La violence machiste systémique et la non-reconnaissance des femmes victimes

« Reconnaissant que la violence à l’égard des femmes est une manifestation des rapports de force historiquement inégaux entre les femmes et les hommes ayant conduit à la domination et à la discrimination des femmes par les hommes, privant ainsi les femmes de leur pleine émancipation;

Reconnaissant que la nature structurelle de la violence à l’égard des femmes est fondée sur le genre, et que la violence à l’égard des femmes est un des mécanismes sociaux cruciaux par lesquels les femmes sont maintenues dans une position de subordination par rapport aux hommes»

(Conseil de l’Europe, 2011, pp- 5-6, préambule de la Convention d’Istanbul)

Depuis quelques années, un mouvement mondial de femmes se lève pour lutter contre les violences machistes systémiques envers les femmes et les filles. Ce mouvement planétaire a créé des prises de consciences sociétales successives qui ont permis la révélation de l’affaire Weinstein (Le Monde, 2017a), elle-même source de l’émergence des hashtags #metoo et #balancetonporc (Le Monde, 2017b) avec lesquels des milliers de femmes victimes ont pu enfin parler et être entendues à propos des violences sexuelles qu’elles subissent. Le phénomène est si important que le magazine Time a fait de ces « Silence Breakers » (« Briseuses-eurs de Silence ») les personnes de l’année 2017.

The Silence Breakers

Person of the Years (Time, 2017b)

L’événement One Billion Rising qui se déroule chaque 14 février (jour de la Saint-Valentin, pour rappeler la réalité des innombrables femmes qui vivent des violences en couple) est une autre manifestation de ce mouvement d’une grande ampleur dont les mots de rassemblement sont Rise!Resist!Unite! et le hashtag #RiseInSolidarity. L’action internationale One Billion Rising a été créée par la féministe et dramaturge américaine Eve Ensler pour lutter contre les violences faites aux femmes. Eve Ensler est aussi l’autrice de la pièce mondialement connue « Les monologues du vagin » (1996) qui a contribué largement à faire tomber les tabous autour du sexe féminin.

Ce mouvement mondial des femmes a bien sûr donné lieu à un blacklash tel que décrit par la féministe américaine Susan Faludi dans son best-seller mondial « Backlash: The Undeclared War Against American Women » (traduit par Backlash, la guerre froide contre les femmes) publié aux USA en 1991 (Kuhni, 2014b), soit une réaction patriarcale violente pour stopper toute avancée vers l’égalité femmes-hommes voire renforcer la société patriarcale de façon encore plus drastique qu’auparavant.

Ce fut le cas de la tribune anti-victimaire publiée dans Le Monde le 9 janvier 2018 et signée par 100 femmes influentes qui est un exemple typique de backlash.

Une tribune anti-victimaire signée par 100 femmes influentes

Le surlendemain des Golden Globes 2018 où Oprah Winfrey faisait un discours mémorable à propos des violences sexuelles et des droits des femmes (Abolissimo, 2018 ; Courrier International, 2018), nous découvrions médusé-e-s une tribune publiée par Le Monde dans laquelle 100 femmes influentes défendaient le droit des hommes de violenter sexuellement les femmes. Catherine Deneuve est la signataire la plus célèbre de cette tribune qui s’intitule : « Nous défendons une liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle » (Collectif, 2018).  L’article, réservé aux abonnés du journal, est disponible en accès libre sur le blog d’un supporter de la tribune : Une autre parole, 2018.

Un passage de cette tribune : « « [Une femme] peut veiller à ce que son salaire soit égal à celui d’un homme, mais ne pas se sentir traumatisée à jamais par un frotteur dans le métro, même si cela est considéré comme un délit. Elle peut même l’envisager comme l’expression d’une grande misère sexuelle, voire comme un non-événement. » » (Konbini, 2018)

La première page du journal papier annonçait la tribune au moyen du titre « Les femmes ne sont pas de pauvres petites choses » : « (…) la première page du journal était ainsi composée (…). À côté, sur une colonne, un titre entre guillemets (…) : « Les femmes ne sont pas de pauvres petites choses ». » (Nouchi, 2018). Ce titre laisse entrevoir la misogynie et le sexisme du texte qu’il annonce et qui se révèlent effectivement d’une virulence inouïe envers les femmes victimes de violences sexuelles, leur intimant l’ordre de se taire et allant jusqu’à faire l’apologie de ces violences au nom de la liberté sexuelle et d’une soi-disant misère sexuelle des hommes.

Cette tribune publiée dans Le Monde est une parfaite illustration de la phase 3 du « cycle de la violence machiste » (décrit en fin du présent article), phase qui consiste à inverser la culpabilité en plaçant les agresseurs en position de victimes.

Définition d’« importuner »
par l’autrice de bande dessinée Julie Maroh

(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Source : Maroh, 2018

Un backlash pour re-silencier les victimes

Le discours propagé par cette tribune antiféministe n’a rien de révolutionnaire, contrairement à ce qu’il prétend. Ce discours est distillé aux femmes depuis des millénaires, afin qu’elles acceptent sagement la domination masculine fondée sur les violences machistes envers elles, dont les violences conjugales, sexuelles, reproductives, et économiques. Il n’y a donc rien de révolutionnaire à propager ce discours réactionnaire dont le but est d’attaquer le discours révolutionnaire des femmes et des féministes qui luttent pour l’égalité et la fin des violences sexuelles qui sont la clé de voûte de la domination masculine.

Très certainement écrit en réaction aux hashtags #metoo et #balancetonporc de Twitter, le discours réactionnaire de cette tribune antiféministe est en réalité un backlash qui arrive immédiatement après que la parole des victimes de violences sexuelles se soit libérée parce qu’elle était enfin entendue après la révélation de l’affaire Weinstein (Le Monde, 2017a).

Cette tribune fait aussi l’amalgame entre ces hashtags et le féminisme, afin de s’en prendre aux féministes. Or, ces hashtags ont été lancés par des femmes victimes qui ont décidé de parler des violences sexuelles qu’elles ont subies. Prétendre que ce sont les féministes qui ont lancé ce hashtag est faux et revient à nier la parole de ces innombrables femmes qui ont osé parler.

« Christine Bard, spécialiste de l’histoire du féminisme, explique en quoi la tribune parue dans « Le Monde », signée par cent femmes, relève d’un contre-mouvement classique. (…) Elle explique en quoi la tribune signée par l’actrice relève de l’antiféminisme (..) Il était prévisible que la grande prise de parole à laquelle on assiste depuis plusieurs mois pour dénoncer les violences sexuelles donne lieu à ce type de réaction. Cette tribune est l’expression d’un antiféminisme et d’un contre-mouvement. Elle reprend les arguments classiques, déjà présents au XIXe siècle, de la rhétorique antiféministe : l’accusation de censure, d’atteinte à la liberté sexuelle, de haine des hommes et de la sexualité, de victimisation des femmes, sans oublier l’accusation de totalitarisme. (…) sans [les féministes], de quelle liberté sexuelle parlerait-on aujourd’hui ? C’est à elles que nous devons la contraception, la liberté d’avorter, l’éducation sexuelle, la critique de la norme hétérosexuelle, et cette révolution sexuelle d’inspiration féministe est d’ailleurs loin d’être achevée. » (Vincent, 2018)

De vrais discours révolutionnaires

L’appel de 1’000 jeunes filles contre les 100

Quelques jours plus tard, 1’000 jeunes filles signaient une magnifique tribune dans Le Monde pour répondre à celle des 100 femmes influentes qui leur ordonnait de se laisser importuner et de se taire :

« Nous sommes deux jeunes filles de 17 ans. Nous ne sommes ni expertes en féminisme ni particulièrement engagées dans la lutte pour les droits des femmes, certainement parce que nous pensions la question révolue depuis le temps qu’on en parle et aussi parce que les dernières révélations en matière de harcèlement nous ont laissé croire que, la parole étant libérée, aucun homme n’oserait plus faire à personne ce qu’on pourrait lui reprocher… Et puis nous avons lu la tribune pour la « liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle »… La lecture en fut douloureuse. Nous nous sommes premièrement demandé pour qui ce fameux droit à être importunée était réclamé. Nous doutons en effet que mesdames de Menthon, Lévy et Deneuve promeuvent ce droit pour elles-mêmes

Nous comprenons donc assez vite que cette tribune serait une sorte de legs pour nous, les futures usagères des transports en commun. Ainsi donc mesdemoiselles, semblent ainsi nous dire nos 100 mères, vous attend un modèle de société où il faudrait que vous ayez de la compassion pour ces messieurs, jeunes et vieux, qui auraient la délicate attention de se frotter à vous ! Une société dans laquelle nous devrions apprendre à taire, voire à apprécier les agressions que nous subissons (pardon, que nous réclamons) ! Anachronique ? Non, c’est moderne…

Mais on ne veut plus se taire. Nous voulons faire entendre notre voix. Nous voulons que vous, mesdames, preniez conscience de l’ampleur de ce phénomène d’agressions quotidiennes que vous qualifiez de nécessaires. Le traumatisme d’un attouchement ou d’un viol est réel et certaines d’entre nous (qui prenons certainement plus souvent les transports en commun que vous) sont là pour en témoigner. Certaines jeunes filles nous ont envoyé des témoignages de harcèlement moral qu’elles ont vécu dès le plus jeune âge, d’autres d’attouchements dans le métro dès 8 heures du matin, sous le sac à dos, d’autre encore de l’oppression qu’elles… » (Boirie, Versaevel, 2018)

La réponse d’un homme, Marcus Dupont-Besnard

Quant au reporter et chroniqueur Marcus Dupont-Besnard, voici ce qu’il répond à la tribune anti-victimaire publiée dans Le Monde :

« Les hommes doivent refuser la “liberté d’importuner” – Si l’on en croit la tribune signée le 9 janvier dernier dans Le Monde par un collectif de 100 femmes, dont Catherine Deneuve, il existerait entre les mains des hommes une liberté d’importuner méritant d’être défendue. Non seulement je ne me reconnais aucunement en tant qu’homme dans ce prétendu droit à importuner, mais surtout il est fondamental de refuser catégoriquement la possibilité d’un tel droit. (…) que les hommes prennent leurs responsabilités (…) Il s’agit pour tous les hommes de comprendre l’impact violent que peuvent avoir certains de nos comportements. (…) Ce n’est pas une contre-oppression envers nous, ni du puritanisme. C’est une transition de rééquilibrage. (…) je refuse tout modèle de société dans lequel le fait que je sois un homme rendrait de tels actes moins graves. (…) La liberté des femmes à exister dans les espaces public et privé de façon égale est une liberté supérieure, inaliénable et ne pouvant plus tolérer aucun déséquilibre.

Le féminisme n’est pas misandre, il est humaniste. Il ne menace pas les hommes, il donne aux femmes la place qui devrait être la leur dans la société. Le féminisme concerne le bien-être commun, et c’est pour cela que les hommes ont un rôle à jouer. » (Dupont-Besnard, 2018)

Le discours puissant de Natalie Portman

La comédienne et productrice Natalie Portman a joué à l’âge de 12 ans le rôle de Mathilda dans le film « Léon » de Luc Besson (1994). Elle incarnait une fillette de 12 ans qui devenait amie avec Léon, un tueur à gages incarné lui-même par Jean Reno.

A l’occasion de la Women’s March du 20 janvier 2018, Natalie Portman a fait un puissant discours dans lequel elle parle de cette époque où elle avait 12 ans. Elle qualifie très justement les violences sexuelles de « terrorisme sexuel » et termine en appelant à une vraie liberté sexuelle pour les femmes, en précisant que cette liberté sexuelle est exactement le contraire du puritanisme. Voici la transcription de la vidéo de ce discours :

« J’ai eu 12 ans sur le plateau de mon premier film « Léon », dans lequel je joue une jeune fille qui devient amie avec un tueur à gages et qui espère se venger de celui qui a tué sa famille. Le personnage découvre et développe sa féminité, sa voix et ses désirs. A ce moment-là de ma vie, je découvrais moi aussi ma propre féminité, mes propres désirs et ma propre voix. J’étais tellement enthousiaste à 13 ans quand le film est sorti que mon travail et ma performance artistique touchent le public. J’ai ouvert avec enthousiasme ma première lettre de fan : un homme m’écrivait qu’il rêvait de me violer. Une radio locale a organisé un décompte des jours jusqu’à mon 18ème anniversaire, date à laquelle ça deviendrait légal de coucher avec moi. Les critiques de cinéma faisaient référence à ma poitrine naissante dans leurs articles. J’ai rapidement compris, même à l’âge de 13 ans, que si je m’exprimais sexuellement, je ne me sentirais pas en sécurité et que les hommes se sentiraient autorisés à discuter et considérer mon corps comme un objet, quitte à me rendre mal à l’aise. J’ai vite adapté mon comportement, j’ai rejeté tous les rôles avec une scène de baiser et parlé de ce choix délibérément dans les interviews. J’ai mis en avant mon goût pour les livres, mon côté sérieux et je me présentais avec des habits élégants. Je me suis forgée une réputation de femme prude, conservatrice, intello, sérieuse, afin que mon corps soit protégé et que l’on écoute ce que j’avais à dire. A 13 ans, le message de notre culture était clair pour moi, j’ai senti le besoin de couvrir mon corps, et d’inhiber mon expression ainsi que mon travail dans le but de dévoiler au monde mon propre message, à savoir que je suis quelqu’un digne de confiance et respectable. La réponse à tout cela, des petits commentaires sur mon corps aux commentaires davantage menaçants, a suffi à contrôler mon comportement dans un environnement de terrorisme sexuel. Un monde dans lequel je pourrais m’habiller comme je le veux, dire ce que je veux et exprimer mes désirs de la façon dont je le souhaite sans craindre pour ma sécurité physique ou ma réputation, voilà ce que serait le monde dans lequel les désirs des femmes et leur sexualité pourraient s’exprimer pleinement. Ce monde que nous voulons bâtir est l’opposé du puritanisme. J’aimerais donc proposer une façon de permettre à cette révolution d’aller plus loin. Proclamons haut et fort : « C’est ce que JE veux, ce dont J’AI besoin, c’est ce que JE désire, voilà comment VOUS pouvez M’aider à avoir du plaisir. ». Faisons la révolution du désir. » (Brut FR, 2018 [vidéo]).

Natalie Portman

Brut FR, 2018
(capture d’écran de la vidéo)

L’idéologie anti-victimaire des autrices et signataires de la tribune des 100 femmes influentes

Les signataires de cette tribune sont probablement, dans leur grande majorité, des femmes qui n’ont jamais été confrontées aux situations dont elles font l’apologie (frotteurs du métro, etc.). Quand aux hommes qui soutiennent ce discours (par exemple, Silvio Berlusconi qui a « salué » cette tribune), ils n’ont jamais été confrontés ni aux frotteurs dans le métro, ni à la terreur quotidienne des femmes face aux violences masculines. Ils sont au contraire largement bénéficiaires des avantages que leur apporte leur domination sociétale sur les femmes. Donc ces femmes et ces hommes n’ont aucune légitimité à s’exprimer par rapport au vécu des femmes victimes.

Comment ces 100 femmes osent-elles prétendre que les frotteurs du métro sont de pauvres hommes confrontés à de la misère sexuelle et que les femmes devraient se dévouer et se laisser « importuner » (en réalité violenter sexuellement) pour les sortir de cette misère sexuelle ? Pourtant, les violences sexuelles (viols, agressions sexuelles, harcèlement sexuel, etc.) n’ont strictement rien à voir avec la sexualité, de la même façon que frapper quelqu’un avec une pelle, n’a rien à voir avec du jardinage.

Le viol concerne la violence, pas le sexe
Quand tu te prends un coup de pelle, t’appelle pas ça : du jardinage

(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Source : Sans Compromis, 2016

Cette tribune publiée par Le Monde a été rédigée par 5 femmes, dont Catherine Millet (critique d’art, écrivaine) et Peggy Sastre (autrice, journaliste et traductrice).

Catherine Deneuve (actrice) et Brigitte Lahaie (ex-star du cinéma pornographique, actrice et présentatrice radio sur le thème de la sexualité) sont parmi les signataires de la tribune où l’on trouve également, avec beaucoup de déception, Odile Buisson (gynécologue et obstétricienne) qui est connue des féministes pour sa présentation « Le clitoris, cet inconnu » (Kuhni, 2017f).

Peggy Sastre s’est déjà distinguée en 2013 lorsqu’elle a défendu la pédocriminalité au nom de la liberté de penser dans un article intitulé « Pédophilie partout, liberté de penser nulle part » traitant d’une affaire de pédocriminalité avec une professeure de 30 ans et son élève de 12 ans. Voici une phrase éloquente de cet article : « (…) pourquoi faudrait-il que la sexualité soit une activité jugée comme immédiatement et absolument nocive quand elle se déroule entre un adulte et un enfant ? » (Sastre, 2013). Cet article avait fait un tollé, tant et si bien que la rédactrice et chroniqueuse Nathalie Blu-Perrou avait fermement recadré sa consœur le lendemain (Blu-Perrou, 2013).

Catherine Millet, quant à elle, a dit en décembre 2017 : « Je regrette beaucoup de ne pas avoir été violée parce que je pourrais témoigner que du viol on s’en sort » (France Soir, 2018 ; Flament, 2018).

Anne Bouillon, une avocate et militante féministe qui défend quotidiennement des femmes victimes de violences a écrit un texte puissant pour répondre à Catherine Millet : « (…) la domination masculine au foyer, au travail, dans les transports, dans la rue, n’a rien d’un fantasme érotique. C’est au contraire un système tellement bien huilé que des femmes comme vous intiment l’ordre à d’autres de parler moins fort lorsqu’elles ont l’audace de le dénoncer. » (Bouillon, 2018)

Puis le 10 janvier 2018, lors d’un débat télévisé à propos de la tribune publiée dans Le Monde Brigitte Lahaie a rétorqué d’un ton docte à Caroline De Haas elle-même victime d’un viol : « On peut jouir lors d’un viol, je vous signale » (BFM TV, 2018), sous-entendu qu’un viol est jouissif. Plusieurs personnalités du monde scientifique et médical ont fort heureusement réagi à ces propos préoccupants de Brigitte Lahaie.

« (…) Le corps d’une victime de violence peut réagir de plein de manières différentes. Cela ne change rien au fait que le viol est un crime. Placer cette phrase (…) donne un sentiment de banalisation de la violence » (…) Le docteur Emmanuelle Piet, gynécologue et présidente du Collectif Féministe Contre le Viol (CFCV) est du même avis : « Evoquer la jouissance quand on parle de viol est une insulte aux victimes » (…). Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie ajoute que lors d’un viol, la victime peut être colonisée par l’excitation de son agresseur, ce qui provoque cette fameuse déconnexion entre le physique et le psychique. Quoi qu’il en soit, cela n’a rien à voir avec de la jouissance. Parler d’orgasme dans ce contexte est donc hors de propos : « L’orgasme est indissociable de la relation à l’autre, de ce que l’on vit, de ce que l’on pense et de ce que l’on ressent. Dans le cas d’un viol, il s’agit donc d’une disjonction liée à une tension extrême. Il ne faut pas confondre stress intense et excitation ». » (Chabalier, 2018).

Voici la réponse de Muriel Salmona dans article, intitulé « Brigitte Lahaie et Catherine Millet sur le viol : ce que la science leur répond » : « « Le viol est, avec la torture, ce qu’il y a de plus traumatisant pour une victime« , explique la psychiatre Muriel Salmona. « Quasi la totalité des victimes enfants souffrent d’un traumatisme et une très grande majorité des adultes« . Pendant et après l’agression, la victime est paralysée par un état de sidération. Le cortex cérébral est alors incapable de contrôler l’intensité de la réaction de stress. L’organisme perçoit qu’il y a un risque vital. Il déclenche des mécanismes de sauvegarde qui ont pour effet de faire « disjoncter le circuit émotionnel », selon les termes de la psychiatre Muriel Salmona et cela entraîne une anesthésie émotionnelle et physique. Cette anesthésie produit une dissociation. Cet état s’affirme par « un sentiment d’étrangeté, de déconnexion et de dépersonnalisation, comme si la victime devenait spectatrice de la situation puisqu’elle la perçoit sans émotion ». C’est aussi ce phénomène qui empêche de nombreuses victimes d’avoir une mémoire précise et complète des événements vécus, certains mettront plusieurs années à se rappeler du viol à cause d’une amnésie traumatique. « Catherine Millet fait un éloge de la dissociation », analyse encore Muriel Salmona. «  (Lorenzo, 2018)

Surprenant « oubli » des hommes victimes de violences sexuelles

Comment se fait-il que cette tribune signée par ces 100 femmes influentes ne parle que des femmes et fasse totalement abstraction des hommes ayant subi des violences sexuelles ? En effet, parmi les participant-e-s à #balancetonporc et #metoo, les deux hashtags qui ont permis aux victimes de dénoncer les violences sexuelles sur Twitter, il y avait aussi des hommes et même des hommes célèbres.

Parmi ces hommes célèbres qui se sont exprimés avec #metoo, il y eu l’acteur Terry Crews (Margueritte, 2017) qui figure dans les « TIME’s 2017 Person of the Year: The Silence Breakers » (Time, 2017a) où l’on trouve même sa photographie (Time, 2017b) comme celles des femmes ayant brisé le silence. Il y a aussi l’acteur américain Anthony Rapp qui a accusé Kevin Spacey de harcèlement (Sibony, 2017). Les victimes de Kevin Spacey sont d’ailleurs toutes des hommes.

Ces hommes ont aussi été agressés sexuellement par des hommes. Alors que diraient les femmes signataires de cette tribune lorsqu’un garçon ou un homme subit des violences sexuelles ? Pour elles, est-ce aussi anodin que pour les femmes ? Doivent-ils aussi se laisser importuner sexuellement par les hommes ? Et les enfants qui sont les victimes principales des violences sexuelles, ainsi que les femmes et les filles handicapées ? Pourquoi les 100 femmes n’en parlent-elles pas ?

Le fait que cette tribune fasse soigneusement abstraction des autres victimes des prédateurs sexuels et soit centrée exclusivement sur les femmes montre en réalité très clairement que l’on veut s’en prendre aux femmes.

Dans une tribune publiée dans Le Nouveau Magazine Littéraire, la politologue Françoise Vergès dénonce l’ignorance volontaire de cette tribune : « Leur ignorance est intentionnelle — en effet, vouloir apprendre, vouloir comprendre c’est toujours d’abord, ne plus se mettre au centre — leur intérêt profond est d’ignorer des faits, de nier l’existence d’abus de pouvoir, de la manière dont sexisme et racisme agissent quotidiennement dans la vie de millions de femmes. » (Vergès, 2018)

Chosification des femmes

Le titre de première page (« Les femmes ne sont pas de pauvres petites choses ») de cette tribune constitue en lui-même une inversion caractéristique des systèmes de violence. En effet, alors qu’elle prétend que les femmes ne sont pas de pauvres petites choses, cette tribune ne fait en réalité que chosifier les femmes, les réduire à l’état d’objets sexuels à disposition des hommes et de leurs violences sexuelles. Donc cette tribune fait exactement le contraire de ce que son titre annonce.

L’ensemble de cette tribune chosifie les femmes en leur intimant avec autorité de se réduire à l’état d’objets consommables, de poupées dont les hommes pourraient se saisir sans avoir leur consentement, de la même façon que l’on se saisit d’un produit sur le rayon d’un supermarché et ceci pour satisfaire leurs prétendus besoins sexuels (un besoin purement hygiénique, en somme). Cette réduction des femmes à l’état de choses est justifiée au nom de la liberté sexuelle et d’une soi-disant misère sexuelle des hommes. Autrement dit, selon cette tribune, les femmes devraient se mettre à disposition des hommes, telles des poupées, pour qu’ils puissent enfin satisfaire leurs besoins sexuels insatisfaits. Et cette chosification des femmes au profit des hommes, ce serait de la liberté sexuelle.

L’argument de liberté sexuelle est une fois de plus une inversion typique des systèmes de violence, car être chosifiée est exactement le contraire de la liberté sexuelle. De plus, ce sont en réalité les femmes qui vivent une misère sexuelle abyssale en raison des violences sexuelles qu’elles subissent de la part des hommes depuis des millénaires.

Un discours visant à abolir les droits des femmes victimes

Le problème majeur de cette tribune, c’est qu’il s’agit d’un discours anti-victimaire visant à abolir les droits des femmes victimes (uniquement ceux des femmes, puisque les hommes sont exclus de la tribune), en niant les violences sexuelles machistes, en victimisant les agresseurs et en attaquant violemment le statut de victime des femmes (elles doivent se taire et ont interdiction de se dire victime). Publier un tel texte est grave. Nous avons mis des décennies à obtenir des lois qui protègent les victimes. Or cette tribune donne la parole à un mouvement qui veut abolir ces lois et ceci pour les femmes uniquement.

Rappelons que les violences sexuelles dont cette tribune fait l’apologie sont sanctionnées par la loi. C’est ce qu’a fait dès le lendemain Marlène Schiappa, secrétaire d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes à propos de cette tribune pour laquelle elle a rappelé que « (…) frotter un sexe d’homme contre une femme dans le métro sans son opinion, est une agression sexuelle qui vaut jusqu’à trois ans de prison et 75.000 euros d’amende » (Europe1, 2018)

L’association Osez le féminisme! a également rappelé qu’un journal qui publie de tels propos enfreint la loi : « Rappelons que l’article 24 de la loi sur la liberté de la presse punit de ‘cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ceux qui […] auront directement provoqué, dans le cas où cette provocation n’aurait pas été suivie d’effet, à commettre l’une des infractions’ telles que ‘les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne et les agressions sexuelles définies par le livre II du Code pénal’ – y compris le viol, donc. » (Osez le féminisme !, 2018)

Le statut de victime et ses droits

La tribune publiée dans Le Monde a créé beaucoup de confusion autour de la notion de victime. Alors remettons les choses à l’endroit : quand on est victime d’une infraction violente, on est une victime. Et le reconnaître, c’est avoir un statut et des droits.

Ce n’est qu’en 1983 que les victimes ont enfin obtenu des droits pour la première fois grâce à la « Convention européenne relative au dédommagement des victimes d’infractions violentes », conclue à Strasbourg le 24 novembre 1983 (Conseil de l’Europe, 1983) et créée suite aux attentats terroristes en Europe dans les années 70.

Deux ans plus tard, en 1985, les Nations Unies adoptaient la résolution « Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir » n°40-34 du 29 novembre 1985 (ONU, 1985). Cette résolution de l’ONU qui définit la notion de victime au niveau international stipule clairement que le statut de victime est accordé « que l’auteur soit ou non identifié, arrêté, poursuivi ou déclaré coupable » :

« On entend par « victimes » des personnes qui, individuellement ou collectivement, ont subi un préjudice, notamment une atteinte à leur intégrité physique ou mentale, une souffrance morale, une perte matérielle, ou une atteinte grave à leurs droits fondamentaux, en raison d’actes ou d’omissions qui enfreignent les lois pénales en vigueur dans un Etat Membre, y compris celles qui proscrivent les abus criminels de pouvoir. (…) Une personne peut être considérée comme une « victime », dans le cadre de la présente Déclaration, que l’auteur soit ou non identifié, arrêté, poursuivi ou déclaré coupable, et quels que soient ses liens de parenté avec la victime. » (ONU, 1985

Suite à ces textes, l’un européen et l’autre international, des lois nationales pour l’aide aux victimes ont été créées dans les différents pays du monde. En Suisse, par exemple, il s’agit de la LAVI (Loi sur l’Aide aux Victimes) du 23 mars 2007. Comme la résolution de l’ONU, cette loi reconnaît la victime, que l’auteur soit identifié ou non, coupable ou non :

« 1 Toute personne qui a subi, du fait d’une infraction, une atteinte directe à son intégrité physique, psychique ou sexuelle (victime) a droit au soutien prévu par la présente loi (aide aux victimes).

2 Ont également droit à l’aide aux victimes, le conjoint, les enfants et les père et mère de la victime ainsi que les autres personnes unies à elle par des liens analogues (proches).

3 Le droit à l’aide aux victimes existe, que l’auteur de l’infraction:

a. ait été découvert ou non;

b. ait eu un comportement fautif ou non;

c. ait agi intentionnellement ou par négligence. »

L’AFP et sa qualification des femmes victimes

Selon ces textes internationaux, européens et nationaux relatifs aux victimes, la victime n’est donc jamais « présumée ». Elle est une victime, reconnue comme telle, quel que soit le statut de l’agresseur. Par conséquent, la notion de présomption ne s’applique qu’aux agresseurs (présomption d’innocence) et non aux victimes.

Donc lorsque l’AFP décide de qualifier les victimes autrement que par le terme de « victime », elle ne respecte pas la résolution des Nations Unies (ONU, 1985) ni les différentes lois nationales pour l’aide aux victimes. Autrement dit, l’AFP ne respecte pas la hiérarchie des normes, soit la hiérarchie entre les normes internationales, régionales et nationales, sachant que toutes les normes au-dessous doivent respecter les normes au-dessus, afin de donner une cohérence à l’ordre juridique et d’éviter les contradictions entre les différentes sources de droit.

De plus, quelques jours après la publication de la tribune publiée dans Le Monde, l’AFP déclarait qu’elle utiliserait désormais le terme « accusatrice » (au lieu de « victime présumée ») pour qualifier les victimes lors de procès pour violences conjugales : « « Désormais, on écrira accusatrice plutôt que victime présumée » lors de procès pour violences conjugales, annonce @mleridon, directrice de l’information (…) #AFP » (AFP, 2018)

Le terme de « victime présumée » utilisé précédemment par l’AFP était déjà problématique, car il contient en germe l’idée que la victime pourrait être une menteuse, autrement dit que la « victime présumée » serait une « présumée menteuse ».

La journaliste Aude Lorriaux a écrit un excellent article à ce propos :  « Les termes «victime présumée» semblent insinuer que les femmes ne sont pas vraiment victimes, s’inscrivant ainsi dans une longue histoire des violences faites aux femmes où elles étaient systématiquement considérées comme des menteuses. (…) il faut replacer l’emploi de ce terme dans la longue histoire des violences faites aux femmes, qui ont eu, pendant des siècles, à affronter les accusations de «mensonges» dès qu’elles souhaitaient dénoncer les viols ou les agressions dont elles étaient victimes. Les fausses allégations de viols sont rares. Pourtant, dans les commissariats, les femmes sont régulièrement mal reçues. «Je me suis sentie jugée. On m’a demandé si j’avais bu et comment j’étais habillée au moment du viol. Comme si ça pouvait expliquer quoi que ce soit…» raconte par exemple Anna à Metronews.(…) Dans «présumée victime», on entend donc surtout «présumées menteuses» lorsqu’il s’agit des femmes (…) « Il y a une présomption plus forte de mensonge que de bonne foi des victimes.» » (Lorriaux, 2016)

Quant au nouveau terme d’« accusatrice », il ne traduit pas la situation des femmes victimes de violences conjugales puisqu’une grande partie d’entre elles n’accuse personne, tant elles sont terrifiées à l’idée d’accuser leur(s) agresseur(s) en raison des représailles qui vont s’abattre sur elles. D’autre part, le terme « accusatrice » place la victime dans une posture agressive (elle agresse quelqu’un avec ses accusations) et fait spontanément référence (de façon implicite, inconsciente) à l’idée de « fausses accusations » ou d’ « accuser à tort », voire de « délation ».

« La délation désigne une dénonciation jugée méprisable et honteuse. » (source)

Il y a donc une fois de plus inversion de la culpabilité au profit des agresseurs.

Emmanuel Macron, président de la République Française, a d’ailleurs lui-même utilisé le terme de « délation » (Boudet, 2017) à propos du mouvement créé par les hashtag #balancetonporc et #metoo qui ont permis aux victimes de violences sexuelles de s’exprimer. Ce fut d’autant plus choquant qu’Emmanuel Macron a utilisé le terme « délation » (inversion de la culpabilité), alors qu’il présentait son plan d’action pour éliminer les violences faites aux femmes à l’occasion de la journée du 25 novembre !

L’AFP « oublie » elle aussi les hommes victimes

De même que la tribune publiée dans Le Monde, avec ce nouveau terme « accusatrice », l’AFP a totalement « oublié » les hommes victimes ? En a-t-elle conclu qu’il n’y aurait que des femmes victimes ?

Et si, à sa grande surprise, l’AFP découvrait tout de même des hommes victimes, les appellera-t-elle des « accusateurs» ? Les hommes victimes apprécieront-ils d’être qualifiés ainsi ?

Les femmes se victimiseraient face aux violences sexuelles qu’elles subissent

La tribune publiée dans Le Monde contient deux passages concernant un « statut d’éternelles victimes » ou de « victime perpétuelle » que les femmes vivraient soi-disant face aux violences sexuelles qu’elles subissent. Dans l’un de ces passages, les violences sexuelles envers les femmes sont nommées de façon particulièrement choquante « Les accidents qui peuvent toucher le corps d’une femme ». Voici ces passages :

« (…) c’est là le propre du puritanisme que d’emprunter, au nom d’un prétendu bien général, les arguments de la protection des femmes et de leur émancipation pour mieux les enchaîner à un statut d’éternelles victimes, de pauvres petites choses sous l’emprise de phallocrates démons, comme au bon vieux temps de la sorcellerie. »

« Les accidents qui peuvent toucher le corps d’une femme [sic] n’atteignent pas nécessairement sa dignité et ne doivent pas, si durs soient-ils parfois, nécessairement faire d’elle une victime perpétuelle. » (Une autre parole, 2018)

A la lecture de cette tribune, si la plupart ont spontanément rejeté l’apologie des violences sexuelles envers les femmes qu’elle contient, beaucoup ont été séduit-e-s par le concept anti-victimaire de « victimisation ». Mais comment peut-on à la fois dénoncer l’apologie des violences sexuelles à l’encontre des femmes et simultanément adhérer au fait que les femmes victimes ne devraient pas se sentir victimes ? Dénoncer l’un et adhérer à l’autre est totalement incohérent.

Ces personnes ont sans doute été influencées par la popularité du concept anti-victimaire de « victimisation » qui est présenté faussement (comme tous les concepts anti-victimaires) comme une aide aux femmes victimes, une bienveillance à leur égard.

Le langage flou des violences machistes ouvre à l’anti-victimaire

En ce qui concerne les violences faites aux femmes, on trouve très souvent un langage flou, imprécis, à double sens qui permet d’inverser les situations, donc d’ouvrir avec une grande facilité à de l’anti-victimaire pour assurer l’impunité des agresseurs.

Un exemple : le mot « victimisation » est un mot à double sens qui crée déjà par lui-même une confusion autour de la notion de victime puisqu’il signifie une chose et son contraire, selon la manière dont il est utilisé.

En victimologie, le terme « victimisation » est utilisé pour parler clairement des victimes. La victimologie distingue deux types de victimisation : la « victimisation primaire » (conséquences traumatiques directes de l’acte violent) et la « victimisation secondaire » ou « re-victimisation » (conséquences traumatiques liées à la mauvaise prise en charge des victimes par les autorités, par la maltraitance des soignant-e-s et/ou du système judiciaire, par la non reconnaissance des victimes, etc.).

En revanche, lorsque le mot « victimisation » est utilisé dans sa version anti-victimaire, il nie les victimes :

« La victimisation est le sentiment excessif et exagéré d’être une victime. » (source)

« Victimisation : fait de transformer en victime » (source)

« se victimiser (…) Se présenter comme une victime ; se plaindre. » (source)

Cette façon anti-victimaire d’utiliser le mot « victimisation » est devenue très populaire, avec une large adhésion du public, des médias, des thérapies, etc. depuis que les femmes victimes ont commencé à obtenir des droits. Cette utilisation anti-victimaire du mot « victimisation » est donc un classique phénomène de blacklash (Kuhni, 2014b). Ce concept est aujourd’hui solidement installé dans l’arsenal anti-victimaire des agresseurs pour silencier les femmes victimes et leur enlever leur statut et leurs droits.

Ce sont les agresseurs qui « se victimisent » (victimisation de l’agresseur)

En réalité, ce sont les agresseurs eux-mêmes qui se victimisent en se prétendant victimes de leur(s) victime(s). Nous sommes donc là, une fois de plus, face à un mécanisme d’inversion typique des processus de violence. Et lorsque les agresseurs se disent faussement victimes, ils sont religieusement écoutés, crus et soutenus.

A ce sujet, voir l’excellent thread Twitter (fil à dérouler) : « Sur la position victimaire adoptée par les dominant•e•s pour conserver leur statut de dominant•e et silencier les dominé•e•s qui osent se rebeller. » (FéministesVsCyberH, 2018a).

Dans ce cas précis, il est cohérent de parler de « victimisation de l’agresseur », puisqu’en associant le mot « agresseur » au mot « victimisation », il n’y a aucune ambiguïté sur le fait qu’il s’agit d’une fausse victime.

L’anti-victimaire, c’est uniquement pour les violences machistes

L’anti-victimaire n’existe que pour les violences machistes, soit les violences qui fondent la domination masculine. Pour toutes les autres infractions pénales (vols, cambriolages, accidents de la route, terrorisme, guerre, Shoah, etc.), la société, les médias, la justice, etc. ne pensent pas de cette façon. Les victimes sont tout à fait crues, prises au sérieux, reconnues : vols, cambriolages, accidents de la route, terrorisme, guerre, Shoah, etc.

Autrement dit, on ne parle jamais de « victimisation » au sens anti-victimaire pour les victimes de violences non-machistes. Par exemple, imaginez si Le Monde avait publié une telle tribune qui dirait aux victimes de la Shoah ou du terrorisme qu’elles se victimisent.

« Dénoncer un acte de violence revient à endosser un statut de victime, en effet. En quoi ce statut est-il honteux ? Dirait-on d’une personne qui a subi un vol de portable, un piratage de carte bleue ou un cambriolage qu’elle se place en « éternelle victime » ? Oserait-on l’ironie de la formule « petite chose à protéger » à propos d’une victime d’attentat terroriste ?

Seules les femmes victimes de violences sexuelles devraient se taire, voire dans l’idéal, approuver l’acte qui les blesse. Or le mouvement « me too » l’a montré : les femmes victimes refusent de souffrir en silence. Celles qui le peuvent, et le souhaitent, ont décidé de protester et d’arrêter de subir.

C’est cela, se dire « victime ». C’est refuser la violence en rappelant un interdit. C’est choisir les bons termes. » (Arrighi, 2018)

Pourtant, les violences sexuelles sont l’équivalent d’actes de torture et de barbarie (viols de guerre, etc.) que l’on retrouve en temps de guerre. Donc ces violences sont d’une extrême gravité. Mais nos sociétés patriarcales ont réussi l’exploit incroyable de les amalgamer avec la sexualité, comme si torturer une femme (la violer, la contraindre à des actes d’ordre sexuel, etc.), c’était de la sexualité !

Parallèle entre guerre et viol, par la dessinatrice Nephyla
qui a notamment réalisé la BD érotique « La Déesse »

(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Source : Nephyla, 2018

Les femmes victimes seraient pathologiquement convaincues d’être des victimes

Tout l’arsenal anti-victimaire développé par nos sociétés patriarcales est d’une perversion redoutable, puisqu’il est quasiment toujours présenté comme visant le bien-être des femmes victimes, l’aide aux victimes, avec l’apparence d’être en empathie avec elles, au service de leur bien-être et de leur reconstruction. En réalité, ces concepts servent au contraire à silencier les femmes victimes et à venir au secours des agresseurs, afin de leur permettre de poursuivre leurs agressions en toute impunité.

Une victime ne « se victimise » pas, elle est une victime. Dire aux victimes de ne pas « se sentir victimes » ou « se victimiser » passe insidieusement le message que les femmes agressées ne seraient pas réellement des victimes, mais qu’elles seraient obsédées par l’idée d’être victime. En d’autres termes, elles seraient pathologiquement convaincues d’être des victimes.

Ainsi, pour soi-disant leur venir en aide, on va dire aux femmes victimes : « Ne te sens pas une victime, tu verras, tu te sentiras beaucoup mieux, tout ira beaucoup mieux ! » Le résultat est très efficace : la femme victime est silenciée par son soi-disant bienfaiteur, son sauveur (souvent son agresseur, en réalité).

Ce procédé anti-victimaire est malheureusement très utilisé dans les thérapies faites par des thérapeutes non formé-e-s en psychotraumatologie qui, sans s’en rendre compte, propagent le discours anti-victimaire typique des sociétés patriarcales. Certain-e-s de ces thérapeutes risqueront de dire aux femmes victimes, qu’il ne faut pas « se sentir victime » ou « se victimiser » : « C’est inutile et malsain de te maintenir en position de victime, n’y pense plus, passe à autre chose, etc. » Cette manière d’aborder les traumas est particulièrement problématique pour les femmes victimes puisqu’elle crée une dissociation et donc une impossibilité de travailler la mémoire traumatique.

La répétition est une « demande non entendue »

Or, lorsqu’une victime a besoin de se répéter et de répéter qu’elle est une victime, c’est simplement qu’elle n’a pas été entendue. Autrement dit, la répétition ne signifie pas qu’elle a un statut d’éternelle victime ou de victime perpétuelle. C’est juste qu’elle n’a pas été entendue.

Étymologiquement, répéter signifie « redemander » (re-petere). Il vient du latin repeto, composé lui-même du préfixe itératif re- et du verbe petere. (Thesaurus Altervista)

Donc répéter, c’est re-demander parce qu’on a pas été entendu-e. Par conséquent, au lieu de forcer les victimes à se taire, à ne plus se dire victime, il faut au contraire les écouter jusqu’à ce qu’elles aient été suffisamment entendues, ce qui est loin d’être le cas dans nos sociétés patriarcales qui nient les violences machistes.

« Se reconnaître victime » est le début du processus de guérison

Se reconnaître comme victime est le premier pas vers la guérison. Par conséquent, la non reconnaissance de la victime entrave sa prise en charge thérapeutique en créant une pathologie de la dissociation qui empêche toute thérapie des traumas.

« « Catherine Millet fait un éloge de la dissociation », analyse encore Muriel Salmona. »  (Lorenzo, 2018)

En effet, ne pas se reconnaître comme victime empêche tout travail thérapeutique et dénote d’un état de dissociation chronicisé qui empêche d’accéder à la mémoire traumatique encapsulée dans l’amygdale cérébrale. Cette mémoire traumatique non consciente va potentiellement engendrer toutes sortes de pathologies psychiques et physiques, et ceci peut-être toute la vie durant, si aucun travail psychothérapeutique n’est fait sur le trauma. La personne dissociée risque donc d’être confrontée à des pathologies physiques et psychiques pour lesquelles elle ne fera aucun lien avec le trauma, alors que ces pathologies sont créées directement par le trauma (Salmona, 2015).

Pour compléter ce sujet, voici quelques articles très détaillés, avec de nombreuses sources, sur les thèmes suivants : inscription dans l’ADN et le cerveau des violences subies dans l’enfance (Kuhni, 2017b), amnésie traumatique (Kuhni, 2017c), sidération traumatique (Kuhni, 2017d) et une interview de Muriel Salmona par Marine Perin (Kuhni, 2017e).

« Ne pas se reconnaître victime » est le meilleur moyen de devenir agresseur ou pro-agresseure

Le fait de ne pas être capable de se reconnaître victime et donc de rester dissocié-e, risque fortement de produire un agresseur (pour les hommes) ou une pro-agresseure (pour les femmes).

Ce refus d’être une victime va potentiellement se transformer en haine des victimes et de toute personne fragilisée, ainsi qu’en alliance avec les agresseurs et en volonté forcenée de domination, de contrôle d’autrui, afin de ne plus jamais être victime soi-même. Autrement dit, ne pas être capable de se reconnaître victime est le meilleur moyen de devenir agresseur soi-même et/ou d’apporter un soutien indéfectible aux agresseurs.

Les femmes sont dans leur immense majorité dissociées en raison des violences machistes systémiques et millénaires qu’elles subissent. Cette dissociation plus le Syndrome de Stockholm sociétal qui résulte des violences systémiques à leur égard va amener les femmes à défendre les agresseurs, sans s’apercevoir qu’elles sont en réalité en train de porter atteinte à elles-mêmes en participant à la perpétuation de ces violences envers les femmes. C’est le thème de l’excellent l’ouvrage co-écrit par Dee L.R. Graham et intitulé « Loving to Survive : Sexual Terror, Men’s Violence, and Women’s Lives » (Kuhni, 2014a)

Le victim-blaming (inversion de la culpabilité)

Si l’on voulait véritablement mettre fin à ces violences machistes, au lieu de s’en prendre aux victimes, il faudrait plutôt s’en prendre aux agresseurs et leur dire « reconnaissez que vous êtes un agresseur ». Mais les agresseurs ne reconnaissent rien, car la société a tant occulté et normalisé leurs violences, notamment en inversant la culpabilité, qu’ils peuvent sans problème passer pour des victimes.

Avec cette inversion de la culpabilité, lorsque la victime ose parler, elle est traitée de folle, hystérique, écervelée, manipulatrice, coincée, castratrice, cherchant le conflit, etc. Elle l’aurait « cherché », ce serait elle la coupable, etc. Cette inversion de la culpabilité porte un nom, c’est le « victim-blaming ».

Victim-blaming

« #VictimBlaming Puisque la culpabilisation des femmes victimes de violences
semble revenir à la mode cette saison, on repose ça là.
 »
(FéministesVsCyberH, 2018b)

Le victim-blaming est un fantastique outil anti-victimaire à l’encontre des femmes. En inversant la culpabilité, le victim-blaming permet aux agresseurs de passer pour des sauveurs, des bienfaiteurs, des êtres équilibrés, sages, stables, mesurés, travaillant au bien-être et à l’équilibre de toute la famille, dévoués, sincères, se pliant en quatre pour satisfaire des mégères castratrices (les femmes victimes) dont ils seraient les victimes (victimisation de l’agresseur). Le victim-blaming dégage les agresseurs de toute culpabilité. Ils n’ont donc aucun remords à être violents envers les femmes puisque c’est la société qui les autorise à le faire en les victimisant. Ils trouvent cela tout à fait normal. C’est leur droit. Ils en sont victimes. Même lorsqu’ils tuent leur compagne et/ou leurs enfants, les hommes sont considérés comme de pauvres victimes de méchantes femmes qui veulent les quitter (cause la plus fréquente des féminicides conjugaux et infanticides paternels). Par conséquent, en inversant la culpabilité, la société encourage ces meurtres en validant pour les hommes leur sentiment de propriété, de droit de vie et de mort sur femmes et enfants.

Dans un tel système, la parole des victimes crée immédiatement des représailles, au niveau individuel (couple, famille, etc.) et/ou au niveau sociétal, ces représailles sociétales étant nommées blacklash (Kuhni, 2014).

La stratégie de l’agresseur

La tribune parue dans Le Monde ne fait que propager la stratégie de l’agresseur qui se trouve être le socle de la domination masculine fondée sur les violences envers les femmes.

La militante féministe Caroline De Haas a écrit un excellent article (De Haas, 2018a) dans lequel elle décrit très clairement la stratégie de l’agresseur constituée de 5 phases : isoler, dévaloriser, inverser la culpabilité, menacer, assurer son impunité. Cet article est la reprise d’un thread (fil à dérouler) qu’elle avait rédigé sur Twitter (De Haas, 2018b) :

« Ce tweet décrit la stratégie de l’agresseur, mécanisme observé dans la quasi-totalité des histoires de violences.

Oui, les histoires de violences contre les femmes sont toutes différentes. Mais, dans presque toutes, on retrouve des points communs. Ces points communs, ce sont ceux du comportement de l’agresseur.

Après la phase de séduction, où tout semble parfait, se met en place un mécanisme dans lequel on peut identifier 5 étapes (l’ordre n’est pas toujours le même d’une histoire à l’autre).

D’abord, l’isolement. La victime va peu à peu couper des liens (ami.e.s, famille…). « Franchement, on va trop souvent chez tes parents » ou « tu vois plus tes copines que moi, tu m’aimes moins ? ». La victime peu à peu se retrouve seule. Et donc moins capable de se défendre.

Ensuite, la dévalorisation. Des mots, des phrases qui rabaissent la personne. « Si on m’avait dit que je finirai avec une (métier de la femme) », « t’es même pas foutue de faire ça ». Une de vos copines se dévalorise systématiquement ? Demandez vous pourquoi.

Après, l’inversion de la culpabilité. L’agresseur va toujours trouver une « raison » qui explique sa violence verbale ou physique.

« Je sais, j’ai crié trop fort. Mais, t’as vu ce que tu as dit / fait / … ». C’est toujours la responsabilité de l’autre.

N’oubliez jamais : Une femme n’est jamais responsable des violences qu’elle subit. Jamais.

Ensuite, après l’isolement, la dévalorisation et l’inversion de la culpabilité, vient la peur. La menace. Le mec devient ce « démon » dont parle l’internaute plus haut. Il crie, tape, menace de briser la femme. La peur est un des signaux les plus importants pour détecter les violences. Avoir peur de la personne avec qui on vit n’est pas normal. Aussi parce qu’une femme victime a quasi systématiquement tendance à banaliser les violences, a les excuser ou à les amoindrir. Donc si une femme vous dit « j’ai peur » en parlant de son conjoint, c’est qu’elle est sans doute terrorisée.

Dernier élément de cette « stratégie de l’agresseur » qu’on observe dans la plupart des histoires : assurer son impunité. L’agresseur va tout faire pour que la parole de la victime ne soit pas entendue, quitte à la faire passer pour folle. « Ce n’est pas l’homme que nous connaissions », « c’était un si gentil voisin »

Illustration : [capture d’une photo Twitter de Denis Baupin où il porte du rouge à lèvre – texte du tweet «  #mettezdu rouge contre les violences faites aux femmes. Les députés s’engagent #8mars #mettezdurouge.com/…. »]

Donc, si on récapitule : isoler, dévaloriser, inverser la culpabilité, menacer, assurer son impunité.

C’est la stratégie de l’agresseur. #balancetonporc » (De Haas, 2018a)

La violence machiste systémique envers les femmes

La violence machiste est un système de domination que l’on retrouve à tous les niveaux de la société et dont le rôle est d’assurer la domination masculine dans les sociétés patriarcales. Cette violence systémique est bien sûr occultée, sinon elle enfreindrait en permanence et de façon visible nos lois. Pour asseoir leur position de dominants, les hommes sont autorisés et encouragés par la société à être violents envers les femmes. Par ce moyen, les hommes sont placés en position de dominants et les femmes, en position de dominées.

Les violences sexuelles dont la tribune publiée dans Le Monde fait l’apologie sont parties intégrantes de ces violences systémiques pour soumettre les femmes à la domination masculine.

En raison de cette violence systémique largement encouragée par nos sociétés patriarcales, la violence des hommes est sans commune mesure avec celle des femmes. La violence machiste comprend de graves violences physiques et sexuelles (viol, enlèvement, séquestration, torture, meurtre, etc.), donc des violences qui conduisent souvent à la mort des femmes victimes (féminicides), notamment au moment où elles cherchent à fuir, à se séparer de l’homme violent. Alors que les rares femmes qui tuent un homme le font la plupart du temps pour se défendre dans des situations de grave violence masculine où leur propre vie et/ou celles de leurs enfants sont en danger (dans ce cas, assimilable à de la légitime défense).

Par conséquent, il ne peut y avoir de symétrie entre la violence masculine et la violence féminine en raison d’un contexte sociétal de domination masculine qui encourage et ne sanctionne que rarement les violences systémiques envers les femmes. Les femmes vivent dès leur plus jeune âge des violences machistes massives : mutilations sexuelles (clitoridectomie, excision, infibulation, etc.), mariages forcés, exploitation sexuelle, violences sexuelles, conjugales, reproductives (dont avortements clandestins), sans compter les violences économiques et les inégalités (droits, salaires, perspectives, etc.) qui empêchent les femmes et les filles de sortir de la domination des hommes (Kuhni, 2016). En raison de ces graves violences machistes systémiques, à l’extérieur et à l’intérieur de leur foyer, les filles et les femmes ne sont jamais en sécurité et peuvent à tout instant être agressées, violées, enlevées, séquestrées, torturées, tuées, etc. par des hommes.

D’autre part, très souvent, lorsqu’elles sont violées ou agressées sexuellement par un homme, les filles et les femmes ont peur d’être tuées. Elles sont donc confrontées doublement à l’effroi, par les violences sexuelles et par la peur de mourir, soit une confrontation aux traumas les plus violents, tout à fait comparables à ceux des victimes du terrorisme.

L’actrice Natalie Portman a d’ailleurs utilisé le terme de « terrorisme » lors de son discours à la Women’s March du 2 janvier 2018 puisqu’elle a qualifié les violences sexuelles de « terrorisme sexuel ». (lien et transcription du discours en début de cet article).

Dans toutes les formes de terrorisme (islamiste, suprémaciste blanc, antisémite, etc.), les victimes sont plongées dans un climat de terreur et d’effroi, parce qu’elles savent qu’à tout instant elles risquent d’être tuées, enlevées, séquestrées, violées, torturées, etc. C’est exactement ce qui se passe pour les femmes dans nos sociétés patriarcales : elles savent qu’à tout instant elles peuvent être victimes de la violence masculine (conjugale, familiale, sexuelle, etc.), qu’un homme violent peut à tout moment les tuer, les enlever, les séquestrer, les violer, les torturer, etc. Les femmes vivent donc dans un régime de terreur ou « règne de la terreur » comme le disait la célèbre féministe américaine Andrea Dworkin dans son texte « Terreur, torture et résistance » (Tradfem, 2014), car la violence des hommes peut en permanence s’abattre sur elles.

« Nous vivons sous un règne de terreur. Et ce que je vous dis aujourd’hui, c’est que je veux que nous cessions de trouver ça normal. Et la seule façon de cesser de trouver ça normal est de refuser d’être amnésiques chaque jour de nos vies. De nous rappeler ce que nous savons du monde dans lequel nous vivons. Et de nous lever chaque matin, décidées à faire quelque chose à ce sujet. » (Tradfem, 2014)

Le terrorisme, c’est vouloir soumettre autrui à une idéologie en utilisant la terreur. Or, la violence machiste systémique consiste précisément à soumettre les femmes par la terreur à la domination masculine. C’est pourquoi la violence machiste systémique devrait être assimilée à du terrorisme – donc du terrorisme machiste – au même titre que le terrorisme islamique, le terrorisme suprémaciste blanc, le terrorisme antisémite, etc. D’autant que le terrorisme machiste fait beaucoup plus de victimes que les autres formes de terrorisme et ceci depuis des millénaires.

Malheureusement, cette forme de terrorisme est totalement ignorée par nos sociétés patriarcales puisque c’est par elle que la domination masculine se perpétue.

Le cycle de la violence machiste (individuel et sociétal)

Pour résumer, il ne peut y avoir de symétrie entre la violence des hommes et celle des femmes, sachant que la violence machiste est une violence systémique liée à un contexte social de domination masculine (Conseil de l’Europe, 2011, pp- 5-6, préambule de la Convention d’Istanbul).

En raison de cela, la violence des hommes est sans commune mesure avec celle des femmes, car la société patriarcale encourage la violence des hommes, l’occulte et lui permet ainsi d’arriver à des niveaux de gravité allant souvent jusqu’à la mort des femmes victimes.

Il est donc important de créer un cycle de la violence spécifique à la violence machiste. Ce processus est strictement le même au niveau sociétal et individuel, avec des phases du cycle strictement identiques. Pour en comprendre l’articulation à chaque niveau, deux schémas sont disponibles ci-dessous : l’un pour la violence machiste sociétale (cycle no 1), l’autre pour la violence machiste individuelle (cycle no 2). Cet ordre sert à faire ressortir que c’est bien la violence machiste systémique sociétale qui permet à celle d’une extrême gravité au niveau individuel d’exister. Dans les deux cas (sociétale ou individuelle), la violence s’aggrave chaque fois que la phase 4 réussit à passer et qu’un nouveau cycle peut alors commencer. Donc la violence s’aggrave à chaque tour de cycle.

La violence machiste est un système d’emprise très élaboré qui se déroule à la fois sur le plan individuel et sociétal. Pour les femmes, ce continuum des violences machistes est un rappel à l’ordre permanent de la domination masculine, afin qu’elles restent sagement à leur place. Toutefois, si les femmes étaient unies, solidaires, elles n’accepteraient jamais d’être dominées par les hommes. Donc pour imposer la domination masculine, la société patriarcale doit à tout prix diviser les femmes. C’est précisément l’un des rôles de la violence machiste systémique puisque ce système d’emprise machiste généralisé (emprise sociétale et millénaire) installe de façon transgénérationnelle un climat de terreur pour les femmes, avec pour conséquence de produire un Syndrome de Stockholm sociétal. Ce syndrome va diviser, désolidariser les femmes entre elles parce qu’elles vont coûte que coûte soutenir les hommes malgré les violences dont elles sont victimes ou plutôt, à cause de ces violences. Pour plus d’informations sur ce thème du Syndrome de Stockholm sociétal, se reporter à l’excellent ouvrage coécrit par Graham Dee : « Loving to Survive: Sexual Terror, Men’s Violence, and Women’s Lives » (Kuhni, 2014a).

 

Pour visualiser correctement ces deux cycles, cliquer sur les images 1 et 2. Ou cliquer sur les liens PDF 1 et 2 pour avoir une meilleure version (en A4) de chaque cycle :

PDF 1 : Cycle de la violence machiste – sociétal

PDF 2 : Cycle de la violence machiste – individuel

Voici quelques compléments concernant les phases du cycle de la violence machiste.

Phase 0 (séduction)

L’entrée dans le cycle de la violence machiste s’effectue avec la phase 0, celle de la séduction.

Au niveau individuel, dans cette phase, l’agresseur va tenter par tous les moyens de faire entrer la victime dans son cycle de la violence machiste. La phase 0 peut sembler équivalente à la phase 4. Toutefois, son but n’est pas le même : il n’est pas d’empêcher la victime de s’échapper, mais bien de la faire entrer dans le traquenard, dans le piège. En ce sens, la phase 0 est la plus dangereuse.

Cette phase dure de quelques secondes à plusieurs mois. Elle peut par exemple se prolonger jusqu’à ce que la femme tombe enceinte de l’agresseur, sachant que 40 % des violences conjugales commencent à ce moment-là.

Au niveau sociétal, la phase 0 peut sembler inutile, puisque les filles naissent dans la société patriarcale où le cycle de la violence machiste est déjà solidement installé pour assurer la domination masculine. Les filles n’ont donc aucune possibilité de s’en échapper puisque le monde entier est patriarcal.

Toutefois, même si elles sont déjà plongées dans le cycle de la violence machiste depuis la naissance, on peut considérer l’enfance des filles comme faisant partie de cette phase 0, car dès leur entrée dans la vie, leur venue au monde, la société patriarcale entreprend un conditionnement intensif pour séduire les petites filles dès leur plus jeune âge et les faire entrer avec enthousiasme dans le cycle de la violence machiste.

Parmi les outils de séduction de la phase 0 sur le plan sociétal, on trouve les contes de fées, avec des princesses, des princes charmants et des histoires d’amour idéalisées. On trouve également les stéréotypes qui donnent faussement l’impression d’être en admiration devant les petites filles (petites filles hypergenrées, hypersexualisées, etc.), les croyances que les petites filles sont égales aux garçons et même que c’est elles qui ont le pouvoir, que le monde sera à leurs pieds quand elles seront grandes, qu’elles seront des stars avec des paillettes, qu’elles seront respectées, admirées, choyées, etc. Les filles sont aussi conditionnées depuis toutes petites pour être en admiration devant des hommes vieux, laids et méchants (par les dessins animés, films, etc.), avec la croyance absolue que même lorsqu’un garçon ou un homme est méchant, en réalité, tout au fond de lui, « il a un bon fond ». Cette croyance installée, les filles et les femmes excuseront les garçons et les hommes violents en s’imaginant que malgré les violences, au fond, ils les aiment.

Avec cette phase 0 sociétale, les filles sont préparées, formatées à être des proies idéales pour les agresseurs sexuels et hommes violents. Elles vont croire ce que leur diront ces prédateurs (dans la phase 0 individuelle) parce que leur discours ressemblera aux contes de fées et à tous les stéréotypes qu’elles ont ingérés dès leur plus jeune âge. Par conséquent, cette phase de séduction sociétale rend les filles très vulnérables et ne les prépare pas à la réalité de ce que vivent les filles et les femmes dans nos sociétés patriarcales.

Phase 1 (tension-peur-terreur)

La phase 1 sert à maintenir les femmes dans un stress très élevé en leur rappelant sans cesse la domination masculine.

Les ordres contradictoires sont un élément important de cette phase 1. L’ordre contradictoire (ou double contrainte) est un ordre doublé d’un contre-ordre inverse, avec représailles dans tous les cas. La victime d’un ordre contradictoire subit des représailles quoi qu’elle fasse, ce qui a pour effet de la terroriser, de la sidérer, de la lier (ne peut plus bouger) en lui enlevant toute capacité à décider ou agir puisqu’elle sait qu’il y aura des représailles dans tous les cas, et souvent de graves représailles. La victime devient ainsi totalement soumise au système agresseur avec lequel elle n’a d’autre choix que l’obéissance absolue.

Au niveau individuel, un exemple d’ordre contradictoire : l’homme dit sans cesse à la femme « Tu es moche, grosse, coincée, pas sexy, comment peut-on s’intéresser à toi, comment se fait-il que tu te laisses aller à ce point, que tu ne fasses pas plus d’efforts, etc. ». Et lorsque la femme obéit à cet ordre de faire plus d’efforts pour être belle, mincir et être sexy, l’homme violent va lui dire « Tu ressembles à une traînée ! Pour qui fais-tu cela, tu veux me tromper, j’en suis sûr, etc. ». Donc cette femme apprend que quoi qu’elle fasse (qu’elle obéisse ou désobéisse à l’ordre ou à son contre-ordre qui sont contradictoires), il y aura des représailles et dans un tel cas, il y a souvent de la violence physique et sexuelle, en plus de la violence psychologique.

Au niveau sociétal, un exemple typique d’ordre contradictoire : la société ordonne aux femmes d’être hyper-sexualisées (sinon on leur dit qu’elles sont moches, pas féminines, coincées, etc.). Et elle leur ordonne simultanément de ne pas l’être (sinon on leur dit que c’est de leur faute si elles sont violentées sexuellement). Donc dans les 2 cas, qu’elles obéissent ou désobéissent à l’ordre ou à son contre-ordre qui sont contradictoires, il y a des représailles. Et dans ce cas précis, ces représailles peuvent être d’une grande violence, notamment pour les affaires de viols (violences médiatiques, judiciaires, etc.).

Le traitement médiatique des affaires de violences machistes produit souvent chez les femmes victimes un stress très élevé, avec parfois un réveil brutal de la mémoire traumatique (effet « trigger »). En effet, ces affaires terrifiantes sur lesquelles les médias pratiquent souvent un victim-blaming intensif peuvent à nouveau fortement traumatiser les femmes victimes (re-victimisation), tant par les agressions rapportées que par la violence de l’inversion de la culpabilité. Ce cocktail explosif reconfronte les femmes à l’effroi et à la confusion la plus extrême. Pour cette raison, toutes les affaires de violences machistes rapportées par les médias devraient être précédées de la mention « Trigger Warning » ou « TW » (avertissement destiné aux contenus choquants), afin de protéger les femmes victimes. Trigger signifie « détente » ou « gâchette ». « On appelle ces déclencheurs « triggers », d’où le « trigger warning », qui est censé prévenir le lectorat de la présence de potentiels déclencheurs. » (Genre !, 2015).

Un exemple : avec le traitement problématique de BFM-TV du meurtre l’Alexia Daval par son mari, beaucoup de femmes victimes ont pu être doublement traumatisées, à la fois par l’horreur de ce meurtre et par le victim-blaming effroyable pratiqué par cette chaîne. Donc sachant que BFMTV est adepte du victim-blaming intensif, chaque fois qu’ils traitent de violences masculines envers les femmes, il faudrait leur suggérer d’afficher un TW.

Phase 2 (représailles)

La phase 2 sert à punir et terroriser les femmes qui ne se soumettraient pas suffisamment à la domination masculine.

Au niveau individuel, cette phase commence toujours par des représailles psychologiques (violences psychologiques), avant d’enchaîner sur des représailles physiques et sexuelles (violences physiques et sexuelles) souvent d’une extrême violence, l’agresseur pouvant aller jusqu’à tuer femme et enfants (par exemple, s’il y a séparation ou simplement risque de séparation) parce qu’il les considère comme ses propriétés sur lesquelles il a le droit de vie et de mort.

Ce droit de vie et de mort sur femme et enfants est donné par la société patriarcale qui a réussi l’exploit de dédouaner les hommes auteurs de féminicides conjugaux et d’infanticides en les présentant comme des victimes (dans la phase 3 du cycle de la violence machiste).

Au niveau sociétal, c’est dans cette phase que s’exerce le « backlash de type représailles », par exemple lorsque l’on retire le droit à l’avortement au moment où les droits de femmes bénéficiaient d’une toute petite avancée.

Phase 3 (inversion)

Très efficace, la phase 3 sert à assurer l’impunité des agresseurs.

Au niveau individuel, l’agresseur procède à l’inversion la culpabilité (victim-blaming) en prétendant que sa victime serait responsable des violences qu’il lui a fait subir (« elle l’a cherché »), qu’elle serait folle, hystérique, agressive, etc. En utilisant cette inversion, l’agresseur va même souvent aller jusqu’à tenter de faire croire que c’est lui qui subissait de la violence de la part de la femme qu’il a violentée voire tuée.

Au niveau sociétal, ce procédé séduit tant l’ensemble de la société patriarcale (notamment les médias) que les agresseurs arrivent avec une facilité déconcertante à faire croire qu’ils sont violentés par la femme victime, bien sûr sans aucune preuve (puisque c’est faux), même lorsqu’ils ont assassiné leur femme.

Au niveau sociétal, c’est dans cette phase que s’exerce le « backlash de type inversion », avec resilenciement des femmes victimes alors qu’elles venaient à peine d’oser parler avec une large audience des violences sexuelles qu’elles subissent de façon systémique de la part des hommes.

Tous les concepts anti-victimaires figurent dans cette phase 3 sociétale pour inverser la culpabilité et assurer l’impunité des agresseurs en s’en prenant aux femmes victimes.

Projection et paralogique

La phase 3 du cycle de la violence machiste est sous-tendue par un redoutable système projectif et paralogique qui permet l’inversion de la culpabilité. Ce procédé d’inversion de la culpabilité comporte des similitudes avec le mécanisme de « projection » et le discours « paralogique » de la paranoïa (CIM-10, 2000, pp. 87-89).

Le mécanisme de projection de la paranoïa consiste à projeter sur autrui les parties négatives de soi. Cette inversion permet aux paranoïaques de se débarrasser de sentiments intolérables et de se placer en victime persécutée par autrui. La projection paranoïaque est justifiée au moyen d’un discours paralogique (un discours qui semble logique alors qu’il ne l’est pas). Sauf que la paranoïa est une psychose (délire) : les paranoïaques croient réellement à leur projection et à leur discours paralogique. Ils se croient réellement attaqués par des personnes inoffensives qui ne les connaissent parfois même pas et ils croient réellement à leur narrative paralogique qui donne un semblant de véracité à leur projection. Ces deux procédés inconscients leur servent simplement à occulter des parties intolérables d’eux-mêmes auxquelles ils ne peuvent accéder consciemment.

Pour les violences machistes, nous sommes dans un tout autre processus. Les hommes violents ne sont pas dans un délire  (ils ne sont pas « fous »): ils sont conditionnés par la société patriarcale pour dominer les femmes. Depuis leur plus jeune âge, les hommes apprennent à puiser dans la panoplie des outils machistes que la société patriarcale met à leur disposition pour inverser la culpabilité en la projetant sur les femmes victimes (projection) au moyen d’une logique biaisée (discours paralogique). Donc les agresseurs sont conscients de ce qu’ils font (ils ne sont pas dans un délire). Mais grâce à cette autorisation sociétale, ils ne ressentent aucune culpabilité et peuvent ainsi aisément se faire passer pour la victime de la femme victime qu’ils violentent pour assurer leur impunité.

Phase 4 (referrage-réhameçonnage)

Le climat de la phase 4 rappelle celui de la phase 0 dans le but de re-séduire les femmes victimes qui voudraient partir ou se révolter.

Au niveau individuel, si l’agresseur arrive à passer la phase 4 sans que la victime n’envisage de partir, il aggrave sa violence au tour suivant du cycle. Ensuite, plus la femme victime sera dépendante de son agresseur, plus cette phase va se raccourcir et finir par disparaître lorsque la femme victime ne peut plus s’échapper (par exemple, lorsqu’il y a des enfants). Dès cet instant, la victime est totalement piégée et la violence s’aggrave de façon magistrale.

En revanche, lorsque la phase 4 ne passe pas et qu’il y a risque que la femme victime s’échappe (séparation, fuite, révolte, etc.), des représailles d’une extrême violence s’abattent sur elle et ses enfants, s’il y en a. Ces violences peuvent aller jusqu’au meurtre ou à l’assassinat (meurtre avec préméditation) de la femme (féminicide) et des enfants (infanticide). C’est la principale raison pour laquelle la victime va accepter de poursuivre le cycle de violence machiste et ne pas aller vers la séparation qu’elle sait très dangereuse voire mortelle pour elle, ainsi que pour ses enfants (Kuhni, 2014b).

Au niveau sociétal, de même que pour la phase 0, la phase 4 pourrait sembler inutile, puisque les femmes ne peuvent s’échapper du cycle de violence machiste mis en place par la société patriarcale du fait que le monde entier est patriarcal. Les femmes sont piégées dans la violence de la société patriarcale de la même façon que les victimes d’enlèvement et de séquestration. Le Syndrome de Stockholm sociétal en est une conséquence. Néanmoins, même si elles n’ont aucune possibilité de fuite, les femmes peuvent se révolter. C’est pourquoi, la phase 4 est également présente au niveau sociétal.

Pour éviter que les femmes se révoltent et faire en sorte qu’elles continuent sagement d’accepter la domination masculine, la société patriarcale va leur donner quelques petites gratifications et fausses promesses. Et si le patriarcat arrive à passer la phase 4 sans que les femmes envisagent des actions collectives, des grèves, etc., le patriarcat va aggraver sa violence envers les femmes au tour suivant du cycle. Lorsque les femmes sont totalement soumises à la domination masculine, sans aucune possibilité de révolte (dans les systèmes dictatoriaux, par exemple), cette phase disparaît, car elle n’est plus utile.

Les gratifications de la phase 4 ne sont bien sûr qu’un leurre pour empêcher que les femmes se révoltent. Derrière ces beaux discours, en réalité, la situation régresse souvent pour les femmes, avec une panoplie d’excuses et de justifications que les femmes sont censées croire. Voici un excellent article de la canadienne Donna F. Johnson à propos de ce procédé qui consiste à faire de fausses promesses aux femmes violentées pour éviter qu’elles se révoltent.

« Notre société trahit les femmes violentées – Les femmes sont laissées à elles-mêmes pour composer du mieux qu’elles peuvent avec la violence masculine. Elles subissent le paternalisme de solutions bancales qu’on leur propose alors qu’elles se retrouvent en zone de guerre (…) Trois décennies se sont écoulées depuis que j’ai entamé mon travail. Je ne crois plus que notre société ait la moindre intention de stopper cette violence. (…) Les femmes sont laissées à elles-mêmes pour composer du mieux qu’elles peuvent avec la violence masculine. La grande philosophe féministe Simone de Beauvoir a écrit : « Tout n’est pas bon à prendre dans la mesure où justement, quelquefois les choses qu’on ‘donne’ aux femmes sont simplement un os à ronger : une mystification, une manière de les démobiliser en leur faisant croire qu’on fait quelque chose pour elles alors qu’en vérité on ne fait RIEN. C’est une manière non seulement de récupérer la révolte des femmes, mais c’est même une manière de la contrer, de la supprimer, de feindre qu’elle n’a plus de raison d’être. » » (Abolissimo, 2017)

D’ailleurs, pourquoi n’arrive-t-on pas par exemple à supprimer les inégalités femmes-hommes ? Tout simplement parce que les hommes ne le veulent pas : ils veulent poursuivre leur domination masculine. Et les violences économiques envers les femmes sont un facteur essentiel à cette domination parce qu’elles empêchent les femmes d’être autonomes, de se défendre en justice contre les violences machistes (pas d’argent pour payer les avocats et les frais de justice), etc.

En revanche, lorsque les hommes réclament des droits ou des avantages supplémentaires,  ils les obtiennent à la vitesse de l’éclair. Par exemple, l’ISF (Impôt sur la Fortune). Ce dernier a été supprimé par Emmanuel Macron très rapidement (le 20 octobre 2017, soit 5 mois après son début de mandat présidentiel du 14 mai 2017), alors que cette suppression va coûter 3,2 milliards d’euros à l’État.

Par contre, l’égalité salariale pour les femmes serait soi-disant impossible à réaliser avant des décennies et ne pourra être atteinte qu’en … 2186 (soit dans 170 ans) selon une étude du Forum Économique Mondial !

Conclusion

L’un des objectifs du cycle de violence machiste est de briser toute solidarité entre les femmes, afin de les diviser, de les isoler et pouvoir ainsi établir la domination masculine. Autrement dit, les femmes sont divisées à cause des violences machistes qui les placent sous emprise des hommes (Syndrome de Stockholm sociétal). En raison des violences machistes subies par elles depuis des millénaires, pour les femmes, tout tourne autour de l’intérêt pour les hommes, de les soigner, de les défendre, d’être aimées par un homme, etc. Pour plus de détails, se référer à l’excellent ouvrage co-écrit par Graham Dee « Loving to Survive: Sexual Terror, Men’s Violence, and Women’s Lives » (Kuhni, 2014a).

Pour stopper ce cycle sans fin, il faudrait que nous soyons solidaires entre femmes afin de casser cette division créée par le Syndrome de Stockholm sociétal : en prendre conscience nous permet de nous en abstraire. Les femmes ne peuvent compter que sur elles-mêmes, car les hommes trouvent trop de bénéfices à leur domination, donc rares sont ceux qui les aideront à y mettre fin.

Individuellement, nous ne pouvons rien, nous sommes trop vulnérables face à la violence machiste sociétale. En nous unissant, en parlant collectivement, comme ce fut le cas pour l’affaire Weinstein, #metoo et #balancetonporc, nous avons une chance de nous faire entendre sans subir de représailles individuelles, puisque nous serons trop nombreuses à le faire.

Pour nous extraire de l’emprise machiste sociétale, il est essentiel de savoir en démonter les mécanismes en devenant des expertes du cycle de la violence machiste, afin de pouvoir prendre chaque événement et le restituer dans le cycle, expliquer où l’action se situe dans le cycle de la violence machiste, de quel type d’action il s’agit (séduction, tension-peur-terreur, représailles, inversion, referrage-réhameçonnage), etc. Un aspect important de cette prise de conscience est le repérage de la logique faussée (paralogique) du cycle de la violence machiste afin de mettre à jour les artifices utilisés pour occulter les violences machistes. Une fois que les femmes connaissent bien ces processus, elles détectent instantanément la violence et celle-ci ne fonctionne plus. Autrement dit, pour les femmes, la parfaite connaissance du cycle de violence machiste désamorce l’emprise.

Pour désamorcer la redoutable inversion de la culpabilité,
la première chose à ne jamais oublier est :
« Une femme n’est jamais responsable des violences qu’elle subit. Jamais. »

(Le Groupe F, 2018)

Pour terminer, je dirais qu’il ne faut pas oublier que les femmes sont piégées dans cette violence systémique. Le parcours judiciaire lui-même piège les femmes en les maltraitant et en inversant souvent la culpabilité au profit des agresseurs. Donc que l’on cesse de dire aux femmes victimes qu’elles doivent absolument déposer plainte et parler. D’autant que les femmes victimes sont déjà fragilisées. La procédure actuelle ne fait que les anéantir encore plus. Il faut un changement de société pour que les femmes puissent parler en toute sécurité, sans représailles. Donc au lieu de s’en prendre aux femmes victimes, que l’on s’en prenne aux véritables coupables : les agresseurs et la violence machiste systémique.

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