9000 cas de divorce dans lesquels il existait un conflit ayant trait à la garde des enfants. Dans moins de 2% des cas, un des parents avait porté plainte pour violence sexuelle. Parmi ces plaintes, la moitié était fondée; un tiers était peu probable, dans les autres cas, il n’y avait pas assez d’informations pour trancher. Certains critères retenus pour décider du « peu de probabilité d’un cas » sont cependant discutables : l’enfant était très jeune, il n’y avait eu qu’un seul épisode de violence ou il y avait un conflit grave entre les parents. Au Canada, Trocmé et Bala (2005) ont analysé 7672 cas de maltraitance sur enfants signalés aux services sociaux : dans 4% de ces cas seulement, les dénonciations étaient fausses. En cas de conflits pour la garde des enfants après une séparation, cette proportion apparaissait plus élevée (12%) ; les fausses dénonciations concernaient plutôt la négligence que la violence sexuelle. De plus, les fausses dénonciations étaient formulées le plus souvent par le parent n’ayant pas la garde, en général le père (15%), que par l’autre parent, en général la mère (2%). Sur 7672 cas de maltraitance, il y avait seulement 2 fausses dénonciations contre un père n’ayant pas la garde. D’après des recherches en Australie, dans les causes relatives au « child contact », des plaintes pour violences sur les enfants étaient présentes entre 1% et 7% des cas ; seulement une minorité s’avérait fausse ; les plaintes déposées par les mères apparaissaient fondées quatre fois plus souvent que celles déposées par les pères.

Cependant, même quand les plaintes des mères étaient fondées et que les enfants manifestaient clairement leur refus de voir le père, les juges, dans la plupart des cas, accordaient aux pères des droits de visite, parfois sans aucune supervision (Flood, 2010).

En bref, les dénonciations de violences sur les enfants faites lors de la séparation ne sont pas fréquentes et elles sont très rarement fausses, surtout quand elles sont faites par les mères. Cependant, le préjugé selon lequel ces plaintes seraient des inventions de mères hostiles et vindicatives semble être à la base de nombreuses décisions des services sociaux et judiciaires. Quelques-unes de ces situations ont été documentées en France par une étude du Collectif Féministe Contre le Viol (1999), réalisée en collaboration avec la Délégation Régionale aux droits des femmes d’Ile de France. En deux ans et demi, 67 cas d’inceste dans un contexte de séparation des parents ont été constatés avec au total 94 mineurs impliqués, surtout des petites filles, qui accusaient dans la majeure partie des cas leur père. Dans 77% des cas, les enfants avaient clairement décrit les agressions subies, souvent très graves, et donné le nom de leur agresseur. En 1999, quand le rapport a été rédigé, 51 plaintes avaient été déposées. Néanmoins, dans plus de la moitié des cas, les plaintes avaient été classées sans même une enquête préliminaire ; dans 22% des cas, la mère, ne pouvant obtenir aucune information, ignorait ce qui se passait ; 9% des cas s’étaient conclus par un non-lieu ; un seul agresseur avait été condamné ; dans d’autres cas, l’enquête ou le procès était encore en cours. Souvent les mères étaient accusées de manipuler les enfants et étaient qualifiées par les experts de « névrosées, hystériques, vindicatives ». En outre, dans 20% des cas, les mères, parent protecteur, avaient été dénoncées à leur tour pour ne pas avoir voulu confier l’enfant au père lors de la visite décidée par le juge et un tiers d’entre elles avait été condamné. Ces cas dramatiques ont attiré l’attention de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, qui a envoyé en France un « spécial rapporteur », Juan Miguel Petit. Dans son rapport, Petit (2004) admet qu’en France, les personnes qui soupçonnent ou dénoncent des violences sur mineurs, surtout s’il s’agit des mères, se retrouvent face à d’énormes difficultés et risquent à leur tour d’être accusées de mentir ou de manipuler les enfants. Il évoque en outre le cas des mères divorcées préférant fuir et quitter leur pays plutôt que de confier leurs enfants aux maris suspectés de violence. À propos des accusations d’agression sexuelle de la part du père, qui apparaissent moins crédibles si elles naissent dans un contexte de procédure de divorce, il affirme qu’« un examen attentif des raisons pour lesquelles les parents étaient en train de divorcer a révélé un pattern de violence domestique en famille, y compris la violence domestique exercée contre la mère » (p. 14). Il conclut que « de nombreux individus occupant des positions de responsabilité dans le domaine de la protection des enfants, plus particulièrement dans la magistrature, refusent encore de reconnaître l’existence et l’ampleur de ce phénomène, incapables d’accepter le fait que beaucoup de ces accusations de violence sexuelle puissent être vraies » (p. 20).

Un autre outil puissant dans le déni des violences du père envers les enfants après la séparation est constitué par le Syndrome d’Aliénation Parentale (SAP) (Romito & Crisma, 2009). Lorsqu’un enfant refuse de rencontrer le parent auquel il n’a pas été confié – généralement le père – en disant qu’il en a peur et qu’il est soutenu par sa mère, on évoque alors le SAP : l’enfant refuserait de voir son père non pas parce qu’il le craint, mais parce que sa mère l’aurait manipulé dans ce sens. Le SAP est ainsi présenté comme s’il s’agissait d’une catégorie psychiatrique objective, d’un diagnostic scientifique. La conséquence de ce « diagnostic » est que les peurs de l’enfant et la possibilité de violences envers lui sont sous-évaluées ; qui plus est, les mères deviennent les coupables puisqu’elles ont fait subir aux enfants « un lavage de cerveau » en induisant un syndrome psychiatrique et en les détournant de leur père.

Le SAP a été formulé en 1985 par R. Gardner, un psychiatre états-unien, à partir de l’observation d’un nombre non précisé de cas suivis par lui-même dans sa pratique d’expert devant les tribunaux, généralement du côté de la défense de pères accusés d’inceste. Le SAP a suscité de multiples controverses entre les experts des domaines judiciaire, social et de la santé mentale1. La confusion conceptuelle qui entoure le concept de l’aliénation parentale, la quasi absence de soutien empirique à un tel syndrome, de même que les problèmes de fidélité et de validité liées à son diagnostic, amènent plusieurs auteurs à douter de sa validité clinique, voire de son existence (Gagné, Drapeau, & Hénault, 2005). Les psychiatres experts pour le DSM (Manuel Statistique et Diagnostic des maladies mentales utilisé à échelle mondiale) ont refusé de l’y inclure.

L’American Psychological Association (APA) a exhorté les psychologues à être très attentifs face aux cas de violence et à ne pas sous-évaluer les déclarations des enfants (APA, 1996). L’Association Espagnole de Neuropsychiatrie considère le SAP comme une invention et s’est déclarée contre son utilisation dans des contextes cliniques ou judiciaires (2010)2.

Malgré les critiques et les prises de position très claires, le SAP reste toutefois utilisé dans les services sociaux et dans les tribunaux de nombreux pays3.

Dans un paragraphe sur l’occultation des violences conjugales post-séparation, ne peut manquer une mention à la médiation familiale. Non que la médiation soit un outil controversé comme le SAP : il s’agit d’une pratique et d’une profession qui ont leur place dans la gestion des conflits sociaux. Cependant, la médiation peut participer à l’occultation des violences, déjà par ses principes théoriques : en s’inspirant d’un modèle systémique, elle se base sur des notions de circularité des processus, de responsabilité partagée et de neutralité thérapeutique et donc se prête mal à « gérer » des situations de violence (Cresson, 2002). En outre, la pratique de la médiation requiert de la part des deux conjoints qu’ils se concentrent sur le présent et le futur sans vouloir revenir sur le passé et les conflits qui lui sont liés ; le dépôt de plaintes éventuelles ou toute autre démarche judiciaire doit être suspendu. Dans ce contexte, si la femme soulève la question des violences, en faisant valoir par exemple que rencontrer l’ex-mari pour lui confier les enfants la placera dans une situation dangereuse ou bien en exprimant sa crainte qu’il les néglige ou les maltraite, elle enfreint les règles du jeu et risque d’être jugée comme vindicative et rancunière (Radford & Hester, 2006), la même accusation que dans le « SAP » et dans les « fausses dénonciations d’agressions sexuelles incestueuses » dans un contexte de séparation.

Selon de nombreux auteurs, la médiation familiale ne devrait pas être préconisée en cas de violence conjugale (Biletta & Mariller, 1997 ; Kurki-Suonio, 2000 ; Smart & Sevenhuijsen, 1989), un avis réitéré par la députée Marianne Eriksson (1997) dans un rapport au parlement européen. Selon les principes déontologiques établis en France par le Conseil National Consultatif de la Médiation Familiale, la médiation se définit par son caractère volontaire. La garantie de consentement signifie pour les médiateurs-trices « être particulièrement attentifs aux situations d’emprise et violences conjugales ou familiales susceptibles d’altérer le consentement de l’une ou l’autre partie ». Mais, en même temps, l’un des objectifs généraux de la médiation familiale est de favoriser l’exercice commun de l’autorité parentale et « l’affirmation durable des parents quelle que soit l’histoire de leur couple ». Or, il y a une contradiction potentielle entre les deux objectifs énoncés, la médiation pouvant être utilisée même en situation de violence (CNCMF, 2004, cité par Casas Vila, 2009). En fait, il semble bien que, malgré les avis contraires, la médiation soit précisément proposée ou imposée quand il y a eu des conflits majeurs assortis de violences. En dépit des risques connus, les femmes sont souvent soumises à de fortes pressions pour accepter la médiation plutôt que d’entreprendre une procédure judiciaire (Eriksson et al., 2005 ; Kurki-Suonio, 2000 ; Rhodes, 2002). Une étude en Californie a montré que dans plus des deux tiers des cas de médiation familiale imposée par les tribunaux, il y avait des précédents de violence conjugale.

Dans 60% de ces cas, il avait même été difficile de garantir la sécurité des femmes, au point que certaines ont été tuées par leur ex-partenaire alors qu’elles se rendaient à ces rendez-vous de médiation (Beck & Sales, 2001). Au Japon, où cette pratique est obligatoire si un des conjoints ne consent pas au divorce, plus d’un tiers des cas de médiation familiale concerne des situations avérées de maris violents (Yoshihama, 2002). Il est donc probable que, là encore, la médiation familiale soit pratiquée dans les cas où il faudrait qu’elle soit évitée.

Alors que les risques entraînés par cette pratique en cas de violences conjugales sont évidents, les avantages de la médiation par rapport au recours juridique (avocats, procès, etc.) n’ont jamais été démontrés (Beck & Sales, 2001). Les résultats d’une analyse effectuée par l’American Psychological Association, montrent que, à moyen ou long terme, les rapports entre ex-conjoints ayant entrepris une médiation ne sont pas moins conflictuels que les autres, les accords concernant les enfants ne sont pas mieux respectés et c’est dans les mêmes proportions que les divorcés recomparaissent au tribunal pour que soient modifiés les accords précédents (Beck & Sales, 2001).

Bref, il paraît que le principal avantage de la médiation familiale, qui fait que l’on prend le risque de l’utiliser même dans des cas de violences conjugales avérées, soit sa cohérence avec le modèle du « bon divorce » dans lequel les conjoints placent au second plan leurs différends « pour le bien de l’enfant » ; le bien en question, on l’entend a priori comme devant être associé à la conservation d’un rapport entre les deux parents, le plus souvent sous la forme de la garde conjointe ou de coparentalité. Ce principe idéologique prévaut sur une analyse objective des risques et des bénéfices (Cresson, 2002). À cet effet, Donald Saposnek, pionnier de la médiation familiale et directeur du Family Mediation Service de Santa Cruz en Californie où, depuis 1981, la médiation est imposée par le tribunal en cas de conflits au sujet des enfants, a reconnu que souvent ce procédé peut pénaliser les femmes et mettre en péril le bien-être des enfants (Saposnek, 1998).

1 Pour une discussion, voir Gagné, Drapeau et Hénault (2005) ; Myers, 1997 ; Romito, 2006 ; Romito & Crisma, 2009.

2 http://www.aen.es/docs/Pronunciamiento_SAP.pdf, consulté en septembre 2010. La revue internationale de l’éducation familiale, n°29, 2011

En Italie, une proposition de loi est en discussion, dans laquelle l’on affirme que « la littérature scientifique a désormais montré l’existence de ce syndrome ainsi que son remède principal, le fait de priver le parent « aliénant » de sa puissance parentale » (traduction de l’auteure). Il s’agit d’une loi soutenue par des Associations de pères séparés http://www.senato.it/service/PDF/PDFServer/BGT/00326101.pdf, consulté en  septembre 2010. 

Conclusion

La violence conjugale post-séparation est fréquente, souvent très grave, et représente un obstacle majeur à ce que les femmes et les enfants qui ont subi des violences puissent retrouver leur sérénité et s’engager activement vers une nouvelle vie. Malheureusement, cette violence reste en grande partie occultée, notamment par le refus de la part d’institutions comme les services sociaux et de santé, les magistrats et les media d’accepter de la voir. Par conséquent, femmes et enfants se trouvent parfois démunis sans aide et sans soutien. Selon le théologien Michael Downd : « Imaginer la vie quotidienne d’une femme battue par son partenaire dépasse l’entendement de l’individu moyen et […] l’attitude qui consiste à nier l’histoire de cette femme peut être plus commode que celle de la regarder en face» (Dowd, in Romito, 2006, p. 199). Tant que cette attitude ne sera pas reconnue, mise en discussion et rejetée, le bien-être et même la survie des victimes de ces violences ne pourront pas être assurés. »

 

Fiction futuriste féministe : « Les fauteuils-bulle de Carlton Beach »

Cette courte fiction futuriste aborde avec humour la question complexe de la famille en traversant différents types de sociétés : patriarcat, matriarcat et une société avec contrôle  absolu sur les familles.

L’histoire débute au temps du matriarcat. Deux femmes se racontent la violence qu’ont vécue les familles sous le régime du patriarcat et le soulagement qu’elles éprouvent à vivre dans une société qui préserve les femmes et les enfants. Cette société semble fonctionner parfaitement, même, et peut-être surtout, si les hommes ont à gérer leur frustration d’avoir perdu leur pouvoir sur la famille.

Pourtant, la rencontre d’une femme et d’un homme va faire basculer cette société si paisible. Naît alors une nouvelle société dans laquelle femmes et hommes sont égaux et se partagent le pouvoir. Malheureusement, ce 50 % de pouvoir restitué à l’homme va réenclencher sur le champ la violence masculine et impliquer le contrôle des familles, avec mise en place d’une surveillance et de procédures drastiques. Cette société de type « Big Brother des familles » éradique rapidement la violence. Mais à quel prix !

L’histoire se termine par une nouvelle rencontre entre une femme et un homme, avec le sentiment d’un risque imminent de nouveau basculement. Mais vers quel type de société ? Le matriarcat (pouvoir aux mères) ? Le patriarcat (pouvoir aux pères) ? Ou la gynocratie (pouvoir aux femmes) évoquée brièvement dans cette fiction ? Une société gouvernée par les femmes respecterait la vie sous toutes ses formes, contrairement à une androcratie (pouvoir aux hommes) qui n’est que violence, destruction et mort, tant au niveau humain qu’écologique.

Finalement, cette fiction montre combien l’équilibre d’une société est fragile et combien il suffit d’un rien, même d’une simple rencontre, pour plonger dans des modèles absurdes ou reproduire de vieux schémas.

Fauteiul bulle

Les fauteuils-bulle de Carlton Beach

6 juillet 2055, 20h. Sophie est tranquillement installée dans un fauteuil-bulle sur la terrasse qui surplombe la plage artificielle de Carlton Beach. Sirotant une boisson légèrement âpre, elle regarde les hommes qui passent devant elle pour se rendre sur la plage. Par lequel de ces hommes a-t-elle envie d’être ensemencée ? Elle le veut beau, fort et intelligent.  La beauté et la force sont faciles à repérer. Mais l’intelligence ? Il va falloir lui parler un peu, faire un peu de conversation pour savoir, se dit-elle. Corvée, oui, mais indispensable pour être sûre qu’il s’agit du bon géniteur.

Soudain, Sophie croise le regard d’un homme adossé nonchalamment contre sa voiture-navette. Comme électrisée par ce contact, elle chavire un peu, mais reprend vite ses esprits.  Elle lui fait signe de s’approcher. Il hésite un instant, puis se dirige vers elle.

—     Que veux-tu ? Pourquoi me fais-tu signe ? dit-il à Sophie.

—     J’ai aimé croiser ton regard, lui répondit-elle. Comment t’appelles-tu ?

—     Philippe. Et toi ?

—     Sophie. Veux-tu t’asseoir un moment près de moi ?

—     Que veux-tu Sophie ? Cherches-tu uniquement un géniteur ?

—     Bien sûr. Y vois-tu un inconvénient ?

—     Oui, Sophie. Tu es belle et désirable, mais tu ne t’intéresses qu’à ma semence. Je te laisse chasser une autre proie !

Faisant demi-tour pour revenir à sa voiture-navette, Philippe songe à son désir d’enfant qui devient toujours plus intense. Comment faire ? Aujourd’hui, les femmes recherchent des hommes uniquement pour leur semence. Une fois enceintes, elles disparaissent pour éviter que le géniteur ne leur enlève leur enfant. Comme la grande majorité des hommes d’aujourd’hui, Philippe n’a plus envie de sexe. Il est devenu méfiant envers les femmes, se sent utilisé par elles. Il ensemence encore et encore, mais aucune femme ne lui donne d’enfant. Il y a bien sûr des mères porteuses, mais elles sont trop peu nombreuses pour satisfaire tous les hommes en demande d’enfant.

Sophie sourit en entendant le mot « proie ». Philippe n’a pas tort : elle chasse un géniteur. L’insémination artificielle a été abandonnée. Les femmes n’en veulent plus. Le géniteur de leur futur enfant doit être sélectionné avec soin, dans le contact. Et aujourd’hui, ce n’est pas tâche facile. Les hommes ne veulent plus de sexe. Ils craignent d’être utilisés comme des inséminateurs sans jamais voir leurs enfants.

Une main se pose sur son épaule. Sophie se retourne et voit le doux sourire de son amie Jade qui vient la rejoindre.

—     Comment vas-tu Sophie ? As-tu trouvé un géniteur ?

—     Pas encore, chère Jade. J’espère qu’il ne tardera pas trop. Je suis en pleine ovulation et mon désir de sexe est si intense que je sauterais sur n’importe quel homme. Mais je dois freiner mon désir et choisir le bon géniteur. Les hommes sont devenus si méfiants de nos jours. Sais-tu qu’un homme superbe vient de se refuser à moi ?

—     Non, où est-il ?

—     Là-bas, adossé à la voiture-navette bleue, près de la plage. Tu le vois ?

—     Ah oui, bel homme, c’est vrai. Il ressemble un peu au géniteur de ma fille aînée. Tu as bon goût Sophie ! dit-elle dans un éclat de rire en se laissant aller avec plaisir dans le fauteuil-bulle à côté de son amie.

Jade a trois beaux enfants, une fille et deux garçons, issus de trois géniteurs différents. Olympe, Théophile et Daisuke vivent tous les trois avec leur mère. Ils ne connaissent pas leur père, mais sont entourés de nombreux hommes et garçons : les compagnons de leur mère, les oncles maternels, les professeurs d’école, les compagnons de classes, etc.

—     Te souviens-tu Sophie de ce que nos grand-mères nous racontaient ?

—     Oui, dans les Temps Anciens, les mouvements masculinistes avaient réussi à installer de force le patriarcat, même en dehors des liens du mariage. Lors des séparations, la garde des enfants était alors le plus souvent donnée aux pères et les mères se retrouvaient sans leurs enfants.

Sophie eut un frisson d’horreur en pensant à ces Temps Anciens.

—     Je sais Jade. Comment ces femmes ont-elles pu supporter cela ?

Jade approuva en soupirant.

—     Aussi étrange que cela paraisse Sophie, les femmes n’ont rien vu venir. Tout avait commencé à la fin du 19ème siècle par la création de théories psychologiques patriarcales qui se sont attaquées fortement à l’image de la mère. Ces dernières étaient montrées comme de grandes dévoreuses de psyché d’enfant, perverses et destructrices. Simultanément se développaient les mouvements féministes qui réclamaient des droits égaux pour les femmes. Vers le milieu du 20ème siècle, les familles commencèrent à exploser. Au début, lors des séparations, dans la majorité des cas, les mères obtenaient la garde des enfants. Le patriarcat semblait donc avoir perdu de sa puissance. C’est alors que se sont créés les mouvements masculinistes qui ont œuvré à tous les niveaux de la société pour rétablir le patriarcat et la toute-puissance du père dans la famille.

—     Mais pourquoi les femmes n’ont-elles pas réagi ? pensa Sophie.

—     Un peu plus tard ont été créées de nouvelles théories du développement affirmant que mère et père étaient interchangeables, ceci depuis le plus jeune âge. Finalement, il était admis par tous qu’un enfant élevé par son père aurait un meilleur équilibre psychique qu’un enfant élevé par sa mère. On a donc progressivement enlevé les enfants aux mères, considérant qu’elles étaient toxiques et négatives pour les enfants.

—     Je m’en souviens, Jade. La première étape de ce processus fut d’imposer la garde partagée et la résidence alternée lors des séparations, même pour les couples non mariés.

—     Exactement, Sophie. Et selon ma grand-mère, cette solution de garde partagée et résidence alternées s’est révélée catastrophique. L’éloignement précoce d’avec la mère et le fait de passer sans cesse d’un lieu de vie à un autre s’est révélé préjudiciable à l’équilibre psychique des enfants. Ils étaient dans une grande insécurité et des troubles psychiques importants en découlaient[1].

—     Mais cette époque de garde partagée n’a pas duré longtemps. Très vite les enfants furent confiés exclusivement aux pères dans la grande majorité des cas. Je ne me trompe pas Jade ?

—     Malheureusement non, Sophie. Et cette séparation précoce d’avec la mère engendra des êtres abandonniques et insécures, avec des failles narcissiques béantes. S’en suivirent de graves désordres psychologiques, ainsi qu’une augmentation importante de la violence et de la perversion, notamment à l’encontre des enfants.

—     Sais-tu, Jade, que ma mère était une mère porteuse ? Elle m’a confiée à mon père dès ma naissance, puis a disparu.

—     Oui, tu m’en as déjà parlé, Sophie. Tu m’avais confié à quel point l’abandon de ta mère fut une grande souffrance pour toi et combien fut difficile le chemin pour te construire.

Elles restèrent un instant silencieuses. La soirée était belle. Les couleurs du ciel s’assombrissaient. Une brise légère balançait délicatement leurs fauteuils-bulle.

—     Ta grand-mère est psychothérapeute, n’est-pas Jade ?

—     Oui, tu as une bonne mémoire, Sophie.

Un serveur posa devant Jade sa boisson préférée. Elle le remercia d’un signe de tête et poursuivit.

—     Dès que j’ai été en âge de comprendre, ma grand-mère m’a raconté cette histoire des Temps Anciens.

—     Mais Jade, comment en est-on arrivé à donner systématiquement la garde exclusive aux pères ? C’est inimaginable !

—     Comme je te le disais Sophie, c’est arrivé très progressivement, sans que personne ne s’en aperçoive. L’Etat avait fini par prendre le pouvoir sur les familles qui se déchiraient pour la garde des enfants. Les mouvements masculinistes se sont alors solidement implantés dans toutes les instances de l’Etat en créant simultanément les nouvelles théories du développement dont je te parlais tout à l’heure.

Une voiture-navette passa au-dessus d’elles et se posa silencieusement sur la plage. De la terrasse, elles n’entendaient que le clapotis de l’eau et quelques éclats de rires.

—     Ces théories prétendaient donc que le père pouvait sans problème remplacer la mère dès la naissance. C’est bien ça, Jade ?

—     Oui, Sophie. Aussi absurde que cela paraisse aujourd’hui,  ces théories disaient cela ! Soutenus par ces théories et un état masculiniste tout puissant, les pères obtenaient donc presque toujours la garde exclusive de leurs enfants.

—     Même pour les bébés de moins d’un an ?

—     Oui, même eux. Comme les couples restaient ensemble très peu de temps, les enfants partaient souvent vivre avec leur père dès les premiers mois.

—     Ta grand-mère a-t-elle été confrontée dans sa pratique de psychothérapeute à la souffrance de ces enfants séparés précocement de leur mère ?

—     Elle ne m’en a jamais parlé ! Ma grand-mère restait très discrète sur sa pratique.  Néanmoins, un jour où elle semblait très découragée, elle m’a dit avoir observé une augmentation importante des psychoses et états limites.

Ma grand-mère était si triste ce jour-là, pensa-t-elle, émue par ce souvenir. Jade porta à sa bouche son long verre-paille lumineux. Le liquide frais et pétillant s’écoula dans sa gorge. Sophie attendit que le verre-paille s’éteigne.

—     Tu m’avais aussi raconté, Jade, qu’au bout du compte, deux projets de société avaient fini par émerger : la GPA et la PMA.

—     Exactement. Et ces deux projets signèrent la fin des Temps Anciens, car les femmes comprirent enfin qu’elles devaient réagir.  Tout avait commencé par le désir des couples lesbiens d’avoir un enfant au moyen de la PMA ou « procréation médicalement assistée ». Ce projet féministe engendra vite un désir identique de la part des hommes qui exigèrent un soi-disant droit équivalent : la GPA ou « gestation pour autrui », plus communément nommé « mères porteuses ». Or PMA et GPA sont deux pratiques bien différentes : techniquement d’abord, puis en termes de projet de société et surtout de conséquences pour la condition des femmes. En effet, la PMA utilise une semence, alors que la GPA utilise une femme. Il s’agissait donc d’un dispositif dangereux pour les femmes. Elles en prirent peu à peu conscience.

—     Et la suite, nous la connaissons, Jade. Les femmes ont alors compris qu’elles devaient combattre pour retrouver leur place de mère. Et c’est grâce à leur combat que nous en sommes là aujourd’hui.

Sur ces mots apaisants, Sophie se retourna tout à coup. Elle venait d’apercevoir un homme assis à la table voisine. Était-il là depuis longtemps ? Il semblait rêver, un livre posé sur ses genoux. Jade sourit à Sophie.

—     Il te plaît ?

—     Oui, tu as deviné, dit-elle en riant. Nos discussions ne m’ont pas fait perdre mon désir et mon besoin de géniteur.

—     Alors je me sauve Sophie. Place à ton désir !

Après avoir embrassé Sophie, elle s’en alla discrètement. L’hôtel Carlton Beach était à présent rempli de monde. Les lumières de la coupole s’étaient allumées comme par enchantement, offrant un ciel étoilé de toute beauté.

—     Bonsoir. Puis-je m’asseoir près de vous ?

Les yeux dans les étoiles, Sophie ne l’avait pas vu approcher. Elle sursauta légèrement.

—     J’ai entendu votre conversation avec votre amie.

Sophie lui montra le fauteuil-bulle et l’invita à prendre place auprès d’elle.

—     J’étais moi-même curieuse de savoir ce que vous lisiez, dit-elle.

—     Oserais-je vous demander votre prénom ?

—     Sophie. Et vous ?

—     William. Enchanté, Sophie !

—     Enchanté, William ! Alors ce livre ?

Pendant ce bref échange, Sophie avait pris le temps d’observer cet homme. Il était plutôt grand, sportif, la peau cuivrée, les yeux bleus et les cheveux châtains. Un bel homme. Et quel charme, se dit-elle.

—     C’est un livre qui devrait vous intéresser, je pense.

William tendit le livre à Sophie. Elle lut avec surprise: Le Droit maternel.

—     Son auteur est Bachofen, un philologue et sociologue suisse, poursuivit-il. C’est le grand théoricien du matriarcat. Dans son ouvrage qui date de la fin du 19ème siècle[2], Bachofen étudie notamment la matrilinéarité[3] et la gynocratie[4].

 Bachofen

Johann Jacob Bachofen

—     Vous vous intéressez à ce thème, William ?

—     Oui. Ma grand-mère m’en parlé pendant de longues heures. Sa passion pour l’histoire et l’humain l’avait  amenée à étudier l’histoire des religions anciennes, notamment la religion de la Grèce Antique dont Bachofen parle dans son ouvrage. Elle me racontait comment vivaient les anciens, comment le patriarcat et le matriarcat s’étaient développés. Et en l’écoutant, je comprenais que les femmes et les hommes ne s’étaient jamais rencontrés vraiment. Le matriarcat d’aujourd’hui prend sa source dans l’Antiquité et les peuples primitifs. Le saviez-vous ?

Quel homme surprenant, songea-t-elle. Beau, fort, intelligent, s’intéressant au matriarcat et à ses sources

—     A quoi pensez-vous, Sophie ? Vous ne m’écoutez pas ?

Non, elle ne l’écoutait plus. Elle avait fermé les yeux et écoutait avec délice la voix de William. Le désir avait enflammé tout son corps. Elle avait trouvé son géniteur. Il était là. Elle pouvait enfin se laisser aller.

—     Sophie, rentrons à l’hôtel. Ma chambre est au 125ème étage. Et la vôtre ?

—     Au 125ème !

—     Mon numéro de chambre est le 45. Et vous ?

—     44 !

—     Nous devions nous rencontrer, Sophie !

—     Oui, William !

Les fauteuils-bulle de la terrasse étaient déjà vides, flottant doucement, bercés par la bise fraîche de Carlton Beach.

75 ans plus tard

6 juillet 2130, 20h. Sur la terrasse qui surplombe la plage artificielle de Carlton Beach, une assemblée attend le dévoilement de la statue hologramme de Sophie et William, premier couple des Temps de la Régulation.

Tous retiennent leur souffle. Comme suspendu en l’air, l’hologramme apparaît progressivement. Sophie et William sont là, assis dans leurs deux fauteuils-bulle, comme au premier jour de leur rencontre. On avait retrouvé ces images dans les caméras-mémoire qui balayaient en continu l’espace depuis le haut de la coupole étoilée de l’hôtel.

Quelques secondes plus tard, une inscription lumineuse vient couronner Sophie et William :

Après les Temps Anciens dominés par les hommes (patriarcat), puis les Temps Nouveaux dominés par les femmes (matriarcat), Sophie et William créèrent les Temps de la Régulation où la domination disparut pour laisser la place au plein engagement du couple pour élever ses enfants.

Née il y a 74 ans, Crystal, premier enfant des Temps de la Régulation, s’approche de ses parents virtuels et les embrasse tendrement. Au milieu de l’assemblée, les descendants du couple semblent fascinés par la statue hologramme qui redonne vie au couple originel.

Un homme vêtu d’un costume à carreaux fluorescents s’avance vers Crystal, la salue respectueusement et lui demande :

—     Chère Crystal, pourriez-vous nous dire à l’occasion de cette cérémonie quels sont les éléments qui ont permis qu’adviennent les Temps de la Régulation ?

—     Votre question m’honore, cher Isadore. Vos recherches ont largement contribué à ce projet de société. Je vais tenter d’y répondre en toute simplicité. N’hésitez pas à m’interrompre, si vous le souhaitez.

—     Nous vous écoutons, Crystal !

Comme il est grand, se dit-elle, en prenant doucement appui sur le bras d’Isadore. Elle reste un instant en silence rassemblant ses forces et ses pensées. Puis sa voix étonnamment puissante s’élève.

—     Vous le savez tous, chère famille et chers amis, les Temps de la Régulation furent l’aboutissement d’une évolution naturelle au cours de laquelle l’être humain a progressivement atteint sa maturité, son état d’adulte. Il en vint ainsi à penser en termes de société et non plus en termes d’individu.

A ces mots, l’assemblée applaudit vigoureusement. Quel bonheur qu’ils soient tous là, pense Crystal. Elle leur sourit et poursuit son récit.

—     Les femmes et les hommes comprirent par exemple que les conditions dans lesquelles les enfants naissent et grandissent sont fondamentales pour l’équilibre de toute société. Ils eurent conscience que la première cause de déséquilibre étaient les séparations et les conflits de couple. Un enfant a besoin de sa mère et de son père ensemble, sous le même toit, et non séparés, comme on le prétendait dans les Temps Anciens.

—     Et comment réussirent-ils à mettre en place ces conditions favorables pour les enfants ?

—     Eh bien, Isadore, ils créèrent tout simplement des lois pour que les couples s’engagent pleinement et durablement pour élever leurs enfants ensemble.

Tous les regards se tournent soudain vers la plage. Une très ancienne voiture-navette de couleur bleue vient de se poser dans un bruissement d’air et un rugissement de vagues. Isadore soupire. Ces antiquités volantes sont si bruyantes, se dit-il.

—     En quoi consistent ces lois, Crystal ? Veux-tu nous le rappeler ?

—     Ces lois sont drastiques et incontournables, comme tu le sais, Isadore. Aucune exception n’est admise. Lorsqu’une femme et un homme décident d’avoir un enfant, ils doivent s’engager à vivre ensemble pendant 18 ans. De la conception de l’enfant jusqu’à ses 18 ans, ils n’ont ni le droit de se séparer, ni le droit de mourir.

Le clapotis de l’eau sur la plage artificielle a repris sa douce musique. Qui est cet homme ? se demande Crystal, en voyant le conducteur sortir de sa voiture-navette anachronique et remonter vers la terrasse. Il semble très jeune. Sa démarche est à la fois élégante, sportive et presque féline.

—     Il est vrai, Crystal, que depuis la fin des Temps Anciens, plus personne ne décède de maladie ou de vieillesse.

—     Exactement. Dans les années 2040, la médecine régénératrice et la connaissance du système immunitaire ont fait un spectaculaire bond en avant. A partir de ce moment-là, les organes défectueux ont simplement été remplacés et les agents pathogènes rendus inoffensifs. Grâce à ces avancées, le moment de la mort pouvait être désormais choisi en pleine conscience. Avec les lois des Temps de la Régulation, ce choix n’était possible qu’une fois les enfants devenus autonomes.

Un vol d’oiseaux-papier Origami passe en silence au-dessus de la terrasse. La statue hologramme est toujours là. Crystal regarde ses parents assis paisiblement dans leurs fauteuils-bulle, semblant écouter le récit de leur premier enfant conçu ce soir-là.

—     Veux-tu que je continue, Crystal ?

—     Non, Isadore. Je dois maintenant vous parler de la seconde cause de déséquilibre dans les sociétés des Temps Anciens : la maltraitance des enfants et les abus sexuels sur enfants.

—     Il a donc fallu créer d’autres lois, n’est-ce pas, Crystal?

Elle sursaute légèrement en croisant le regard de l’homme de la voiture-navette. Il est maintenant adossé à une colonne de la terrasse, écoutant attentivement son récit.

—     Oui. Il a fallu créer d’autres lois drastiques pour s’assurer qu’il n’y ait ni maltraitance ni abus sexuel pendant ces 18 années dans le huis clos familial. Encore une fois, c’est la science qui a permis l’existence de ces lois puisqu’elle a découvert que maltraitance et abus sexuel laissent une trace dans l’ADN. Grâce à cela, des lois furent créées pour que les familles soient régulièrement soumises à des tests ADN.

—     Et si une trace suspecte est découverte dans l’ADN d’un membre de la famille, que se passe-t-il, Crystal ?

—     Dans ce cas-là, Isadore, une équipe de psychothérapeutes est immédiatement dépêchée sur place pour expertiser et suivre la famille. Simultanément, des caméras-mémoire sont installées et une surveillance permanente de la famille est mise en place.

Il est maintenant 22h. La nuit est tombée sur Carlton Beach. La coupole étoilée brille intensément et la longue robe de strass de Crystal scintille de mille feux.

—     A mon grand étonnement, Crystal, ces lois se sont révélées très dissuasives et le taux de maltraitance et d’abus sexuels a rapidement diminué.

—     C’est vrai, Isadore. J’ai moi-même été surprise par ce succès. J’ai fini par comprendre que les familles n’avaient visiblement aucune envie de voir arriver des d’équipes de psychothérapeutes chez eux et d’être surveillées en permanence par des caméras-mémoire.

—     Me permets-tu de rappeler quelques chiffres, Crystal ?

—     Bien sûr, Isadore. Quelques chiffres sont parfois plus éloquents que mille mots.

Pendant qu’Isadore poursuit, Crystal observe attentivement le jeune homme de la voiture-navette. Pourquoi m’écoute-t-il avec tant d’attention ? Serait-il le descendant de cet homme que ma mère a rencontré le soir de ma conception ? Aurait-il finalement trouvé une mère porteuse ?

—     Alors revenons aux Temps Anciens, Crystal. Selon des chiffres retrouvés au cours de mes recherches, une femme sur cinq vivait de la violence conjugale et familiale[5] et un enfant sur cinq était abusé sexuellement par une personne de son entourage[6]. Donc, dans le cadre familial, 20% des femmes subissaient de la violence et 20 % des enfants subissaient des abus sexuels. De nombreuses études ont alors permis de faire le lien entre violence, qu’elle soit conjugale ou familiale, et abus sexuels.

L’assemblée écoute Isadore bouche-bée, comme émerveillée par son récit et l’air surnaturel de son costume à carreaux fluorescent.

—     Aux Temps de la Régulation, selon le Conseil de Surveillance des Familles, une femme sur 100’000 vit de la violence conjugale et familiale. Et toujours selon le CSF, un enfant sur 100’000 est abusé sexuellement.

—     La violence intrafamiliale a donc fortement diminué. Cela a eu des conséquences bénéfiques sur les individus et sur la société. N’est-ce pas, Isadore ?

—     Oui. Les pathologies psychiques et la violence ont fortement diminué, car les enfants trouvent dans leur famille la sécurité affective nécessaire et ne subissent quasiment plus de maltraitance et d’abus sexuels.

L’inscription lumineuse au-dessus de la statue hologramme disparaît peu à peu. Il est l’heure de terminer, pense Crystal.

—     Le métier de psychothérapeute s’est donc considérablement transformé, n’est-ce pas, Isadore ?

—     Tout à fait, Crystal. Aux Temps de la Régulation, les psychothérapeutes interviennent rarement dans les familles et n’ont quasiment plus de pathologies à traiter. En plus du rôle dissuasif qui leur est attribué, ils soutiennent les personnes dans leur choix de partenaire pour 18 ans de vie commune et les aident à être toujours plus conscientes de leur responsabilité dans la société.

L’assemblée applaudit à nouveau chaleureusement. Pour clore la cérémonie, Romain, le fils de Crystal s’avance et déclame en souriant :

—     Ils furent heureux et eurent beaucoup d’enfants heureux, de petits-enfants heureux et d’arrières-petits-enfants heureux.

La statue hologramme s’estompe doucement. Les invités bavardent entre eux et la terrasse de Carlton Beach retrouve peu à peu son aspect habituel. Le jeune homme de la voiture-navette se redresse, traverse la terrasse d’un pas décidé et va s’asseoir dans un fauteuil-bulle. En face de lui, Rubis, la petite-fille de Crystal se balance les yeux mi-clos dans un autre fauteuil-bulle.

—     Vous vous appelez Rubis, n’est-ce pas ?

—     Oui et vous ? Ne seriez-vous pas Philémon Perlsman, le célèbre chercheur en psychologie-matrimoniale ?

—     C’est exact, dit-il en riant. Le mot « célèbre » est peut-être un peu fort !

Heureuse de cette rencontre, Rubis lui sourit. Nous travaillons donc dans la même faculté, songe-t-elle.

—     Vous semblez bien rêveuse, Rubis.

—     Je ne rêve pas Philémon, je goûte à cet instant présent en votre compagnie.

—     Alors goûtons-le ensemble, chère Rubis. Il y a longtemps que j’attends cette rencontre.

Fin

Marianne Kuhni

14 février 2013

Le 14 février 2013 est le jour du premier « One Billion Rising », manifestation planétaire où un milliard de femmes se sont levées pour que cessent les violences envers les femmes.                                                                   

(Tous droits réservés)

Bibliographie

BACHOFEN, Johann Jakob, Le Droit maternel, 1861.

BLAIS, Mélissa, DUPUIS-DÉRI, Francis, Le mouvement masculiniste au Québec. L’antiféminisme démasqué, Les Éditions du remue-ménage, Montréal, 2008

FRIEDAN, Betty,  The Feminine Mystique, Dell, New York, 1963

MULLER, Catel, BOCQUET, José-Louis, Olympe de Gouges, Collection Ecritures, Casterman, 2012

PHÉLIP, Jacqueline, BERGER, Maurice, Divorce, séparation : les enfants sont-ils protégés?, Collection: Enfances, Dunod, Paris, 2012

SANGER, Margaret, Woman and the New Race, Brentano’s, New York, 1920

TENN, William, The Masculinist Revolt, Mercury Press, New York, 1965

AGACINSKI, Sylviane, Corps en miettes,  Flammarion, Paris, 2009


[1] PHÉLIP, Jacqueline, BERGER, Maurice, Divorce, séparation : les enfants sont-ils protégés ? , Collection: Enfances, Dunod, Paris, 2012

[2] BACHOFEN, Johann Jakob, Le Droit maternel, 1861

[3] Le lignage passe par la mère. On retrouve un modèle résiduel de la famille matrilinéaire dans le peuple juif dont l’appartenance passe par la mère.

[4] L’hérédité du pouvoir se transmet de mère en fille.

[5] Amnesty International, campagne « Stop à la Violence Conjugale, » 2011

[6] Conseil de l’Europe, campagne pour lutter contre les violences sexuelles sur les enfants et améliorer la coopération internationale dans la poursuite des criminels, 2010

Manifeste des mères survivantes au meurtre de leur(s) enfant(s) par leur ex-conjoint et père biologique

Six mères survivantes du meurtre de leurs enfants par leur ex-conjoint ont adressé un manifeste au gouvernement du Québec, afin de développer des mesures pour prévenir et accompagner les mères confrontées à ce type de situation.

L’article du 7 décembre 2013 de Sisyphe à propos de ce manifeste : Le manifeste des mères survivantes

Le PDF de ce manifeste publié en décembre 2013 : Manifeste des survivantes

Début du manifeste : « Le meurtre de nos enfants, par leur propre père, notre ex-conjoint, quelqu’un avec qui nous avons partagé un jour nos vies, notre corps, notre intimité, ne nous a pas laissées que sans voix ; c’est un acte qui nous a tranché la gorge de part en part, nous coupant le souffle, nous coupant l’accès à notre cœur… Il ne nous reste que nos pensées, où tournoient l’absurdité, le surréalisme, le froid de l’existence pure, dénuée de tout sentiment. On pleure et on meurt et, pendant un certain temps, là se résume notre expérience de l’existence. Quand on récupère notre cœur, on pleure et on meurt… Les souvenirs, la culpabilité, le manque, la détresse et le désespoir nous envahissent complètement, nous submergent et on tombe dans une chute qui semble sans fin, sans fond. Puis vient le jour où l’on revoit le monde… dans un corps étranger, où l’on doit cohabiter avec un inconnu, cet autre alter ego prévu pour les scénarios apocalyptiques, que nous ne connaissons pas et qui nous fait peur. A-t-il connu nos enfants ? A-t-il déjà aimé un monstre ? Fait-il confiance au monde ? M’aidera-t-il à vivre ou à mourir ? »

 Image

Manifeste des survivantes

Autres passages du début du manifeste : « Pour nous toutes, ces actes terribles ont été commis dans un contexte où des procédures légales au sujet d’un ou des enfants et/ou une séparation conjugale étaient en cours. »

« Dans notre groupe, les responsables de l’assassinat de nos enfants sont les ex-conjoints, qui sont les pères biologiques de ces derniers. La raison pour laquelle nous nous arrêtons à cette dynamique particulière n’est pas de nature discriminatoire, mais est plutôt issue de notre vécu spécifique. »

Plus loin dans leur manifeste, les mères survivantes formulent plusieurs demandes :

« I. Reconnaissance du statut de victime par l’IVAC

II. Une indemnisation de 50 000 $ par enfant assassiné, montant rétroactif jusqu’en 1972

III. De l’aide psychologique et psychiatrique à vie

IV. De l’aide à l’intégration à l’emploi

V. Simplification du processus et meilleur accompagnement de la part du réseau CAVAC

VI. Respect total des exigences du parent survivant quant à la disposition des dépouilles des enfants assassinés

VII. Une meilleure formation et concertation des intervenants sociaux et judiciaires en matière de violence conjugale, particulièrement de la DPJ

VIII. Transfert de la succession du meurtrier au conjoint survivant ou à la famille de ce dernier, une mesure dissuasive

IX. Révision des politiques d’intervention de la DPJ »

Le point VIII (transfert de succession au conjoint survivant ou à sa famille) est une mesure fondamentale qui peut empêcher un homme violent de tuer ses enfants : « Pour nous toutes, les meurtres de nos enfants ont été perpétrés comme mesures de représailles à notre égard. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seules. Dans le documentaire Les Survivantes, la chercheuse Suzanne Léveillée, spécialisée en meurtres intrafamiliaux, avance que 80% des hommes qui tuent leurs enfants après une séparation ou dans le cadre de conflits entourant la garde des enfants, passent à l’acte comme mesure de représailles envers la mère.

Ces hommes, dont plusieurs sont atteints de troubles de la personnalité, ne veulent qu’une chose : déposséder la mère de tout.

Ainsi, nous sommes persuadées que si, dans un cas authentifié comme étant de nature criminelle, les biens et les avoirs du meurtrier pouvaient être détournés de la succession au profit du conjoint survivant, cela aurait pour effet de dissuader certains parents aux prises avec une rage meurtrière de mettre leur plan funeste à exécution.

Le conjoint dangereux ne pourrait supporter l’idée qu’en tuant les enfants, le parent survivant hérite de tous ses biens et avoirs.

En somme, cet amendement suggéré vise essentiellement à « prendre à son propre jeu diabolique » le conjoint violent et à mettre en échec sa stratégie morbide. »

Le point VII (meilleure formation des professionnels à propos de la violence conjugale) est aussi capital : « Pour celles d’entre nous ayant cherché de l’aide avant que leurs enfants ne soient assassinés, elles ne se sont pas senties écoutées ou entendues par différentes ressources clés, qui auraient pu changer les choses dans le déroulement des événements.

La crédibilité accordée aux plaintes concernant notamment les appréhensions, peurs, inquiétudes avant le drame, est d’une importance cruciale.

Cependant, les menaces et les comportements suspicieux/inquiétants ne retiennent pas une attention et une considération adéquates.

Malgré les recours auxquels nous pensions pouvoir nous tourner et la dénonciation de nos appréhensions, de comportements inquiétants de l’ex-conjoint, de menaces de nature suicidaire et morbide sur la vie de nos enfants, aucune mesure sérieuse, proportionnelle avec la gravité de la situation, n’a été prise.

Pourtant, les instances vers lesquelles nous nous sommes tournées ont comme mandat la protection et la sécurité des individus, la protection des enfants, le respect des droits, le soutien en situation de crise.

Ainsi, nous avons demandé de l’aide à nos avocats, aux services policiers, aux travailleurs sociaux, à la DPJ, mais aucune de ces ressources ne nous a permis, même un tant soit peu, de nous sentir en sécurité ou de nous assurer que nos enfants seraient protégés.

Dans le cas où des conjoints(es) sont effrayés(es) et appréhendent que du mal soit fait à leurs enfants, une investigation devrait être mise en branle pour se pencher sérieusement sur la situation. (…)

Une personne ressentant une peur vive et profonde pour la sécurité de son enfant ressentira du soulagement et un sentiment de sécurité par une telle mesure. En effet, il y a des situations où certaines d’entre nous ont dû laisser aller leurs enfants avec le père, alors qu’elles étaient parfaitement conscientes du danger de mort qui planait sur eux, que des menaces claires avaient été proférées, en raison des droits du père sur son enfant.

Les lacunes évidentes quant à la sécurité avant le drame sont un élément qui a été vigoureusement soulevé dans notre groupe. Et nous ne sommes pas les seules.

En 1997, le coroner Jacques Bérubé écrivait dans un rapport sur les meurtres de Françoise Lirette et de son fils de 14 ans, tués par l’ex-conjoint et père des victimes : «L’incompréhension du phénomène social qu’est la violence conjugale, écrit le coroner, a fait en sorte qu’un individu a harcelé pendant des mois son ex-conjointe, l’a menacée de mort à plusieurs reprises, en a informé plusieurs personnes et intervenants sociaux, avec le résultat que personne ne l’a réellement pris au sérieux, à l’exclusion d’un seul témoin, et qu’il a pu mettre à exécution son funeste projet.»

Jacques Bérubé en appelle à une meilleure formation. «Que le gouvernement du Québec prenne les moyens nécessaires pour s’assurer que tous les intervenants sociaux, médicaux et judiciaires bénéficient d’une formation continue adaptée à leurs mandats spécifiques. Cette formation doit être orientée de manière à assurer une réelle et efficace complémentarité entre les ressources… (…) »

Par ailleurs, l’une des recommandations du comité d’experts sur les homicides intrafamiliaux, dont le rapport a été déposé en novembre 2012 au ministre de la Santé et des Services sociaux et ministre responsable des aînés, va aussi dans ce sens : «Offrir une formation spécifique sur les homicides intrafamiliaux (repérage et intervention) aux intervenants concernés.»

Les violences envers les femmes et les enfants

Article mis à jour le 10 mai 2020.

Pour avoir une idée de l’ampleur des violences envers les femmes et les enfants, le mieux est de s’en remettre aux chiffres de diverses études et de lire des publications féministes sur ce thème puisque les féministes ont été les premières et souvent les seules à dénoncer ces violences masculines systémiques envers les femmes et les enfants.

Toutefois, malgré ces chiffres et ces publications, les violences envers les femmes et les enfants restent largement invisibilisées en raison d’un manque de volonté ou plutôt d’une forte résistance de nos sociétés patriarcales qui se perpétuent exclusivement par ces violences.

En effet, les sociétés patriarcales dans lesquelles nous vivons quasiment partout dans le monde ont absolument besoin des violences envers les femmes pour permettre aux hommes de dominer les femmes. Sans quoi, les femmes n’accepteraient jamais d’être soumises aux hommes. Le formatage patriarcal commence dès l’enfance, d’où la gravité des violences envers les enfants, notamment les violences sexuelles.

Or, qu’y a-t-il de plus efficace pour faire perdurer en toute impunité ces violences que de les occulter pour faire croire qu’elles n’existent pas ? Ainsi, chaque fois qu’une victime parlera, elle passera pour folle, menteuse, manipulatrice, etc. et ainsi personne ne la croira.

Il est certain que seules les féministes arriveront à mettre fin à ces violences patriarcales, car nous sommes les seules à en avoir la volonté et à connaître parfaitement les mécanismes de la domination masculine. Pour illustrer ce combat, voici la célèbre performance organisée par le collectif féministe Las Tesis (« les thèses ») et donnée le 20 novembre 2019 à Valparaiso suite à une enquête sur un viol au Chili. Cette chanson intitulée « Le violeur, c’est toi » et sa chorégraphie sont en train de devenir un hymne international contre les violences faites aux femmes :

« Des milliers de femmes ont participé à cette performance originelle. « Le patriarcat est un juge qui nous reproche d’être nées. Notre punition, ce sont les féminicides. C’est le viol. Et le coupable, ce n’était pas moi, ni où j’étais, ni comment j’étais habillée », ont-elles scandé à l’unisson. Leurs doigts tendus pour accuser la police, la justice et la société patriarcale ont touché le monde entier. » (Regny, 2019)

« Le violeur, c’est toi »

Captures écran de la vidéo transmise dans l’article (Regny, 2019)

Les violences envers les femmes

Les violences envers les femmes sont multiples : violences sexuelles, conjugales, reproductives, économiques, etc.

End violence against women – 25 november

Le 25 novembre est la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes (source image)

Les Nations Unies (ONU) et la Banque Mondiale

Selon l’Organisation des Nations Unies (ONU), jusqu’à 70% des femmes sont victimes de violences et cela se passe dans tous les pays du monde. Et selon la Banque Mondiale, pour les femmes âgées de 15 à 44 ans, le viol et la violence conjugale représentent un risque plus grand que le cancer, les accidents de la route, la guerre et le paludisme réunis :

« Women aged 15-44 are more at risk from rape and domestic violence than from cancer, car accidents, war and malaria, according to the World Bank. Instances of violence are extremely high. According to the UN up to 70 percent of women experience violence in their lifetime – and it occur in both rich and poor countries around the world. » (UNA-UK, 2016)

Traduction : «  Les femmes âgées de 15 à 44 ans sont plus à risque de viol et de violence domestique que de cancer, d’accidents de voiture, de guerre et de paludisme, selon la Banque mondiale. Les cas de violence sont extrêmement élevés. Selon l’ONU, jusqu’à 70% des femmes sont victimes de violence au cours de leur vie – et cela se produit dans les pays riches et pauvres du monde entier. »

Le Conseil de l’Europe

Dans un communiqué de presse du 24 novembre 2009, le Conseil de l’Europe déclare que la première cause de mortalité pour les femmes âgées de 19 ans à 44 ans est la violence domestique :

« Strasbourg, 24.11.2009 – « La violence domestique est la première cause de mortalité chez les femmes âgées de 19 à 44 ans dans le monde, devant la guerre, le cancer et les accidents de la route », a déclaré Sandra Barns (Royaume-Uni, PPE/DC), Rapporteur du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe sur la violence à l’égard des femmes, à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le 25 novembre. » (Conseil de l’Europe, 2009)

Amnesty International

Amnesty International fait régulièrement des campagnes sur le thème de la violence conjugale, en montrant bien que ces violences se passent absolument partout dans le monde. Par exemple, en mars 2011, lors de sa campagne à l’occasion du 8 mars (Journée internationale des droits des femmes) Amnesty International Belgique révèle qu’en Belgique 1 femme sur 5 subit de la violence conjugale (donc 20 % des femmes).

« Une femme sur cinq en Belgique est victime de violences conjugales. Vingt pour cent des femmes font l’objet de violences de la part de leur conjoint. » (Amnesty International Belgique, 2011)

Le texte de l’affiche de la campagne est percutant: «1 femme sur 5 vit avec un criminel. Stop à la violence conjugale »

(Amnesty International Belgique, 2011)

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS)

Depuis plusieurs années, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) reconnaît que la violence des hommes envers les femmes et les filles est un problème de santé publique. Le 20 juin 2013, lors d’une grande campagne, l’OMS a dévoilé les résultats de sa grande étude sur ce thème (TV5Monde, 2013).

Voici le texte de l’affiche de cette campagne : « Les femmes et les petites filles sont plus exposées à la violence des hommes de leur entourage, en particulier au sein de la famille. Le viol et la torture sont utilisés comme arme de guerre. La violence contre les femmes a des conséquences graves sur leur santé mentale, physique et sexuelle. La violence contre les femmes est un problème de santé publique. On peut l’empêcher. »

L’affiche en question (TV5Monde, 2013)

 OMS - violence femmes et filles

Campagne OMS

(affiche téléchargeable au bas de cette page : OMS – Santé des femmes)

La Convention d’Istanbul

Pour terminer ce chapitre sur les violences envers les femmes, il est important de mentionner la convention d’Istanbul qui a été conclue et ouverte à la signature le 11 mai 2011 à Istanbul (Turquie). Elle est entrée en vigueur le 1er août 2014, avec uniquement 10 pays l’ayant ratifiée (Conseil de l’Europe, 2011a). Ce traité historique du Conseil de l’Europe permet la création d’un cadre juridique pour protéger les femmes contre toutes les formes de violence, et prévenir, réprimer et éliminer la violence contre les femmes et la violence domestique. La Convention d’Istanbul pose également le cadre d’un suivi spécifique (le GREVIO) afin d’assurer la mise en œuvre de ses dispositions (Conseil de l’Europe, 2011b).

A la lecture du texte de la Convention d’Istanbul (Conseil de l’Europe, 2011c), l’on constate que d’entrée, dès le préambule, les violences envers les femmes sont clairement décrites comme résultant d’un contexte de domination masculine :

« Reconnaissant que la violence à l’égard des femmes est une manifestation des rapports de force historiquement inégaux entre les femmes et les hommes ayant conduit à la domination et à la discrimination des femmes par les hommes, privant ainsi les femmes de leur pleine émancipation;

Reconnaissant que la nature structurelle de la violence à l’égard des femmes est fondée sur le genre, et que la violence à l’égard des femmes est un des mécanismes sociaux cruciaux par lesquels les femmes sont maintenues dans une position de subordination par rapport aux hommes; » (Conseil de l’Europe, 2011c)

Malheureusement, cette convention n’a pas changé grand-chose puisque les agresseurs bénéficient toujours d’une très large impunité. Ainsi, au lieu de diminuer, les violences envers les femmes ne font au contraire que progresser.

Les violences sexuelles envers les enfants

Les violences sexuelles envers les enfants et plus particulièrement l’inceste sont l’arme de prédilection de la domination masculine, car c’est à travers ces violences que les filles intègrent leur rôle d’opprimées (victimes) et les garçons leur rôle d’oppresseurs (agresseurs).

Dorothée Dussy, anthropologue

Anthropologue, chargée de recherche au CNRS et membre de L’IRIS (Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux), Dorothée Dussy travaille notamment sur la dimension empirique de l’inceste en tant qu’outil premier de la domination masculine.

Dorothée Dussy a déjà publié deux ouvrages sur ce thème : « Le berceau des dominations. Anthropologie de l’inceste, livre 1 » (Dussy, 2013a) et « L’inceste, bilan des savoirs » (Dussy, 2013b)

« Le berceau des dominations est le premier livre d’une trilogie consacrée à « l’ordre social incestueux ». L’ouvrage étudie les « incesteurs » tandis que les deux prochains seront consacrés aux « incestées » et à la construction de leur subjectivité d’une part, et, d’autre part, au traitement des rares affaires qui parviennent devant les tribunaux et aux divers « procédés de légitimation du silence à l’échelle des sociétés et des institutions ». (Yeun, 2014)

« Le berceau des dominations. Anthropologie de l’inceste, livre 1 » (Dussy, 2013a) est un ouvrage absolument incontournable si l’on veut comprendre les enjeux de l’inceste dans nos sociétés patriarcales :

« Dorothée Dussy se penche sur les mécanismes complexes par lesquels l’inceste, en théorie interdit et condamné, est couramment pratiqué dans l’intimité des foyers français. À la faveur du réel, et de la banalité des abus sexuels commis sur les enfants, l’inceste se révèle structurant de l’ordre social. Il y apparaît comme l’outil primal de formation à l’exploitation et à la domination de genre et de classe.

Cinq ans d’enquête ethnographique menée auprès d’enfants incestés devenus grands, et auprès de leur famille, sont restitués dans une trilogie dont Le berceau des dominations forme le premier livre.

S’appuyant principalement sur une série d’entretiens réalisés en prison auprès d’hommes condamnés pour viol sur des enfants de leur famille, l’auteur donne dans ce premier opus la parole aux incesteurs. Simples maillons d’une généalogie familiale où l’inceste leur préexiste, on comprend que les incesteurs incestent par facilité, par mimétisme, par opportunisme, ou encore par identification. Sans complaisance, mais sans mettre l’incesteur en position d’étrangeté, l’auteur guide le lecteur pas à pas dans un voyage subversif au cœur de familles que rien, ou presque, ne distingue des vôtres. » (Iris, 2013)

Le berceau des dominations. Anthropologie de l’inceste, livre 1

(Iris, 2013)

Le Conseil de l’Europe

Menée de 2010 à 2015 pour lutter contre les violences sexuelles à l’égard des enfants (Conseil de l’Europe, 2010d), la campagne « UN sur CINQ » a été lancée les 29 et 30 novembre 2010 à Rome, en Italie (Conseil de l’Europe, 2010a). Ses objectifs étaient de promouvoir la signature, la ratification et la mise en œuvre de la Convention de Lanzarote (Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels) et de sensibiliser la population (enfants, familles et personnes s’occupant d’enfants) à l’étendue des violences sexuelles infligées aux enfants et les équiper des connaissances et outils de prévention nécessaires (Conseil de l’Europe, 2010b).

Le nom de la campagne (UN sur CINQ) fait référence à la proportion d’enfants violentés sexuellement en Europe puisque plusieurs études ont fait ressortir qu’en Europe 1 enfant sur 5 est violenté sexuellement (donc 20 % des enfants) :

« Environ un enfant sur cinq en Europe serait victime de violences sexuelles. On estime que dans 70 à 85 % des cas, l’auteur des violences est connu de la victime. » (Conseil de l’Europe, 2012)

« L’estimation du chiffre d’UN sur CINQ ressort des résultats combinés de diverses études menées par des équipes de chercheurs dans toute l’Europe et coïncide avec les statistiques avancées par l’Unicef, l’Organisation internationale du travail et l’Organisation mondiale de la santé.

Le chiffre d’UN sur CINQ s’applique à l’ensemble de l’Europe, ce qui n’exclut pas pour autant des différences de fréquence d’un pays à l’autre. Les études réalisées dans des pays non européens, comme les Etats-Unis et le Canada, semblent révéler une fréquence comparable. » (Conseil de l’Europe, 2010c)

Le matériel de la campagne « UN sur CINQ » est disponible ici (Conseil de l’Europe, 2010d).

La Convention de Lanzarote

La Convention de Lanzarote (Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels) a été conclue et ouverte à la signature le 25 octobre 2007 à Lanzarote, (Îles Canaries, Espagne). Elle est entrée en vigueur le 1er juillet 2010 avec uniquement 5 pays l’ayant ratifiée (Conseil de l’Europe, 2007a).

Cette convention contient toutes les mesures nécessaires pour prévenir la violence sexuelle, protéger les enfants et poursuivre les agresseurs (Conseil de l’Europe, 2010a).

Le texte de la Convention de Lanzarote est disponible ici (Conseil de l’Europe, 2007c).

Malheureusement, cette convention n’a pas changé grand-chose puisque les agresseurs bénéficient toujours d’une très large impunité. Ainsi, au lieu de diminuer, les violences sexuelles envers les enfants ne font au contraire que progresser.

L’enquête STOP AU DÉNI

Une grande enquête de l’association « Mémoire Traumatique et Victimologie » a été menée de mars 2014 à septembre 2014 avec le soutien de l’UNICEF France. Cette enquête intitulée STOP AU DENI a démontré que 1 femme sur 5 (donc 20 % des femmes) et 1 homme sur 14 (donc 7 % des hommes) ont déjà subi des violences sexuelles.

« Une femme sur cinq et un homme sur quatorze déclarent avoir déjà subi des violences sexuelles. » (Huffington Post, 2015)

L’enquête fait ressortir de nombreux chiffres qui montrent l’ampleur des violences sexuelles envers les enfants et le profil de leurs agresseurs. Par exemple que 81 % des victimes de violences sexuelles sont mineures et 96 % des agresseurs sont des hommes, 94 % des proches :

« L’enquête a révélé que les enfants sont les principales victimes des violences sexuelles puisque 81% des victimes de violences sexuelles sont des mineur-e-s (majoritairement des filles) : 1 victime sur 5 a été violée avant 6 ans, 1 victime sur 2 a été violée avant 11 ans.

L’enquête a également révélé que 96 % des agresseurs sont des hommes, 94 % des proches, 1 enfant sur 2 est agressé par un membre de sa famille et 1 agresseur sur 4 est mineur, donc 3 agresseurs sur 4 (75 %) sont des adultes (pédocriminalité).

L’enquête a démontré les lourdes conséquences sur la santé mentale et physique des victimes, ainsi que les risques de suicide (1 victime sur 2 a tenté de se suicider) et les risques de grossesse (1 grossesse sur 5 « consécutive à un viol » affecte une mineure).

L’enquête a aussi démontré la loi du silence et le déni de ces violences sexuelles, puisque 83% des victimes interrogées déclarent n’avoir jamais été protégées et 67% des répondant-e-s qui ont porté plainte (donc intervention de la police) n’ont bénéficié d’aucune mesure de protection.

L’enquête révèle que seules 4% des victimes agressées dans l’enfance indiquent avoir été prises en charge par l’Aide sociale. Parmi celles qui ont porté plainte : 66% de celles qui avaient moins de 6 ans au moment des faits déclarent « n’avoir jamais été protégées », de même que 70% de celles entre 6 et 10 ans et 71% de celles entre 11 et 14 ans. » (Kuhni, 2015)

Interpol

Interpol ou OIPC (Organisation internationale de police criminelle) est spécialisée dans la traque internationale des criminels. Cette organisation internationale reconnaît elle-même que la pédocriminalité est rarement signalée, car elle se déroule très souvent dans un contexte privé. Cette explication qui se résume au « contexte privé » fait bien sûr abstraction des causes systémiques et sociétales de la pédocriminalité.

« Contrairement aux idées reçues, l’agresseur est très souvent une personne connue de l’enfant, que ce soit un membre de la famille, un voisin ou un professionnel de la petite enfance. La plupart des affaires d’abus pédosexuels ne sont pas signalées puisqu’elles se déroulent en secret dans un contexte privé. » (Interpol, 2020)

Bibliographie

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